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economie, et chaque pièce qui le compose contient souvent, comme nous le verrons bientôt, un artifice particulier.

Mais ce qui doit surtout distinguer l'horlogerie des autres arts, ou, pour réussir, il ne faut souvent que des connoissances assez bornées dans la mécanique, c'est cette connexion intime qui lui est propre avec les sciences auxquelles elle est subordonnée, et dont elle fait partie : c'est pour cette raison que les auteurs des plus belles découvertes dans cet art, Galilée, Huigens, le docteur Hook et quelques autres, n'y ont été conduits que par les plus grandes lumières de la géométrie.

Bes mesures du temps où Horloges anciennes.

On attribue aux Egyptiens la division du jour en vingt-quatre parties égales, et l'on en raconte une origine plaisante. Quelques auteurs disent qu'Ermès, ou Mercure-Trismégiste, ayant observé le premier qu'une espèce de singe, appelé Cynocéphale, consacré à Sérapis, jetait son urine douze fois par jour et autant la nuit, en des intervalles égaux, s'en servit ensuite pour mesurer les heures du jour. Ils font même dériver le mot heure d'un nom grec qui signifie urine. Il est vraisemblable, et c'est le sentiment de Goguet, que l'observation d'Hermès donna l'idée des clepsydres, qui sont de T'antiquité la plus reculée.

Elles furent longtemps les seules machines dont on fit usage chez les différents peuples, pour mesurer le temps. Le P. Gaubil, dans son Histoire de l'Astronomie chinoise, dit que les astronomes de cette nation supputaient, par leur moyen, les intervalles de temps qui s'écoulaient entre les passages d'une étoile par le méridien, le lever et le coucher du soleil, etc.

« L'art de diviser la journée ne parut que tard à Rome; car on n'y connut, jusques et au-delà du cinquième siècle de sa fondation. que le lever et le coucher du soleil avec le midi. Ce dernier était marqué par l'arrivée du soleil, entre la tribune aux harangues, et un lieu nommé Græcostasis. Alors un héraut, préposé à guetter le moment, le proclamait au peuple : les gens de qualité, à l'imitation des Grecs, avaient des esclaves qui leur en apportaient l'annonce. >> >> On trouve dans Sextus Empiricus, auteur du second siècle

(Contra mathematicos, p. 342, édit. de 1718), la manière dont les Caldéens avaient divisé le zodiaque. On remarqua une des étoiles les plus brillantes, et remplissant d'eau un grand vase percé d'une petite ouverture, du moment où l'étoile se levait, on laissait couler l'eau dans un autre vase jusqu'au lendemain au lever de la même étoile ; partageant ensuite cette eau en douze portions égales, on remarqua le temps qu'il fallait à chacune pour s'écouler, et l'on observa les étoiles qui se levaient à chaque douzième. C'est ainsi qu'on marqua les douze signes ou les douze portions du zodiaque.

>> Les astronomes n'auraient point employé la chute de l'eau pour partager le ciel en douze parties, si l'on avait eu un cercle divisé : cet instrument aurait donné directement la division cherchée; et, comme il est d'une haute antiquité, on voit que l'origine des clepsydres se perd dans les temps les plus reculés. C'est le cercle divisé, ce sont les armilles anciennes, qui donnèrent naissance aux cadrans. Un cadran solaire n'est qu'un cercle décrit sur un plan, une armille simplifiée. Ce cercle, divisé en 60 degrés, comme il l'était jadis, ou relativement aux 12 portions de l'équateur, fournit deux divisions du jour, l'une plus générale, et qui semble plus ancienne, en soixante parties, l'autre en douze. Ces heures furent d'abord égales elles n'auraient point été proposées pour la mesure du temps, si elles avaient été inégales: d'ailleurs l'instrument même, le cadran les donnait telles. On n'aurait pu construire des cadrans qui indiquassent des heures inégales, sans le secours de la méthode des projections, qui est assez moderne, et très-postérieure à l'invention des cadrans. Les heures ne devinrent inégales que lorsqu'elles passèrent de l'usage astronomique à l'usage civil.

