Ce difcours étoit plus que fuffifant pour ouvrir les yeux du Marquis. Il fe rappella auffi tôt que depuis quelque temps le neveu de fon Intendant avoit épousé cette femme de chambre de fa femme, & qu'en les mariant il y avoit eu un enfant à légitimer. Le défefpoir le plus affreux s'empara de fon âme: que je fuis malheureux, s'écria-t-il, en donnant un libre cours à fes larmes! Depuis quel temps, grand Dieu, ma femme eft la victime de mon erreur ! Courons vîte, cher frère, lui dit-il, en s'adreffant au Comte; courons la délivrer de fa prifon. Le Marquis, à ces mots, fans penfer davantage à l'Eccléfiaftique, prend fon beau-frère par le bras, l'entraîne à fon hôtel, fait mettre les chevaux à fa voiture, & fans fonger à le faire fouper, veut qu'il parte avec lui à l'inftant même. Tandis qu'on préparoit la chaife, le Marquis fe rappella la lettre de fa femme. Hélas! dit-il au Comte, je me fuis toujours refufé à la vérité ; j'ai toujours rejetté tout éclairciffement: je me rappelle une lettre de la Marquife, écrite en foie, & que je ne voulus jamais lire. Cette lecture ne fervit qu'à l'accabler davantage, & le Comte, loin de lui reprocher ce qu'avoit dû fouffrir fa fœur, ne cherchoit qu'à calmer fes remords. Cependant la voiture vole, & va pourtant trop lentement au gré du Marquis. Ils arrivent enfin, entrent avec grand bruit dans le château, & réveillent la Marquife. La pauvre femme, étonnée de cet événement, & frémiffant de ce qu'il peut lui préfager, fe lève, va fe placer, pour mieux entendre, à la porte de fa prifon qui, en s'ouvrant l'instant après, lui montre à fes pieds fon époux. Tous deux étoient évanouis lorfque le Comte, qui n'avoit pu fuivre que de loin fon beau-frère, arriva, les fit revenir l'un & l'autre & jouit de tous leurs transports. Enfin on s'expliqua, la Marquife patdonna tout, s'informa en tremblant de fes enfans; apprit avec plaifir que fon fils promettoit beaucoup, que fa fille étoit vivante, & qu'elle pourroit l'embraffer, & même la reprendre en paffant par le village où elle étoit nourrie & l'emmener avec elle à Paris. On ajoutera feulement que tout fe termina au gré des vœux de l'époufe & de l'époux, & qu'ils goûtèrent d'autant mieux leur bonheur, qu'il avoit été long-temps cruellement traverfé. Par Mlle POULAIN, de Nogent-fur-Seine. PORTRAIT de Mlle CLAIRON *. ELEVE de Cypris, fouveraine maîtresse Dans l'art de peindre un fentiment ; Et la fureur & la tendresse De nos fatales paffions! On reffent les afflictions; On éprouve fa joie, on partage ses craintes : A fes difgraces, à ses plaintes, Pourquoi faut-il, hélas ! que ces dons fi charmans, Qui nous féduisent dans l'actrice, Nous faffent foupçonner l'amante d'artifice, Et douter de tous fes fermens? Qu'elle eft cette jeune bergère Ah pour être aimé constamment, * L'auteur de c.s vers eft mort il y a quelques années. En Mais quel est mon aveuglement? Qu'entend-je quel fon enchanteur, Dans nos cœurs porte l'affurance ; Mais elle bannit la licence Par fon air de lévérité. Quoi donc m'abuferois-je encore? Grands Dieux quelle variété ! Charmante Clairon, je t'adore, voyant fur ton front, avec la liberté Je confens que toujours une forme nouvelle, Adorable Clairon, relève tes appas, Pourvu que tu me fois fidelle, Et que ton coeur ne change pas, LE PRINTEMPS. ODE ANA CRÉONTIQUE. A M MUSEZ l'objet que j'adore Par des tableaux intéreflans; Courtifans aimables de Flore, Plaifirs, embelliffez mes chants. En recommençant la carrière, Pour briller d'un éclat nouveau, Le Dieu qui répand la lumière De l'amour a pris le flambeau. La Nayade, long-temps captive, S'éveille aux rayons d'un beau jour ; Déja fon onde fugitive, En murmurant, chante l'amour. Le muguet & la violette, Quand de cette épine nouvelle, |