Page images
PDF
EPUB

exhorta les Peuples par une Lettre circulaire de donner la Dixme, & de fuivre les traces d'Abraham. Il y a deux vérités qui y font expliquées par les Peres de ce Concile; la premiere, qu'il faut fuivre l'exemple d'Abraham, & donner la Dixme pour attirer la bénédiction du Ciel fur les biens de la terre; ce Patriarche l'avoit donnée à Melchifedec dans une pleine liberté, fans que la Loi qui n'étoit pas encore faite l'y obligeât; la feconde vérité, les Peres du Concile veulent infinuer par la même Lettre qu'il faut faire l'aumône, ce qui cft comme le fondement de la Dixme.

9. Dix-huit ans après, fçavoir en l'an 585, tom. 7 des Conc. col. 981, celui de Mâcon s'explique autrement, & remarque que la Dixme étoit affectée aux Ecclefiaftiques de Droit divin pour leur portion héreditaire, afin que n'étant point embaraffés des affaires du fiécle, ils puffent vaquer plus paisiblement à leur miniftere & faire le Service divin; il ordonne aux Peuples de fuivre l'ancien ufage, & de donner la Dixme aux Prêtres dont ils puffent foulager les Pauvres & racheter les Captifs; ces principes de charité dont parle le Concile de Tours, marquent que la Dixme a été donnée

par les Peuples, & que leur pieté & leur charité les y ont portés, en fuivant l'exemple d'Abraham.

10. Il ne faut pas s'étonner après des décisions fi differentes, fi des personnes qui affurent qu'elles font de Droit divin, ou bien qu'elles n'en font pas, forment des doutes. Nous rapporterons deux autorités des huit & neuviéme fiécles qui pourront fervir à les lever; la premiere eft d'Egbert, Archevêque d'Yorc, qui fit deux Conftitutions; l'une, par laquelle il ordonne aux Prêtres d'inftruire les Peuples comment ils doivent payer la Dixme; l'autre, que quand les Prêtres la recevroient, ils écriviffent les noms de ceux qui y fatisferoient, pour prier Dieu pour eux, & qu'ils en faffent l'emploi pour les Pauvres, pour les réparations & pour leur fubfiftance: Excerptiones Egberti Archiepifcopi Eboracens Civitatis de Sacerdotali jure, cap. 4, an., 548, col. 1586, tome 7 des Conciles, cap. 5, ut ipfi Sacerdotes à Populis fufcipiant Decimas, & nomina eorum quicumque dederint fcripta habeant. Si on écrivoit le nom de ceux qui donnoient la Dixme, & non pas de ceux qui la refufoient, il femble que la pieté & la charité des Fideles étoit la caufe desDixmes,

& que la récompenfe qui confiftoit dans Ics prieres des Prêtres, marquoit affez qu'elles étoient données avec liberté, & qu'ils invitoient à ce devoir par les prieres. Si elles avoient été de Droit divin, on auroit dû écrire les noms de ceux qui ne la payoient pas, & les notter comme des opiniatres. La feconde autorité est de Charlemagne, Capitulare Epifc. an. 802, tome 7 des Conc. Can. 6 & 7, col. 1 179, il transcrit cette Conftitution d'Egbert. Je rapporte ces autorités nonfeulement pour faire voir la tradition & l'hiftoire des Dixmes, de la maniere qu'elles fe font établies, mais aufsi pour montrer folidement que nos opinions feront fondées fur des autorités légitimes & anciennes des Conciles & des Peres, auffi-bien des Princes. Nous rapporterons en ce Livre une chofe qui eft d'une grande confidération, que Miceflas premier Prince Chrétien de Pologne, ordonna dans le dixiéme fiécle, la Dixme fur toutes fes terres & celles de fes Sujets, en faveur des Eccléfiaftiques; & que Gilles Evêque de Tufcule, Légat dans ce Royaume, envoyé par le Pape Jean III. y établit deux Archevêchés & fept Evêchés; ce fut dans ce tems que les Polonois furent éclairés des lumieres

que

de l'Evangile; ce qui prouve que c'eft la pieté des Princes & la charité des Fideles qui en eft l'origine, comme nous le ferons remarquer en plufieurs Con

ciles.

II. Il faut éclaircir davantage cette matiere. Il femble que cette premiere queftion fe doit décider par trois ou quatre autres principes. Le premier, que la Loi de grace a éteint le Droit des Lévites, non-feulement pour les Dixmes, mais auffi pour le Miniftere facré qui ne vient plus par fucceffion, mais par la yocation divine; ainfi la premiere raifon pour montrer qu'elles ne font pas de Droit divin, c'eft que fi on avoit ordonné par la Loi de Moïfe de donner la Dixme à la Tribu de Levi, elle ne poffedoit point d'autres biens que les Dixmes, comme nous le remarquons dans l'ancien Teftament, dans lequel il paroît, comme le foutiennent les Docteurs, que le Précepte l'ordonnoit ainfi; Innocent IV. qui a prévû que cet argument étoit fans replique, a voulu foutenir que les Prêtres Juifs avoient d'autres biens que les Dixmes, c'eft fur le chap, fignificavit de Decimis, ce Docteur veut bien fe tromper, il ne nous perfuadera pas par fon autorité. Il eft vrai qu'ils avoient des

Villes pour leurs demeures, mais ils n'a voient point d'autres biens; que s'ils en avoient eu, ils les auroient poffedés contre la deftination de la Loi qui y eft précife; ce Docteur qui étoit fort fubtil, à bien reconnu que c'étoit un des points décififs pour prouver que la Dixme n'étoit point de Droit divin: Les Eccléfiaftiques ayant à préfent des maisons, des terres, des rentes, & des biens de toute nature, ne s'étant pas contentés des Dixmes, ils ne doivent pas dire qu'elles font de Droit divin, d'autant qu'il faudroit renoncer de leur part aux autres avantages & revenus dont ils jouiffent, & fe contenter, fuivant la Loi, des Dixmes feulement; mais s'étant dédommagés par des Domaines & des fonds confidérables qu'ils ont pris fur les Séculiers, ils ne doivent pas jouir des Dixmes, comme étant de Droit divin, mais comme étant de droit pofitif Eccléfiaftique.

12. Les autres raifons qui accompa gnent la premiere, font que fi la Dixme étoit de Droit divin, elle feroit payée généralement de toutes chofes, non-feulement des prédiales & réelles, mais auffi des perfonnelles; cependant plufieurs Canoniftes conviennent que celles-ci ne

« PreviousContinue »