Page images
PDF
EPUB
[graphic][subsumed][merged small][merged small]

HISTOIRE

DE LA

RÉVOLUTION DE 89

CHAPITRE PREMIER

Réunion des états généraux. Veille de la séance royale.

Cérémonie

- Le mot liberté prononcé dans l'église Saint-Louis de Discours du roi, du

imposante. Versailles. Ouverture des états généraux. garde des sceaux, de M. Necker. — Impression produite par le discours du roi et celui de M. Necker. Dispositions des membres du tiers état. Ce que la couronne avait fait pour le tiers état. Vérification des pouvoirs. L'Assemblée du tiers état se déclare Assemblée nationale. Serment du Jeu de paume. Déclaration du 23 juin.

[ocr errors]

La veille de la séance royale qui devait, pour la première fois, réunir les états généraux, une cérémonie imposante, hommage à l'ancienne religion du pays, appelait, à l'église Saint-Louis de Versailles, le roi, la reine, les princes de leur famille et les membres des trois ordres formant un même et majestueux cortège, qui semblait résumer toute la société française.

L'attente des états généraux était devenue un vœu public, depuis que ce mot avait été prononcé dans le Parlement, et qu'il avait offert un but, un moyen à l'esprit

de réforme et de changement qui parlait à tant d'intelligences; aussi une foule considérable était-elle accourue pour assister à ce spectacle solennel, au passage de la royauté et des trois ordres.

On remarqua, et dans plus d'une histoire de cette époque, on signale encore la simplicité du costume du tiers état, à côté du luxe que montrait la noblesse; on avait maintenu l'étiquette observée en 1614. Cette démarcation qui n'enlevait pas un membre au tiers état, élu avec sa double représentation, semble tenir à un certain esprit de cour qui n'avait pu faire place à l'esprit politique. On peut s'étonner que Necker, ministre bourgeois, qui avait bien pu obtenir le doublement du tiers, n'eût pas fait régler dans un autre sens une pure ques tion d'étiquette. Il n'eût pas été bien difficile, ce semble, d'inventer quelque broderie qui eût calmé les susceptibilités dans une question de cette nature.

A l'église, quand M. de la Fare, évêque de Nancy, dans le discours qu'il prononça sur l'influence de la religion dans les empires, fit entendre le mot de liberté, des applaudissements accueillirent de tous côtés cette parole qui semblait alors tout renfermer.

Le lendemain avait lieu l'ouverture des états géné

raux.

Le roi, la reine et les princes assistaient à cette première séance, où Louis XVI, d'une voix émue, prononça le discours suivant :

<< Messieurs,

« Le jour que mon cœur désirait depuis longtemps, est enfin arrivé; et je me vois entouré des représentants

DISCOURS DE LOUIS XVI.

3

de la nation, à laquelle je me fais gloire de commander. <«< Un long intervalle s'est écoulé depuis la dernière tenue des états généraux, et quoique la convocation de ces assemblées parût être tombée en désuétude, je n'ai pas balancé à rétablir un usage dont le royaume peut tirer une nouvelle force et qui peut ouvrir à la nation une nouvelle source de bonheur.

« La dette de l'Etat, déjà immense à mon avénement au trône, s'est encore accrue sous mon règne : une guerre dispendieuse mais honorable, en a été la cause; l'augmentation des impôts en a été la suite nécessaire, et a rendu plus sensible leur inégale répartition. Une inquiétude générale, un désir exagéré d'innovation, se sont emparés des esprits et finiraient par égarer totalement les opinions, si on ne se hâtait de les fixer par une réunion d'avis sages et modérés. C'est dans cette confiance, messieurs, que je vous ai rassemblés, et je vois avec sensibilité qu'elle a été justifiée par les dispositions que les deux premiers ordres ont montrées à renoncer à leurs priviléges pécuniaires'. L'espérance que j'ai conçue de voir tous les ordres, réunis de sentiments, concourir avec moi au bien général de l'État, ne sera point trompée.

« J'ai déjà ordonné, dans les dépenses, des retranchements considérables. Vous me présenterez à cet égard vos idées que je recevrai avec empressement; mais, malgré la ressource que peut offrir l'économie la plus sévère, je crains, messieurs, de ne pouvoir soulager mes sujets aussi promptement que je le désirerais. Je ferai mettre sous vos yeux la situation exacte des finances, et quand vous l'aurez examinée, je suis assuré d'avance que

1 Voir les cahiers du clergé et de la noblesse.

vous me proposerez les moyens les plus efficaces pour y rétablir un ordre permanent et affermir le crédit public. Ce grand et salutaire ouvrage qui assurera le bonheur du royaume au dedans et sa considération au dehors, vous occupera essentiellement.

« Les esprits sont dans l'agitation; mais une assemblée des représentants de la nation n'écoutera sans doute que les conseils de la sagesse et de la prudence.

« Vous aurez jugé vous-mêmes, messieurs, qu'on s'en est écarté dans plusieurs occasions récentes1; mais l'esprit dominant de vos délibérations répondra aux véritables sentiments d'une nation généreuse et dont l'amour pour ses rois a toujours fait le caractère distinctif. J'éloignerai tout autre souvenir.

«Je connais l'autorité et la puissance d'un roi juste au milieu d'un peuple fidèle et attaché de tout temps aux principes de la monarchie. Ils ont fait la gloire et l'éclat de la France; je dois en être le soutien et je le serai constamment. Mais tout ce qu'on peut attendre du plus tendre intérêt au bonheur public, tout ce qu'on peut demander à un souverain, le premier ami de ses peuples, vous pensez, vous devez l'attendre de mes sentiments.

<< Puisse, messieurs, un heureux accord régner dans cette assemblée, et cette époque devenir à jamais mémorable pour le bonheur et la prospérité du royaume ! C'est le souhait de mon cœur, c'est le plus ardent de mes vœux, c'est enfin le prix que j'attends de la droiture de mes intentions et de mon amour pour mon peuple.

« Mon garde des sceaux va vous expliquer plus am

Les élections, les brochures, la presse.

« PreviousContinue »