Page images
PDF
EPUB

à M. Guizot.

17 juin 1844.

tions contenues dans ma dépêche du No 15.-M. le baron de Bourqueney
13 avril. La question particuliere du
rétablissement de la famille Cheab,
dans la personne de son chef ou dans
celle de l'un des fils de l'émir Béchir,
tend visiblement à s'introduire de plus
en plus par la force même des choses,
et mérite conséquemment qu'on ne la
perde pas de vue. Je la signale de

nouveau à votre attention.

Monsieur le ministre,

Depuis ma dernière expédition, je me suis proposé deux buis dans toutes mes communications avec la Porte sur les affaires du Liban: le premier était de la bien convaincre que tout recours

No 14. M. de Bourquener à à la force lui était interdit pour la

M. Guizot.

Therapia, le 17 mai 1844.

Monsieur le ministre,

J'ai appelé la plus sérieuse attention du ministre des affaires étrangeres sur la situation du Liban; je lui ai annoncé que le gouvernement du roi voyait avec une extrême déplaisir les retards apportés à l'accomplissement des promesses de la Porte. L'indennité assurée aux Maronites n'était point encore payée; les deux races et les deux religions manitestaient presque un égal inécontentement des arrangements de 1842 et de leur incomplète exécution.

La question des territoires mixtes paraissait pratiquement aboutir à une solution inique, puisqu'elle menaçait de placer les victimes sous la juridiction des oppresseurs, saus égard aux proportions numériques des habitants des districts du sud de la Montagne.

A cet état de choses, je n'étais pas encore chargé de proposer un remède unique et d'un succes certain; mais il m'était impossible de ne pas me rappeler que la Montague avait prospéré sous d'autres chefs, sous une autre forme de gouvernement, et je ne pouvais m'empêcher de réflechir, avec un sentiment bien vif de regret, que la Porte, en innovant, semblait avoir elle-même créé les difficultés de sa tâche, qui devait être, comme la pòtre, la pacification et le bonheur de ses sujets du Liban.

Cette premiere ouverture, qui désiguait les Cheab sans les nommer, a été très-bien comprise de Ritaat-Pacha; je la crois, quant à présent, d'une bonne mesure: c'est une base d'opération pour une campagne labo

rieuse.

mise à exécution des arrangements de 1842; que Halil-Pacha, dans l'hypothèse plus que vraisemblable où il rencontrerait, à son arrivée à Beyrouth, les obstacles et les difficultés qui ont paralysé l'action d'Essad-Pacha, ne serait réellement appelé qu'à examiner et à rendre compte. Mon second objet a été de ne laisser aucun doute aux ministres ottomans sur l'opposition décidée que rencontrerait chez tous les cabinets européens, et notamment de la part du gouvernement du roi, t'essai d'un pouvoir ture unique et direct dans la Montagne.

Enfin, j'ai appuyé sur toutes les considerations qui semblaient de plus en plus recominander le retour au passé comme le remède le plus pratique et le plus certain aux complications qui s'annoncent et qui menacent de charger l'avenir.

Cel ordre de discussion met, je crois, suffisamment en évidence la pensée du gouvernement du roi, sans attacher son crédit et sou influence d'une manière trop absolue à telle ou telle solution, sans le compromettre trop profondément dans une entreprise où il n'y a pas d'intérêts assez serieux engagés pour risquer les conséquences d'une lutte ouverte.

[merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small]

Montagne, et les motifs qui commandent de ne procéder à un nouvel examen de la question que sur la base d'une restauration politique de la famille Cheab. J'ai chargé nos missions de Londres, Vienne, Berlin et de Saint-Pétersbourg d'agir, afin d'amener accord de vues et de direction, s'il est possible, dans les instructions qui seront adressées aux cinq représentants. Nous savons déjà que le cabinet de Vienne approuve pleinement le langage et l'altitude de M. Sturmer, et qu'il a prescrit à M. de Neumann de presser, de concert avec le comte de Sainte-Aulaire, lord Aberdeen de se rallier à l'idée commune de la France et de l'Autriche, sur la nécessité de rep'acer le Liban dans les conditions de l'ancien regime d'administration sous lequel il a vécu jusqu'en 1840. En attendant, je ne puis qu'approuver la ligne de conduite que vous avez tracée à M. Poujade, et l'action que vous vous êtes réservé d'exercer séparément auprès des ministres tures, en vue de la solution que nous poursui vons aujourd'hui.

No 17.-M. le baron de Bourqueney à M. Guizot.

27 juin 1844.

Monsieur le ministre,

Je continue à maintenir auprès de la Porte ma première base d'opérations. Je soutiens que les arrangements de 1842 ont rencontré dans l'application des obstacles presque insurmontables, et que la mission de Halil-Pacha ne servira qu'à révéler l'impossibilité d'en triompher. Je remets incessamment sous les yeux des ministres ottomans toutes les considérations qui font le mieux ressortir la nécessité de revenir à la forme d'un pouvoir unique, dans la personne d'un des membres de la famille la plus influente et la plus considérée du Liban.

