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Viens, Eglé, cueille cette rofe, Elle eft à fon premier matin. Fleur trop heureufe, à peine éclofe, Elle va mourir fur ton fein !

Mais écoute, fous ce feuillage,
Le peuple aîlé de ce féjour;
Ses doux accens font le langage,
Et la voix même de l'amour.

Tout aime à préfent fur la terre, Jufqu'au fier habitant des bois ; Il craint le Dieu qui nous éclaire : Le plaifir lui donne des loix.

Les attraits que Cybèle étale Sont dûs aux baifers des zéphirs; Les parfums que fa bouche exale, S'envolent avec leurs foupirs.

Qui veut fuir l'amoureuse chaîne Doit craindre ces douces vapeurs ; De la volupté c'eft l'haleine, Qu'on refpire au milieu des fleurs.

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Si le printemps eft la jeunesse De l'an dont commence le cours ; C'est l'âge heureux de la tendresse, Qui fait le printemps de nos jours.

Ufe des biens dont la nature
Voulut avec foin t'enrichir
Ses dons ne font que ta parure,
Ton bonheur fera d'en jouir.

D. B.

PRIÈRE que les Juifs Portugais ont faite à Bordeaux pour demander à Dieu le rétablissement de la fanté de la REINE, le 10 mars 1768, jour par eux arrêté pour obferver, à cet effet, un jeûne général, & faire des aumônes publiques. Composée en hébreu & en espagnol par leur Rabin, le fieur DAVID ATHIAS, & traduite en françois par le fieur PEREIRE, Penfionnaire & Interprète du Roi, Membre de la Société Royale de Londres, agent des Juifs Portugais à Paris.

MAÎTRE fouverain du monde, père des grâces & des miféricordes! Nous, ton peuple Ifraël, dans l'angoiffe où nous jette la maladie de notre augufte Reine, venons en pleurs, contrits, défolés, pénitens, ré

pendant des aumônes dans le fein des pauvres, implorer ta clémence en fa faveur; te prier de lui accorder la fanté, & de prolonger fes jours.

Seigneur tout-puiffant ! regarde en pitié les vives allarmes de tes ferviteurs, fur l'état déplorable d'une fi vertueufe Princeffe. Si le danger qui la menace eft une punition de nos iniquités, defcends, Seigneur, en ce moment du tribunal rigoureux de tes vengeances: que notre prière, pour fon rétabliffement, parvienne au trône d'où tu répands tes graces. Daigne, grand Dieu, du centre de ta gloire, jetter les yeux fur ton peuple, plongé dans la douleur: vois nos vifages pâles, abattus; nos femmes & nos enfans baignés de larmes prête l'oreille à nos gémiffemens; nos foupirs, nos cris, nos fanglots reinpliffent nos demeures : les maux qu'endure notre Reine font devenus les nôtres : fais-les ceffer, Seigneur, rends lui la fanté.

ORoi, Seigneur de tous les Rois ! Nous fentons redoubler notre désolation à l'afpect de celle de notre Monarque, qui, témoin des fouffrances d'une époufe chérie, & fi digne de l'être, nè ceffe de les partager. O combien la fituation de fon cœur tendre & compatiffant nous fait frémir, & combien celle de fes auguftes & vertueux

enfans nous remplit d'amertume! Seigneur, Seigneur miféricordieux! éloigne de notre efprit les craintes dont il eft troublé: redonne la fanté à la plus bienfaifante des Reines.

Seigneur, notre Dieu, Dieu de nos pères! Quoiqu'en réfléchiffant fur ta grandeur infinie, nous femblions difparoître à nos propres yeux dans l'abîme du néant, dont ta main. nous a tirés ; quoique la fainte frayeur qu'infpire l'immenfité de ta puiffance, glace nos langues, & paroiffe nous interdire les prières les plus humbles & les plus ferventes, comme téméraires & indignes de ta majefté; nous n'efpérons pas moins de ta commifération l'accompliffement de nos défirs; car tu es, Seigneur, infiniment bon, & l'univers n'existe que par un pur effet de ta bonté: tu nous a créés avec un cœur reconnoiffant, & tu te plais à exaucer ceux qui t'implorent dans leurs tribulations.

Roi fouverain de toutes les puiffances, juge de vérité, juste en toutes tes voies! En nous confervant la Reine, en tariffant la fource de nos pleurs, fais pareillement éclater tes prodiges en faveur du Roi, fon augufte époux: en faveur de ce Prince bon, équitable, fage, bienfaisant, à qui ton peuple doit en fa dispersion, l'asyle

le plus humain & le plus affuré, la protection la plus généreuse & la plus conftante ( 1 ).

Père benin de ton peuple Ifraël, jufte rémunérateur des bonnes œuvres ! Si celui qui fait du bien à des enfans étrangers, qui les gouverne & les traite en père, mérite tout du vrai père de ces même enfans; quels droits, Seigneur, n'a pas acquis au tréfor immenfe de tes miféricordes, Louis LE BIEN-AIMÉ, qui, à l'exemple de fes prédéceffeurs, qu'il furpaffe encore en bonté, étend fur Ifraël, ton fils, ton premier né. (2), les mêmes follicitudes paternelles qu'il a pour tous les peuples que ta providence a confiés à fes foins!

Que tes faintes bénédictions, Seigneur, defcendent donc fur fa perfonne facrée ; que ton efprit dirige toutes fes actions que ton bras le protége, que ta main le guide, qu'il profpère en tout, & que pendant le cours d'une longue & glorieufe vie, il continue de faire le bonheur de la France, dont il eft le père, & celui de tes ferviteurs, fes enfans adoptifs.

(1) Les Juifs Portugais jouiffent en France, depuis 1550, des mêmes droits que les naturels François. Voyez le recueil de leurs lettres-patentes, imprimé à Paris, chez Valleyre en 1753, & chez Moreau en 1765.

(2) Exede, chap. 4, verf. 22.

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