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1°. Tout noble qui se livrait à un trafic quelconque était dégradé, 2°. Les bourgeois n'étaient pas assez riches pour établir des manufactures: d'ailleurs, la crainte des vexations de la noblesse aurait seule suffi pour les empêcher de le faire, quand bien même leurs facultés pécuniaires leur en eussent offert les moyens. Les Juifs, ce peuple industrieux qui brava pendant tant de siècles les persécutions dont les princes européens les ont accablés jusqu'à ce jour, n'osèrent cependant se livrer en Pologne qu'à un commerce de détail, et n'y tentèrent que rarement des spéculations plus importantes. 3°. Le paysan était esclave, et, propriété de son seigneur, il ne pouvait s'éloigner de la terre à laquelle il était attaché, sans le consentement de son maître. Jean Albert, frappé de ce dernier inconvénient, et désirant y remédier, établit qu'un paysan par famille pourrait quitter son village pour embrasser le commerce, ou pour se livrer à la culture des sciences ou des lettres; mais une disposition de cette ordonnance, qui voulait que le choix du paysan fût approuvé par le seigneur, fournit le moyen de l'éluder entièrement : elle ne produisit aucun avantage au commerce, et ne put adoucir la servitude des paysans.

Les Polonais étant obligés d'importer la majeure partie des objets manufacturés qu'ils consommaient, il en résultait que la valeur des achats qu'ils faisaient à l'étranger excédait de beaucoup celle de leur exportation. On évaluait cet excédent à vingt millions de florins.

Une des atteintes les plus mortelles que reçut le commerce polonais, fut la perte de la Prusse polonaise, en ce qu'elle entraîna celle de la navigation de la Vistule, qui dès lors fut sous l'entière dépendance du monarque prussien. Les impôts les plus accablans rendaient cet important débouché impraticable aux négocians polonais, et ravirent ainsi à la ville de Dantzick elle-même une grande partie de son antique prospérité. Beaucoup de ses négocians l'abandonnèrent, et furent s'établir à Kœnisberg et à Memel.

Revenus.

Le revenu des rois de Pologne montait, au commencement du siècle dernier, à une somme que l'on peut évaluer à environ trois millions trois cent soixante mille de nos francs. Ce revenu se composait des produits des terres de la couronne; de celui des mines de sel, qui se trouvent dans le palatinat de Cracovie; des anciens péages et droits, et particulièrement ceux prélevés à Elbing, à Dantzick; des rentes de Marienbourg, de Dirchau, de Rohaczow et de celles du gouvernement de Cracovie, et du canton de Niepoliomez.

Forces militaires.

La presque totalité des forces militaires du royaume consistait en cavalerie. On croit généralement que la Pologne pouvait mettre en campagne cent mille cavaliers, et le grand-duché de Lithuanie soixante-dix mille; à la vérité, on comprend dans ce calcul les vassaux qui étaient obligés de suivre leurs seigneurs à la guerre, lorsqu'ils en étaient sommés, ainsi que les domestiques. Le peu d'infanterie que la Pologne prenait à son service, était tirée de l'Allemagne et bientôt congédiée; le roi n'aurait pu la maintenir sur pied qu'en imposant des taxes extraordinaires : les grands étaient dispensés de payer toute espèce d'impôt, et le peuple, sans industrie et sans commerce, n'était pas en état de supporter la charge qu'aurait nécessitée l'entretien de cette milice. L'armée permanente était donc toujours très-faible: en 1778, elle n'était composée que de douze mille trois cent dix hommes en Pologne, et de sept mille quatre cent soixante-cinq en Lithuanie, cantonnée dans les domaines de la couronne. Cette armée permanente étant si peu considérable, la défense du pays, en cas d'invasion, était confiée au corps de la noblesse, qui s'assemblait en vertu de sommations faites par le roi. Ces sommations ne pouvaient avoir lieu que d'après le consentement de la diète. Chaque palatinat était divisé en districts, et chacun de ces districts nommait les officiers de son contingent. Tout propriétaire de terré libre, ou de fief, était obligé de marcher à la guerre, à la tête d'un nombre de vassaux proportionné à l'étendue de ses possessions féodales. Ces troupes n'étaient tenues de servir que pendant un temps limité, et ne pouvaient être forcées par le roi de marcher hors du territoire du royaume.

Le mode de lever l'armée était, comme on voit, exactement le même que celui qui se pratiquait chez les autres peuples de l'Europe au treizième siècle.

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Bien que ces forces ne fussent qu'un faible rempart à opposer aux invasions de troupes étrangères disciplinées, elles n'en étaient pas moins un instrument redoutable dans les mains des factieux, qui fomentèrent si souvent des dissensions dans le sein de la république, et prêtaient une funeste puissance à ces confédérations, qui conduisirent tant de fois la Pologne sur le bord du précipice qui a fini par l'engloutir.

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L'histoire de Pologne présente deux sortes de confédérations: les premières sont celles qui se formaient avec l'adhésion du roi, du sénat et de la noblesse, assemblés dans une diète. Par ces confédérations, tous les ordres de l'état se réunissaient pour le bien de la patrie; les secondes, sont celles formées par plusieurs pa latinats qui se liguaient entr'eux sous le prétexte de poursuivre la réparation de dommages ou d'injures qu'ils prétendaient avoir reçues de quelques autres palatinats, ou pour s'opposer aux empiétemens du pouvoir monarchique sur les priviléges de la noblesse. Ces dernières confédérations furent presque toujours suivies d'une guerre civile. Les confédérations générales contre l'autorité du roi étaient appelées Rokosz, et elles se formaient par la réunion des confédérations particulières.

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Tout gentilhomme polonais avait le droit de tenir sur pied, à ses frais, tel nombre de troupes qu'il jugeait à propos. On conçoit combien l'exercice de ce droit donnait d'importance aux moindres différens qui avaient lieu entre les grands du royaume, et même quelquefois à ceux qui pouvaient s'élever entre leurs vassaux.

La Pospolite était le corps de troupes fourni par la levée en masse de toute la noblesse, de sa suite et de ses tenanciers; on doit en excepter

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