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ADMINISTRATION.

DES RÈGLES D'ÉLECTION.

En déterminant les conditions à l'exercice du pouvoir public, les lois n'ont point fixé la règle de talents et de lumières qu'il demande, et sans lesquels il n'est souvent entre les mains qui l'ont reçu, qu'un instrument de trouble et d'inquiétude légitime. Elles ont supposé que 'habitude des hommes, la connaissance qu'en donne le commerce de la vie et le sentiment d'intérêt commun, suppléeraient à ce défaut d'exactitude, et rectifieraient les erreurs que l'intrigue ou l'ignorance introduiraient dans des élections.

Mais cette incertitude, qui peut être à l'abri de grands inconvénients, lorsqu'il n'est question que d'intérêt d'administration ou de régie pecuniaire, presente une incalculable suite de dangers, dès qu'il s'agit du gouvernement des personnes et des dispositions de liberté sociale. Dans ce dernier cas, la probité, la droiture ne sont pas. comme dans le premier, les seuls instruments de l'homme public: la sagesse des idées, l'amour de la loi, l'esprit de lumières et de connaissances sont aussi des moyens essentiels, et les seuls qui l'affermissent contre l'oubli des principes, la routine particulière, le régime fantastique, dont la multitude et l'embarras des affaires ne le portent que trop facilement à contracter la dangereuse habitude. Ainsi la société, pour l'intérêt de ses lois et de sa liberté, doit soigneusement connaitre les forces de ceux qu'elle charge de la defense commune et de la protection de chacun de ses membros; elle ne doit point un moment perdre de vue que sa bonne volonté, le désir du bien ne suffisent pas toujours, qu'il faut encore y joindre cette mesure de génie, ce caractère de conrage et de vertu publique, qui supposent des méditations dont tous les hommes ne sont pas également capables.

Dans ce choix difficile à faire, par la nature fugitive et trompeuse des motifs qui peuvent le fixer, les plus grands dangers à courir, comme les plus difficiles à eviter, sont f'astuce adroite du pouvoir et l'audace usitée du charlatanisme de la parole. Ces deux écueils d'un gouvernement fonde sur le vœu populaire, entraineraient la ruine inévitable de l'état, si la portion judicieuse, libre et éclairée des citoyens, livrait exclusivement à la multitude la nomination des dépositaires de l'autorité publique.

Le droit de donner son suffrage pour l'organisation de la puissance souveraine ou des magistratures électives, n'est pas, comme on paraît le croire, une prerogative dont on puisse se permettre ou se refuser indifferemment et volontairement la jouissance. C'est un devoir de T'homme civilisé, une obligation à laquelle il ne peut se soustraire sans mentir à sa conscience, sans refuser à la societé une portion d'aide et de secours qu'il a promis de lui donner, saus une véritable prevarication.

Il est surtout impérieux à Paris, ce devoir; c'est dans son sein que se discutent les grands intérêts de la mionarchie; c'est là que se forment la civilisation, les mœurs et l'esprit public. Place au centre de l'état, il en reçoit les germes de la vie, pour les élaborer et les repousser ensuite dans toutes les parties de sa vaste étendue.

Que quelque vice en altère l'action, qu'une puissance mal combinee, que des hommes ignorants on trompeurs en dirigent les mouvements, disposent de sa force et decident de ses intérêts; alors, indépendamment des troubles, des inquiétudes, des accidents de la ville, le reste de l'empire, frappé dans son principal organe, n'offrira qu'une activité chancelante, le défaut d'ensemble dans les vnes publiques, la langueur des arts et le découragement de l'industrie.

C'est à Paris que les éléments du bonheur public se developpent ou se détruisent; c'est là que les provinces viennent puiser l'esprit qui les anime, et chercher les modèles de conduite et de disposition sociale. Rien de public ne s'y fait impunément, parce qu'une grande irasse, dans l'ordre politique, comme dans celui de la nature, ne peut se mouvoir ou s'alterer, sans réagir puissamment sur tout ce qui l'avoisine.

L'empire des lettres surtout, le progrès des mœurs, des arts et de la civilisation, sont inevitablement et perpétuellement assujetis à cette influence de la capitale. Qu'un régime de morale exaltée, qu'un esprit de parcimonie, que les erreurs de la fantaisie, que le despotismne le la nullité puissante et parvenue, en corrompent ou détournent les salutaires effets, voilà tout à coup un pas de fait vers la barbarie, et autant de perdu pour le veritable bonheur.

Car enfin, la liberté, l'ordre, ne se réalisent que par l'action des mœurs donces, des arts consolateurs et des habitudes généreuses. Un gouvernement farouche, ignorant, ou livre à l'incohérente doctrine d'hommes étrangers à ces principes de sagesse et d'intérêt social, ferait bientôt du séjour de la paix et de l'aisance, une demeure de sauvages, d'où la decence, les arts et la liberté disparaîtraient à jamais.

