Page images
PDF
EPUB

» fiques, parce que la paix, le premier besoin » des peuples, est le premier devoir des rois. ›› Mes anciens ministres savent quels efforts j'ai >> faits pour éviter la guerre. Je sentois combien » la paix étoit nécessaire. Elle seule pouvoit éclai»rer la nation sur la nouvelle forme de son gou>> vernement; elle seule, en épargnant des mal» heurs aux peuples, pouvoit me faire soutenir » le caractère que j'ai voulu prendre dans cette » révolution; mais j'ai cédé à l'avis unanime de » mon conseil, au vœu manifesté d'une grande » partie de la nation, et plusieurs fois exprimé » par l'assemblée nationale.

» La guerre déclarée, je n'ai négligé aucun des » moyens d'en assurer le succès (1). Mes ministres » ont reçu ordre de les concerter avec les comités. » de l'assemblée nationale et avec les généraux. » Si l'évènement n'a pas encore répondu aux es» pérances de la nation, ne devons-nous pas en ›› accuser nos divisions intestines, les progrès de > l'esprit de parti, et sur-tout l'état de nos armées, » qui avoient besoin d'être encore exercées › avant d'être menées au combat? Mais la nation > verra croître mes efforts avec ceux des puis»sances ennemies. Je prendrai, de concert avec

(1) La lecture du message fut scandaleusement interrompue à ces mots, par les murmures qui éclatèrent dans une partie de la salle, et par les clameurs des tribunes.

[ocr errors]

» l'assemblée nationale, tous les moyens pour » que les malheurs inévitables de la guerre soient » profitables à la liberté et à sa gloire.

[ocr errors]

» J'ai accepté la constitution; la majorité de » la nation la desiroit; j'ai vu qu'elle y plaçoit » son bonheur, et ce bonheur fait l'unique occu»pation de ma vie. Depuis ce moment, je me suis » fait une loi d'y être fidèle (1), et j'ai donné » ordre à mes ministres de la prendre pour seule » règle de leur conduite. Seul, je n'ai pas voulu » mettre mes lumières à la place de l'expérience, » ni ma volonté à la place de mon serment. J'ai » dû travailler au bonheur du peuple, j'ai fait ce » que j'ai dû, c'est assez pour le coeur de l'homme » de bien. Jamais on ne me verra composer sur » la gloire, ou sur les intérêts de la nation, rece» voir la loi des étrangers ou celle d'un parti; » c'est à la nation que je me dois ; je ne fais qu'un » avec elle; aucun intérêt ne sauroit m'en sépa»rer; elle seule sera écoutée. Je maintiendrai, » jusqu'à mon dernier soupir, l'indépendance » nationale. Les dangers personnels ne sont rien » auprès des malheurs publics. Eh! qu'est-ce que » des dangers personnels pour un roi à qui on » veut enlever l'amour de son peuple? C'est-là

(1) Ici les murmures et les clameurs redoublerent; les mots ça n'est pas vrai furent même entendus.

» qu'est la véritable plaie de mon cœur. Un jour, >> peut-être, le peuple saura combien son bon

heur m'est cher, combien il fut toujours et mon » seul intérêt et mon premier besoin. Que de cha» grins pourroient être effacés par la plus légère » marque de son retour! »

Cette lettre, dans laquelle le roi exprimoit avec autant de sincérité que de candeur, et d'une manière si touchante, ses principes, sa conduite, ses sentimens et ses peines, fut entendue sans la moindre émotion, par la grande majorité de cette brutale assemblée. Elle osa même refuser d'en ordonner l'impression, sous prétexte qu'elle exprimoit des sentimens dont le roi n'avoit encore donné ni garantie, ni preuves suffisantes. « Ce » n'est pas dans de vaines lettres, disoit-on, mais » dans des actions d'une grande énergie que con» siste l'acte formel de résistance que la consti>>tution prescrit au roi, contre des ennemis qui » ne nous font la guerre que pour lui et en son

» nom. »

Isnard en fureur, monta à la tribune, et entreprit de prouver par ses vociférations, qu'autant le langage du roi étoit conforme à la constitution, autant sa conduite Ꭹ étoit contraire, et que noncontent de n'avoir rien fait de ce qu'il falloit faire pour soutenir avec succès la guerre étrangère, pour prévenir la guerre civile et pour arrêter le plan de contre révolution formé par une noblesse

factieuse et par des prêtres rebelles, il avoit paralysé toutes les mesures de l'assemblée.

Pour mettre le comble au scandale de cette séance, Pétion s'y présenta à la tête d'une députation de la commune, récapitula les prétendus griefs de la nation contre le roi, depuis l'ouverture des états-généraux, et les prétendus bienfaits de la nation envers Louis XVI, et cette infâme pétition dont chaque phrase étoit une calomnie atroce, fut terminée par les conclusions sui

vantes:

«Par un reste d'indulgence, nous aurions de»siré pouvoir vous demander la suspension de » Louis XVI, tant qu'existera le danger de la pa» ̈trie; mais la constitution s'y oppose. Louis XVI » invoque sans cesse la constitution: nous l'in» voquons à notre tour, et nous demandons sa » déchéance. Cette grande mesure une fois adop»tée, comme il est très-douteux que la nation » puisse avoir confiance en la dynastie actuelle, » nous demandons. que les ministres solidaire»ment responsables, choisis par l'assemblée › nationale, mais hors de son sein, suivant la loi »‹constitutionnelle, nommés par le scrutin des » hommes libres à haute voix, exercent provi»soirement le pouvoir exécutif, en attendant » que la volonté du peuple, notre souverain et le » vôtre, soit légalement prononcée dans une con>>vention nationale, aussitôt que la sûreté de

» l'état pourra le permettre. Cependant, que nos » ennemis, quels qu'ils soient, se rangent tous » au-delà de nos frontières; que les lâches et les

[ocr errors]

parjures abandonnent le sol de la liberté; que » trois cent mille esclaves s'avancent,ils trouveront » devant eux dix millions d'hommes libres prêts » à la mort comme à la victoire, combattant pour » l'égalité, pour le toît paternel, pour leurs femmes, » leurs enfans et leurs vieillards; que chacun de > nous soit soldat tour-à-tour; et, s'il faut avoir » l'honneur de mourir pour la patrie, qu'avant » de rendre le dernier soupir, chacun de nous » illustre sa mémoire par la mort d'un esclave » ou d'un tyran. »

Ces ridicules rodomontades et ces demandes, dont le moindre vice étoit celui d'être entièrement contraires à la constitution, furent applau-` dies avec transport; et l'assemblée, qui, si elle eût fait son devoir, auroit renvoyé la pétition de la commune de Paris devant les tribunaux, pour être fait justice des pétitionnaires, la renvoya à la commission des douze.

La commune ayant ainsi donné impunément le signal de la révolte, il fut bientôt suivi par les sections. Le même jour, celle de Bon-Conseil prit l'arrêté, dont voici la substance : « Considérant » qu'il est impossible de sauver la liberté par la » constitution,, que par conséquent, à cet égard, » la constitution ne peut être regardée comme

« PreviousContinue »