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matif, que cette compenfation n'avoit pas cu fieu, & que, par conféquent, la dot n'avoit point été payée, qu'ainfi la veuve Borier étoit mal-fondée dans fa demande de ces 6000 livres; 2°. quant aux 6000 livres de douaire, & 1500 liv. de préciput, le fieur Ricart a foutenu que la veuve Borier ne pouvoit retenir ni l'une ni l'autre de ces deux fommes, fur le prix de l'eftimation de la terre de Villette, parce qu'elle n'avoit Hypothèque ni pour fon douaire, ni pour fon préciput, attendu attendu que fon contrat de mariage étoit paffé en pays étranger; 3°. qu'à l'égard des autres fommes qu'elle demandoit, elle n'avoit aucune préférence fur lui.

Sur cette conteftation, fentence du juge de Torcy, du 6 septembre 1731, qui, par rapport aux 6000 livres de douaire, a ordonné qu'elles demeureroient compenfées avec les fommes que la dame Borier, ou gens pour elle, avoient touchées, tant du commiffaire aux faifies-réelles, que de l'huiffier qui avoit procédé à la vente des effets de la fucceffion du feu fieur Borier. A l'égard des 1500 liv. de préciput, & des autres fommes par elle demandées pour fon dueil, frais de couches & de labours & femences, elle en a été déboutée. Au furplus, il a été ordonné, en exécution de l'arrêt du 28 avril 1730, que la dame Borier feroit mife en poffeffion de la terre de Villette, moyennant la fomme de 24000 liv., à laquelle cette terre a été eftimée, en confignant néanmoins la fomme entière entré les mains du receveur des confignations, pour être diftribuée & en être ufé conformément à l'arrêt de la cour, Les parties ont respectivement interjeté appel de cette fentence.

La dame Borier, en ce que cette fentence ordonnant que la terre de Villette ne lui appartiendroit qu'après la confignation de la fomme entière de 24 mille livres, elle ne lui avoit point adjugé par-là les fommes qu'elle avoit demandées pour dueil, frais de couches, de labours & de femences le fieur Ricart, en ce que les 6000 liv, de douaire préfix, portées par le contrat de mariage de la dame Borier, lui avoient été adjugées, il a demandé qu'elle en fût déboutée, quant à préfent, fauf à elle à fe pourvoir avec les créanciers non hypothécaires, à la diftribution qui feroit faite du prix de l'eftimation, après que ce prix auroit été configné.

Ces appels refpectifs ont donné lieu à deux questions.

La première, de favoir fi le contrat de mariage de la dame Borier, paffé à Liège, lui donnoit Hypothèque pour fon douaire fur les biens de fon mari, fitués en France.

La feconde, fi les fentences qu'elle avoit obtenues contre la fucceffion bénéficiaire de fon mari, pour raifon de fes autres créances, lui donnoit la préférence fur le fieur Ricart qui, étant auffi créancier du défunt fieur Borier, ne s'étoit pourvu contre fa fucceffion que poftérieurement à la dame Borier, fa veuve.

La dame Borier foutenoit l'affirmative de ces deux questions, le fieur Ricart la négative.

Sur la première queftion, les moyens de la dame Borier, pour prouver le bien-jugé de la fentence, en ce qu'elle lui avoit adjugé fon douaire, confiftoient à dire que les contrats de mariage quoique paffés en pays étranger, emportent Hypothèque en France.

«Telle eft, ajoutoit-elle, la jurifprudence des » arrêts. Le Prêtre, centurie 4, chapitre 80, en >> rapporte deux; le premier, du 8 août 1598,

rendu en faveur de demoiselle Barbe Phi» lippe, veuve de Diego-Nimes Devora, oppo» fante, par lequel il fut dit qu'elle feroit mife » en ordre du jour & date de fon contrat de » mariage paffé dans la ville d'Anvers, le 4 » avril 1583.

» Le fecond, du 13 août 1601, par lequel la » femme fut mife en ordre, du jour de fon con»trat de mariage paffé en Sicile ».

