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le règne de la terreur, elle n'avoit point suivi fa famille à l'échafaud, c'est que ce monftre avoit des vues fur elle, & fe promettoit de l'époufer pour affermir fa puiffance. Sans doute, lorsqu'on avoit asfaffiné le père, la mère, la tante, `empoisonné le frère, il falloit bien qu'il y eût un motif puissant pour laiffer vivre cette jeune & intéressante victime. Quel a été réellement ce motif, nous ne pouvons l'affirmer, mais nous penchons à croire que Robespierre veilla effectivement à fa confervation.

Quoi qu'il en foit, ce monftre ayant péri avant que d'avoir pu mettre fes projets à exécution, & les maffacres ayant ceffé au 9 thermidor, la fille de Louis XVI n'eut plus rien à craindre pour fa vie, & dès-lors l'empereur, dont elle étoit la nièce, la réclama près du gouvernement français, qui mit pour condition, à l'affentiment qu'il donneroit à cette demande, que de son côté, l'empereur remettroit en liberté les repréfentans du peuple et les am

baffadeurs qu'il avoit en fon pouvoir.

M. Carletti, miniftre du grand duc de Toscane auprès de la république française ne fut pas plutôt informé de l'échange qui alloit fe faire, & que la liberté alloit être rendue à la princeffe, qu'il fit demander au Directoire la permiffion d'aller rendre, au nom de fon maître, une vifite à la fille de Louis XVI, avant fon départ pour l'Autriche. En réponse à cette demande, que le gouvernement trouva indiscrète, M. Carletti reçut du Directoire l'ordre de fe retirer dans vingt-quatre heures du territoire de France : au furplus, le Directoire adreffa, par l'intermédiaire du miniftre des relations extérieures, une note au grand duc de Toscane, par laquelle il proteftoit que la démarche du gouvernement français, dans cette occafion, étoit entièrement personnelle à M. Carletti; qu'il maintiendroit religieufement le traité d'alliance qui exiftoit entr'eux; & qu'enfin il verroit avec plaifir tout autre miniftre de la part de fon alteffe royale,

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pour continuer & refferrer les liens de cette alliance.

M. Carletti fortit de Paris peu d'heures après la princeffe qui prit le chemin de Bâle; il la joignit à Langres; l'échange fe fit en Suiffe fans aucune cérémonie. Ce fut le prince de Gèvres qui fut nommé par l'empereur pour aller la recevoir. A peine cette fille intéressante par sa beauté, fa jeuneffe & ses malheurs, fut-elle arrivée à la cour de Vienne, qu'on s'occupa de lui procurer une alliance digne d'elle; le prince Charles, frère de l'empereur, & connu ses exploits dans la carrière militaire, brigua l'honneur de lui faire fa cour; jeune & couvert de gloire, il n'eût pas dû s'attendre à un refus; mais la fille de Louis avoit une promeffe à remplir. Son père, prévoyant qu'il alloit périr du dernier fupplice, & que le dauphin ne lui furvivroit pas, avoit exigé de fa fille, fi elle échappoit aux bourreaux, le ferment de n'époufer perfonne autre que le fils aîné du comte d'Artois, auquel devoit un jour appartenir

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la couronne, fi la royauté étoit rétablie en France, & qui avoit fuivi fon père chez l'étranger, immédiatement après la prise de la Baftille. La fille de Louis, fidelle à fa parole, préféra à un fort brillant & affuré, une vie errante & malheureuse, & donna, quelques tems après, fa perfonne à celui que fon père lui avoit indiqué pour époux; étant la fille de Louis XVI, & époufant l'héritier préfomptif de la couronne, à défaut de mâles du côté de Monfieur, il n'eft pas douteux que fi jamais il y a des rois en France, nul n'y aura plus de droits que les enfans de cette princesse; mais la race d'un prince détrôné ne reffaifit guère une couronne dont elle a été dépouillée.

Camus applaudi dans le fein du Corps légiflatif, dès fon entrée, entreprit le narré de fes malheurs dans un difcours divifé en quatre parties. La première roule fur les événemens qui se font paffés depuis le 30 mars 1793, jusqu'au 29 mai, époque de la fortie de nos prifonniers de Maëfricht

Maëftricht: la feconde expofe les traitemens que lui & fes compagnons d'infortune ont éprouvés, depuis le 29 mai jufqu'au 17 juillet, dans les cachots où ils ont été fucceffivement jetés : la troisième traite de leur mise en liberté & de leur arrivée à Fribourg en Brifgaw; enfin, pour ne rien oublier, il fait dans la quatrième l'histoire de leur voyage, depuis leur départ de Fribourg, jusqu'à leur rentrée au Corps législatif.

Ce qu'il y a de plus curieux dans le difcours de Camus, eft renfermé dans la première partie ; c'eft-là où il eft queftion de ce qui se paffa entre les commiffaires chargés d'arrêter Dumourier, & Dumourier lui-même. Nous avons, dans les précédens volumes, rendu compte de cette affaire vraiment intéreffante, & nous pouvons dire que le rapport de Camus, à cet égard, eft très-conforme à ce qu'en dit Dumourier dans les mémoires qu'il fit imprimer après la fuite chez l'étranger.

Comme nous avons peu parlé des cir-
Tome XV. 4. Part.

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