toute confiance, & l'abfence de tout crédit.

Une feconde imprévoyance de la conftitution, non moins inexcufable que la précédente, & qui concourt particulièrement aux résultats fi funeftes de celle-ci, c'est la fréquence & l'univerfalité fimultanées des élections. Comment eft il poffible qu'on ait ofé hasarder d'agiter chaque année, à une époque fixe, & dans toute fa profondeur, une maffe de vingt-cinq à trente millions d'hommes? Comment n'at-on pas penfé que fix mois à l'avance tous les petits moyens feroient partout en action, tous les petits intrigans en mouvement, toutes les petites têtes en délire tous les petits hommes en évidence, toutes les petites paffions, toutes les rivalités en effervefcence, & qu'aucune nation, quelle qu'elle fût, ne pouvoit être affez robuste pour réfifter longtems à une fièvre politique annuelle de fix mois?

En troisième lieu, la conftitution de l'an 3 eft effentiellement vicieuse dans la

compofition & le mode de renouvellement du Corps législatif.

Cinq-cents membres, dans une feule 'fection, forment une affemblée beaucoup trop confidérable, & la rendent auffi, par cela feul, indépendamment de plufieurs autres caufes accidentelles & variables, beaucoup trop fufceptible de cette agitation défordonnée, de cette irritation électrique, de ces explofions foudaines, de cette attitude factieufe, de ces emportemens fpontanés qui s'emparent infailliblement de toutes les réunions nombreufes, qui naiffent fouvent des plus légers diffentimens, & qui du fein d'un corps délibérant, ne pouvant faire jaillir que des résultats ab irato, difcréditent à l'avance ces résultats dans l'opinion publique.

La différence notable que l'on aura lieu de remarquer, fous ces rapports, entre les féances du Confeil des Anciens & celles du Confeil des Cinq-Cents, a toujours été, nous en fommes convaincus, un effet phyfique plutôt qu'un effet moral, & tient à

la différence du nombre plus qu'à celle des âges.

Encore, fi cette fection de cinq-cents membres, qui a l'initiative & le premier jet des loix, n'avoit pas une féance journalière, fi elle ne se réuniffoit qu'à des intervalles impérieufement déterminés ou à une époque fixe de chaque année, ces ajournemens, fagement combinés, laifferoient aux paffions le temps de fe calmer, à la réflexion de naître, au jugement de fe fixer, à l'opinion de fe faire entendre. Mais non; il faut faire des loix, & en faire tous les jours, ce qui eft le fléau le plus défastreux pour un état, pour tout gouvernement dont le légiflateur doit avoir pour maxime première, peu de loix, mais de bonnes loix.

Ici le Corps légiflatif, continuellement en activité & en travail, & prefque continuellement auffi livré à la tourmente de mille paffions inteftines, n'eft autre chofe qu'un atelier purement mécanique de loix, recevant le plus habituellement fa féconde impulfion

à

impulfion, dans la direction la plus oppofée à la volonté générale, c'est-à-dire, l'intérêt public, & à tous les intérêts particuliers.

C'est surtout dans un état libre qu'il faut être, fi nous pouvons nous exprimer ainsi, fobre de loix. La raifon en eft fimple ; il n'est pas une loi, quelle qu'elle foit, qui n'ordonne ou ne défende quelque chofe, & par conféquent, qui n'exige du citoyen le facrifice d'une portion quelconque de fes facultés naturelles, d'où il réfulte que, plus un peuple eft furchargé de loix, moins les citoyens individuellement font libres, & qu'il peut arriver un terme où la feule émiffion immodérée des loix abforbe entièrement la liberté de chacun, & ne laiffe plus aux citoyens de faculté que pour obéir. Or, ce n'est pas de celle-là qui reffemble trop à la fervitude, que veulent les amis éclairés de la liberté.

Enfin, une quatrième partie de la conftitution, non moins défectueufe, c'est l'organisation du Pouvoir exécutif, dont la Tome XV. 4. Part. e

B

ligne de démarcation entre ce dernier & le Pouvoir législatif, n'eft point tracée d'une manière invariable. Une lutte perpétuelle doit néceffairement exister entre ces deux premières autorités qui chercheront naturellement à empiéter sur leurs droits refpectifs; quelque chofe d'incohéc'est une autorité suprême, reposant par égale portion fur cinq individus qui, quand ils n'auroient pour unique but que le bien public, ne peuvent pas s'accorder longtems fur les moyens d'y parvenir. Delà des querelles intestines & des désastres.

rent,

Quoi qu'il en foit, nous voici avec une conftitution qui d'un côté nous arraché aux horreurs révolutionnaires, confacré la propriété, pofe les bafes du pacte focial, mais qui de l'autre, n'ayant pu atteindre, vu les circonftances difficiles où elle fut méditée, à toute la pureté d'une charte mûrie dans le filence & à l'abri des paffions, nous préfage encore de nouveaux orages.

Les cinq hommes qui furent placés au