Mais le moyen principal de la dame Borier. étoit de dire que cette queftion d'Hypothèque étoit jugée par l'arrêt rendu à la grand'chambre, au rapport de M. Daverdoing, le 28 avril 1730; que cet arrêt avoit expreffément décidé que le contrat de mariage de la dame Borier, quoique paffé à Liège, emportoit Hypothèque, puifque, par cet arrêt intervenu fur le vu de fon contrat de mariage qui étoit produit, il a été ordonné que la terre de Villette appartiendroit en pleine propriété à la dame Borier, en déduction de fes créances, réfultant de ce contrat de mariage, fuivant la liquidation qui en feroit faite. Tels étoient les moyens employés par la veuve Borier fur la première queftion; à l'égard de la feconde, voyez ci-après.

De fon côté, le fieur Ricart ne conteftoit point à la dame Borier que fon contrat de mariage ne fût un acte authentique, c'est-à-dire, de ces actes auxquels la foi eft due par provifion, & qui font réputés vrais jufqu'à inscription de faux. On convenoit qu'il eft du droit des gens que ce qui eft authentique dans un pays, le foit chez toutes les

nations. La néceffité du commerce qui exige que les perfonnes d'une nation contractent avec celles d'une autre nation, exige auffi qu'il y ait dans chaque état des moyens établis pour affurer la vérité des conventions, & que ces moyens produifent leur effet en tout pays. C'est à chaque nation à déterminer les conditions & les formes par lesquelles l'authenticité peut être acquife dans fon territoire; mais ces formes, une fois déterminées, les actes qui en font revêtus doivent porter par-tout leur authenticité.

Il ne s'agit donc pas, continuoit le fieur Ricard, de favoir fi le contrat de mariage de la dame Borier eft authentique ou non, s'il lui conftitue un titre légitime de créance contre la fucceffion du feu fieur Borier. Il n'y a à ce fujet aucune contestation.

Mais il y a bien de la différence entre l'Hypothèque & l'authenticité. L'Hypothèque eft » un pur effet du droit civil, & par conféquent » elle ne fauroit avoir lieu fur des biens françois, qu'en conféquence d'actes paffés en France, » & non en vertu d'actes paffés fur le territoire. » d'une domination étrangère.

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» Le droit des gens, infiniment fimple dans fes » principes, ne diftingue celui qui a droit à une » chofe, que par la poffeffion réelle & actuelle: » la propriété & tout droit reffemblant ou par»ticipant à la propriété, ne peuvent être acquis » & confervés autrement que par la tradition » fuivie de la poffeffion. Traditionibus & ufuca» pionibus, non nudis pactis, dominia rerum transferuntur. Voilà la maxime du droit des gens, » qui ne connoît point d'ailleurs de fictions par

» lefquelles on puiffe acquérir droit fur une chose » dont on ne prend pas poffeffion.

» Auffi a-t-on été très-long-temps dans le droit » romain, fans avoir aucune idée de l'Hypothè

que: on ne connoiffoit que le gage qui fe fai » foit avec dépoffeffion du débiteur, & en met» tant la chofe engagée entre les mains du créan »cier l'Hypothèque ne fut inventée que dans » un âge du droit civil affez avancé. Infenfible»ment on introduifit trois manières différentes » de l'acquérir; la fimple convention écrite & fignée des parties, & d'un certain nombre dè » témoins, l'autorité du prêteur & l'autorité de » la loi feule en certains cas, comme de dot & » de tutèle; mais toujours eft-il vrai que l'Hy» pothèque ne fut admife que par une espèce de » fubtilité, &, pour ainfi dire, de raffinement » propre au droit civil, & contraire à la grande » fimplicité du droit des gens.

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» En France, nous avons été encore plus lents » à recevoir cette fiction. Les François autrefois, >> uniquement occupés du métier de la guerre, » n'avoient qu'un droit fimple, & étoient bien

éloignés de s'occuper d'une invention auffi » fubtile que celle de l'Hypothèque. La differ»tation feroit trop ample, fi l'on expliquoit ici » le progrès de notre jurifprudence fur cette ma»tière, & comment, peu-à-peu, on renonça à » la néceffité d'une tradition effective de la chofe

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qu'on vouloit engager à la fûreté d'un créan»cier, en y fubftituant des traditions feintes &

imaginaires : ce qu'il y a de certain, c'eft qu'en » fuivant ce progrès, on voit que, parmi nous, » l'Hypothèque a fon principe productif dans » l'autorité publique appliquée aux actes, avec

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