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un louis d'or de trente-six livres pour le consoler d'avoir ainsi perdu sa journée.

Ce tableau représente le Roi au naturel avec un habit tout chamarré de billets de banque, dont les traits d'écriture qui sont à côté ressemblent à une dentelle, et ces traits servent de bords à l'habit et sur les coutures avec beaucoup de délicatesse.

M. le duc d'Orléans y est aussi représenté très-bien, mais avec un habit d'or et tout chamarré de louis d'or.

M. Law y parait aussi au naturel avec un habit chamarré de pièces de vingt sols et portant sur son épaule une potence pour y être attaché.

On envoya ce tableau à l'Académie de peinture, au vieux Louvre, où il fut exposé à la vue de tout le monde, pour voir si quelqu'un de l'Académie ne pourrait pas juger qui pouvait en être le peintre.

- On assurait qu'un grand nombre de loups s'étaient attroupés du côté de Corbeil, où ils dévorèrent plusieurs personnes et firent d'autres ravages, ce qui 'obligea les habitants des lieux voisins de s'armer afin de pouvoir exterminer ces bétes féroces.

Les capitaines du régiment des gardes eurent ordre alors d'augmenter sa compagnie chacun de cinquante hommes.

- On eut aussi pour lors quelques alarmes sur nos frontières de Flandre, e Lille, à Valenciennes, à Condé et en d'autres places, de ce que quarante mille hommes de troupes impériales s'étaient avancés du côté de Tournay, dans la crainte que l'on avait que ce ne fût pour quelque dessein qui tendit à une rupture de la paix. Mais la tranquillité fut bientôt rétablie quand on fut certain que ces troupes devaient servir de garnison à Tournay, à Ypres, à Menin et en d'autres places au lieu des troupes hollandaises, qui devaient en sortir suivant les conventions

faites entre l'Empereur et les États-Généraux des Pro

vinces-Unies.

On écrivait de Londres, du 22 de ce mois, qu'on y avait conçu de grands ombrages au sujet des entreprises que la Compagnie des Indes de France commençait à faire pour établir son commerce dans toutes les Indes et dans la Louisiane, où cette Compagnie a le privilége d'envoyer tous les ans neuf mille personnes des deux sexes, dont six mille Européens, la plupart Français, et trois mille nègres ou Africains pour augmenter cette colonie et pour la peupler; duquel privilége cette Compagnie doit jouir durant l'espace de vingt-cinq ans, ainsi qu'il est spécifié par les lettres patentes que le Roi lui a accordées. Sur lequel établissement la Chambre des communes principalement, devait à la rentrée du Parlement faire de grandes remontrances au roi de la Grande-Bretagne, et lui faire connaître le préjudice que le commerce de la nation anglaise en souffrait déjà et en souffrirait dans la suite si Sa Majesté n'y apportait pas bientôt quelque tempérament par son crédit à la cour de France ou autrement.

-On mandait de Vienne qu'on y venait d'apprendre par des lettres de Constantinople qu'il s'y était fait un soulèvement extraordinaire de la part des janissaires, dans lequel on assurait que le Grand Seigneur, le grand vizir et le comte de Wirmond, ambassadeur de l'Empereur, avaient été étranglés, parce que le Grand Seigneur et le grand vizir n'avaient pas voulu rompre le traité de paix conclu en 1718, après la réduction de Belgrade, afin de recommencer la guerre contre l'Empereur.

Le 29, M. le duc de Chartres, né le 4 août 1703, pendant que M. le duc d'Orléans son père était au siége de Lérida, monta pour la première fois à cheval en l'Académie, en présence de Son Altesse Royale et d'un grand nombre de courtisans.

-Le même jour, on envoya ordre à tous les officiers

qui se trouvaient à Paris de se disposer à partir dans trois jours pour aller rejoindre leurs régiments, sous peine d'être cassés.

-Tous les particuliers des provinces du royaume qui se trouvaient logés dans les auberges ou en chambre garnie et qui n'étaient venus à Paris que pour agioter dans la rue Quincampoix, eurent aussi ordre d'en partir dans huit jours et de se retirer chez eux, sous peine d'être privés de leurs emplois, dont l'exercice était négligé et comme abandonné.

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-On assurait que M. le duc de Lauzun avait vendu son hôtel qui était ci-devant l'hôtel de Créquy, situé sur le quai des Théatins, pour la somme de dix-huit cent mille livres à un riche actionnaire; mais que M. le marquis de Biron, lieutenant général des armées du Roi et premier écuyer de M. le duc d'Orléans, prétendait faire casser ce contrat de vente à son profit, par retrait lignager, à cause de madame son épouse, qui est nièce du même duc de

Lauzun.

