Page images
PDF
EPUB

Royaume abondent en poiffons, qui, non-feulement fervent de nourriture aux habitans, mais auffi que l'on fale, ou que l'on fait fécher, & dont il fe fait enfuite un gros commerce, fur-tout avec les pays catholiques. Il y a dans l'Ifle de Zéland beaucoup de forêts qui fervent d'afyle à un grand nombre de bêtes fauves, & où l'on a pratiqué de fort beaux parcs. Il n'y a point de rivieres, mais plufieurs grands lacs poiffonneux & quelques ruiffeaux. La petite Ifle d'Amac eft le potager de Copenhague; elle eft habitée par une Colonie de Hollandois, qui ont confervé leur langue & leurs ufages, & qui cultivent toutes fortes d'herbages. Le Danemarc eft bien peuplé. Le génie de la nation fe porte plutôt vers la culture des terres, l'économie rurale & le commerce, que vers les fciences & les lettres. On ne fauroit dire que les Danois manquent de valeur; les troupes Danoises ont parfaitement bien fait dans diverfes guerres, & la cavalerie fur-tout eft admirable. Il eft fingulier que les Danois qui voyagent, aiment à fe faire paffer pour Holfteinois.

Indépendamment de ce Royaume le Roi de Danemarc poffede encore: 1. Le Royaume de Norwege, fitué prefque à l'extrémité Septentrionale de l'Europe. Ce pays eft entouré du côté de l'Occident, par la mer du Nord ou Germanique; plus haut vers le Nord, il a la mer Glaciale; à la pointe la plus feptentrionale, il touche à la Laponie Ruffienne; du côté de l'Orient, il confine à la Suedé, dont il n'eft féparé que par une grande chaîne de montagnes; vers le Midi, le Golfe appellé Categat, fépare la Norwege d'avec le Danemarc. Il ne s'en faut pas beaucoup que la longueur de ce Royaume ne foit de trois cents milles, c'eft-à-dire, en prenant les deux côtés du demi-cercle qu'il décrit, depuis les frontieres du Danemarc, jusqu'au Cap du Nord. Sa largeur eft inégale. En quelques endroits elle va jufqu'à cinquante milles, & n'excede pas dix à douze milles en d'autres. La Norwege fe partage en Méridionale & Septentrionale. Les montagnes nommées Dofrefioell forment la féparation. Dans la partie Méridionale, if y a deux grands Gouvernemens, celui de Bergen & celui d'Aggerhus; & dans la Septentrionale, deux autres, qui font Drontheim & Nordland. II eft effentiel de remarquer ici que la Suede a enlevé deux Provinces de la Norwege, qu'elle poffede encore aujourd'hui. La premiere eft Bahus-Lehn dans la Norwege Méridionale, dont elle eft en poffeffion depuis l'an 1660, & la feconde Jemteland dans la Septentrionale, qui lui a été accordée par le traité de Bremfebroo conclu en 1645. Tout le refte appartient au Roi de Danemarc. La feule fituation de ce pays fait comprendre aifément, qu'il ne fauroit être fort fertile. La partie fur-tout qui fe trouve au-delà du cercle polaire, fous la zone glacée, c'eft-à-dire, au-delà du foixante-fixieme degré, eft abfolument ftérile & miférable. Le froment y eft prefque inconnu, & il n'y croit pas même affez d'autres grains pour fournir à la fubfiftance des habitans. Tout le pays eft entrecoupé de montagnes, & on voyage fouvent une vingtaine de milles fans rencontrer d'ha

