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FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION

CHARGÉE

DE L'EXAMEN DES PAPIERS

TROUVÉS

CHEZ ROBESPIERRE

ET SES

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COMPLICES,

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PAR E. B. COURTOIS, Député du Département

de l'Aube, 3429

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An III. de la République française, une et indivisible.

IMPRIMÉ PAR ORDRE DE LA CONVENTION NATIONALE.

A PARIS,

DE L'IMPRIMERIE NATIONALE DES LOIS.
Nivôse, an III. de la République,

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RAPPORT

FAIT au nom de la Commission chargée de l'examen des papiers trouvés chez ROBESPIERRE et ses complices.

CITOYENS,

Les législateurs qui, dans les siècles passés, ont jeté les fondemens des républiques et qui en ont voulu voir la durée, au lieu de travailler à miner ces fondemens, des ont consolidés chaque jour. Les fondemens des répu bliques sont les principes; la vertu en est le ciment, la vertu qui n'est que les principes mis en pratique. Que dire de cet architecte qui, après avoir posé son édifice fait agir la hache pour en saper tout-à-coup les bases ! Espère-t-il que, ces bases enlevées, l'édifice se soutiendra, ou veut-il, comme l'amant de Dalila, s'ensevelir sous ses décombres ! Le législateur qui a posé l'édifice social sur les principes, et qui ruine cette base, ressemble à cet artiste. C'est le mépris des principes qui a perdu les anciens états de la Grèce et qui a vendu à Philippe les clefs de la superbe Athènes. Sylla compta sur leur oubli, en forgeant des fers aux Romains. La constitution de Rome, déversée de son antique base, roula dans des ruisseaux sanglans, et le Romain ne sut bientôt plus lire dans ses feuillets que son sang avait souillés ; il ne reconnut plus des caractères que son sang avait effacés. Sylla se repentit: il brisa de ses mains le joug qu'il s'était plu à forger; il voulut essayer si les Romains ne pourraient pas ressaisir encore leur antique vertu. Vains efforts! on ne fait point (dit Rousseau) de pas rétrogrades vers le bien. Sylla avait cru retrouver des hommes, il ne retrouva que

des esclaves; le Romain qui commandait au monde ne sut plus qu'obéir à un tyran: l'honneur de l'univers en devint la honte, et Rome se vit à jamais la proie des nombreux ambitieux qui naquirent des cendres du despotisme de Sylla.

Que de maux produits par le seul oubli des principes!

La République française, plus heureuse que la République romaine, eut son Sylla sans perdre la liberté. Ce qui la sauva, c'est que Brutus fut, en France, le contemporain de Sylla: à Rome, il ne parut qu'un demisiècle après lui. Ce fut ce qui perdit les Romains, qui faillit aussi de nous perdre, je le répète, l'oubli des principes. Celui qui établit que les principes n'étaient favorables qu'à l'aristocratie, fut le premier ennemi de notre liberté. Robespierre jeta le premier les semences de cette affreuse doctrine, qui ne furent que trop avidement recueillies par ses nombreux sectaires. La raison universelle, non celle du prussien Cloots, mais celle qui a créé le mouvement et qui entretient l'harmonie des mondes, fut obligée de se soumettre à la raison d'un parti. Le principe, soutenu des seules armes de la vérité, fut abattu sous le poignard à deux tranchans du sophisme. Tout fut changé, la chose et le nom. Une révolution qu'on avait crue le passage plus ou moins graduel du mal au bien, ne fut. plus qu'un coup de foudre (1). L'égalité, fille de la nature, et dans l'état social, fille de la loi, ne fut plus qu'un fatal niveau qu'on promenait sur les têtes, et pareil, à-peu-près, à celui de ce tyran (2) qui étendait sur son lit de cinq pieds tous les voyageurs et les faisait réduire à la mesure de ce lit. On prit la vertu pour le crime, et le crime pour la vertu. On n'admit plus une foi privée, on n'admit qu'une foi publique qui n'était qu'une publique mauvaise-foi. On n'était point honnête homme pour payer ses dettes, si l'on n'était, au moins, membre d'une société populaire ; celui qui s'était enrichi aux dépens de ses créanciers et de la patrie, n'avait qu'à se faire JACOBIN pour être

(1) Expression du conspirateur Saint-Jus. (2) Busiris.

l'homme probe par excellence. Ce n'était plus à la friponnerie, c'était à la probité qu'on cherchait un correctif. On dilata également le ressort de la sensibilité. Les larmes versées sur la tombe d'un frère, ou d'un père, ou d'un ami, étaient un vol fait à la cité ; la douleur ne devait point ainsi se resserrer, se claquemurer dans ses foyers: c'était un crime que de s'attendrir en détail; et ne pas pleurer généralement, c'était conspirer. On avait oublié que le bonheur public ne se compose que des élémens du bonheur individuel, et l'on' tuait le bonheur individuel pour créer le bonheur public; c'est-à-dire, que pour rendre les hommes heureux en général, on les accoutumait en particulier à être malheureux; comme pour leur apprendre à devenir libres collectivement, séparément on les ployait à l'esclavage. Un étourdi de 26 ans (Saint-Just), à peine échappé de la poussière de l'école, tout gonflé de sa petite érudition, avait lu dans un grand homme (3) qu'il n'entendait point, qu'un peuple s'était laissé corrompre par le luxe, enfant des arts et du commerce: il avait lu encore qu'un autre grand homme (4) qu'il entendait un peu moins sans doute, avait, dans l'enceinte de quelques milliers de stades, formé un peuple de braves; et tout de suite, notre mal-adroit copiste de l'antiquité, sans examen des localités, des mœurs et de la population, appliquant ce qui était inapplicable, nous venait dire ici, d'un ton de suffisance qui n'eût été que comique s'il n'eût point été atroce : « Ce n'est pas le bonheur de Persepolis, c'est celui de Sparte que nous vous avons >> promis ».

כל

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Une maxime de Rousseau, trop dédaignée jusqu'à ce jour, c'est qu'il ne faut pas si l'on veut fonder une république, commencer par la remplir de mécontens. Qu'eût dit le philosophe de Genève, d'en voir une qu'on avait remplie de victimes! Robespierre et ses partisans ont professé d'autres principes que Rouset tous ont été conséquens. Rousseau voulait que les hommes aimassent la liberté ; il la leur fallait

seau,

(3) Montesquieu,

(4) Lycurgue.

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