Je veux done n'appeler an pouvoir que les hommes publiquement connus par leur devoùment à ces maximes. Je veux qu'ils ornent la société de tout ce qui peut embellir et faire aimer la vie, de tout ce qui peut concilier à l'exercice de la puissance, cet ensemble de moyens, de bonheur et d'harnionie, qui assure l'attachement aux vertus privées, l'amour et le respect de l'honneur public. L'inquiétude des esprits légers, la morgue d'un pouvoir nouveau, l'exageration de conduite, la grossiereté individuelle, le mépris des égards, sont encore des fleaux eviter dans ceux qui vont nous commander par la loi de nos suffrages. La multitude insensible à ces vices de caractère, qu'une éducation plus soignée peut seule apercevoir, ne manquerait pas, peut-être, de s'y méprendre et de nous en punir, si notre indifférence allait jusqu'à lui abandonner exclusivement l'usage d'un droit que nous devons tous exercer.

Un autre malheur suivrait ce premier; c'est que les fonctions publiques, avilies par le caractère de ceux qui pourraient en être revêtus, cesseraient d'être un objet d'ambition pour les hommes vraiment capables de les remplir.

Le premier des faux dehors de l'ambition incapable, est cette hypocrisie de manières, cet étalage de modestie, cette affectation à se déprécier, à se mettre au-dessous des autres, lorsqu'on n'a' véritablement d'objet que celui de commander a tous. Une franchise inconsidérée est peutêtre preferable à cette obliquité de conduite, qui trompe et séduit assez communement les hommes.

Il est naturel de prétendre au pouvoir, mais il n'est juste de s'y présenter qu'avec les qualites qu'il demande et la manifestation des sentiments qui y portent. A Rome, les candidats étaient vêtus de blans afin qu'on les distinguat dans les comices.

Le charlatanisme de la parole l'emporte, par les dan gers, sur cette hypocrisie politique. Il exalte les esprits, precipite dans des choix inconsidérés, fait taire le mérite, et livre la chose publique aux mouvements d'orateurs stupides, lorsqu'ils ne sont point de fougueux et injustes agitateurs.

Il est une autre sorte d'ambitieux subalternes, pour qui l'obscurité même est un mérite. Ceux-ci fascinent l'esprit de la multitude, trompent la raison publique, égarent le peuple par des écrits captieusement tissus et adroitement diriges. Livres presque toujours aux factions, ils n'écrivent en faveur d'un parti que pour l'or qu'on leur donne ou les voix qu'on leur promet. Insolents envers leurs supérieurs, jaloux de leurs égaux, protecteurs oppressifs de ceux qui leur sont soumis, ennemis de tout le monde, une fois parvenus aux emplois, ils s'y conduisent comme dans un pays de conquête dont ils n'ont jamais connu la

carte.

Un danger non moins funeste encore, serait l'élévation de ces hommes tranquilles, mais ignares, vraiment droits, mais faibles, et qu'une éducation bornée, des mœurs grossières, l'habitude de la sujetion, rendent parfaitement etrangers aux grandes qualités d'administrateur public. Si l'engouement de la simplicité, l'amour excessif de la popularité, pouvaient donner lieu à de semblables élections, elles perdraient une ville comme Paris, où, encore une fois, la fermeté de principes, la connaissance des lois, l'habitude de la raison, le sentiment de la liberte, sont par-dessus tout, les premières conditions, le principal titre au partage des fonctions judiciaires ou administratives. Ces considerations puissantes porteront sans doute aux assemblées électives tous ceux que l'intérêt de la paix, de la justice, le bonheur public et l'amour de leurs familles lient aux moyens d'ordre, aux bases conservatrices des mœurs et des agréments de la société. Peut-être aussi qu'on rendrait un service essentiel, en faisant connaitre ceux que des talents réels, un caractère de courage et de raison rendent dignes du pouvoir et des honneurs que l'estime publique a coutume d'y attacher.

Quelques efforts cependant que l'on fasse, quelques moyens qu'on emploie, l'astuce et le charlatanisme auront toujours d'aveugles sectateurs; mais il n'est point douteux que lorsque toutes les classes de citoyens, tous les états voteront pour le choix de leurs mandataires, leur active influence ne perde de son energie; il n'est point douteux que lorsque ceux que l'education, la richesse, le goût des arts et l'habitude des hommes ont eclairés sur les intérêts publics, se réuniront aux autres, le nombre des esprits faux, bas ou incapables, ne cède à cette reunion de volontés, et que les choix n'aient un degré de pureté, de convenance, inaccessible aux soins isoles d'une multitude souvent étrangère aux passions, comme aux mobiles des grands acteurs de la société. (APT. DE M. PEUCHCT).