» Les astronomes appellent jour, ou jour artificiel (P. Part., art. 7), la durée d'une révolution entière du soleil. Le jour artificiel embrasse un jour naturel et la nuit consécutive. Le peuple, qui veille pour travailler quand le soleil l'éclaire, qui dort quand il l'abandonne, ne put concevoir qu'on appelat jour un assemblage de lumières et de ténèbres, de travail et de repos; il dénatura une division utile, et l'ignorance la rendit inexacte pour la plier à son usage elle ne s'embarrassa pas si le temps s'écoule également pendant que les hommes se livrent au sommeil; elle appliqua les 12 heures au jour naturel, àu temps de la présence du soleil. La

multitude résiste par sa masse et par la force d'inertie; elle fait la loi au petit nombre d'esprits supérieurs : il fallut céder à l'ignorance qu'on ne put éclairer, et l'on doubla le nombre des heures pour que la nuit fût mesurée comme le jour. On eut donc 24 heures. Mais la science fit plus; après avoir laissé la victoire à son ennemie, elle fut obligée de venir à son secours et de remédier aux suites de son obstination. Les jours étant inégaux, les heures deviennent inégales comme eux dans les différents temps de l'année. Le peuple avait, sans doute comme nos laboureurs, quelque moyen grossier, produit par l'inspection habituelle du spectacle du ciel, pour faire le partage des heures du jour; mais ce partage se faisait mal les heures de chaque jour devaient être égales entre elles, elles ne l'étaient pas. La science tira de ses méthodes et de ses inventions nouvelles, la construction des horloges et des cadrans composés, qui partageaient la durée inégale des jours en douze parties égales : cette perfection fut l'ouvrage de l'école d'Alexandrie. Vitruve nous a conservé une nomenclature et une description de ces différents instruments, entre autres de la fameuse clepsydre de Ctesibius, qui passe pour avoir été la première de cette espèce. »>

Suivant les recherches de Falconet, ce ne fut que vers le commencement du XIVe siècle de notre ère, que l'on fit des horloges mécaniques sans le secours de l'eau 1.

Les savants sont peu d'accord sur cette invention. Les uns l'attribuent à Pacificus, archidiacre de Vérone, excellent mathématicien, mort en 849; d'autres à Gerbert; d'autres à Walingfort, bénédictin anglais; d'autres à Régiomontanus, qui naquit en l'année 1436, etc. Peut-être ont-ils tous raison. Il était au-dessus des forces de l'esprit humain de faire parvenir tout de suite à sa perfection un art aussi compliqué; il fallait des siècles pour cela. Ainsi les clepsydres à roues auront donné l'idée du rouage; Pacificus aura peut-être inventé le modérateur ou balancier; Gerbert, ou un autre, l'échappement à roue de rencontre, le plus anciennement connu, et dont on fait encore généralement usage dans les montres ordinaires; Walingfort, ou ses prédécesseurs, auront enfin, vers le commencement du XIV siècle, supprimé l'action de l'eau ou du sable, pour y substituer celle d'un poids moteur, etc.

1 On les connaissait dès l'an 1120. Journal des Savants, 1782, p. 192.

Quoiqu'il en soit, une horloge, dans ce temps-là, était déjà composée, 1° d'une force motrice, c'est-à-dire d'un poids; 2o de plusieurs roues et pignons formant ce qu'on appelle un rouage; 3o d'un échappement; 4o enfin d'un modérateur ou balancier. Voici qu'elles étaient les fonctions de toutes ces parties.

Le modérateur, par sa masse ou inertie, retardait le mouvement du rouage qui, sans cet obstacle, se serait mù avec une vitesse prodigieuse par l'action du poids. Cet effet s'opérait par un mécanisme dont on peut voir le jeu en ouvrant une montre ordinaire. En examinant l'intérieur de cette machine avec attention, on apercevra que la dernière roue, nommée roue de rencontre, dont l'axe est parallèle aux platines, et perpendiculaire à l'axe du balancier, pousse alternativement deux petites ailes ou palettes qui s'élèvent sur cet axe, et forment entre elles un angle d'environ 100 degrés ; qu'une de ces palettes ayant été poussée, celle qui lui est opposée s'avance dans les dents de la roue, et la fait d'abord un peu reculer jusqu'à ce qu'elle soit poussée à son tour par cette roue, etc. c'est ce que l'on nomme l'échappement. Par son moyen, le modérateur recevait le mouvement du poids ou moteur, mais de manière que l'espace parcouru par ce moteur dans sa descente, étant extrêmement diminué, on n'était pas dans la nécessité de le remonter continuellement : cela s'exécutait au moyen du rouage.