bitations. Cependant la Norwege a certaines denrées qui lui font particulieres, & dont elle abonde fi fort, qu'indépendamment de la confomption du pays, elle en fournit aux deux tiers de l'Europe. Par exemple, les forêts donnent une quantité immenfe de bois de charpente, de mâts de navires, de planches, & en général de tous les bois qui font néceffaires pour la conftruction des vaiffeaux. La France, la Hollande, l'Angleterre, I'ECpagne, & même le Portugal, en tirent tous les ans de très-fortes provifions. Il femble auffi que la Norwege foit la forge de l'Europe pour le fer & le cuivre qui en fortent, & qui non-feulement font admirables, mais auffi abondans. La morue, la merluche, le faumon, & toutes fortes d'autres poiffons fecs ou falés, font envoyés annuellement dans tous les autres pays; enfin le commerce de la Norwege eft très-confidérable. La ville de Bergen, qui eft le meilleur port de mer, eft fans ceffe remplie de navires marchands; & il y a de bons chantiers, où l'on bâtit des vaiffeaux à très-bon marché, les matériaux étant à vil prix. Il ne faut pas oublier non plus les fourrures de toute efpece que cette contrée fournit en grande abondance. Le pays n'eft pas fort peuplé; mais les habitans font actifs, laborieux & honnêtes gens. On ne les emploie pas beaucoup à la guerre. Le Roi fait gouverner la Norwege par quatre Gouverneurs, qu'on appelle Stiffts Amt-Männer, & qui réfident à Bergen, à Chriftianfand, à Aggerhus, & à Drontheim.

2. Le Duché de Schleswick eft fitué entre le Danemarc & l'Allemagne. La riviere d'Eyder marque proprement les limites de la Germanie. Ce pays a vingt milles d'Allemagne de fong, fur douze de large, à compter depuis le Holftein jufqu'au Jutland. Il eft bordé par la mer Baltique à l'orient, & par la mer du Nord à l'occident. C'eft un Duché fouverain, qui ne fait point partie du Danemarc, & qui n'appartient pas à l'Empire. Le Roi de Danemarc s'étant emparé de tout ce Duché, a été confirmé dans la poffeffion par le traité du Nord conclu en 1720, fous la garantie formelle de l'Angleterre. C'eft un des plus beaux fleurons de fa couronne; auffi la maison de Holstein-Gottorp, qui en étoit l'ancien propriétaire, ne ceffe-t-elle de protefter contre cette violence, & de rechercher tous les moyens pour recouvrer ce pays. Les autres Puiffances fe contentent de la plaindre, & ne l'affiftent pas. Le terroir de ce Duché eft extrêmement fertile, & produit toutes fortes de denrées. Le voifinage des deux mers lui eft fort favorable. Il fourmille d'habitans; on en peut juger, fi l'on confidere qu'il y a quatorze villes, & près de 1500 villages dans ce petit espace de terrein. Quatre Ifles placées dans la mer du Nord appartiennent au Duché de Schlefwick; favoir, Nordstrand, Tora, Sylt & Heilgeland. La derniere est seule digne de remarque. C'eft un rocher fort efcarpé, au milieu de la mer, entre l'embouchure de l'Elbe & celle du Wéfer. On eft obligé de grimper par des efpeces d'échelles au fonimet de ce rocher, où eft la demeure des habitans. Il y avoit autrefois fept paroiffes; mais la mer a emporté toutes

les terres qui entouroient le rocher, & n'a laiffé que le roc pelé : 'ce qui a réduit toute l'Ile à une feule Eglife & à un millier d'habitans qui *se nourriffent de la pêche, & fourniffent les villes de Hambourg, de Breme, & même celle de Londres, de poiffons de mer, de hommars, & de coquillages.

Tous les hommes y exercent auffi le métier de pilotes, & conduifent les vaiffeaux qui font route vers l'Elbe ou le Wéfer jufques dans ces fleuves, dont l'embouchure eft dangereufe à caufe des bancs de fable & des rochers à fleur d'eau, dont la mer eft comme parfemée en ces endroits. On y entretient toutes les nuits un grand feu qui fert de fanal aux vaiffeaux; & il y a une compagnie des troupes Danoifes pour garnison. L'Isle de Femern, fituée dans la Baltique, appartient auffi au Duché de Schlefwick; mais elle n'eft pas remarquable.

3. Dans le Duché de Holftein, le Roi de Danemarc s'eft emparé de plufieurs morceaux de prix, qui font,

1. Le bailliage de Renbfbourg avec la capitale de ce nom.

2. Le petit bailliage de Hanrow.

3. Le bailliage de Wilfter avec la ville de Ilzehoe.

4. La partie méridionale de la Ditsmarsie avec la ville de Meldorp. 5. La plus grande partie du pays de Stormavie avec la ville de Gluckftadt, & plufieurs autres de moindre importance.