BULLETIN

DE L'ASSEMBLEE NATIONALE.

SÉANCE DU JEUDI 1oo JUILLET,

On fait lecture d'une lettre de M. Clermont-Tonnerre, député à l'Assemblée nationale: il rend compte des troubles survenus à Ris; cinq personnes ont été massacrées. En sa qualité de commandant de la garde nationale de Corbeil, il est retenu par la commune pour rétablir l'ordre dans les endroits voisins. L'Assemblée ordonne le renvoi de cette affaire au comité des rapports.

Sur le rapport fait par M. Vernier, au nom du comité des finances, l'Assemblée rend le décret suivant: L'Assemblée nationale s'étant fait rendre compte par son comité des finances de l'opposition formée par des particuliers de la ville de Montbrison, à l'emprunt décrété le 30 mai dernier, des actes relatifs à ladite opposition, et des motifs qui ont déterminé les officiers municipaux à donner leur démission; déclare que le décret du 30 mai sera exécuté selon sa forme et teneur, et invite les officiers municipaux à continuer leurs fonctions avec le zèle qu'ils ont apporté jusqu'ici dans l'administration qui leur a été

conliée. »

M. L'EVÊQUE D'OLÉRON : Un de vos plus chers désirs étant de venir au secours des malheureux, je vais vous mettre sous les yeux la situation déplorable des régions méridionales du royaume. Des inondations excessives ont causé dans ce pays d'affreux dégâts : les rivières, en se creusant de nouveaux lits, out enlevé pour plus de 200,000 livres de biensfonds, détruit des moulins, renversé des maisons, et fait périr un grand nombre de familles. Les malheureux qui restent dans ces contrées, se trouvent dans l'impossibilité non seulement de payer leurs impositions, mais même de pourvoir à leur subsistance. Tous ces faits ne sont que trop avérés,

Nos malheureux riverains m'ont écrit à ce sujet des lettres déchirantes : vous êtes devenus leur unique refuge et leur seule espérance; daignez prendre leur sort en considération. Ils m'out chargé de vous exposer leur infortune pour la rendre plus touchante. Il est de mon devoir de vous faire considérer que nulle part on ne s'est montré plus ami de la révolution la contribution patriotique de la ville d'Oléron seulement s'élève à 100,000 livres, quoique le commerce soit ruiné, et que nous n'ayons plus que des pauvres. Je ne doute pas que votre sagesse ne vous fasse trouver de promptes ressources. En conséquence, je vous proposerai d'ordonner que tous ceux dont les directoires de département et de district auront constaté les pertes, seront dispensés, pour la présente année, des impositions et de la contribution patriotique; et qu'afin de procurer le soulagement des pauvres de la dernière classe, les curés toucheront dès cette année, leur entier traitement de 1,200 livres.

L'Assemblée ordonne le renvoi de cette proposition au comité des finances.

M. l'archevêque d'Aix demande la permission de s'absenter pour six semaines, après la fédération du 11 juillet.

M. DURAND, député de la sénéchaussée d'Arles: Le premier devoir d'un législateur, et son plus grand mérite, sont de disposer les lois de manière à en écarter le doute par là clarté, à en prévenir les exceptions par la prévoyance, et en assurer enfin l'autorité par la justice, et c'est tout l'objet de ce rapport, dout la matière sont les fondations et les patronages laïcs.

Les bénéfices en patronage laïc doivent-ils subir le même sort, ou peut-on les soumettre aux mêmes

lois de suppression et de réforme que les bénéfices ecclésiastiques?

N'y a-t-il pas dans l'exécution de ces lois quelque exception à faire pour les fondations laïcales, ou pour certaines conditions qui les accompagnent?

Ce sont là, messieurs, les deux questions générales sur lesquelles vous avez à prononcer, après les éclaircissements qui ont déterminé l'avis dont j'aura F bientôt l'honneur de vous faire part.

C'est un principe assez commu et incontestable, que du moment qu'une fondation, soit de bénéfice, soit de service ecclésiastique, ou autre objet pareil, dans un esprit de religion, est acceptée, homologuée et décrétée par l'évêque diocésain, cette fondation prend dès lors la nature des choses ecclésiastiques ou sacrées, qui tenant à l'ordre public dans la société, n'appartiennent privativement à personne : res sacræ, res nullius.

