les faubourgs occupent un terrain fort étendu, et passe pour renfermer soixante-dix mille habitans, parmi lesquels on compte un grand nombre d'étrangers. Varsovie était la résidence royale, et contenait beaucoup de palais remarquables; d'autres beaux bâtimens appartenaient à des églises et à des couvens. L'aspect de la ville est très-triste; on y rencontre à chaque pas le contraste de la richesse et de l'indigence. La principale rue est trèsétroite, et toutes sont mal pavées; la majeure partie des maisons, et principalement dans les faubourgs, ne sont que des cabanes de bois. Le commerce de Varsovie est presque anéanti. Le palais est situé sur une élévation, à peu de distance de la Vistule, que l'on découvre de cette élévation, ainsi qu'une vaste étendue de pays dans la plaine qui l'environne. Il fut bâti par Sigismond 111, et depuis, ce palais a été la principale résidence des rois de Pologne. CRACOVIE, ou Kracow, qui a toujours disputé Ja prééminence à Varsovie, est une ville fort ancienne et très-curieuse. Elle fut long-tempsla capitale du royaume, et c'était à Cracovie que les rois de Pologne étaient élus et couronnés. Elle était alors au centre des possessions polonaises, et cette circonstance suffirait pour faire présumer combien le territoire de la république a été resserré depuis ce temps. Elle est située dans une vaste plaine, arrosée par la Vistule, et elle occupe, avec les faubourgs, un espace très-étendu; mais sa population est faible, et n'excède pas dix mille habitans. Son commerce est, comme celui de Varsovie, à peu près nul, malgré sa proximité de riches mines de sel. Elle contient cinquante églises ou couvens. Cracovie est entourée dehauts murs de briques (*) et de fossés fortifiés par des tours rondes et carrées, selon l'ancien style de fortification; et sa garnison est composée de six cents Russes et de quelques soldats au service de la Pologne. La grande place, qui est au milieu de la ville, est très-spacieuse, et a quelques maisons bien bâties; mais le plus grand nombre est en mauvais état. Plusieurs des rues sont larges et seraient très-belles, si la plupart des bâtimens remarquables ne tombaient en ruines, et si le reste était autre chose que de misérables cabanes. Les églises seules conservent entière leur gothique architecture. La ruine de cette malheureuse ville fut commencée par les Suédois, dans les premières années du dix-huitième siècle, quand Charles XII l'assiégea et la prit; mais les maux que (*) Ces murs furent batis par Vinceslas, roi de Bohème, durant le peu de temps qu'il régna en Pologne. que lui causa l'invasion du monarque suédois, sont bien inférieurs à ceux qu'elle a soufferts pendant les guerres qui précédèrent le partage définitif; alors elle fut assiégée et prise par les Russes et par les confédérés. Cracovie offre l'aspect d'une magnifique capitale en ruines. Le grand nombre d'édifices détruits atteste la barbarie des vainqueurs et la misère des habitans, qui n'ont rien pu faire pour réparer les maux de la guerre et prévenir les ravages des temps. L'université fut fondée et dotée par Casimirle-Grand. Ladislas Jagellon étendit cet établissement et en perfectionna l'institution. Le nombre des étudians monte à environ six cents. La bibliothéque est remarquable par le nombre et la rareté des livres qu'elle renferme. Parmi les principaux objets dignes de fixer l'attention, est un manuscrit turc, qui à la vérité n'a pas de valeur intrinsèque, mais qui est précieux pour les Polonais, parce que ce manuscrit fut trouvé dans le butin fait à la bataille de Choczim, et présenté par Jean Sobieski, à l'université, comme un monument de la victoire qui sauvait la république de l'invasion des infidèles, et le plaçait sur le trône. Cette université a été long-temps appelée la mère de la littérature polonaise, parce qu'alors elle fournissait des professeurs et des savans à tous les séminaires; elle commença à voir diminuer sa renommée, quand la résidence du gouvernement fut transférée à Varsovie, et elle tomba tout à fait dans l'oubli, lors de la décadence de la monarchie. Sur les bords de la Vistule, à peu de distance de la ville et au midi, s'élève une éminence de roc, sur le sommet duquel est bâti l'ancien palais des rois; il est entouré de murs de briques et de vielles tours, ce qui fait que ce palais est une espèce de citadelle pour la ville. Il fut bâti par Ladislas Jagellon. Il reste aujourd'hui peu de chose du premier bâtiment, la plus grande partie en ayant été démolie par Charles XII, en 1702, quand il entra dans la ville après la bataille de Clissow. Cracovie était le lieu du couronnement des rois de Pologne. Le dernier (Stanislas-Auguste), fut cependant couronné à Varsovie, la diète l'ayant ainsi décidé lors de l'élection de ce prince; mais la diète déclara en même temps que, malgré que cette cérémonie eût lieu à Varsovie, pour cette fois, cela ne préjudiciait en rien pour P'avenir aux droits constans de la ville de Cracovie, où, suivant les constitutions du royaume, les monarques devaient être couronnés. A peu de distance, est la forteresse de Landskron, située sur un rocher. Les confédérés avaient cette forteresse en leur pouvoir pendant les derniers troubles, et ils faisaient de la de fréquentes courses sur le territoire occupé par les armées russes et les troupes polonaises au service du roi; c'est un détachement de la garnison de cette forteresse qui surprit Cracovie. Nous empruntons la relation de ce fait militaire de M. W. Coxe. << A quatre heures du matin soixante - seize >> confédérés, tous Polonais de naissance, com>> mandés par un lieutenant, nommé Bytranoski, >> entrèrent dans la citadelle par un égoût, et se >> jetèrent sur la garde russé, qui n'était compo>> sée que de quatre-vingt-sept hommes: la sur>> prise et la confusion furent si grandes, qu'ils >> se rendirent sans résistance. La citadelle ainsi >> occupée, les Russes qui étaient dans la ville, >> loin de pouvoir la reprendre, ne purent em>> pêcher M. de Choisy de s'y jeter avec un corps >> de huit cents confédérés, parmi lesquels on >> comptait une quarantaine de Français, la plupart >> officiers: ils défirent même un détachement de >> deux cents soldats russes; mais ceux-ci ayant >> aussi reçu du secours de leur côté, furent en >> état d'assiéger la citadelle, qui, quoique dé>> fendue avec le plus grand courage, capitula >>> au bout de trois mois à des conditions hono>> rables. J'examinai le passage souterrain par le>> quel les soixante-seize confédérés entrèrent >> dans la place; c'est un égoût, comme je l'ai |