6. Le Comté de Pinnenberg, fitué le long de l'Elbe avec la ville d'Altona, confidérable par fon affiette, fon commerce, &c.

7. Le bailliage de Segeberg fur la Trave, avec la ville du même nom. 8. Quelques petits endroits fitués fur la mer Baltique, comme Lutkenburg, Heiligenhave, &c.

Tout cela eft fort important non-feulement à caufe du bon terroir de ces pays, mais auffi par rapport au voifinage de la mer Baltique, de la mer du Nord, de l'Elbe, de la ville de Hambourg, qui en confume beaucoup de denrées, &c.

4. Les deux Comtés d'Oldenbourg & de Delmenhorft font fitués en Allemagne dans le cercle de Weftphalie. Ce pays a onze milles de long fur neuf de large. La proximité de la mer du Nord & du Wéfer, lui eft très-avantageufe. Il produit plufieurs denrées & il y a d'excellens pâturages, ainfi que de fort bons haras. Au refte, ces deux Comtés font entiérement détachés des autres Etats du Danemarc.

5. L'Ile d'Iflande eft à 150 milles des côtes de Norwege, en tirant vers l'Oueft. Elle s'étend fi loin du côté du Nord, que le cercle polaire arctique paffe au milieu de cette Ifle. Elle a quatre-vingt milles de long sur foixante de large. Schalot eft la capitale & a un Evêché. Il y a un fecond Evêque qui fiege à Hola, ou Holar. Ces Evêques font Luthériens; cette religion étant la feule dominante dans toute l'ifle. Les habitans font defcendus d'une colonic de Normands, ou Norwégiens, qui s'y transporte

rent l'an 874 fous la conduite d'un gentilhomme nommé Ingolfe. Le Gouverneur pour le Roi de Danemarc fait fa réfidence dans le château nommé Bellastaedt. Il a fous lui deux juges principaux & plufieurs juges fubalternes établis dans les Provinces. Cette Inle eft ftérile & miférable; il n'y croit prefque point de grains, mais les pâturages font affez bons. Les denrées qui viennent de ce pays confiftent en beure, poiffon, lard, fuif, foufre, fel, peaux de bœufs, laines, &c. Il y a auffi de petits chevaux qui font admirables. Comme les habitans ont befoin de toutes fortes de chofes, ils troquent ces denrées contre du pain, de la farine, du vin, de l'eau-de-vie, de la toile & autres néceffités de la vie. C'eft dans cette Ifle que fe trouve le fameux volcan nommé Hécla.

[ocr errors]

6. Les Iles de Ferroe font fituées au-deffus de l'Ecoffe. Il y en a feize. On les nomme en latin Infulæ Gleffariæ, à caufe de la quantité d'ambre qu'on y recueilloit autrefois. La cour de Danemarc les fait régir par le Gouverneur d'Iflande; mais elles font peu confidérables & d'un rapport fort mince.

7. L'Ile de Schetland ou Hitland, pareillement fituée dans la mer du Nord, n'eft guere connue que par certains chevaux d'une petiteffe extraordinaire, qui en viennent. Ce pays eft exceffivement froid & prefque abandonné. On eft en doute fi c'eft au Danemarc ou à PEcoffe qu'on doit le

rapporter.