Pour bien entendre cet effet, supposons que ce rouage fût composé de trois roues de même grandeur, et de quarante-huit dents chacune, et que les deux dernières fussent montées sur des arbres ou tiges portant des pignons de douze ailes; il est certain que, les roues engrenant dans les pignons, dans ce cas, la première sur laquelle le moteur agit immédiatement, ne fait que le quart d'un tour, tandis que la seconde fait un tour entier; car, dans ce quart, elle porte douze dents qui, s'étant appliquées successivement sur chaque aile du pignon de douze ailes, lui ont fait faire une révolution, ainsi qu'à la roue qui lui est centralement adaptée. On fera le même raisonnement pour l'autre roue et son pignon. Ainsi, pour avoir le nombre de ses tours pour un de la première, il faudra multiplier 4, nombre des tours que cette première fait faire à la seconde pour un des siens, par 4 que fait la dernière pour un de la seconde, ce qui donne 16; d'où il suit que le poids adapté à la première, au moyen d'une poulie,

d'un cylindre, etc., arrivait seize fois plus tard au bas de sa descente que si cette roue avait été seule, et que l'effort de ce poids, par les bois de la mécanique, était seize fois moins considérable à la circonférence de la troisième roue qu'à celle de la première.

Il est aisé de concevoir que si l'on ajoutait au rouage précédent un troisième pignon et une quatrième roue, elle ferait soixantequatre tours pour un de la première, ainsi de suite; et qu'en changeant le rapport des nombres des pignons et des roues, on augmente on diminue à volonté les tours de la dernière par rapport à ceux de la première; que par conséquent on est maitre de faire descendre le poids aussi lentement qu'on le souhaite, et de faire marcher la machine un jour, un mois, un an, etc., sans qu'il soit besoin de remonter ce poids.

Si ces horloges, qui précédèrent la découverte et l'application du pendule et du ressort spiral, surpassèrent celles des anciens par leur commodité, il y a lieu de croire qu'elles leur étaient inférieures du cité de la justesse; car nous voyons que Tycho-Brahé, dans l'avantdernier siècle, s'est servi de clepsydres pour observer le mouvement des astres', et que Dudley faisait par leur moyen toutes ses observations maritimes.

On a essayé, et j'ai tenté moi-même, de faire des clepsydres avec du mercure la pesanteur de ce métal et sa constante fluidité m'en faisaient espérer du succès. L'expérience ne tarda pas à me détromper. J'ai reconnu que, par le mouvement et le frottement de ses parties, le mercure se réduit en une poudre grise qui s'attache plus ou moins aux parois du trou par lequel il coule, etc.

De toutes les clepsydres, le tambour contenant des cloisons, suspendu par des cordons le long desquels il descend, me parait la plus ngénieuse. On peut en voir la description dans le Traité général des Horloges du P. Alexandre, p. 73.

Tycho-Brahé avait quatre horloges qui marquaient les minutes et les secondes ; la plus grosse n'avait que trois roues, dont la première et la plus grande avait trois pieds de diamètre et douze cents dents. On se servait toujours de deux horJages à la fois. Hévélius employa aussi les meilleures horloges de son temps.

Dans les observations de Waltherus, faites vers l'an 1500, publiées par Schoner, on lit (pag. 50), que l'horloge dont il se servait était très-bien réglée; que d'un idi à l'autre elle se retrouvait parfaitement d'accord avec le soleil, et que les temps marqués sur l'horloge étaient presque les mêmes que ceux qu'on tirait du calcul.

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