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royaume de Bourgogne, plus anciennement démembrée. Depuis le partage fameux que les fils de Louis-le-Débonnaire firent entre eux, en 843, la partie du royaume de Bourgogne, située en deçà du Rhône et de la Saône, et qui fut réunie à la France comme portion des états de Charles, n'en fut plus distraite. Elle resta donc sous la couronne de France, avec titre de Duché de Bourgogne; les rois la cédèrent d'abord comme fief à des princes de leur maison, puis simplement ensuite comme apanages reversibles à la couronne, à défaut de postérité directe.

Le duché de Bourgogne fut donné par les monarques à divers princes, depuis un Richard-le-Justicier, le premier que l'histoire fasse connaître, et qui vivait à la fin du neuvième siècle. Mais Robert Ier, dit le Vieux, fils de Robert, roi de France, fut en 1032 le chef d'une race qui posséda ce fief héréditairement. Il n'avait été jusque là en quelque sorte qu'un bénéfice conféré aux princes de la maison royale. Ce Robert fut la souche de ce qu'on appelle la première race des ducs de Bourgogne. Le duc Eudes IV hérita, en 1330, par sa mère, du comté d'Artois et du comté de Bourgogne ; c'était à-peu-près l'ancienne Séquannaise ou la FrancheComté, c'est-à-dire un autre démembrement du royaume d'Arles.

Les ducs de Bourgogne étaient donc encore à cette époque comtes d'Artois et de Bourgogne; on voit que leur puissance s'accroissait. Nous allons lui voir prendre de nouveaux développemens.

Philippe Ier, dit de Rouvre, du lieu de sa naissance, succéda en 1350 à son aïeul Eudes IV, dont on vient de parler. La mère de ce prince était épouse du roi de France Jean, lequel dirigea le duché pendant la minorité de Philippe. A peine âgé de douze ans, il fat marié à l'héritière du comté de Flandre, et déclaré majeur à quinze ans ; mais il mourut peu de temps après sans postérité. Jean, roi de France, lui succéda dans le duché de Bourgogne. Les lettres

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patentes de réunion du duché à la couronne sont de 1361. Philippe II, dit le Hardi, quatrième fils du roi Jean, fut la tige de la seconde race des ducs de Bourgogne. Ce fut en 1363 qu'il fut créé duc et souverain de cet état, à la demande de la noblesse et du peuple. Il fut en même temps déclaré premier pair du royaume, titre qui appartenait auparavant au duc de Normandie. Ayant épousé l'héritière de Flandre, fille de Louis de Mâle, dernier comte de Flandre, et veuve du jeune Philippe de Rouvre, dernier duc de Bourgogne de la première race, Philippe-le-Hardi ajouta ainsi à son état les comtés de Flandre, d'Artois, de Bourgogne, de Réthel et de Nevers. Ce fut alors un des plus puis sans princes de l'Europe, et l'on put prévoir jusqu'où devaient aller les prospérités de sa maison. Au reste, le même esprit d'indépendance se manifestait toujours dans ces provinces. Ces princes qui commençaient à pouvoir braver les monarques respectaient le vœu de leurs états-généraux: ces états étaient, comme ceux de France, composés des trois ordres. Mais il est manifeste que les députés des villes y jouissaient d'une influence plus considérable que dans toutes autres assemblées du même genre vers cette époque, en exceptant toutefois l'Angleterre, qui marchait dès-lors à la tête de tous les peuples de l'Europe dans la carrière des libertés publiques.

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Trois autres princes, après Philippe-le-Hardi, régnèrent en Bourgogne, et la puissance de cette maison ne fit que s'accroître jusqu'à la catastrophe qui termina les jours du dernier.

Jean, dit Sans-Peur, succéda à son père Philippe en 1404. Les inimitiés fameuses entre les maisons de Bourgogne et d'Orléans, qui furent pour la France la source de tant de calamités, avaient déjà pris naissance. Elles furent signalées sous le règne du nouveau duc par de grands crimes; il fit assassiner son rival à Paris, en 1407, et fut lui-même assassiné, en 1419, sur le pont de Montereau, par Tanegui du

Châtel. Philippe III, le Bon, qui lui succéda en 1413, fit d'abord cause commune avec les Anglais, et mit ce royaume à deux doigts de sa perte, puis enfin, il les abandonna et conclut la paix avec la couronne. Il lui fut livré, par le traité, les comtés de Mâcon, d'Auxerre, de Bar-sur-Seine et de Ponthieu, les villes de Péronne, de Roye et plusieurs autres places de la Picardie avec une somme de cinquante mille écus. Ce fut à ce prix, que ce prince du sang consentit à redevenir bon Français et vassal fidèle; toutefois cette paix était un heureux évènement pour la France; et elle eut donné plus encore pour se voir délivrée de ces farouches bandes bourguignones qui secondaient si bien, depuis près de trente ans, l'ambition des héritiers d'Édouard III.