Le respect infini que vous avez tous, messieurs, pour les propriétés, et dont l'Assemblée nationales'est faite elle-même une loi solennelle dans sa dé-claration des droits, vous a déjà fait plus d'une foisillusion, dans la crainte de vous en écarter au préjudice de ceux là-mêmes qui ont sur les biens ecclésiastiques bien moins de droits que le clergé; c'est cette réserve, vraiment estimable, qui vous a fait ménager les possesseurs laïcs des dìmes inféodées, dont vous avez mis le rachat à la charge de l'état, ou des biens ecclésiastiques dont il profite. C'est cette même réserve qui vous a fait encore tomber volontairement dans une omission assez conséquente, lorsque voulant arrêter les nouvelles provisions des bénéfices que votre intention était de supprimer, vous n'avez ordonné, par votre décret du 9 novembre dernier, que la suspension des provisions des bénéfices en collation et patronage ecclésiastiques; ce qui a été, non point une loi qui vous ait liés, ou qui mette à couvert les bénéfices en patronage laïc, mais une disposition qui, si elle peut avoir été alors nécessaire ou prudente, serait en ce moment aussi contraire à vos principes, que funeste au bien public.

Quant aux conditions que le fondateur a apposées à sa fondation, et que l'église a agréées en Tacceptant et la décrétant, elles ne changent rien à la nature ni à l'irrévocabilité du don; ça toujours été une maxime dans l'église, que tout ce qu'on offre à Dieu profite à l'âme de l'oblateur, sans jamais retourner dans ses mains: semel Deo oblata, semper oblata. Or, il ne se fait, ni ne peut se faire aucun don aucune offrande, aucune fondation religieuse, que lo douateur ou le fondateur n'ait Dieu en vue; et certes, il

répugne de concevoir que quelqu'un voulût composer avec Dieu dans les dons qu'il lui fait; il répugne d'employer contre un pareil donateur la maxime si connue, donner et retenir ne vaut.

Dans le nouvel ordre de choses, dans le plan de notre constitution, dont l'esprit régénérateur ne doit faire acception ni de choses, ni de personnes, il serait bien étrange que l'Assemblée nationale qui, jusqu'ici, a fait ceder en tout l'intérêt privé à l'intérêt public, qui a réformé des abus couverts de la plus longue possession en matière profane et civile, fût arrêtée et empêchée de faire le même bien et les mêmes réformes en matière ecclésiastique. Eh que serait notre constitution, que deviendrait-elle avec des établissements qui feraient prévaloir les volontés particulières sur la volonté générale? On a calomuié cette Assemblée jusque dans ses intentions, sans la juger par ses décrets. On lui oppose les volontés des fondateurs, les volontés de ces hommes pieux, dont la mémoire fait honte à ceux-là mêmes qui l'invoquent; ils oseut même nous opposer la religion, cette religion sainte qu'on ne recommaissait presque plus dans l'état nouveau de son régime

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II. La disposition de l'article précédent s'applique également à toutes fondations consacrées par la même autorité de l'église, quels que soient les services religieux qu'elles aient imposés, et de quelques clauses et conditions dont elles aient été accompagnées, même de celle qui porterait la révocation des choses données, dans le cas prévu des suppressions ou changements décrétés par T'Assemblée nationale; n'exceptant, le présent décret, que les fondations non spiritualisées et laïcales, justifiées telles par titres de possession.

III. En conséquence l'Assemblée nationale décrète que tous bénéfices, places, chapelles, prébendes, canonicats, dignités, chapitres et autres établissements ecclésiastiques, pour l'un et l'autre sexe, qui sont à la présentation, nomination et collation, soit du roi, soit de particuliers, patrons ou collateurs, sont et demeurent supprimés, à l'exception des bénéfices-cures, lesquels seront, à l'avenir, exempts de la présentation ou collation des patrons et autres, pour être soumis à l'élection dans la forme commune et générale des élections à toutes les cures du royaume.

» IV. Les biens des bénéfices en patronage laïc ou à pleine collation laïcale, dont la suppression vient d'être décrétée, seront administrés, comme tous les autres biens ecclésiastiques, aux termes des décrets des 14 et 20 avril dernier, sauf aux patrons et collateurs laïcs qui prétendront se trouver dans une exception particulière, de produire leurs titres et leurs actes possessoires aux assemblées administratives, qui les jugeront d'après les règles tracées par le présent décret.

selon la classe de son bénéfice ou de sa place, et le montant de ses revenus ecclésiastiques. »

