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Dixmes font confiderées comme fpirituelles & regardées ad inftar des bénéfices & des offrandes qui ne peuvent être mifes dans le commerce. Au refte quand on dit que la Dixme eft une chofe fpirituelle, cela doit être entendu du droit Décimal, ou de percevoir la Dixme, & non des fruits qu'on peut & vendre & affermer, comme tous les Docteurs en conviennent.

2. On ajoute encore d'autres moyens pour prouver cette fpiritualité de la Dixme, qu'il eft important de rapporter, d'autant qu'ils peuvent fervir pour décider plufieurs conteftations: Les Dixmes, difent les Canoniftes, ne peuvent être prefcrites par les Laïcs, parce que pour établir la prefcription, il faut avoir la capacité pour les pouvoir poffeder, & les Laïcs étant incapables de poffeder des Dixmes Ecclefiaftiques, ils n'en peuvent acquérir la prefcription; la mineure de cet argument fe prouve par les difpofitions Canoniques & par l'autorité des Auteurs graves, nous nous contenterons d'en rapporter une à la vérité fort propre au fujet, en voici l'efpece. Alexandre III. confulté par l'Evêque de Parme, fi un Noble qui poffedoit une Dixme y devoit être confervé, réfout

que non, quand même il en auroit eu une conceffion & qu'il auroit prescrit en conféquence, cela ne ferviroit de rien, parce que les Laïcs font, dit ce Pape incapables des Dixmes, ce qui a du rapport au chapitre, caufamque de prafcr.

3. Une autre preuve qui eft tirée du chapitre ad decimas de reft. fpoliatorum in 6. eft, que fi un Laïc poffedoit des Dixmes & qu'il en fût fpolié, il ne pourroit pas y être réintegré, parce qu'il n'a aucune capacité pour les poffeder, c'est une remarque qui a été faite par deux de nos Docteurs François; Guy Pape, queft. 288, & l'Auteur de la Glofe de la Pragmatique - Sanction, v. inquirant de pacificis poffefforibus: La raifon du premier eft, qu'il ne fuffit pas d'une fimple détention de fait; il y a deux poffeffions, celle de droit, & celle de fait; la derniere ne fuffit pas, il faut avoir un titre qui donne la poffeffion de droit ; j'eflime néanmoins que file Laïc mettoit en fait que fes Dixmes font inféodées, comme il les peut poffeder en cette qualité, il faudroit le réintegrer; l'autre Docteur François eftime que celui qui a la préfomption contre foi comme en fait de Dixmes ou de Bénéfices, doit au moins la colorer par un titre apparent, il cite

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le chapitre ad Decimas de reft. fpoliato rum in 6. Rebuffe en fa queftion 13, de Decimis, eft de même avis; Ruzée, in privil. 55 Regalia, a cru que le droit décimal étoit fpirituel, enforte que pendant la Régale l'Econome ne pouvoit, en adminiftant les revenus, comprendre les Dixmes dans fon Economat, il rapporte un Arrêt qui l'a jugé en 1282.

4. Il eft néanmoins obligé de remar quer qu'il y avoit des comptes à la Chambre, dans lesquels il paroiffoit que les Economes avoient joui des Dixmes d'un Evêché & en avoient rendu compte pendant la Régale; mais quelques Partifans que foient les Canoniftes de cette opinion qu'elles font fpirituelles, elles peuvent être données à ferme à des perfonnes Laïques pour un tems; cependant Godefroy de Vendôme, cité par Monfieur de Marca, eft d'un fentiment contraire qu'il exprime avec beaucoup de force, il rapporte un Décret par lequel ceux qui avoient été dépouillez fans connoiffance de cause étoient auffi rétablis & réintegrez, par les mêmes voyes; mais il n'étoit pas permis aux Laïcs, comme le remarque ce Docteur, de vendre ni retenir les Dixmes, encore qu'elles leur euffent été données par les Princes

du confentement des Conciles, Epift. 31 appendicis prima, tom. 10 Conciliorum, col. 1270 & 1271. On a auffi traité les ventes des Dixmes de fimonie, il femble que ce ne peut être qu'à caufe de la ipiritualité, les adjudicataires & les vendeurs devoient être dépofez pour toujours de leur état s'ils étoient Ecclefiaftiques. Paul Emile a qualifié le droit décimal de facré, il a dit que Charles Martel avoit accordé les Dixmes à fes Gens de Guerre, pour les récompenfer du fecours qu'ils lui avoient donné contre les Infideles, cela ne s'eft pas fait fans le miniftere des Prélats, comme nous le voyons en plufieurs endroits, facrum jus decimale viris militaribus tribuit Carolus Martellus, comme dit cet Auteur, de rebus geftis Francorum.

5. Toutes ces autoritez font d'un grand poids & femblent décider, mais il y a quelques réflexions à faire au contraire. La premiere, que c'est une confufion & une équivoque fur les Dixmes, d'autant que fous ce nom on a compris dans les Conciles, les Autels & les Eglifes, en prenant les droits des Bénéfices pour les Bénéfices mêmes; d'où vient qu'on joint en plufieurs Conciles Altare

Decimas, comme chofes fynonimes

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& relatives, ceux qui fçavent fonciere ment ces principes n'en peuvent douter. Nos Ordonnances les ont qualifiées fpirituelles, & l'action pour les Dixmes entre Ecclefiaftiques, ne s'agiffant point de poffeffoire ni d'inféodation, doit être traitée pardevant le Juge Ecclefiaftique qui connoît des chofes fpirituelles au pétitoire, ce qui a même lieu à l'égard des Laïcs.

6. Contre ces autoritez nous en avons d'autres de quelques-uns de nos Docteurs qui font de grand poids ; c'est de Maître Charles Dumoulin & de Monfieur Loüet: Le premier, fur le chapitre, Exhibita de rer. permut. verbo inter ipfos, dit, atqui Decima non funt res fpirituales nec fubftantialiter, nec formaliter, nec materialiter, fed tantum applicativè, quia minifterio fpirituali funt dicata. Il fe détermine en peu de mots, & prétend que les Dixmes ne font point fpirituelles, ni par la matiere, ni par la fubftance, ni par la forme, & que les Théologiens, comme S. Thomas & Gerfon, reprennent les Canoniftes qui fe font trompez & ont trompé les autres, quand ils ont déclaré que les Dixmes étoient fpirituelles, mais qu'elles font pures temporelles, materielles & fenfibles, comme les heritages

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