No 18. M le baron de Bourqueney à M. Guizot.

jusqu'au 5 septembre: elles annoncent la conclusion de la mission de Halil-Pacha et les arrangements nouveaux dont les bases ont été discutées et adoptées le 2 septembre, dans une conférence où les chrétiens étaient représentés par les principaux chefs de la religion.

L'indemnité due aux Maronites a été fixée à la somme de 13,500 bourses; 3,500 seront payées directement par les Druses, et la Porte acquittera les 10,000 autres sur les revenus du sandjak de Sayda.

Deir-el-Kamar sera administré par deux vekils druse et chrétien, désignés chacun par leurs émirs respectifs. Les Abou-Nakads, qui possédaient Deïrel-Kamar en fief, perdent le gouvernement de cette ville importante. Scheik - Hassif et Scheïk-Hamoud, qui ont pris une part principale aux massacres et aux spoliations de 1812, sont déchus de tout droit à l'autorité.

Dans les territoires mixtes soumis à la juridiction druse, les chrétiens nomméront un vekil de leur religion pour défendre leurs intérêts, soit auprès du chef druse, soit auprès du pacha, en recours d'un abus de pouvoir local. Ces vekils recevront de la Porte un titre d'honneur.

La faculté d'émigration d'un territoire dans l'autre est accordée à tous ceux des chrétiens qui ne voudront pas rester soumis à l'autorité administrative d'un chef d'une religion différente de celle qu'ils professent. La Porte facilitera cette émigration par tous les moyens en son pouvoir.

Tel est le résumé des modifications apportées aux arrangements de 1842.

No 19.-M. le baron de Bourqueney à M. Guizot.

27 septembre 1844. Monsieur le ministre,

Des lettres récentes de Syrie m'ont informé que le capitan-pacha redoutait l'effet que produirait en Europe Therapia, 17 septembre 1844. l'émigration des chrétiens d'un terriMonsieur le ministre,

Le dernier paquebot de Syrie nous a apporté des nouvelles de Beyrouth

toire à l'autre, pour échapper à la domination druse. I craignait que cette faculté, accordée, je le reconnais, dans uue pensée bienveillante pour

les Maronites, ne fût convertie par l'opinion en une compulsion violente et oppressive sur des populations que leur situation géographique a seule privées du bénéfice de l'application du principe général de l'arrangement de 1842. Halil-Pacha se montrait presque disposé à rendre deux ou trois territoires mixtes, où les chrétiens sont en majorité, à la juridiction de l'émir Haïdar. Je me suis aussitôt emparé de cette circonstance, et j'ai fait, auprès de Rifaat-Pacha, les démarches les plus actives pour le déterminer à seconder de toute sa force, dans le conseil, l'application d'une pensée qui fait honneur aux agents de la Porte en Syrie, et qu'il appartient au gouvernement ottoman de féconder par de sages instructions. Je ne désespère pas que nous n'obtenions encore quelque chose de ce côté, et vraiment alors nous pourrons attendre, sans avoir failli à un seul de nos devoirs, que l'avenir prononce d'une manière définitive sur la valeur des combinaisons acceptées en 1842.

No 20.-M. le baron de Bourqueney

à M. Guizot.

Therapia, 7 octobre 1844.

Monsieur le ministre,

Pacha à l'acceptation de la Porte.

J'ai été frappé de voir que le chiffre de l'indemnité n'était pas fixé dans cette pièce, et j'ai craint que la Porte, en nous annonçant qu'elle se chargeait du complément de la somme à prélever sur les Druses en faveur des chrétiens, n'eût fait de la générosité à peu de frais, et ne méditât déjà les moyens de se soustraire au sacrifice qu'elle semblait s'étre i uposé. J'ai vivement appelé l'attention de mes collègues sur cette question, et tous ont adhéré à la proposition que je leur ai faite d'une démarche d'ensemble auprès de Rifaat-Pacha, afin de lui prouver que nos yeux étaient bien ouverts sur le règlement de l'indemnité, et qu'on ne nous échapperait pas avec des promesses. Nous demandons en même temps que le chiffre de dix mille bourses soit fixé comme montant du complément que le trésor s'engage à payer aux chrétiens sur les revenus du pachalik de Sayda.

Votre Excellence voit que je reste invariablement attaché à la ligne de conduite que j'ai suivie depuis que la question du Liban est rouverte. Je me porte au secours de l'intérêt chrétien partout où je le vois menacé, et je travaille à l'amélioration des mesures de détail, en réservant l'opinion de mon gouvernement sur le fond. Ce système de conduite, appliqué loyalement à Constantinople et à Beyrouth, double nos forces pour le jour où échoueront les arrangements remanies de 1842. C'est vraisemblablement leur destinée.

