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de la famille impériale: ce fut le mariage de la grande-duchesse Olga avec le prince Charles de Wurtemberg.

La grande-duchesse Olga, seconde fille de l'empereur Nicolas, était née le 11 septembre 1822. La question religieuse avait seule empêché le mariage de cette princesse avec l'archiduc Étienne d'Autriche, gouverneur de la Bohême. L'empereur exigeait que sa fille conservât son culte et eût sa chapelle particulière, conditions que la cour de Vienne refusa d'accepter. Le prince Charles-Frédéric-Alexandre était né le 6 mars 1823; il était le fils aîné et l'héritier direct du roi Guillaume Ier de Wurtemberg.

POLOGNE.

CRACOVIE. — La suppression de la république de Cracovie fut un des événements les plus graves de l'histoire de cette année, et par les faits qui l'amenèrent, et par l'importance des questions qu'elle réveilla en Europe. Cracovie, il est vrai, était presque le plus petit des États indépendants; cette république était à peine plus grande que ces villes libres allemandes dont l'existence politique repose sur les bases mèmes de la confédération germanique. Mais sa signification politique lui assignait une tout autre place parmi les nations européennes que sa valeur réelle ne le semblait comporter. Cracovie résumait en elle tout ce qui restait de l'indépendance polonaise.

La ville de Cracovie avait été soumise à l'Autriche par suite du troisième partage de la Pologne, en 1795.

En vertu du traité de paix conclu, en 1809, entre l'Autriche et la France, le territoire de Cracovie fut détaché de l'empire autrichien pour être réuni au duché de Varsovie, créé par Napoléon. Après la chute de l'empereur, le congrès de Vienne déclara Cracovie ville libre, indépendante et neutre, sous la protection commune de l'Autriche, de la Prusse et de la Russie. Voici les conditions stipulées par le traité du 3 mai 1815, inséré dans l'acte final du congrès de Vienne :,

«Art. 6. La ville de Cracovie, avec son territoire, est déclarée à perpétuité cité libre, indépendante et strictement neutre, sous la protection de la Russie, de l'Autriche et de la Prusse.

«< Art. 9. Les cours de Russie, d'Autriche et de Prusse, s'engagent à respecter et à faire respecter en tout temps la neutralité de la ville libre de Cracovie et de son territoire; aucune force armée ne pourra jamais y être introduite, sous quelque prétexte que ce soit.

«En revanche, il est entendu et expressément stipulé qu'il ne pourra être accordé dans la ville libre et sur le territoire de Cracovie aucun asile de protection à des transfuges, déserteurs ou gens poursuivis par la loi, appartenant aux pays de l'une ou de l'autre des hautes puissances susdites, et que, sur la demande d'extradition qui pourra en être faite par les autorités compétentes, de tels individus seront arrêtés et livrés sans délais, sous bonne escorte, à la garde qui sera chargée de les recevoir à la frontière.

«Art. 10. Les dispositions sur la constitution de la ville libre de Cracovie, sur l'Académie de cette ville et sur l'évêché et le chapitre de Cracovie, telles qu'elles se trouvent énoncées dans les articles 7, 15, 16 et 17 du traité additionnel relatif à Cracovie, annexé au présent traité général, auront la même force et valeur que si elles étaient textuellement insérées dans cet

acte. »

Pendant l'insurrection polonaise de 1830-31, le territoire de Cracovie fut occupé militairement par les forces russes, et lors des troubles de 1836, l'Autriche, d'accord avec les deux autres puissances protectrices, y fit entrer des troupes sous les ordres du général Kaufmann.

Cette occupation militaire fut, en 1840, l'occasion pour lord Palmerston, alors ministre des affaires étrangères d'Angleterre, de déclarer que les motifs allégués par les trois puissances pour justifier l'occupation étaient regardés par le gouvernement anglais comme n'étant pas en accord avec les

stipulations du traité de Vienne, auquel la Grande-Bretagne et la France étaient parties contractantes.

M. Guizot disait, de son côté, à la tribune française, que des changements ne pourraient s'opérer à l'égard de la république de Cracovie qu'avec le consentement et sous la surveillance de toutes les puissances signataires du traité de Vienne.

Tels étaient les précédents diplomatiques de la question, lorsque, au même moment, dans les provinces polonaises soumises à la domination prussienne et autrichienne, et dans la république indépendante de Cracovie, éclata une insurrection depuis longtemps préparée à l'intérieur par des circulaires des comités secrets, et à l'étranger par des excitations parties des clubs organisés pour le recouvrement de l'indépendance.