M. ANDRIEU : Votre décret du 2 novembre et autres subséquents, ayant ordonné la vente des biens ecclésiastiques, il est important de déterminer les signes auxquels ces biens pourront être reconnus. Ce n'est pas par leur application au service religieux qu'on peut décider qu'ils sont ecclésiastiques. Ils sont laïcs, quand la dotation a été faite saus le concours de l'église. Dans ce cas, le propriétaire peut toujours disposer du revenu, puisque seul il a d oit de nommer au bénéfice, puisque le droit commun a interdit aux ecclésiastiques le pouvoir de substituer quelqu'un à la place de celui que le propriétaire a nommé. Il était d'usage, j'en conviens, de faire intervenir l'autorité ecclésiastique, non seulement dans les fondations purement laïcales, mais même dans les pactes de famille, dans les transactions. N'est-ce pas faire un acte de propriété, que de nommer des desservants sans le concours et la participation de l'église? En prenant pour exemple l'institution des chapelles dans différents châteaux, pent-on douter que le fondateur ait eu l'intention de se procurer, à lui et à sa famille, la faculté d'assister au service divin? D'après ces réflexions, voici le projet de décret que j'ai l'honneur de vous soumettre: L'Assemblée nationale déclare que son décret du 2 novembre dernier, par lequel tous les biens ecclésiastiques ont été mis à la disposition de la nation, ne comprend pas ceux qui dépendent des fondations en pleine collation laïque.»

M. TREILHARD: Lorsque vous avez décrété que les biens ecclésiastiques étaient à la disposition de la nation, vous avez différé de prononcer sur les fondations laïques, non pas parce que vous croyiez qu'elles dussent être exceptées, mais parce que vous vouliez qu'elles soient discutées séparément. Il est venu ce temps où l'on doit traiter cette question plus importante par son objet que par ses difficultés. Le projet qui vous a été présenté par votre comité me paraît reposer tout à la fois sur les bases de la prudence et de la justice. Pour établir mon opinion, permettez que je fixe votre attention sur l'origine des patronages. Ils étaient inconnus dans les premiers siècles de l'église; mais lorsque la discipline qui en faisait la gloire, commença à s'affaiblir, les ministres ne se regardèrent plus comme étrangers aux soins temporels, et les titres de bénéfices furent recherchés. Bientôt le droit de présenter le sujet à l'évêque diocésain fut accordé au fondateur, et cet abus finit par devenir transmissible de père en fils. J'avoue que tant que les règles de l'élection ont été méconnues, les inconvénients n'ont pas été bien graves; car le choix des uns n'était pas plus dangereux que celui des autres. Il s'agit ici de fondations acceptées par l'église, et non de fondations domestiques. La nation n'a aucun droit sur celles qu'un décret de l'é

» V. L'Assemblée nationale décrète qu'en exécution, tant des précédents articles que de tous les autres qui forment constitutionnellement une représentation nouvelle du clergé, les assemblées de départements et de districts respectivement se concerteront avec les évêques diocésains, et même, le casglise n'a pas acceptées. Les patronages et collations échéant, avec les patrons et collateurs laïcs, pour l'acquittement des charges spirituelles, fondées et attachées aux biens dont l'administration a été confiée auxdites assemblées, à quoi il sera procédé de telle manière, que l'on conserve des charges et fondations toutes celles dont l'acquittement ou l'exécution tourne évidemment au plus grand bien de la religion, des meurs et de la nation.

D

VI. Les titulaires et possesseurs actuels des bénéfices, et autres établissements supprimés dans les termes de l'article III ci-dessus, et parmi lesquels sont compris les filleuls et agrégés à place inamovibles dans les paroisses, auront le même traitement qui a été accordé par l'Assemblée nationale aux autres titulaires, dont les bénéfices à patronage ou collation ecclésiastiques sont déjà supprimés, chacun

laïques peuvent être envisagés sous trois points de vue, l'administration des biens, la manière de pourvoir aux bénéfices, et la clause des fondations. A l'instant où le peuple sera saisi du droit de nommer ses ministres, où le peuple redemande la pureté de l'ancienne discipline, il est constant que les patronages et les collations laïques ne peuvent être réclamés. C'est un usage contraire à l'ordre public. Il est sensible que tous les bénéfices ne doivent être remplis que de la même manière. Ici s'appliquent les principes consacrés par le décret du 2 novembre.

Le titulaire ne peut pas plus être propriétaire que les autres; c'est toujours à la décharge de la nation que les fondations ont été faites: il n'y a aucun prétexte pour les soustraire à l'exécution de vos décrets. En disposant des biens, la nation reste grevée des

charges: il n'y a rien de plus juste. Aussi le comité a-t-il eu soin de vous proposer un article qui porte cette disposition. L'éducation publique, le soin des pauvres, rien ne sera négligé; jamais l'intention des fondateurs n'aura été plus respectée qu'elle le sera dans l'avenir; elle a été outragée lorsque les revenus passaient dans les mains de commandataires inutiles, forsqu'ils étaient dévorés par des titulaires oisifs qui affichaient partout le scandale et le faste. Vous aurez suivi l'intention des fondateurs, lorsque vous aurez salarié honnêtement des ecclésiastiques respectables, dont chaque jour sera marqué par de nouveaux services. On remplit l'intention littérale du fondateur, quand cela est possible. Fixez vos regards sur ces anciennes fondations, et voyez si elles sont utiles. Elles étaient appliquées à des ordres militaires, pour combattre des infidèles que nous devons laisser en paix; à des établissements pour guérir des maladies dont le nom nous est inconnu; à des religieux inutiles, que vous avez détruits. Qu'avez-vous fait?

