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mettre le présent Arrêt à exécution. Donné en Parlement le neuf Février, l'an de grace 1704, & de notre Regne le foixante-uniéme. Collationné. Signé par la Chambre, DU TILLET.

Signifié le trois Mars mil fept cent qua

tre à Maître Gervais Procureur.

CHAPITRE III.

Si les Dixmes font dûës des fruits en verd, & avant le tems de leur maturité.

N°. I.

LA premiere question eft de

fçavoir fi l'on peut vendre des pois, féves & autres chofes décimables en verd, & avant leur maturité parfaite. Je crois qu'il ne faut pas traiter cette queftion crûëment & détachée de fes circonftances, lefquelles en font la décision; par exemple, fi la principale partie d'une Paroiffe étoit remplie de ces légumes, il en faudroit payer la Dixme, d'autant qu'il arriveroit qu'encore que ces chofes foient décimables en foi, néanmoins s'il y avoit feulement moins que du quart de la Pa

roiffe, & que les Habitans fuffent en poffeffion de vendre leurs pois & féves en verd, fans en payer la Dixme, cette poffeffion les mettroit à couvert de la prestation, mais il faudroit que le revenu de la Cure fût affez confiderable fans cela pour la fubfiftance du Curé, laquelle eft de jure divino. Il ne pourroit pas l'exiger; mais elle lui feroit dûë, nonobftant la coutume de ne la point payer, s'il n'avoit pas dequoi vivre; c'eft le cas de la Dixme infolite. Cette queftion s'eft préfentée entre les Religieux de S. Lomer de Blois, & quelques Habitans qui foutenoient être en poffeffion de ne point payer la Dixme des pois & féves en verd, & qu'elle étoit infolite; elle fut jugée le 18 Janvier 1658 en faveur des Habitans.

2. S'il arrivoit que par malice ou par fraude, un Laboureur ou Proprietaire détruisît fa moiffon avant fa maturité, l'Eglife peut-elle agir contre lui pour la Dixme qui lui appartient ? Cette queftion eft propofée par Panorme fur le chap. Commiffum de Dec. n. 4, Extra. Il rapporte les opinions des Docteurs qui foutiennent, que quand même la moiffon ou les fruits auroient pû périr par la grêle ou autre vimaire, que l'E

glife

glife étant propriétaire des Dixmes, a une action contre le deftructeur. C'eft une révendication qu'elle fait de la Dixme. Cette action lui appartient, ex Canone. L'argument en peut être pris de la Loi, cum res in fine ff. de leg. 1. Si c'étoit dans un tems de guerre ou par une néceffité indifpenfable que cet accident fut arrivé, le propriétaire n'en feroit point chargé, ce n'eft point fa faute.

Les Ultramontains font fujets à outrer les chofes en matiere de Dixmes. C'eft un principe conftant, que la Dixme ne fe doit percevoir que fur les fruits. Or, felon le Droit Romain tout ce qui eft pendant par les racines, est pars fundi, &ne fçauroit encore porter proprement le nom de fruits. Dans celles de nos Coutumes qui ont admis la mobilisation de ce qui pend par les racines, il y a certains termes où commence cette mobilisation, & avant le quels les fruits font auffi immeubles que le fond. Ainfi.le Laboureur ou Propriétaire, qui avant ces termes a détruit la moiffon, eft cenfé avoir dégradé fon champ, ou plutôt l'avoir laiffé en repos, ou en zachere, comme on parle à la Campagne. C'eft autre chofe que

Tome I.

M

la mutation de la furface d'un champ, laquelle a de la fuite, & la ceflation paffagere du produit du même champ. D'ailleurs c'eft ici un cas infolite, & l'on ne trouve gueres de Laboureurs, qui pour fruftrer un Curé de huit ou dix gerbes, confentent à perdre & leur femence & leurs travaux, & à fe priver de deux cens gerbes de bled. La Loi Cum res citée par M. du Perray, dit bien que la négligence, mora, de l'heritier à livrer au Légataire la chofe leguée, le rend refponfable de la perte de la chofe. Mais il y a cette différence que la chofe leguée debetur Legatario, dès P'inftant de la mort du Teftateur; mais la Dixme n'eft dûë que du tems de la recolte, & la moiffon eft périe avant que la Dixme ait commencé deberi. Il faudroit pour foutenir le fentiment outré de Panorme, qu'un Laboureur fût refponfable envers le Curé de tous les accidens qui pourroient arriver par fa faute aux fruits pendans par les racines à fon champ. Que le Curé, nonobftant la décifion de Panorme, fe contente en pareil cas de lever la Dixme de ce que fon Paroiffien recueille, de ce dont il profite, mais qu'il ne prétende pas dixmer ce que fon Paroiffien n'a pas recueilli.

Les pépinieres qui occupent une partie de la terre, quand elles font tranf plantées dans la même terre du Proprietaire, ne doivent point la Dixme, mais feulement quand on leve les arbres pour les vendre, & que la Dixme en foit folite dans le même lieu. Cela eft d'usage en Normandie en quelques lieux; ce qui eft conforme à des Arrêts rendus en faveur des Proprietaires, qui ont confommé des bois ou des légumes pour leur ufage, & qui en ont vendu; dans le premier cas, ils n'en doivent point, mais feulement dans le fecond, fi c'eft l'ufage.

3. Il en eft de même des autres fruits, comme des pommes & poires ramaffées en verd par les habitans avant leur maturité; quand elles font tombées par l'impetuofité des vents, fçavoir fi la Dixme en eft dûë. Ç'a été la matiere d'une conteftation entre les Habitans & le Curé de Betancour: Celui-ci foutenoit, que, la Dixme étoit dûë des pommes à une certaine quotité. Les Habitans de Betancour ne pouvoient alleguer de poffeffion immémoriale pour prendre par préciput des pommes qui n'étoient pas encore dûës; qu'il ne faut pas punir deux fois une perfonne, fans qu'il y ait de la faute d'ailleurs que cette Dixme des

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