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minent l'état où il domine! Au lieu de laiffer errer fes fujets de Savoie chez d'autres nations où ils offrent une misère fervile & dégradée, qu'il leur facilite les moyens de fe tranfporter en Sardaigne, qu'il leur affure des fubfiftances, & leur abandonne les terreins, les arbres antiques que d'autres ouvriers exploiteront, convertiront en navires, alors les pavillons du commerce flotteront dans ces ports que la nature doit fe reprocher d'avoir accordés à un peuple qui ne fait pas profi

ter de fes bienfaits.

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Au lieu de condamner à la mort, le coupable, qu'il rende le crime même utile à la fociété, qu'il le force de réparer fes dommages,, qu'il le privé de la lumière qu'il a fouillée, qu'il enfeveliffe dans les mines de la Sardaigne ces affaffins fi communs parmi les Piémontois. Que la loi dife à ces meurtriers: la foif de l'or, de l'argent a armé vos mains contre vos femblables, vous a fait répandre leur fang. Eh bien, vous les irez » chercher dans les entrailles de la terre ces mé» taux dont vous avez été fi avides. Vous avez » dédaigné le fer dont fe fert le cultivateur, & » qui lui rend le prix de fes fueurs; vous ferez » condamnés à en extraire la matière,& à expier

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fur elle le mépris que vous avez fait de fon utile emploi ».

Eft-il bien néceffaire à un royaume quine compte

que fept villes, d'avoir trois archevêchés & quatre évêchés? de nourrir non-feulement le luxe de ces prélats, mais encore l'oifiveté d'une milice de religieux qui, foit en vertu de leur ancien titre de moines mendians, foit à la faveur d'un indult, ne payent point d'impôts? Ne feroit-il pas plus fage de réduire ces fiéges faftueux qu'encenfe la fuperftition à un feul; d'appliquer les revenus de ces monaftères, qui font des afyles d'ignorance & de stérilité, à des atteliers, à des manufactures où des orphelins contracteroient l'habitude du travail, apprendroient à employer le chanvre & le lin que le fol ne demande qu'à produire!

Quel fervice ne rendroit pas à cette nobleffe, qui a un dédain si stupide pour tout autre métier que celui des armes, un prince qui l'encourageroit à s'adonner aux arts, au commerce maritime, & n'accorderoit de faveur qu'à ceux d'entr'elle qui auroient excellé dans une profeffion dont l'étude & les talens feroient la base, qui auroient fait des découvertes importantes, ou dont la maifon auroit profpéré par de grandes entreprises & de fages fpéculations.

Alors, loin de pefer fur le peuple, d'exciter fa haine & fon envie, elle acquerroit des droits à fon eftime; il diroit des nobles: ces hommes-là font donc véritablement plus que nous, puifqu'ils ont plus de lumières, plus de moyens légitimes

d'arriver aux honneurs & à la fortune. C'est parce que la nobleffe s'eft quelquefois montrée au-deffous des autres claffes, que ces autres claffes n'ont plus voulu la voir au-deffus d'elles.

Ces réflexions que nous jetons au-devant d'un prince estimable par des vertus paisibles, feront étouffées par les préjugés qui obscurciffent fon trône; peut-être ne feront elles pas perdues pour fes fucceffeurs; la vérité eft une femence qui tombe long-tems fur un fol ingrat, mais à force de la répandre elle finit par germer; & la poftérité en recueille les fruits. Qui peut aujourd'hui déféfpérer du falut des peuples & de la converfion des rois, après ce qui vient d'arriver en Pologne!

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Quittons la Sardaigne pour entrer dans la Savoie qui eft fur la même domination. Si l'on en croit les monumens de l'hiftoire, ce pays hériffé de montagnes, de roches efcarpées, environné de précipices, a été le féjour des Allobroges qui furent, ainfi que d'autres peuples leurs voisins, fubjugués par Augufte & compris dans la Gaule Narbonnoife.

Les barbares qui envahirent l'Italie, qui plièrent fa tête fuperbe fous le joug de l'Allemagne, donnèrent naiffance à ces droits qu'ont depuis fait valoir tant de conquérans qui fe font partagés les dépouilles des fucceffeurs des Céfars.

Bofon, comte d'Ardenne, après avoir épousé une fille de Louis II, empereur d'Italie, se fit élire roi de Provence par les états affemblés.

Son fils qui paya fi cher le defir de faire revi vre fur lui le titre qu'avoit porté fon aïeul maternel, puifque Bérenger le priva de la lumière au moment où il alloit prendre poffeffion de son royaume, laissa un fils nommé Conftantin qui donna le jour à Amédé, père d'Humbert, chef de la maifon de Savoie. Il reçut la propriété de cette contrée avec le titre de comte, de l'empereur Conrad le Salique.

Je ne fuis remonté fi haut que pour indiquer l'origine d'une maison unie, par plus d'un lien, à celle qui eft devenue la fource de nos rois, & prouver que ce n'eft pas fans fondement que l'empire d'Allemagne prétend que la Savoie relève de fa fouveraineté. Auffi étoit-elle comprise dans le cercle du haut Rhin, & fi elle s'en eft détachée, c'eft plus par le fait que par le droit.

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Le roi de Sardaigne, en s'abstenant d'envoyer des députés à la diète, a rompu infenfiblement les nœuds qui l'uniffoient à l'empire germanique, Séparée de cette puiffance dominatrice par la Franche-Comté, l'Alface & la Suiffe, il feroit difficile de ramener par la force ce rejeton qui peut fe foutenir fans l'appui du grand arbre qui ombrage toute l'Allemagne.

Les ducs de Savoie n'auroient pas dû cependant oublier tous les avantages qu'ils ont reçus des empereurs. Ils ne portoient encore que le titre modefte de comte, lorfque l'empereur Richard conféra à Romond celui de vicaire de l'empire, avec l'inveftiture des duchés de Chablais & d'Aofte.

Henri VII éleva en 1310 Amédé furnommé le Grand & fes fucceffeurs au rang des princes de l'empire.

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L'empereur Charles IV céda tous les droits de Tempire fur le marquifat de Saluces à Amédé VI. Sigifmod érigea, en faveur d'Amédé VIII, le comté de Savoie en duché. Ce premier duc ne fut très ébloui de fon nouveau luftre, car il abdiqua fa fouveraineté pour fe faire hermite. Il entroit dans fa deftinée que les dignités vinffent le chercher, il fut élu pape par le concile de Bâle; il figure fur la lifte des premiers pontifes, fous le titre de Félix V; mais comme il ne tenoit pas plus à la thiare qu'à fa couronne ducale, il confentit à fa deftitutión, & fe retira à Genève où il mourut presqu'auffi obfcur qu'avant fon élévation.

La Savoie eft fi mal partagée de la nature, qu'il fembloit n'être réfervé qu'à la liberté d'y retenir des habitans. Ils la voient régner autour d'eux, fans ofer l'appeler dans leur enceinte. Les montagnes efcarpées qui les dominent, ne fer

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