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Quand un amant eft fûr d'une pleine victoire, Són âme oublie alors fes foucis, fa langueur: Il ne rappelle à la mémoire

Que le charme d'être vainqueur.

Par Mlle POULAIN, de Nogent-fur-Seine, auteur de l'Anecdote intéreffante de la fir du règne de Louis XIV.

LETTRE fur la ftatue de l'Irmen - Sul ancienne divinité des Germains.

Iz m'eft impoffible, Monsieur, de ré

pondre à toutes vos queftions touchant la montagne fur laquelle l'Irmen-Sul à reçu, pendant fi long-temps, les hommages des Saxons. Voici les éclairciffemens que j'ai pris par mes propres yeux, & ceux qu'un Bénédictin de Marsberg même à bien voulu me communiquer... Dans le Duché de Weftphalie, & près de la petite ville de Statberg, eft une montagne ifolée fur laquelle on trouve un bourg qui n'a rien de remarquable, non plus que le couvent des Bénédictins mitigés qui en occupe la partie feptentrionale. Au nord de l'églife conventuelle est une pierre brute, ou peu s'en faut, qui, dit-on,

fervoit jadis de piédeftal à l'idole des Saxons. Sa forme eft des plus triviales, & reffemble à une meule de moulin. Charlemagne, qui fit dans ce pays de fréquentes miffions, plaça fur cette bâfe informe la ftatue de la Vierge tenant entre fes bras l'Enfant Jéfus, auquel elle femble indiquer, avec le doigt, le caveau où les Germains facrifioient des victimes humaines. Ce caveau qui me paroît, ainfi que la ftatue de la Vierge, un ouvrage trèsmoderne, quoi qu'en difent MM. les Religieux) ne préfente ni hyérogliphe, ni infcription, & n'eft par conféquent d'aucune reffource pour un differtateur. Au moyen de quoi tout fe réduit à dire que la fameufe ftatue d'Herman, d'Irmen, ott d'Irmen-Sul, n'eft plus dans l'endroit où elle a reçu les adorations des Saxons; que Charlemagne, après de fanglantes guerres, eft venu à bout de la renverfer, mais non pas de la détruire, puifqu'on la voit encore à Hildesheim, & qu'elle repréfente, fuivant la tradition, un guerrier qu'on fuppofe être Arminius, vainqueur des Romains, ou le dieu Mars adoré des Germains! Cette dernière opinion tire fa vraisemblance du nom de la montagne où étoit le temple de cette divinité, qu'on appelle encore Marsberg; c'est-à-dire, la montagne de

Mars. Quant au caveau, on doit convenir, quelque envie qu'on ait de differter, qu'il n'y a aucun veftige de paganifme, & qu'au contraire, tout nous y retrace la loi nouvelle, puifque l'œil y remarque avec plaifir plufieurs tonneaux de vin, &c.

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On trouve encore, fur le cimetière des Moines, la ftatue de Roland que les Bénédictins confervent avec foin, parce qu'ils affurent qu'elle fuffit pour prouver que leur couvent eft un fief immédiat de l'Empire; auffi prétendent-ils être fouverains dans leur clôture, & ne reconnoître d'autre jurifdiction que celle du Prince de Corwei, leur Abbé.

Une infcription latine que l'on voit fur une petite porte, dans la baffe-cour du monastère, m'a frappé par fa fingularité. La voici mot pour mot. In honorem beati Donati, Epifcopi & Martiris, hoc equile conftruxit R. R. D. de Wens, Prapofitus Marsbergenfis, anno, &c. Bâtir une écurie à l'honneur d'un faint me paroît une dévo tion des plus fingulières.

Voilà, Monfieur, tout ce que j'ai lu, vu & entendu à Marsberg. Je fuis fâché de n'avoir pas le talent de l'amplification pour vous en faire accroire un peu, & pour m'entretenir plus long-temps avec vous. J'ai l'honneur d'être, &c.

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STANCES à Mlle A***, qui demandoit à l'Auteur la lifte de fes defirs.

DA

ANS les amis fincérité,
Quelques grains de philofophie,
Quelquefois de l'étourderie

Pour mieux varier la gaîté.

Agréable fociété,

Dont l'indulgence fans baffeffe
Me pardonne quelque foibleffe,
Vu celles de l'humanité.

Compagne en qui l'efprit s'allie
'Aux charmes de la volupté :
Un peu de bien, force fanté,
Par fois une tendre folie.

Tu pardonneras, ma Sophie
A l'excès de certains defirs,
En faveur de tous les plaifirs
Dont je veux amufer la vie.

COSTARDA

PIRRHA, A BABE T.

Fable, de feu M. DE SENANT *.

LORSQUE le déluge écoulé

Laiffa de l'un à l'autre pôle
Ce trifte univers désolé;
Pirrha, par-deffus fon épaule,
Pour réparer le genre humain,
Jettoit, d'une treinblante main,
Tous les cailloux qui d'aventure
Se réncontroient dans fon chemin
Et femmes de naître foudain.
Mais, en conservant la nature
De ces pierres dont s'engendra
Leur cœur, leur tête, & catera,
L'une étoit blanche, l'autre obfcure,
L'une tendre, l'autre plus dure,
A chaque femme il eft refté
Quelque chofe de la figure,/
De la couleur & qualité
De ce qu'elle a jadis été.

L'une a la blancheur de l'albâtre,

L'autre eft brune, noire, ou mulâtre.

* Mort il y a environ vingt ans, auteur de l'Ode anacréontique à Mlle Gauffin, & d'autres jolies pièces de vers inférées dans le Mercure de décembre 1757, ainsi que du portrait de Mlle Clairon dans notre précédent volume.

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