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moins près du dieu, felon qu'ils font plus ou moins diftingués par leur dignité & par leur mérite. Le Dalai-Lama eft fouverain fpirituel & temporel; mais, par une rare modération, ni lui ni fes Lamas, ne fe mêlent, en aucune façon, que des affaires fpirituelles. Il a fous lui deux Kans des Calmouks, qui font chargés d'adminiftrer ce qui concerne le temporel & de fournir les fommes néceffaires pour l'entretien de fa maison. Le grand Lama évite d'expofer fa divinité au grand jour. Il ne fort prefque jamais de fon palais, & fe tient toujours renfermé dans le fond d'un temple, entouré de fes prêtres, qui lui rendent tous les hommages dûs à l'Étre-fuprême. Lorsque les dévots viennent l'adorer, on ne leur permet pas d'approcher de trop près. Le refpect qu'on porte à ce dieu, eft pouffé fi loin, que fes excrémens même font regardés comme facrés. On conferve précieusement fon urine, comme un divin julep, propre à guérir toutes les maladies. On fait fécher fes excrémens les plus groffiers: on les réduit en poudre qu'on enferme précieusement dans des boëtes d'or enrichies de pierreries; & on les envoie aux plus grands princes, comme des préfens d'un prix ineftimable. Ces monarques fe font honneur de les porter pendues à leur col. Les peuples font perfuadés que le grand Lama ne meurt point; & pour entretenir cette erreur, lorfque les prêtres s'apperçoivent que fa mort n'eft pas éloignée, ils font chercher de tous côtés un homme qui lui reffemble, & le fubftituent adroitement en fa place. On vient en foule des pays les plus éloignés, pour vifiter le temple du grand Lama & lui rendre hommage. Il y a toujours à fes pieds un baffin destiné à recevoir les offrandes des dévots.

Ces faits abrégés doivent servir à porter nos réflexions fur l'étendue des fuperftitions humaines.

DAL É CARLIE, Province du Royaume de Suede.

CETTE

ETTE province, la cinquieme de la Suede, proprement dite, eft fituée au nord du Wermeland, à l'occident de la Weftmanie, & de l'Upland, au midi de l'Helfingie, & à l'orient des montagnes qui la féparent du gonvernement Norwégien de Drontheim. Elle a 40 milles d'Allemagne de longueur, & 26 de largeur. Son terrein principalement coupé de monts & de vallons, lui a fait donner le nom qu'elle porte: fes habitans s'appellent Dalekarlar, Thalkerl, gens de vallées. Elle a des forêts par multitude des lacs, & des rivieres. La plus confidérable de ces rivieres eft, la DalElbe, qui partant des montagnes de Norwege, & allant fe jetter dans la Baltique, proche d'Elfkarleby, en Upland, arrofe la Dalecarlie, dans toute fa longueur, & y forme deux lits, qui ne fe réuniffent qu'après un affez long cours. Le fol de cette province, ftérile en tout autre grain, qu'en

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des

avoine, & en orge, ne l'eft pas en pâturages, & le bétail que l'on y nourrit, eft l'objet d'une forte exportation. Ce que l'on en tire encore, & en très-grande quantité, ce font des métaux, tels que l'argent, le fer & le cuivre, & des pierres utiles, telles que des meules de moulins, pierres à aiguifer, &c. Cette province eft fous le commandement d'un capitaine général, qui réfide à Noor, proche de la ville de Falun, & elle entre, pour l'eccléfiaftique, dans le diocese de Weftmanie; on la divife en fix quartiers, dont deux font nommés occidentaux, & les quatre autres orientaux. Les villages & paroiffes y font en petit nombre, mais les circuits en font fort étendus. Il n'y a que trois villes, favoir, Hedemora, Sæter & Falun, & aucune des trois n'en eft dite la capitale. Sauvage en pas moins apparence, inculte, pauvre & mal peuplée, la Dalecarlie n'en eft une des provinces les plus fameufes du royaume de Suede. La nature qui parut refuser à fes habitans la plupart des commodités de la vie, ne Îes rendit pas moins capables de jouer toujours un grand rôle dans les révolutions de leur pays. Elle leur donna de la fobriété, de la franchise, de la force, de la bravoure, & de tout temps ils se montrerent fideles à leur Roi, & zélés pour leur patrie : l'on fait entr'autres qu'au centre de leurs montagnes & de leurs vallées, fe préparerent dans le feizieme fiecle, pour le bonheur de la Suede, le détrônement de Chriftiern II, & le couronnement de Guftave Vafa. Les Dalécarliens font bien faits, de haute taille, & robuftes. Leurs mœurs nous retracent une grande partie du caractere des anciens Scythes; ils font exemplaires dans leur frugalité, & admirables dans leur conftance à fupporter, & les malheurs de la difette, & le poids des infortunes particulieres. Ils fe livrent fans répugnance aux plus pénibles travaux; & leurs ufages fe reffentant de la bonté de leurs mœurs, ils méprifent les changemens de mode, en fait d'habillement, & n'exercent que des métiers ou profeffions utiles: ils font charpentiers, maçons, tonneliers, laboureurs, & même plufieurs d'entr'eux font à la fois tout cela. Dans les hautes parties de la province, au voisinage de la Norwege, l'on parle une langue qui tient beaucoup de l'ancien gothique, & de l'irlandois, & qui eft moins intelligible aux Suédois qu'aux Allemands, Et pour preuve du grand attachement des Dalécarliens aux plus antiques ufages, c'eft qu'en façon d'almanach perpétuel, ils fe fervent encore de la Baguette Runique.

