Page images
PDF
EPUB

Depuis l'établissement de la religion catholique en Pologne, par le cardinal Egidius, nonce du Pape Jean XII, les évêques ont été admis au senat, comme conseillers du roi. Ils étaient autrefois nommés par lui et confirmés par le pape; mais, depuis la création du conseil permanent, ils furent nommés par le roi, chacun sur une liste de trois candidats présentés par le conseil. Du moment qu'un évêque était nommé membre du conseil permanent, il jouissait de tous les privileges attachés à la place de sénateur. L'archevêque de Gnesne était primat du royaume, et, comme nous l'avons déjà dit, 1 était le premier sénateur et vice-roi durant les interrègnes.

Les ecclésiastiques étaient tous hommes libres; ils avaient des cours de justice, dans lesquelles certaines affaires se jugeaient selon le droit canon: ces tribunaux se divisaient en trois classes: 1°. le consistorial, sous la juridiction de chaque évêque dans son diocèse; 2°. le métropolitain, sous la juridiction du primat; c'est à ce tribunal qu'on portait les appels des tribunaux des évêques; 3o, celui du nonce du pape, qui avait la suprême juridiction ecclésiastique dans tout le royaume, et les appels des tribunaux des évêques et du primat. En cas de divorces, de dispenses pour mariage, et dans quelques autres circonstances, les,

4

parties, comme dans toutes les contrées catholiques, pouvaient porter leur cause à la cour de Rome, ce qui procurait au pape des sommes considérables.

Dans les causes civiles, le clergé était soumis aux cours de justice ordinaires; dans les causes criminelles, l'ecclésiastique accusé était d'abord arrêté par le pouvoir civil, puis jugé par le consistoire : si le consistoire reconnaissait la culpabilité de l'accusé, il était remis entre les mains des tribunaux séculiers, qui lui infligeaient la peine attachée au crime dont il était convaincu. Quand le pape adressait une bulle au clergé polonais, le clergé la publiait et la mettait à exécution sans la confirmation du roi ou de son conseil. Cet abus très-préjudiciable du pouvoir ecclésiastique, qui avait cessé chez presque toutes les nations catholiques de l'Europe, a subsisté en Pologne jusqu'à son démembrement.

Autrefois, environ deux mille ecclésiastiques remplissaient des fonctions civiles dans ce royaume; mais peu de temps avant la chute du trône, les prêtres avaient été déclarés inhabiles à occuper des places, autres que celles de l'église. Ils furent long-temps exempts de toute taxe; ce n'est que dans le dernier siècle que cette exemption cessa. Le clergé de la république fut appelé, comme les laïcs, à subvenir aux besoins de la patrie, sous la condition que les contributions qu'il paierait ne seraient pas appelées taxes, mais de charitables subsides.

3. Les Bourgeois. La troisième classe du peuple était celle des bourgeois, dont les priviléges n'étaient guère plus considérables que ceux des paysans.

L'histoire de tous les peuples qui furent gouvernés par le système féodal, prouve combien était pernicieuse cette police qui attachait le paysan à la terre, réduisait à l'esclavage des hommes utiles et respectables. L'expérience de plusieurs siècles, et diverses causes, tendirent à diminuer graduellement les rigueurs de la servitude à l'égard des bourgeois, dans plusieurs monarchies féodales. L'époque la plus importante de l'amélioration du sort des bourgeois, est celle où fut sappé dans ses fondemens le honteux système du gouvernement qui régissait nos ancêtres, par l'institution des cités dans le corps politique, avec le privilége d'exercer une juridiction municipale dans leur sein. Cette nouvelle institution prit naissance en Italie, la première contrée de l'Europe qui se civilisa dans nos siècles modernes, et fut depuis heureusement adoptée par l'Allemagne, la France et l'Espagne; mais la dernière de ces nations, en proie tour à tour au despotisme et à la superstition, vit par la suite étouffer dans son sein les germes des richesses et de la grandeur. Le gouvernement municipal commença à être adopté dans quelques villes de la Pologne, en 1250, sous le règne de Boleslas-le-Chaste. Ce prince accorda d'abord à la ville de Cracovie, et peu de temps après, à plusieurs autres encore, des priviléges semblables à ceux dont jouissaient les cités allemandes. Ce corps de droit est connu en Pologne sous la dénomination de jus magdeburgicum et teutonicum. Dans le treizième siècle et dans les siècles suivans, le roi et les grands barons bâtirent quelques villes, auxquelles ils garantirent les priviléges municipaux en ces termes « trans> fero hanc villam ex jure polonico in jus teu>> tonicum. » Les bienfaits de ces nouvelles innovations ne tardèrent pas à se faire sentir par un accroissement rapide de population et de richesses. Les bourgeois des villes libres acquirent un tel degré d'importance et de consideration, qu'ils donnaient leur approbation aux traités de paix et d'alliance, et qu'ils avaient des députés dans les assemblées nationales: un gentilliomme n'était pas dégradé pour s'être fait recevoir d'un corps municipal, et un bourgeois était apte aux charges d'officiers de la couronne. Un traité conclu par Casimir-le-Grand, avec le chancelier de l'ordre teutonique, fut non-seu

lement signé par le roi et les principaux seigneurs du royaume, mais encore par les bourgeois de Cracovie, de Posen, de Sendomir et des autres cités; et sous le règne du même monarque, Wiernesk, bourgmestre de Cracovie, fut sousmaréchal du trésor de la couronne.

Les bourgeois jouirent de grands priviléges sous le règne des princes de la maison de Jagellon, ainsi que le témoignent plusieurs actes de Sigismond 1.er et de son fils Sigismond Auguste. Pendant le règne du premier, les nobles entreprirent d'exclure de la diète les députés de Cracovie; mais le monarque, non-seulement confirmale droit de cette cité, de députer à la diète, mais encore, décida que les députés des villes libres seraient incorporés dans la classe des nobles (*).

(*) L'institution des cités avait fait faire des progrès bien plus rapides au commerce en Allemagne qu'en Pologne: dans les villes hanséatiques, de simples particuliers jouissaient de fortunes immenses. Bucholz en cite plusieurs, et rapporte entr'autres, que : « Lorsque Joachim 1. vint >> recevoir l'hommage de la ville de Francfort, un habitant > de cette ville, nommé De Belkow, marcha à côté de son » cheval, au milieu des boues, chaussé de bottes de velours, >> ornées de perles superbes. Ce Belkow et ses frères se >> donnaient un autre plaisir aussi cher que singulier: ils allaient caracoler avec leurs chevaux sur le marché de la

« PreviousContinue »