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sieurs bourgeois ou bourgeoises en allaient choisir servir en leur assignant des gages.

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— Le 13 et le 14 de ce mois, les religieux mathurins firent une procession solennelle. Le 13, elle commença depuis leur église dans la rue Saint-Jacques, jusqu'à celle de l'abbaye royale de Saint-Antoine, dans laquelle procession on vit cinquante-sept captifs que ces religieux avaient depuis peu rachetés de l'esclavage à Alger, à Tunis et à Tripoli, ainsi qu'en d'autres lieux de Barbarie. Chaque captif marchait entre deux enfants vêtus en anges.

Le 14, la procession se fit dans le même ordre depuis leur église jusqu'à celle des Feuillants de la rue SaintHonoré, où la messe fut solennellement célébrée, après laquelle les Feuillants donnèrent à dîner aux Mathurins, aux captifs, à leurs conducteurs vêtus en anges et aux confrères des confréries de Notre-Dame de la Délivrance et de Bon-Remède, revêtus d'aubes blanches, ayant chacun une couronne de laurier sur la tête, quelques-uns ayant des sandales et les autres marchant pieds nus.

Le lendemain 15, les Mathurins donnèrent à chacun des

captifs une somme de trente livres pour les aider à regagner leur pays. Le premier de ces captifs était un enfant de douze ou treize ans, esclave depuis quatorze mois, et le dernier était un vénérable vieillard âgé de quatre-vingtdeux ans, esclave depuis trente-cinq ans.

- On assurait alors que par ordre de M. le Régent, le sieur Law envoyait de temps en temps des sommes trèsconsidérables à la banque d'Amsterdam, pour la valeur des billets de banque que quelques négociants hollandais avaient reçus en France pour le payement de leurs marchandises, et qu'on faisait la même chose à l'égard des Anglais et d'autres étrangers, afin de faciliter le commerce.

-- Le Roi assigna une pension de douze mille livres à M. l'évêque de Clermont, qui lui servait alors de confesseur, à cause des infirmités de l'abbé de Fleury.

- On apprit alors que M. de Creil, intendant de la Rochelle, avait achevé d'établir dans l'élection de Saintes le subside de la dìme royale, au lieu de la taille arbitraire. Cette élection est composée de deux cent soixante-dix paroisses, dont douze ou quinze appartenaient à des seigneurs qui, par leur crédit, les favorisaient beaucoup, mais qui, par cet établissement, se trouvaient déchus de les protéger davantage. Le même intendant devait faire la même opération dans les élections de Cognac et de Saint-Jean d'Angély. On comptait que cela pourrait produire un quarantième plus que la taille ancienne, et cependant les particuliers devaient payer en denrées une cinquième partie moins qu'auparavant.

Parodie de la scène VI du IV acte d'Iphigénie.

M. L'ÉVÊQUE DE MONTPELLIER.

Un bruit assez étrange est venu jusqu'à moi;
Seigneur, je l'ai jugé trop peu digne de foi.
On dit, et sans horreur je ne puis le redire,
Que la bulle, aujourd'hui, de votre aveu respire,
Que vous-même, étouffant tout mouvement divin,
L'allez, malgré l'appel, signer de votre main;
On dit que par Dubois à la cour rappelée,
Elle voit à ses pieds sa rivale immolée,
Et d'explications abusant les prélats,

Vous signez ce qu'elle est et ce qu'elle n'est pas.
Qu'en dites-vous, seigneur, que faut-il que j'en pense?
Ne ferez-vous pas taire un bruit qui vous offense?

M. LE CARDINAL DE NOAILLES.

Prélat, je ne rends point compte de mes desseins,
L'Église ignore encor mes projets incertains;
Et quand il sera temps qu'elle en soit informée,
Vous apprendrez son sort et votre destinée.

M. DE MONTPELLIER.

Ah! je sais trop le sort que vous lui réservez.

M. LE CARDINAL.

Pourquoi le demander, puisque vous le savez?

M. DE MONTPELLIER.

Pourquoi je le demande, ô ciel! puis-je le croire,
Qu'on ose des horreurs avouer la plus noire!
Vous pensez qu'approuvant vos desseins odieux,
Je vous laisse immoler votre Église à mes yeux,
Que l'honneur, que la foi d'un évêque y consente!

M. LE CARDINAL.

Mais vous, qui me parlez d'une voix menaçante, Oubliez-vous ici qui vous interrogez?

M. DE MONTPELLIER.

Vous-même oubliez-vous quel Dieu vous outragez?