8. Le Groenland, le nouveau Danemarc, & le Spitzberg font des pays vaftes, mais presque inhabités, ou pour mieux dire, inhabitables, fitués entre l'Europe & l'Amérique au-deffus de l'Iflande. Ces pays commencent au delà du foixantieme degré, & s'étendent peut-être jufqu'au Pole-ArЯtique. Les Européens n'ont pu pénétrer que jufqu'au quatre-vingtieme degré, à cause du froid exceffif & des glaces éternelles qui empêchent d'aller plus loin. Les colonies qu'on y a envoyées fucceffivement y ont péri. Au commencement du printemps, les Hollandois, ceux de Hambourg & de Breme, y envoient des vaiffeaux qui vont à la pêche de la baleine, & qui reviennent avant l'hiver. Si quelque vaiffeau a le malheur de s'égarer, & de n'en pas fortir avant les grandes gêlées, tout l'équipage eft la victime du froid. Le Danemarc retire peu de profit de ce pays & de la pêche. Le nouveau Danemarc a été découvert en 1609, par l'Amiral Danois nommé Jean Munch; mais, à la paix d'Utrecht, il a été ftipulé que tous les pays fitués au-delà du Canada, au détroit de Hudson, appartiendront à l'Angleterre; ainfi le nouveau Danemarc y eft compris. Il y a des géographes qui comptent auffi la nouvelle Zemble fous la domination des Danois; mais comme tous ces pays font fi peu de chofe, qu'ils n'ajoutent rien à la force d'un Etat, nous nous épargnerons la peine de rechercher s'ils ont raison. Ce qu'il y a de plus confidérable, ce font les établissemens que le Danemarc a dans les autres trois parties du monde, & qui ont donné lieu à l'érection d'une compagnie des Indes à Copenhague, dont nous parlerons plus bas.

9. La ville de Tranquebar, fituée en Afie, fur la côte de Coromandel, fur la prefqu'Ile de l'Inde en deçà du Gange, dans le territoire du Roi de Trangeor. Il y a un fiecle que cet endroit n'étoit qu'un miférable bourg; les Danois l'ont acquis à titre d'achat, & en paient un tribut annuel au Roi de Trangeor. On a commencé par l'entourer d'une muraille, & enfuite à le fortifier de plufieurs baftions, de foffés & d'autres ouvrages, tellement qu'aujourd'hui c'eft une fort bonne fortereffe qui fait un établissement important; c'eft le comptoir principal & le céntre du commerce des Danois dans les Indes. Il y a autour de Tranquebar vingt-quatre villages qui paient au Roi de Danemarc un certain droit de protection. Depuis l'année 1710, on a envoyé dans ce pays quantité de miffionnaires pour y prêcher la religion chrétienne & on a traduit en langue Malaye, (qui eft celle du pays,) la Bible & quelques livres de dévotion; ils s'impriment à Halle, où l'on a fondu les caracteres néceffaires pour cela. Les naturels du pays écrivent fur des feuilles de palmier, avec un poinçon de fer, auffi proprement & auffi vite que les Européens peuvent le faire avec la plume.

[ocr errors]

10. En Afrique, fur la côte de Guinée, le Roi de Danemarc poffede Chriftiansburg, petite fortereffe fituée dans le Royaume d'Aquamboe, & Friedrichfberg, autre petite ville fortifiée dans le pays de Sabde. Il s'y fait quelque commerce, & les Danois y trouvent beaucoup de commodité pour relâcher & pour faire de l'eau dans leurs voyages.

11. Le Roi de Danemarc poffede l'Ile de St. Thomas, qui eft une des Caraïbes fur le vent, ou Barlovento, dans l'Amérique feptentrionale. Elle produit de l'indigo & du fucre, mais en petite quantité. Le commerce le plus confidérable eft celui des Negres, que les Danois y transportent de la côte de Guinée, & qu'ils vendent aux Efpagnols. On y comprend auffi l'Ifle de Janda Crux, ou fainte Croix, que le Danemarc acheta de la France l'an 1733, & où l'on a établi une colonie, & conftruit un fort

depuis l'année 1735. L'air Y eft fort mal-fain.

Vo

S. I I.

Etat aduel du Danemarc.

OILA une fimple ébauche des états & des poffeffions du Roi de Danemarc, qui néanmoins pourra fuffire pour le but que nous nous propofons dans cet ouvrage. Mais, avant que de continuer nos réflexions fur cette puiffance, nous ne faurions nous dispenser d'avertir le lecteur, qu'il peut trouver une ample description de l'état du Danemarc dans les mémoires que M. Molefworth, ci-devant envoyé de Sa Majefté Britannique à la cour de Copenhague, a publiés vers la fin du fiecle paffé. Ce livre eft écrit avec beaucoup de fagacité; on y reconnoît un miniftre fort habile, & on en

peut

« PreviousContinue »