Une foule de malheureux ecclésiastiques languissaient dans la misère, et vous les avez soustraits à la misère. Des ateliers de charité établis pour des personnes de tout sexe, vont offrir aux pauvres des moyens de subsister avec aisance; et certes, l'intention des fondateurs est respectée. Le fondateur a voulu ce qui était bon alors; il a voulu que sa fondation fût perpétuelle, parce qu'il a jugé qu'elle serait toujours également utile. C'est cette intention principale qu'il ne faut pas perdre de vue; celui qui a fondé une église a voulu honorer la divinité, et pour être plus sûr du sujet, il s'en est réservé la nomination; mais si la fondation est devenue inutile et le titulaire un objet de scandale, supprimez la fondation, et vous remplissez évidemment l'intention du fondateur. On oppose aussi des clauses de réversion: quelques fondateurs ont prévu le cas où leurs établissements devaient cesser d'être utiles, et ils ont voulu alors qu'ils cessassent d'exister; mais, sans doute, ils n'ont pas voulu prévoir celui où les représentants de la nation assemblés pour établir un nouvel ordre de choses, se mettraient à la place du fondateur, et appliqueraient leurs libéralités pour le plus grand bien de l'état et de la religion. Supprimez les établissements inutiles, et dotez les ministres utiles vous avez rempli l'intention des fondateurs. Vous faites en un instant plus de bien qu'ils n'en ont fait en plusieurs siècles. Qu'on ne m'oppose pas des clauses inutiles, qu'on ne cherche point à éluder les principes, sous prétexte que le fondateur se plaint au bout de dix siècles que la fondation n'est pas remplie.

Je demande que le projet de décret du comité soit mis aux voix.

M. LANDINES: Le rapport de votre comité ecclésiastique sur les patronages laïques offre sans doute des vues dignes de compléter son travail sur l'organisation du clergé. Les principes en sont justes et tiennent à l'intérêt général; mais toute justice trop rigoureuse devient quelquefois une injustice, et le bien lui-même, pour s'opérer et se soutenir, ne doit-il pas souvent se garder de paraître extrême?

En adoptant plusieurs bases du rapport, je crois que l'une d'elles ne porte pas sur un fondement solide; en admettant ses résultats, je pense que l'un d'eux mérite une plus grande extension, et que sans elle il nuirait à un grand nombre de citoyens sans servir beaucoup à l'utilité publique ; je veux parler des prébendes familières et des simples commissions

de messes.

Lorsque l'Assemblée a ordonné la suppression de plusieurs bénéfices, lorsqu'elle a réglé la forme de Fadministration des autres, un premier aperçu émané de sa justice, le premier sentiment de la rai

son, et c'est toujours celui-là qu'il faut écouter, lui fit formellement distinguer les patronages laïques, et depuis elle a renvoyé sa décision sur cet objet à un examen particulier; mais dans ces patronages de fondation laïcale, il en est de plusieurs genres; votre décision ne peut donc être la même pour tous. Plusieurs diffèrent dans leur but, dans leur objet, on ne peut donc les placer dans le même rang; plusieurs enfin offrent diverses conditions dans la donation, un hommage plus ou moins entier à l'église; ils ne peuvent donc lui appartenir tous au même titre et se trouver confondus dans une même disposition.

Je sais que l'article II du projet de décret qui vous est présenté excepte de sa disposition les fondations non spiritualisées et laïcales, justifiées par titre et par cession; mais cette exception est insuffisante, ou du moins ne porte pas avec elle la juste application qu'elle doit avoir.

En effet, le rapport ne paraît pas avoir assez évidemment distingué dans les bénéfices de patronage laïque, ceux qui donnent tout à la fois à l'église la propriété et l'usufruit des immeubles qui forment le bénéfice de ceux dont on a offert le simple hommage, accepté par l'évêque, mais dont l'usufruit éventuel est conservé aux familles. Votre sagesse, Messieurs, est sans doute bien éloignée de les céder à l'état au détriment des droits des particuliers.

Que l'on distingue donc ces deux sortes de patronage; ils méritent toute votre attention. Plus de cent mille familles dans le royaume, et surtout ma province entière, sont attentives à votre décision, et sont rassurées par votre justice.