M. LE CARDINAL.

Eh! qui vous a chargé du soin de mon Église?
Ne puis-je la forcer à me rester soumise?
Ne suis-je plus son père? Êtes-vous son pasteur?

M. DE MONTPELLIER.

Non, non, vous devenez un traître, un ravisseur.
On ne m'abuse point par
des promesses vaines.
Tant qu'un reste de sang coulera dans mes veines,
A défendre la foi je dois tous mes moments;
Je soutiendrai ses droits fondé sur des serments;
A mes soins vous l'avez jadis recommandée.

M. LE CARDINAL.

Plaignez-vous aux prélats qui me l'ont enlevée,
Accusez le Régent, le conseil tout entier,
Dreuillet, Rohan, Louet, et vous tout le premier.

Moi!...

M. DE MONTPELLIER.

M. LE CARDINAL.

Qui du Vatican embrassant la conquête, Irritez tous les jours la cour qui vous arrête; Vous qui, vous offensant de mes justes terreurs, Avez dans tout Paris répandu vos fureurs!

M. DE MONTPELLIER.

Juste ciel! puis-je entendre et souffrir ce langage?
Est-ce ainsi qu'au parjure on ajoute l'outrage?
Pourquoi, sourd à la voix de dangereux amis,
Et d'un frère à la cour négligeant les avis,
Eventai-je en secret la quadruple alliance
Qui des lions romains a délivré la France?
Et quel fut le dessein qui nous assembla tous?
Ne rendimes-nous pas l'Église à son époux?
Depuis quand pensez-vous qu'inutile à moi-même
Je vous laisse offenser la vérité que j'aime?
Trop heureux de mon choix, soins, peines et travaux,
Ma foi lui promit tout, et rien à ses rivaux.
La vérité m'a plu, je travaille à lui plaire,
Elle est de mes serments seule dépositaire.
Je ne connais Clermont, Bayonne ni Paris;
Anathème à la bulle! on ne m'a qu'à ce prix.

M. LE CARDINAL.

Fuyez, retirez-vous dans votre Montpellier,
Je vous rends le serment dont il vous plut lier;
De la France déjà vous vous rendez l'arbitre;
Les prélats, selon vous, m'ont orné d'un vain titre.
Assez d'autres viendront, à mes ordres soumis,
Se couvrir des lauriers qui vous furent promis;
Et par de beaux exploits forçant la destinée,
Trouveront de Quesnel la fatale journée.

Fier de votre valeur, tout, si je vous en crois,
Doit marcher, doit fléchir, doit tomber sous vos lois.
Un bienfait reproché tint toujours lieu d'offense;
Je veux moins de valeur et plus d'obéissance;

Fuyez! je ne crains point votre impuissant courroux,
Et je romps tous les nœuds qui m'attachent à vous.

M. DE MONTPELLIER.

Rendez grâce au seul nom qui retient ma colère,
De Noailles encor je respecte le frère;

Peut-être sans ce nom, le plus mou des prélats
Sentirait ce que peut la valeur de mon bras.

Je ne dis plus qu'un mot, c'est à vous de m'entendre :
J'ai la religion et mon âme à défendre;

Pour attaquer la foi que vous voulez blesser,

Voilà par quel chemin vos coups doivent passer.

On ignore le nom de l'auteur de cette parodie, faite à l'imitation de la tragédie d'Iphigénie, par Molière'. Elle a été composée au sujet de l'accommodement de la constitution Unigenitus, fait suivant les explications que M. le cardinal de Noailles a dressées sur chaque proposition condamnée par cette bulle.

Les intendants des provinces reçurent ordre de la cour d'enjoindre aux curés des paroisses de leur envoyer une liste des vagabonds, fainéants et libertins qui se trouvaient dans leurs paroisses, à peine de cinq cents livres d'amende contre chaque curé qui ne le ferait pas au juste, applicable aux hôpitaux voisins.

M. le lieutenant général de police enjoignit alors aux syndics des six corps de marchands de Paris de lui apporter incessamment une liste exacte des enfants, garçons de boutique et des apprentis de chacun de leur corps, afin d'en étre informé quand les archers en auraient enlevé quelques-uns; il manda aussi les jurés des communautés des artisans, auxquels il enjoignit la même chose, et que chaque maître eùt à renouveler tous les huit jours les cer

Il y a ici un lapsus calami que tout le monde remarquerait sans qu'on eût besoin de le signaler. Iphigénie en Aulide est de Jean Racine.

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