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loi du 3 brumaire. Confpiration en faveur du prétendant: les coupables font arrêtés, l'opinion publique fe monte en leur faveur: jugement prononcé à leur égard.

A peine quelques années de révolution ont elles pefé fur nous, que déjà trois constitutions, fans y comprendre l'organifation du régime révolutionnaire, ont été données au peuple français.

Si celle dont nous avons parlé dans le treizième volume, et à laquelle on a donné le nom de Conftitution de l'an 3, pour la diftinguer des précédentes, eft tout ce qu'on pouvoit obtenir de mieux à l'époque défaftreuse où elle a été préfentée à la fanction du peuple, il s'en faut de beaucoup néanmoins qu'elle approche de la perfection.

Ses auteurs, & nous défignons ainfi les membres du comité qui fut chargé de la préparer, n'ignorèrent point, fans doute, en quoi elle pécheroit effentiellement, ce qu'elle auroit de trop, ce qui lui man

queroit; mais ce qui leur manquoit à eux, c'étoit des hommes en état d'apprécier, ou disposés à recevoir les bases du pace focial le plus approprié à l'étendue de la France, à fa population, à fes facultés agricoles & industrielles : ce qu'ils avoient de trop, c'étoit, dans le Corps conftituant, une majorité trop attachée encore, par un refte de délire aux habitudes révolutionnaires, à ces idées de démocratie pure, à ce fyftême de nivellement politique, d'égalité de fait, à toutes ces abfurdités que de prétendus penseurs peuvent caresfer à leur aise dans d'infignifiantes théories; mais qui, réalisées & mifes en pratique dans un vafte empire, deviennent de véritables fléaux, & ne peuvent produire que l'égalité de misère.

On fait que dans cette pofition critique, & fur la pente qui les entraînoit, malgré eux, vers la démagogie, les membres du comité étoient forcés de diffimuler, d'affoiblir, de fcinder leurs penfées, de facrifier à la folie du jour, &, médecins pru

dens, d'accorder beaucoup aux caprices du malade, afin qu'il voulut bien pren dre au moins une partie du remède.

Reportons-nous un moment, par la pensée, aux tems qui venoient de précéder la présentation de la conftitution de l'an 3; qu'on fe représente la Convention nationale armée d'un pouvoir tel qu'il n'en a jamais nulle part existé un pareil, & l'employant, jufqu'au 9 thermidor, à tout détruire pour établir partout l'égalité, c'està-dire, celle du néant & de la mort; ne parlant de propriété que pour en dépouiller le propriétaire; de la richesse, que pour en vouer le poffeffeur à la profcription & à l'échafaud; de l'industrie & du commerce, que pour fignaler l'une & l'autre comme une confpiration perma→ nente, de la partie laborieufe du peuple contre la fentine fainéante & vagabonde, qui partout en eft falie; de la liberté, que pour exciter la licence effrénée de quelques hommes perdus d'excès, contre la sûreté individuelle de tous les citoyens:

que l'on fe reporte, difons-nous, à ces tems de deuil & de calamités, que l'on fe rappelle combien ils étoient peu éloignés de nous, & l'on ne pourra que demeurer profondément étonné de ce qu'après plufieurs années entières, paffées dans ces effroyables convulfions de l'extravagance & du délire, cette même Convention nationale fe foit trouvé en état d'entendre, de recevoir, d'adopter cette constitution.

Ces difpofitions nouvelles étoient-elles l'effet des épurations que cette affemblée avoit d'elle-même opérées dans fon fein aux journées de thermidor, de germinal & de prairial, ou du commencement de retour à la raifon, ou fimplement la laffitude? Nous l'ignorons, & il feroit absolument oifeux de chercher à l'approfondir ici; mais nous devons faire remarquer avec foin quel efpace immense séparoit déjà cette époque de la révolution, des époques précédentes. Nous devons particulièrement faire obferver, & avec re

pour

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connoiffance, combien les auteurs de la conftitution de l'an 3 avoient fu profiter, l'amélioration de leur ouvrage, de nos fautes, de nos excès, de nos erreurs; avec quelle rapidité & à quelle distance ils avoient eu la force de s'éloigner du code anarchique de 1793; enfin quel dévouement, quel courage il leur avoit fallu pour parler ainsi qu'ils l'avoient fait dans leur rapport, avec décence & avec vérité, du droit fondamental de la société, du droit de propriété, & furtout pour propofer & faire accueillir cette grande base du fyftême politique, contre laquelle s'infurgeoient encore tant & de fi profondes préventions, la divifion du Corps législatif en deux fections distinctes.

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Les auteurs de la constitution de l'an ont donc fait tout ce qu'ils pouvoient faire alors, & beaucoup plus qu'il ne nous étoit raifonnablement permis d'efpérer à une pareille époque. Ils fe font élevés au-desfus de la position du moment & des préjagés dont ils étoient environnés, avec

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