Les bénéfices de patronage laïque qui confèrent tout à la fois à l'église la propriété, l'usufruit et l'usage, qui ne conservent aux collateurs que l'honorilique droit de collation, acceptés par l'évêque et spiritualisés par son autorité, sont devenus dèslors d'un usage général, public et libre. Ceux qui en sont pourvus doivent d'ordinaire être clercs. Les patrons n'ont que le droit de faire agréer le prêtre de leur choix au supérieur ecclésiastique. Ces bénéfices furent évidemment destinés par la bienfaisance religieuse au culte national et à l'entretien de ses ministres; aussi, dès que la nation se charge des dépenses de ce culte sacré, de l'entretien des ministres dont elle a jugé la conservation utile, ces biens, ces patronages tombent nécessairement dans sa disposition. Tels sont les canonicats de beaucoup de collégiales; tels sont en particulier tous ceux du chapitre de Montbrison, capitale de la province que je représente une foule d'abbayes, de prieurés, de chapellenies perpétuelles se classent dans cette division; c'est à ces bénéfices que le principe sur lequel est fondé le rapport, res universitati, res nullius, est applicable: les immeubles consacrés au bien général n'appartiennent plus à personne, ils n'appartiennent qu'à la grande famille; ils ne peuvent servir que de liens à cette charité fraternelle entre tous les citoyens, et qui est le plus digne hommage à celui qui régit invisiblement les einpires et leurs nombreux habitants; ils servent, pour ainsi dire, de pacte d'union entre la terre et le ciel, entre l'homme et Dieu.

Ce principe ne peut plus s'appliquer à une autre espèce de patronage laïque, à celle qui n'a pas consacré à la religion une propriété entière, c'est-à-dire un domaine direct, utile et complet, par la confusion de cette propriété avec l'usufruit et l'usage. Par le titre de fondation de ces bénéfices, le patron primitif, en faisant don à l'église d'un immeuble, en a réservé aux siens l'usufruit et la jouissance éventuelle. Telles sont les prébendes familières en coramissions de messes, et quelques chapellenies

stitutions plus respectables qu aucune autre, qui s'étendent sur les besoins de l'esprit, et que les fondateurs ont rendu inattaquables par la bienfaisance qui les a déterminés; et en les plaçant sous la garde de leur propre utilité, elles m'ont rappelé souvent ces établissements orientaux qui, au milieu d'une plage aride et sabloneuse, ont fixé un hospice consolant pour les voyageurs. Sur leur seuil est écrit d'ordinaire: Passant, souviens-toi que la vie ellemême n'est qu'un passage. Ainsi, au milieu de l'ignorance et d'incultes esprits, des patrons bienfaisants établirent des hospices de lumières et d'ins

particulières. Ce sont plutôt de simples rentes foncières établies par les fondateurs sur quelqu'une de leurs propriétés, que de véritables bénéfices. Ces prebendes, ces chapelles doivent être possédées préférablement par les clercs de la famille. Ce sont des ressources utiles que des hommes pieux et opulents ont trouvé dans leur fortune immobilière, pour aider à la fois le culte public, sans priver leurs descendants d'une jouissance légitime. Ces bénéfices reposent donc privativement sur les clercs de leur descendance, sur leurs arrière-petits-neveux, sur leurs enfants ou sur les fils de leurs enfants, filiation précieuse qui attache l'homme bienfaisant d'un côté❘truction dans leurs propres foyers; et si la vie n'est à son créateur, de l'autre aux soins de sa postérité; fondation généreuse, qui apprend à des fils à bénir, aux pieds des autels, et le Dieu qu'ils servent, et l'ancêtre respectable qui a pris soin de leur état, de leur bonheur. Comment, Messieurs, pourriez-vous confondre avec les autres bénéfices une propriété dont on s'est réservé cet usufruit, un don auquel le fondateur attacha une condition, sans laquelle il n'eût pas été généreux? Comment arracher une jouis-d'un soulagement certain dans ses vieux jours. Poursance qui est la ressource des familles nombreuses, des familles pauvres, des familles de toutes les classes, une jouissance enfin d'autant plus chère, d'autant plus sacrée, qu'elle est héréditaire, et qu'elle fut transmissible comme le gage de la piété et de la sollicitude paternelle?

qu'un passage, ils en rendirent du moins à leurs descendants le court trajet et plus doux et plus trauquille.