Le 17 février, le mouvement commença dans la petite ville de Pilsno, près de Tarnow, chef-lieu du cercle de ce nom, et dans la petite ville de Dambiec. Une bande de paysans, conduite par quelques gentilshommes, somma le bailli de Dambiec de se rallier, lui et ses subordonnés, à l'insurrection, et de livrer les deniers publics. Mais les paysans, que rien n'attachait à la cause des nobles, ne tardèrent pas à se tourner contre eux. Les fonctionnaires du pays, exploitant contre la révolte la stupidité farouche de ces hommes et leur haine naturelle contre les seigneurs dont l'Autriche a fait l'intermédiaire obligé de toute vexation et de toute exaction exercée contre les serfs, les exhortèrent à se défier de ces nobles qui ne cherchaient qu'à les compromettre dans leur propre intérêt, et les adjurèrent de rester fidèles à l'Autriche, leur promettant une récompense de 10 florins pour chaque rebelle qu'ils amèneraient mort ou vivant.

Aussi, partout l'insurrection trouva-t-elle en face d'elle les paysans soulevés par l'espoir d'un gain officiel et du pillage, qui, s'il n'était pas permis, était nécessairement toléré. Dès lors la Gallicie tout entière fut le théâtre d'un carnage général : les serfs déchaînés ne purent plus être contenus, et les nobles et tout ce qui leur appartenait furent partout impitoyablement massacrés. Et cependant les chefs de l'insurrection n'avaient pas ménagé

les promesses; ils avaient mis de côté tout orgueil nobiliaire et appelé le peuple aux armes, au nom des doctrines de l'égalité la plus absolue. S'il fallait en croire une proclamation de l'archiduc gouverneur général de la Gallicie, en date du 18 février, les nobles auraient fait espérer la suppression de la différence des classes, un partage égal des biens, l'exemption de l'impôt et des charges qui pesaient sur les biens-fonds.

Un mouvement semblable eut lieu en même temps dans la Posnanie prussienne; mais il fut immédiatement comprimé, grâce à l'énergie du gouvernement, grâce aussi à l'état de la classe inférieure, chez qui se sont développés, depuis longtemps, le sentiment de la propriété et l'intelligence des sages libertés. Un assez grand nombre de prisonniers furent faits, sans résistance, aux portes de Posen, et le gouvernement ne prit d'autres mesures de rigueur qu'un arrêté qui référait à la justice des conseils de guerre toute tentative ultérieure de soulèvement dans les districts de Posen, de Marienwerder, de Bromberg et de Dantzick. Encore cette ordonnance justifiée par les circonstances fut-elle adoucie par une disposition qui invitait les généraux commandants à en référer au gouvernement pour l'exécution de toute sentence capitale.

La tranquillité ne fut troublée ni dans la Lithuanie, ni dans la Pologne russe.

Mais à Cracovie, qui avait toujours été, jusqu'à présent, le foyer des insurrections polonaises, les choses n'en allaient pas ainsi un gouvernement provisoire y fut constitué le 22 février.

Il était impossible de ne pas reconnaître une apparence de communisme dans le manifeste du nouveau gouvernement polonais. On y remarquait les passages suivants : « Tâchons de conquérir une communauté où chacun jouira des biens de la terre d'après son mérite et sa capacité. Qu'il n'y ait plus de priviléges, que celui qui sera inférieur de naissance, d'esprit ou de corps, trouve sans humiliation l'assistance infaillible de toute la communauté, qui aura la propriété absolue du sol, aujourd'hui pos

sédé tout entier par un petit nombre. Les corvées et autres droits pareils cessent, et tous ceux qui auront combattu pour la patrie recevront une indemnité en fonds de terre, prise sur les biens nationaux. »

L'exagération de ces promesses avait eu pour but de surpasser auprès du peuple les promesses parallèles de l'Autriche, qui, depuis longtemps, disait-on, travaillait l'esprit des classes inférieures dans un sens de haine et de vengeance contre leurs seigneurs.

Il est juste de dire que, même avant l'insurrection, la ville de Cracovie était occupée par un détachement de troupes commandé exclusivement par le général Collin, à Podgorcze. Le pouvoir du sénat n'y avait jamais été que fictif.

Il était donc naturel que les Autrichiens prissent possession définitive de la ville, en présence des événements qui venaient de s'y accomplir. Une proclamation du sénat, dictée par le général Collin, donna une apparence de légalité à la prise de possession, en requérant comme spontanément les forces autrichiennes. L'entrée des troupes n'eut d'ailleurs pas lieu sans conflit; quelques coups de feu furent tirés des fenêtres des maisons. Mais cette échaufourée ne coûta la vie qu'à deux personnes. En même temps, le bruit se répandit que plusieurs nobles des environs, à la tête des paysans, étaient en marche sur la ville. En effet, les gentilshommes Patelsky, Etzelsky, Belly et Bocztowsky, venant de différentes directions, s'étaient mis en mouvement à la tête de hordes de paysans armés de faux. Bocztowsky fut tué dans une attaque dirigée par quelques Autrichiens envoyés à sa rencontre; les deux autres approchaient de la ville sans résistance. On disait que Patelsky était à la tête de deux mille hommes bien armés.

C'est à ce moment que le général Collin apprit la nouvelle de l'insurrection de Gallicie. Sans attendre le comte Patelsky, les Autrichiens évacuèrent la ville dans un désordre complet. Ils abandonnèrent également Podgorcze, en y laissant tout un arsenal d'armes et de munitions, et d'assez

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