Ainsi que je l'annonçais à Votre Excellence par ma dernière dépêche, je m'étais efforcé de convaincre RifaatPacha de la nécessité de rendre à la juridiction de l'émir Haidar quelques districts mixtes à majorité chrétienne. Le ministre des affaires étrangères No 21. était personnellement favorable à cette combinaison; mais ses collègues y ont trouvé une dérogation trop patente au principe général de la delimitation geographique, comme base de la distribution des territoires, et ils ont préféré maintenir la faculté d'émigration, en ayant soin de la dépouiller du caractère compulsif dont ils craiguaient l'effet sur l'opinion européenne.

Les représentants des cinq cours ont reçu le document que Votre Excellence trouvera joint à ma dépèche. C'est la sanction officielle donnée, avec de très-légères modifications, aux mesures soumises par Halil

[ocr errors][merged small]

Mémorandum de la Porte aux représentants des cinq cours.

A la suite de ce qui s'était passé das le Liban, Sa Hautesse, ne consultant que ses sentiments d'équité et de bienveillance envers ses sujets, et désirant rendre le bien-être et le repos aux Druses et aux chrétiens, avait pris, en 1842, une décision qui accordait à ces deux nations des caimacans distincts. Depuis deux ans et demi, ceux-ci, sous les auspices de Sa Hautesse, ont gouverné à la satisfaction

générale, et chaque jour voit s'accrol- N° 22. Le chargé d'affaires tre la tranquillité et la prospérité de France à Constantinople à publiques. Deux seules questions, M. Guizot. celles de l'administration et de l'indemnité, n'ayant pu, pour certains motifs, être encore résolues, Sa Hautesse, dont le vœu le plus cher est de voir tous ses sujets heureux, a voulu qu'elles fu-sent réglées de la manière suivante :

1o Sur la somme dont la commission a débité les chrétiens, apres déduction des pertes essuyées par les Druses, on fera payer par ces derniers 3,000 bourses à des termes convenables; et, bien que cette nation dût aussi payer le reste, comme elle n'aurait pas les moyens de le faire, et que, d'un autre côté, les chrétiens, victimes du pillage et de l'incendie, ont mérité la compassion de Sa Hautesse, qui, dans sa sollicitude pour ses peuples, doit assurer le bien-être et le repos de ces deux nations, le restant de la delte sera prélevé à terme sur les impôts de la province de Sayda, pour être distribué aux chrétiens, à titre de libéralité de Sa Hutesse, par des personnes sûres qu'eux-mêmes choisiront et désigneront.

2o Conformément à la décision prise antérieurement par Sa Hautesse, on laissera les Druses et les chrétiens administrés par des caimacons distincts, comme ils le sont aujourd'hui; seuleinent, les villages druses à population mixte seront sous l'administration du caïmacan et des fermiers druses; et, pour veiller à ce qu'il ne se commette aucun abus, les rayas de chaque village éliront un vekil sous l'approbation du caïmacan; si les fermiers commettent une injustice contre les rayas, le vekil en informera le caïmacan; et si celui-ci n'eu tient pas compte, il en sera référé au gouverneur de la province, qui fera droit à la réclamation avec pleine impartialité. Ainsi, les fermiers druses n'auront aucun moyen d'opprimer les rayas. et, sous les auspices de Sa Hautesse, le gouvernement s'appliquera à procurer chaque jour plus de bien-être et de repos aux populations. Le même mede d'administration sera appliqué aux Druses qui habent les villages chretiens mixtes.

Deir-el-Kamar sera également administré par deux vekils, un pour les Druses, un pour les Maronites.

Pera, 11 janvier 1845. Monsieur le ministre,

La réunion provoquée pár sir Stratford, à l'effet de concerter en commun la réponse à faire au dernier mémorandum de la Porte relativemen: au Liban, a eu lieu avant-hier chez cet ambassadeur. Elle a eu pour résultat la rédaction de la note verbale que Votre Excellence trouvera ci-jointe et que nos cinq drogmans devront lire successivement ce matin même à Chekib-Effendi. C'est une simple demande de renseignements plus précis, et une sorte de sommation faite par les puissances à la Porte, afin de la déterminer à s'expliquer elle-même catégoriquement, sur le mode de procéder qui lui paraîtrait offrir le plus de garanties à l'organisation définitive et à la paix future de la Montagne.

