Page images
PDF
EPUB
[ocr errors][merged small]

SUITE de la Conftitution de Naples; Opinion de Filangieri fur la manière dont s'y rend la Juftice. De la Sicile.«

UN état où tant de prétendans se sont succes

fivement difputé la fouveraineté, où tant de princes étrangers ont apporté leurs ufages pour règles, leurs principes pour maximes; où le befoin d'étayer fon autorité n'a jamais permis de calculer l'étendue des dons & les conféquences des priviléges qu'on accordoit, où les conceffions ont été faites aux dépens de la propriété; un tel état n'a pas dû avoir, pour base d'administration, pour limites des pouvoirs, une véritable constitution. En effet, on ne peut pas donner ce nom aux conftitutions de Roger, encore moins au recueil des loix publiées par l'empereur Frédéric.

Ainfi, ce n'eft pas un gouvernement que nous nous propofons de faire connoître, c'est une chaîne d'abus que nous allons mettre fous les yeux du roi des deux Siciles; nous remplirons gratuitement, à son égard, un devoir trop négligé par

des confeillers que les rois payent fans doute pour leur dire la vérité, mais qui trouvent plus leur compte à les laiffer dans l'illufion.

;

Le royaume de Naples comprend 144 villes fa population, d'après les calculs faits en 1782, ne s'élève pas au-delà de S millions d'habitans.

On peut juger de l'étendue de la noblesse napolitaine par le nombre de fes terres; on compte plus de 100 principautés, plus de 150 duchés, environ 200 marquifats & près de 500 Baronnies.

Nous avons peine à croire, malgré l'affirmation de Giannone, hiftorien très-érudit, que le clergé de Naples possède les quatre cinquièmes des biensfonds de l'état; mais en fuppofant qu'il n'en ait que les deux tiers, on ne pourroit que gémir fur un pareil abus de la fuperftition & de l'afcendant des opinions religieufes. Il eft d'autant plus funeste à l'état, que des loix formelles s'opposent à ce qu'aucune portion de cette maffe de richesses foit aliénée, & puiffe jamais retourner à sa fource. Le clergé plus occupé d'accroître fes poffeffions que fon existence civile, ne forme pas à Naples un ordre particulier dans l'état. Lorfque les parlemens ou affemblées générales fe convoquent, il n'occupe pas de place diftinguée, & fi l'on y invite quelquefois des prélats, ils n'y font admis que fous le titre de feudataires de la couronne.

Au furplus, il ne faut pas croire que ces affem

blées générales foient revêtues de grands pou voirs, ni qu'elles ayent une représentation bien augufte. On n'a pas même daigné leur affigner un édifice uniquement destiné à les recevoir; elles fe forment modeftement dans un couvent de francifcains. La plus importante de leurs délibérations a pour objet de fixer le don gratuit qu'on accorde au roi, & qui s'élève quelquefois au-delà de quinze cents mille écus. Tant que ces affemblées n'auront à traiter que des fujets de cette nature, elles ne feront pas alarmantes pour les monarques. Elles fe convoquent à Naples tous les deux ans, & reffemblent, comme on le voir beaucoup, à nos anciennes affemblées du clergé, qui fe font depuis confondues, anéanties dans l'Affemblée nationale, comme les fleuves, qui, dans une forte commotion de la terre, ont dif paru & ont été fe perdre dans l'Océan.

Il existe à Naples une forte d'autorité intermédiaire, qui pourroit bien offrir quelques traits de ressemblance avec nos clubs. Son origine & fon développement méritent que nous nous y arrêtions un inftant.

Naples, fondée par une colonie Grecque, avoit comme les principales villes de la Grèce, fes portiques, où des citoyens aifés fe tendoient habituellement pour converfer fur les affaires publiques. Ces rendez-vous formèrent par la fuite

différens cercles où les individus fe rapprochoient d'après la conformité de leur fortune, de leur naissance & de leurs lumières. Ainsi se traçoient naturellement des lignes de démarcation entre les riches & les pauvres, les nobles & les artifans, les hommes d'un mérite reconnu, & ceux dont la vie eft fans éclat & les entretiens fans lumières. Avant le règne de Charles I d'Anjou, on comptoit à Naples vingt-neuf places, dont la noblesse seule faifoit déjà les honneurs, & où elle n'admit bientôt plus que des gentilshommes ou des habitans qui lui étoient affiliés. Enfin, chaque place croyant acquérir un nouveau luftre par la réunion de citoyens d'une nobleffe plus ancienne, exigea plus ou moins de degrés; de forte que pour être admis à converser dans tel lieu, ce n'étoit, ni de l'efprit, ni du favoir, ni des vertus qu'on demandoit, c'étoit des titres. Le plus ftupide baron auroit été préféré à un Fontenelle, & à un Voltaire pour y expofer fes idées. Infenfiblement les vingt-neuf places fe font,

par

la mort des nobles, fondues les unes dans les autres, & font aujourd'hui réduites à cinq. Leurs députés fe partagent le gouvernement municipal, avec le peuple, représenté par un élu qui eft de fon choix.

Ces places font aujourd'hui de grands falons ifolés & fermés dans toute leur enceinte par des

grillages de fer, à travers lefquels on peut voir tout ce qui s'y paffe.

Pour donner une idée de l'influence que peuvent avoir fur le gouvernement ces affemblées partielles, il fuffit de rapporter un fait que cite M. Grofley, dans fon voyage d'Italie. En 1750, la noblesse jalouse du crédit qu'obtenoit, fur l'efprit du roi, le cardinal Spinelli, archevêque de Naples, perfuada au peuple qu'il avoit le projet d'introduire l'inquifition. Il n'en fallut pas davantage pour donner lieu à des raffemblemens autour du palais, à des cris féditieux, à des menaces, qui obligèrent le cardinal d'abandonner fon fiège & de fe réfugier à Rome.

On prétend que la cour de Naples ne dédaigne pas de fon côté de correfpondre avec l'élu du peuple, pour le mettre dans fes intérêts, & oblifon moyen, la nobleffe d'acquiefcer à la

ger, par
volonté du monarque.

Ces reffors, quelle que foit la main qui les emploie & les fait mouvoir, font indignes d'une bonne administration, & en indiquent la foibleffe.

Les colléges royaux chargés du gouvernement, sont le conseil d'état, composé de neuf conseillers & de quatre fecrétaires; le confeil de guerre & de marine; le confeil de la Sicile; le tribunal royal de Sainte Claire; le magiftrat royal du commerce; le tribunal de la grande cour de juftice

« PreviousContinue »