Marquons les principaux accroissemens de l'Etat de Bourgogne sous le règne de Philippe-le-Bon. Il acheta, en 1421, le marquisat de Namur, dont un certain Jean Thierry de la maison de Flandres était le souverain. Il hérita, en 1430, du duché de Brabant. Il devint comte de Hollande, de Zélande et de Frise, en 1436, par la mort de la comtesse Jacqueline, qui l'avait nommée son ruward ou lieutenant pendant sa vie et son successeur après sa mort. Enfin, en 1451, il fut reconnu duc de Luxembourg par les états de cette province. Son titre était une donation à peu près pareille à celle qui lui avait livré la Hollande. La mémoire de ce prince fut long-temps honorée dans les Pays-Bas. Son âme était élevée et son esprit éclairé, il aimait les arts et es protégeait; sa cour devint le siége de la politesse et du bon goût; il institua en 1430, l'ordre fameux de la Toison-d'Or. Les finances et l'adminis tration furent améliorées sous son règne, les manufactures de lin, de laine et de soie, prirent un accroissement considérable. Bruges et Anvers devinrent les rivales de Venise et de Gênes, il allégea ses peuples et amassa toutefois des richesses considérables.

Ce Charles, surnommé le Terrible ou le Téméraire, qui succéda à son père Philippe, en 1467, menaça quelques ins

tans l'Europe de son joug de fer. Il augmenta ses Etats du Brisgau, du comté de Ferrette, du Sundgau et de l'Alsace, qu'il acheta du duc d'Autriche, et de plusieurs districts où ses armes affermirent sa domination. L'état de Bourgogne s'étendait donc alors de l'Ems à la Somme, et de l'Océan au Jura: son jeune souverain voulait obtenir le titre de roi, et il l'eût sans doute obtenu avec plus de prudence et de modération: sa fougueuse et barbare ambition le perdit. Diverses expéditions dans lesquelles il voyait brûler des villes en disant avec sans froid: Tel fruit porte l'arbre de la guerre, absorbèrent les immenses trésors de sa maison et ruinèrent ses provinces. Enfin sa fortune qui, avait humilié les monarques, fut humiliée à son tour; il fut battu dans les champs de Morat par ces courageux montagnards qui venaient d'arracher leur sol à la tyrannie des Suzerains, et avaient les premiers planté au centre de l'Europe l'étendard de la liberté. Il n'eut plus alors que des revers et il termina bientôt après sa carrière, les armes à la main.

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Sa chute fut un événement européen; car ses prospérités eussent probablement changé le cours des destinées de cette partie du monde. « La fin tragique et inespérée de Charles, » a dit un écrivain distingué (1), fit disparaître de la carte >> du monde politique une puissance indépendante et respectable, qui dans la suite eût pu prévenir les guerres sanglantes de la France et de l'Autriche, s'opposer avec succès >> aux projets de domination de l'une et de l'autre, assurer » la liberté de l'Allemagne et fixer l'équilibre de l'Europe. Et telle eût été effectivement l'importance d'une monarchie des Pays-Bas, à cette époque. Cette création eût enlevé aux ambitions subséquentes un aliment, et peut-être épargné aux peuples de longues calamités.

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Charles n'avait laissé qu'une fille. Louis XI essaya d'abord de dépouiller cette princesse, nommée Marie, en offrant

(1) Ancillon, Tableau politique, tom. II,

d'être son protecteur; mais son mariage avec Maximilien d'Autriche déconcerta toutes ses vues, et il y fallut renoncer. Ainsi fut effectuée cette première union des maisons de Bourgogne et d'Autriche. Marie et Maximilien eurent deux enfans, Marguerite et Philippe. La première eut en partage les comtés de Bourgogne, d'Artois et de Charolais; le second fut reconnu comme souverain des Pays-Bas, à la mort de sa mère, qui eut lieu en 1482. Ce Philippe, surnommé le Beau, ayant épousé. Jeanne héritière d'Aragon, de Castille et de Léon, eut un fils à qui sa tante Marguerite légua les comtés, sa mère les couronnes d'Espagne, son père les Pays-Bas, et son aïeul le duché d'Autriche. Ce fils est Charles V.

CHAPITRE III.

Jusqu'à la fondation de la République.

Charles V devint au moyen de divers arrangemens, sur lesquels il est inutile de s'étendre, souverain intégral des dix-sept provinces des Pays-Bas, savoir : des duchés de Brabant, de Limbourg, de Luxembourg et de Gueldre; des comtés de Zutphen, de Hollande, de Zélande, de Flandre, de Namur, de Hainaut et d'Artois; du marquisat du SaintEmpire (Anvers et son territoire), des seigneuries de Frise, d'Overissel, d'Utrecht, de Groningue et de Malines. En 1549, il publia à Bruxelles une pragmatique portant réunion de ses dix-sept provinces en un état indivisible et héréditaire dans sa maison. Il était dit dans cet acte remarquable que toutes lois intérieures des provinces, relativement à la succession de la maison souveraine, seraient abolies en tant qu'elles ne seraient pas conformes au principe de représentation adopté pour la généralité des Pays-Bas On y voit aussi que ce ne fut qu'après de longues conférences, et après avoir obtenu le consentement des états de chaque province, que cette loi fut publiée par le mo narque.

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