Je me suis ouvertement refusé à répondre à la communication de la Porte par une simple invitation « de procéder sans délai aux dernières mesures d'exécution des arrangements de 1842. » J'ai dit « qu'il me paraissait impossible que l'Europe, puisqu'elle était saisie de la question, passat ainsi sous silence la situation d'une race chrétienne qui soumettait, dans les formes les plus humbles. à son souverain, un des vœux les plus légitimes qu'une nation ait jamais pu émettre, celui de n'être pas administrée par une autre race que sa religion, ses usages. son histoire entière, aussi bien que de sanglants et récents souvenirs, lui faisaient regarder comme ennomie. Je n'ai pas craint d'ajouter, et, après quelques moments d'opposition assez vive, j'ai fait écouter qu'n m'était impossible également de reconnaître aux Druses ie droit de réclamer, dans le cas où les Maronites seraient enlevés à leur juridiction, et, par conséquent, d'admettre l'hypothese de ces périls nouveaux, que fa Porte sigualait à notre prévoyance dans son dernier mémorandumi. J'ai dit qu'il n'y avait, à mon avis, daus la Montague, de droits pour personne, resu tant des idées qui avaient prévalu en 1842, aussi longtemps que chacune de ces idées n'avait pas reçu, de l'as

sentiment unanime des cinq puissances et de la Porte, sa légitimité d'application; ce qui n'était pas le cas pour celie qui nous occupait, puisque nous en délibérions.

La lecture, que nous a faite alors M. le comte de Stürmer, d'une partie de la correspondance du prince chancelier sur les dernieres phases des arrangements de 1842, est venue prêter une force nouvelle à ces observations.

No 23.

HIS DE BUTENVAL.

demande l'assentiment des puissances à ce projet nouveau, et aussi la garantie que les consuls ne contrarieront pas sur les lieux son application.

Le principe de la séparation des races est définitivement consacré. Nulle part les chrétiens n'obéiront aux Druses; l'initiative et l'honneur de cette décision demeurent au gouvernement de Sa Hautesse.

No 25. ANNEXE A LA DÉPÈCHE DU 3 FÉVRIER 1845.

ANNEXE A LA DÉPÈCHE DU Traduction d'un mémorandum de 11 JANVIER 1845. la Porte en date du 30 janvier 1845.

Note verbale à la Porte.

M'étant réuni avec mes collègues pour prendre en considération le contenu de la pièce adressée par ChekibEffendi aux cinq représentants, au sujet des affaires du mont Liban, j'ai reconnu avec Leurs Excellences l'importance de recevoir quelques éclair

cissements ultérieurs relativement aux idées que la Sublime-Porte se forme sur les moyens les plus convenables de faciliter et d'accélérer la solution des difficultés sur lesquelles elle a sollicité l'avis des cinq représentants.

No 24. M. His de Butenval, chargé d'affaires de France à Constantinople, à M. Guizol.

Pera, 3 février 1815.

Monsieur le ministre, Je profite du départ du courrier mensuel que l'ambassade anglaise expédie par Vienne, pour envoyer à Votre Excellence copie du mémorandum que vient de nous adresser Ja Porte, en réponse à la question posée dans notre note verbale du mois dernier.

La Porte nous annonce que l'exécution de l'idée primitivement adoptée, quant à l'organisation des districts à population mixte de la Montagne, devant nécessiter l'emploi de la force et amener l'effusion du sang, elle est aujourd'hui résolue à la modifier conformément aux vœux des chrétiens, et à donner à chacune des deux races un vek'l de sa religion, relevant direciement du pacha de Sayda. Elle

La Sublime-Porte avait fait connaltre et communiqué, par le memorandum à M. le chargé d'affaires de France et à ses collègues MM. les représentants des autres cours, sa pensée sur l'état actuel du Liban, d'après les dépêches reçues, il y a eu peu de temps, de ses agents en Syrie, et avait exprimé le désir de connaître leur idée et leur opinion à ce sujet. Après avoir reçu ce memorandum, MM. les représentants ont demandé les éclaircissements possibles sur les moyens et dispositions que le gouvernement de Sa Hautesse croyait propres à faciliter et à håter la solution des difficultés qu'il voit dans cette affaire.

Une décision a été prise précédemment après des communications, dans le but d'assurer la tranquillité du Liban, parce que les Maronites et les Druses, qui forment la très-grande partie de ses habitants, sont les uns et les autres sujets du gouvernement de Sa Hautesse, et que la SublimePorte tient beaucoup à établir sur de bounes bases l'administration de la Montagne. La Sublime-Porte a certes le pouvoir d'exécuter complétement, par la force, cette décision; c'est une chose dans la voie du possible. Mais, suivant les informations reçues jusqu'à présent seulement, les Maronites refusent d'accepter les moukataadjis druses des villages mixtes. Pour les leur faire accepter, bon gré mal gré, il faudra employer à leur égard les moyens coërcitifs. La Sublime-Porte n'a pas encore pu avoir des informations locales suffisantes, quant au mode d'application de ces moyens ;

« PreviousContinue »