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DÉCLARATION DU 23 JUIN.

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bre du tiers, crut même trop hardie la résolution que le roi avait adoptée avec le reste du ministère et refusa son concours dans cette circonstance mémorable; tandis que les autres ministres se tenaient au pied du trône, un siége resta vacant, c'était celui de Necker, et son absence, qui était un acte d'opposition au sein même du pouvoir, préoccupait naturellement tous les esprits.

Nous reproduirons d'abord le discours du roi, qui était l'exposé de la situation. Le prince, qui avait convoqué les états généraux, s'exprima ainsi :

« Messieurs,

« Je croyais avoir fait tout ce qui était en mon pouvoir pour le bien de mes peuples, lorsque j'avais pris la résolution de vous rassembler, lorsque j'avais surmonté toutes les difficultés dont votre con vocation était entourée, lorsque j'étais allé, pour ainsi dire, au-devant des voeux de la nation en manifestant à l'avance ce que je voulais faire pour son bonheur.

<«< Il me semblait que vous n'aviez qu'à finir mon ouvrage, et la nation attendait avec impatience le moment où, par le concours des vues bienfaisantes de son souverain et du zèle éclairé de ses représentants, elle allait jouir des prospérités que cette union devait lui préparer.

« Les états généraux sont ouverts depuis plus de deux mois, et ils n'ont point encore pu s'entendre sur les préliminaires de leurs opérations. Une parfaite intelligence aurait dû naître du seul amour de la patrie, et une funeste division jette l'alarme dans tous les esprits. Je veux le croire et j'aime à le penser, les Français ne sont pas changés; mais, pour éviter de faire à aucun de vous des

reproches, je considère que le renouvellement des états généraux après un si long terme, l'agitation qui l'a précédé, le but de cette convocation si différent de celui qui rassemblait vos ancêtres, les restrictions dans les pouvoirs donnés par les cahiers (ceux de la noblesse probablement), et plusieurs autres circonstances ont dû nécessairement amener des oppositions, des débats et des prétentions exagérées.

« Je dois au bien commun de mon royaume, je me dois à moi-même de faire cesser ces funestes divisions. C'est dans cette résolution, messieurs, que je vous rassemble de nouveau autour de moi; c'est comme le père commun de tous mes sujets, c'est comme le défenseur des lois de mon royaume que je viens vous en retracer le véritable esprit et réprimer les atteintes qui ont pu y être portées.

«Mais, messieurs, après avoir établi clairement les droits respectifs des différents ordres, j'attends du zèle des deux premiers ordres pour la patrie, j'attends de leur attachement pour ma personne, j'attends de la connaissance qu'ils ont des maux urgents de l'État, que dans les affaires qui regardent le bien général ils seront les premiers à proposer une réunion d'avis et de sentiments, que je rcgarde comme nécessaire dans la crise actuelle, et qui doit opérer le salut de l'État. »

Ensuite le garde des sceaux donna lecture à l'Assemblée d'une première déclaration par laquelle le roi cassait les décrets du tiers, autorisant les délibérations des trois ordres réunis, dans les affaires d'utilité générale, et en décidant que la majorité serait acquise, dans ces délibérations, aux deux tiers des voix, ce qui, avec l'appoint des ecclésiastiques, du tiers et des dissidents de

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la noblesse, assurait la majorité à la Chambre qui venait de se déclarer nationale et constituante.

Le roi reprit la parole en ces termes :

« J'ai voulu aussi, messieurs, vous faire remettre sous les yeux les bienfaits que j'accorde à mes peuples. Ce n'est pas pour circonscrire votre zèle dans le cercle que je vais tracer; car j'adopterai avec plaisir toute autre vue de bien public qui sera proposée par les états généraux. Je puis dire, sans me faire illusion, que jamais roi n'en a fait autant pour aucune nation; mais quelle autre peut l'avoir mieux mérité par ses sentiments que la nation française? Je ne craindrai pas de l'exprimer : ceux qui, par des prétentious exagérées ou par des difficultés hors de propos, retarderaient encore l'effet de nos intentions paternelles, se rendraient indignes d'être regardés comme Français. »

On lut ensuite la seconde déclaration, à laquelle l'histoire a donné le nom de déclaration du 23 juin; elle était ainsi conçue dans ses articles principaux :

1

<< Aucun nouvel impôt ne sera établi, aucun ancien ne sera prorogé au delà du terme fixé par les lois, sans le consentement des représentants de la nation.

III

«Aucun emprunt n'aura lieu sans le consentement des états généraux, sous la condition toutefois qu'en cas de

guerre, le souverain aura la faculté d'emprunter sans délai jusqu'à la concurrence de cent millions; car l'intention formelle du roi est de ne jamais mettre le salut de son empire dans la dépendance de personne.

IV

« Les états généraux examineront avec soin la situation des finances, et ils demanderont tous les renseignements propres à les éclairer parfaitement.

V

Le tableau des revenus et des dépenses sera rendu public chaque année.

IX

« Lorsque les dispositions formelles, annoncées par le clergé et la noblesse de renoncer à leurs priviléges pécuniaires, auront été réalisées par leurs délibérations, l'intention du roi est de les sanctionner, et qu'il n'existe plus, dans le payement des contributions pécuniaires, aucune espèce de priviléges ni de distinctions.

X

« Le roi, désirant assurer la liberté personnelle de tous les citoyens d'une manière solide et durable, invite les états généraux à chercher et à lui proposer les moyens les plus convenables de concilier l'abolition des ordres connus sous le nom de lettres de cachet avec le maintien de la sûreté publique.

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XI

« Les états généraux examineront et feront connaitre à Sa Majesté le moyen le plus convenable de concilier la liberté de la presse avec le respect dû à la religion, aux mœurs et à l'honneur des citoyens.

<<< Il sera établi, dans les diverses provinces ou généralités du royaume, des états provinciaux, composés de deux dixièmes de membres du clergé, dont une partie sera nẻcessairement choisie dans l'ordre épiscopal, de trois dixièmes de l'ordre de la noblesse, et de cinq dixièmes de l'ordre du tiers état.

XIII

« Les états généraux s'occuperon! du projet, conçu depuis longtemps par Sa Majesté, de porter les douanes aux frontières du royaume, afin que la plus parfaite liberté règne dans la circulation intérieure des marchandises nationales ou étrangères.

XIV

« Sa Majesté désire que les fâcheux effets de l'impôt sur le sel et l'importance de ce revenu soient traités soigneusement, et que, dans toutes les suppositions, on propose au moins des moyens d'en adoucir la perception. >>

Ce fut le roi qui termina la séance en prononçant les paroles suivantes :

« Vous venez, messieurs, d'entendre le résultat de

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