Oui, messieurs, ces intentions généreuses ont été remplies; les familles sont devenues pauvres; elles restent du moins éclairées. Souvent le père dénué de bien sourit aux progrès de ses fils; ces progrès sont pour lui des garants d'un retour à la fortune, et rait-on lui ôter cet espoir consolateur, en mettant sa prébende dans la disposition de l'état; il faudrait donc lui enlever ses enfants; il faudrait plus, en lui ôtant les moyens de les élever, il faudrait donc, comme à Lacédémone, que l'état se chargeât de l'éducation des enfants des citoyens. Non, messieurs, si ces fondations ne peuvent être conservées dans le régime futur de l'organisation du clergé, vous saurez les rendre à leur institution primitive: elles doivent être restituées aux familles après la mort de leurs titulaires. Ces familles paieront à la municipalité du lieu les frais du service dont ces prébendes se trouvent chargées. Ces frais, ces rentes foncières acquitteront d'autant les dépenses nécessaires à l'entretien des utiles pasteurs des campagnes. En rendant ainsi les simples prébendes familières aux collateurs, vous procurerez à l'état deux grands avantages; le premier, c'est que ces biens vendus à des cultivateurs qui travailleront pour eux-mêmes, deviendront plus féconds, et que l'agriculture générale s'enrichira de cette prospérité; le second, c'est qu'en n'obligeant plus le patron à faire ses enfants prêtres pour en

Voyons enfin, Messieurs, quels sont les patronages laïques qui, outre l'usufruit éventuel conservé aux familles, leur en accordent encore l'usage fréquent et presque habituel? Ici parait une institution utile, multipliée dar s ma province, et qui y a produit, dans les rangs fes plus obscurs, des hommes éclairés, et par conséquent de véritables citoyens. Le fondateur, en faisant hommage à l'église de l'objet de sa fondation, en le consacrant à des messes ou à d'autres religieuses attributions, n'a pas oublié que du moins il devait, avant tout, à ses enfants, à ses petits-enfants, les bienfaits de l'éducation. Il a prévu les cas où ses fils en auraient d'autres, où ils pourraient consacrer les revenus de la prébende, de la chapelle à cette juste destination; où il serait pru dent de détourner ces revenus des objets pieux pour satisfaire à un autre plus légitime. Plusieurs pré-jouir, vous ne de anerez à la religion que des ministres bendes dans le Forez, et sans doute dans plusieurs autres provinces, laissent, par leur titre d'élection, la faculté aux collateurs, qui ont des enfants en bas age, d'en appliquer le produit à les faire élever, sauf à la majorité de ces derniers, s'ils ne veulent pas être prêtres, de les concéder à un autre. Ces fondations eurent ainsi le but le plus touchant.

dont la vocation sera pure, et par conséquent digne d'elle. D'un autre côté, en restituant aux pères les fonds mis sous la garde de l'église, et sur lesquels repose l'éducation de leur famille, ils en emploieront les fruits à apprendre à leurs enfants à maintenir la constitution, à bénir vos décrets et à les défendre jusqu'a la mort.

M. BARÈRE: Il existe une loi qui porte, que lorsque les successeurs du patron sont dans l'indigence, on peut leur faire adjuger la jouissance du tiers des biens: c'est en faveur de cette disposition que j'invoque votre justice; je demande que vous ne la perdiez pas de vue, lorsque vous parlerez des patronages laïques.

Des hommes favorisés de la fortune, voyant de toutes parts les biens s'amonceler et disparaître dans les maisons, une alternative continuelle de richesses et de pauvreté dans les familles, cherchèrent à mettre leurs descendants à l'abri de ces affligeants revers; ils voulurent du moins leur ouvrir un port dans le naufrage, et ce port fut une bonne éducation: ils pensèrent avec raison que si les biens ne M. LE CAMUS: J'ai demandé la parole, parce que donnent pas à l'homme plus de patriotisme, de cou- l'article 1er me parait renfermer des choses iutinirage et de grandeur d'âme, c'est l'éducation seulement distinctes le patronage laïque et le titre de qui lui apprend à sacrifier son intérêt propre a l'in-pleine collation laïcale. Dans la pleine collation laïtérêt public, qui le rend citoyen, juste, ami éclairé cale, le propriétaire ne donne point ses biens; ils ne de l'ordre, et utile à ses semblables; que c'est l'édu- sortent pas de la main de ses représentants; on n'a cation qui constitue le bonheur de ceux qui l'envi- pas besoin de la provision de l'église, au lieu que ronnent et le sien propre. En appliquant avec trans- dans le patronage laïque, un sujet ne peut être port des champs fertiles à ces fondations respectables, nommé sans l'intervention de l'évêque. Beaucoup de ils offrirent l'image que, si leurs travaux constants titulaires ont, par ignorance, laissé dénaturer leurs avaient pu les fertiliser, l'éducation à son tour devait titres. Votre décret ne peut s'étendre qu'aux bénécultiver l'homme et lui faire produire de généreux fices à patronages laïcaux; le reste est toujours dans fruits; fondations heureuses qui devinrent de nobles la possession de la famille du donataire. On a dit apanages des biens moraux, des vertus et de tous ensuite que le décret s'étendait à tous les biens qui les bienfaits dont l'instruction nous fait jouir; sub-seraient devenus d'usage général : cette disposition

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