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La demoiselle de Chasseray, qui était l'une des filles qui étaient au service de feu madame la Dauphine duchesse de Bourgogne, ayant beaucoup profité sur les actions, acheta le petit hôtel de Noailles, proche les Jacobins de la rue Saint-Honoré, pour en jouir sa vie durant, et en paya une somme de cent cinquante mille livres à madame la duchesse de Noailles, à qui cette maison était revenue après la mort de M. l'abbé d'Estrées, nommé à l'archevêché de Cambrai, qui mourut dix-huit mois après avoir payé une pareille somme à cette duchesse pour en jouir aussi sa vie durant.

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1 Antonin Nompar de Caumont, comte et duc de Lauzun, né en 1632, mort en 1723; mari de mademoiselle de Montpensier. Il légua son immense fortune à Charles-Armand-Antoine, duc de Biron, son petit-neveu.

rue Plâtrière, vis-à-vis la communauté des filles de sainte Agnès, qui appartenait à M. d'Armenonville, secrétaire d'Etat, moyennant la somme de douze cent mille livres qu'elle lui paya, et M. d'Armenonville convint avec elle de lui payer vingt mille francs par an pour le loyer de cette maison, qu'il continuerait d'occuper le reste de sa vie.

- La dame Chaumont acheta des héritiers de feu M. le chancelier Boucherat, son hôtel de la rue Saint-Louis au Marais et leur en paya un million, et peu auparavant elle paya huit cent mille livres pour la terre et seigneurie de Vitry-sur-Seine, quoique cette terre ne rapportât ordinairement que huit mille livres de rente au marquis de La Fare à qui elle appartenait, et qui avait épousé la fille du sieur Paparel, trésorier de la maison du Roi, qui pour ses malversations fut relégué au château de Saumur et ensuite à l'abbaye de Laon.

Le 3 de ce mois, le jeune duc de La Trémouille mourut de la petite vérole, âgé de douze ans. Par la mort de ce jeune seigneur, le prince de Tarente se vit héritier de tous les biens de la maison de La Trémouille et succéda à la charge de premier gentilhomme de la chambre du Roi, dont il devait faire les fonctions en attendant que le feu jeune duc son neveu fût en âge de l'exercer.

M. le duc d'Albret et M. le comte de Broglie eurent ordre quelques jours auparavant de rester chacun dans leur hôtel avec défense d'en sortir; on disait pour avoir tenu quelque discours au sujet de M. Law, contrôleur général des finances.

On disait aussi que peu auparavant, le comte de Broglie, qui ne pouvait rien dissimuler, étant à la table de M. le duc d'Orléans, avait dit : « Votre Altesse Royale sait bien que je ne suis pas un mauvais physionomiste. Puis regardant fixement le sieur Law qui était aussi à la mėme table, continua de dire : « Suivant les règles de la physionomie, il me paraît qu'avant six mois M. Law sera

pendu par ordre de Votre Altesse. » On peut s'imaginer si cette prédiction plut à M. Law, qu'elle regardait personnellement, et si tous ceux qui l'ouïrent en furent surpris.

Le sieur Jones, habile fondeur anglais qui travaillait ici à l'Arsenal depuis quelques années, avait trouvé le moyen d'engager plusieurs Anglais qui avaient beaucoup d'adresse et d'expérience à manier le fer et à fondre les métaux, en leur faisant espérer de grands avantages.

- On écrivait de Londres que les négociants avaient porté leurs plaintes au roi d'Angleterre et au Parlement, de ce que trois de leurs vaisseaux allant à la Caroline avaient été arrêtés en chemin par plusieurs corsaires dont l'un était français; et que ces corsaires les avaient obligés de leur donner une grande partie de leurs marchandises et des provisions et munitions dont ils étaient chargés; sur quoi les négociants insistaient d'en faire plainte à la cour de France pour en avoir satisfaction, qu'autrement il faudrait user de représailles.

- On a oublié, ce semble, de dire ci-devant que pour préliminaire du traité de paix entre la France et l'Espagne, le cardinal Alberoni avait reçu ordre de ne plus paraître devant Leurs Majestés Catholiques et de sortir du royaume d'Espagne dans un espace de huit jours, et qu'après son départ, le Roi Catholique avait révoqué la nomination que Sa Majesté lui avait accordée de l'archevêché de Séville et qu'on y avait nommé l'évêque d'Osma, qu'on avait rappelé de l'exil où il avait été confiné par les intrigues d'Alberoni, aussi bien que le marquis de Castanedo qui avait été relégué à Gênes, où Sa Majesté lui avait en même temps fait toucher une remise de cinq cents pistoles pour lui faciliter son retour à Madrid.

Le 10, le Roi conféra l'abbaye de Saint-Amand, qui vaut quarante-cinq mille livres de rente, à M. le cardinal de Gesvres, archevêque de Bourges, que l'on disait aussi nommé pour aller à Rome gérer les affaires de France, à

T. II.

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