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plus élevés, non pour marquer qu'ils foient plus en dignité, mais pour rappeler qu'ils font les miers en liberté.

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Cette diète qui tire fon feul éclat de l'efprit d'équité qui préfide à toutes fes opérations, imprime le plus grand respect aux étrangers, lorfqu'ils y font admis. La politique la plus habile ne parviendroit pas à faire illufion à ses membres? le fens droit, la lettre des traités font des obstacles invincibles pour l'esprit de ruse & de subtilité; on s'aperçoit bientôt qu'on n'a rien de mieux à faire avec ces vertueux repréfentans que d'être francs comme ils fe piquent de l'être. Ces gens-là, écrivoit un de nos ambaffadeurs, ne font pas affez fins pour que je puiffe les tromper. Honneur aux peuples dont on fera toujours un pareil éloge!

de

Quels que foient nos projets de réforme, quelque fyftême politique que nous embrassions, gardons-nous d'écouter ceux qui nous confeilleroient rompre les traités qui nous attachent à ce peuple belliqueux; ne craignons pas de mettre notre liberté fous la fauve-garde d'une nation qui a luté, cent ans, contre l'Autriche & l'Empire pour conquérir la fienne'; oppofons fon courage & le nôtre à toutes les puiffances qui confpirent contre notre constitution, & fe complaisent dans le vœu infenfé de faire, un jour, un grand exemple d'u peuple qui a ofé tracer une ligne de démarcation

entre les prérogatives du trône & les droits de la fouveraineté.

Les treize cantons, en étendant leur ligue, en la rendant plus formidable, ne se font pas abandonnés à ces idées de fierté qui enivrent l'ame des defpotes; ils n'ont pas cherché à décorer leurs puiffances de titres vains, qui ne cachent fouvent la foibleffe & l'orgueil ftupide; ils n'ont, jufqu'à nos jours, adopté d'autres titres que ceux-ci : nous les bourgmestres, avoyers, landammans, bourgeois & communautés des villes & pays.

que

L'appui de ces bourgeois n'eft-il pas d'un bien plus grand poids que la ftérile protection de la fublime Porte, qui n'a plus de fublime que fon nom? Si la modeftie des titres qu'ont adoptés les treize cantons les honore, ils ne font pas moins illuftres par ceux qu'ils reçoivent des plus grandes puiffances.

Les lettres de l'empereur portent en titre : à nos très-chers, les vertueux, puiffans, honorables les bourgmestres des treize cantons & de leurs alliés : ainfi, ces mêmes hommes que les premiers fucceffeurs de Rodolphe traitoient de rébelles, se font élevés à la hauteur de ceux qui les menaçoient d'une fervitude honteufe. Ils font devenus leurs vertueux, leurs puiffans, leurs honorables alliés.

Quels

Quels hommes méritent plus de demeurer libres que les habitans de la Suiffe, d'après l'importance qu'ils attachent à leur liberté ! Ils ne s'endorment point dans une dangereuse fécurité, ils ne fe repofent point fur leurs anciennes victoires, fur la force des obftacles qui pourroient les garantir de tous projets d'ufurpation, encore moins fur le traité de Weftphalie, qui a ratifié leur indépendance.

La Suiffe n'entretient point de troupes réglées; mais dans la plupart de fes cantons, dès qu'un homme a atteint l'âge de feize ans, il eft enrôlé, exercé au maniement des armes; au premier fignal il doit fe rendre au pofte qui lui eft affigné, avec sor uniforme, fon équipage militaire, quatre livres de plomb, deux livres de poudre, & des huit jours.

vivres pour

Chaque bailliage ou communauté principale a fon arfenal, & tient en réferve une fomme fuffiLante pour foudoyer pendant trois mois toute fa milice.

On n'a point encore été raffuré par ces mefures. Pour prévenir toutes furprifes, on a difperfs des fignaux dans toute la Suiffe à des diftances qui fe correfpondent. Dans chaque bailliage on entretient, fur la cîme d'une montagne, ou fur le fommet d'une éminence, une pile de bois fec, & un monceau de fourrage.

Le bois eft destiné à donner de la flamme pendant la nuit, le fourrage à répandre de la fumée pendant le jour, de forte qu'en tems de guerre, toute la Suiffe peut être, en un inftant, avertie du danger qui la menace, & fe porter en armes vers le lieu du péril.

L'ennemi le plus redoutable que la confédération ait eu à combattre, c'eft l'intolérance. Trois guerres de religion ont armé les habitans de cette contrée.

Si la dernière n'eût pas tourné à l'avantage des proteftans, & amené le traité de paix connu fous le nom Darau, les catholiques vainqueurs dans les deux premières, euffent peut-être immolé à leur fureur fanguinaire tous ceux tous ceux que la morale fimple de Zuingle avoient détachés de la cour de Rome.

Il ne faut pas nous le diffimuler; de toutes les religions, il n'en eft pas une qui ait confeillé plus de charité, plus de retenue, & qui ait en même tems infpiré plus de barbarie que la nôtre; elle fe fait adorer par fes préceptes, mais malheur à celui qui ne la jugeroit que fur les actions qui fe couvrent de fon nom.

Cependant la Suiffe nous offre un grand exemple du pouvoir & de l'afcendant des loix, même fur les catholiques. En 1525, la messe fut abolie Zurich, par une fimple décision du confeil,

prise à la pluralité des voix. On ordonna la privation de cette augufte cérémonie, avec la même célérité que nous avons vu décréter la fuppreffion de la dixme, & les plus croyans fe réfignèrent à ne plus entendre l'une, avec autant de docilité que nos cultivateurs s'abftiennent de payer l'autre. Des treize cantons, quatre font proteftans, fept font catholiques; les deux autres fe partagent entre l'erreur & la vérité,

Les quatre cantons proteftans font: Berne, Bále, Schaffoufe & Zurich. Les fept catholiques font: Fribourg, Soleure, Zoug, Lucerne, Underwald, Swuit & Uri; les deux cantons qui offrent l'accord fi rare des deux religions, font: Appenzel & Glaris.

Parmi ces cantons, fix fe gouvernent d'après une forme plus ou moins aristocratique; fix font franchement démocrates. Celui de Bâle, qui, dans l'origine, avoit une conftitution populaire, a mélangé fon gouvernement & réuni les deux principes oppofés.

Les cantons démocrates font défignés fous le titre de petits cantons, non que leur territoire foit moins étendu, mais parce qu'à l'exception de celui de Zoug, dont le chef-lieu eft une petite ville, tous les autres n'ont que des bourgs. Fautil en conclure que la liberté a horreur de l'enceinte des villes, que la diverfité de leurs édifices détruit

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