DAMA

DAMAN, Ville Maritime de l'Indouftan.

AMAN eft à l'entrée & au midi du golfe de Cambaye, par les 20 degrés de latitude feptentrionale, & 89 degrés 12 minutes de longitude, entre Surate & Baçaim, à 20 lieues de la premiere de ces villes, & à 80

de

de Goa. Cette ville eft partagée en deux par une riviere de même nom. Ce qui eft à la droite de cette riviere, eft le vieux Daman, & ce qui eft à la gauche eft le nouveau Daman.

Le nouveau Daman eft une fort belle ville bâtie par les Portugais, à l'Italienne, & partagée dans fa longueur par trois grandes rues paralleles, traverfées de quatre autres, toutes tirées au cordeau. On ne les pave point, afin de marcher plus commodément pendant les pluies : les maisons font prefque toutes ifolées, & ont un jardin fruitier. Elles font couvertes de tuiles, & la plupart n'ont que le rez-de-chauffée, fans autre étage; pour vitrage, on fe fert d'écailles d'huitres, travaillées fort délicatement & transparentes. L'air de Daman eft très-bon, & le matin, en été, il est affez frais; l'hyver y dure depuis le mois de Mai jusqu'au mois de Septembre, avec des pluies & des tempêtes continuelles. Cette ville qui n'est pas fort peuplée, à quatre bons baftions à la moderne. Elle eft défendue par une bonne garnison; un capitaine en eft le gouverneur, & un facteur Portugais a le foin des revenus du Roi. Les Portugais eftiment plus cette place que toutes les autres qu'il y a dans les Indes; & ils n'admettent que des blancs dans la garnifon. Le capitaine ou gouverneur du nouveau Daman ne dépend point du gouverneur de la ville ou vieux Daman.

Le vieux Daman eft fort en défordre les maifons reffemblent à des chaumieres, étant toutes de terre, couvertes de branches de palmiers. II n'eft presqu'habité que par des Gentils & des Maures, qui travaillent à divers métiers; ils y ont leurs boutiques.

La riviere forme un port entre ces deux villes à une portée de canon; il n'y peut entrer aucune barque ni grande ni petite, que quand la marée monte. Le courant eft fi rapide au reflux, qu'on ne peut en aucune forte paffer avec des rames, & qu'on eft obligé de mouiller; fi le vent n'eft pas très-fort & très-favorable, il faut attendre que la marée monte, encore n'eft-ce que pour les barques. Les gros vaiffeaux ne peuvent entrer ni fortir que deux fois le mois, dans les grandes marées. Au refte le port eft fûr quand une fois les gros vaiffeaux y font entrés, & s'il en périt, ce n'eft que dans des débordemens rapides qui les entraînent à la mer lorfqu'ils ne font pas bien attachés. L'entrée du port eft défendue du côté du vieux Daman, par le fort S. Jérôme, de figure longue, avec trois baftions munis de bonne artillerie. Vers le Nord on voit un petit bourg où il n'y a que des cabanes couvertes de palmiers, dans lefquelles demeurent des Chrétiens noirs, & un peu plus loin on trouve un village de Gentils avec un Bazar.

Tome XV.

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DAMAS, Ville Capitale de l'ancienne Syrie.

DAMAS eft fituée dans une plaine fertile au pied du mont Liban. Sa

fituation riante, fes campagnes délicieufes, la font nommer dans l'Ecriture, maison de plaifir & de volupté ; & par divers auteurs, le paradis du monde. On ignore quel eft le fondateur de cette ville; mais on ne peut douter qu'elle ne foit très-ancienne, puifqu'elle fubfiftoit du temps d'Abraham, dont l'intendant y étoit né; Ifte Damafcus Eliezer. Gen. XV. 2. & que ce patriarche pourfuivit les cinq Rois ligués jufqu'à Hoba, qui étoit au Nord de Damas. L'Ecriture ne dit rien de plus fur cette ville jufqu'au regne de David, vers l'an du monde 3064, qu'elle devint capitale du Royaume de Syrie, fondé par Rafin. Celui-ci eut d'illuftres fucceffeurs. Bénadad, fon petit-fils, ayant fait alliance avec Asa, Roi de Juda, prit plufieurs places du Royaume d'Ifraël; & après de longues guerres, il affiégea enfin Samarie, dont il fut contraint de lever le fiege. Hazaël, fon Général, l'étouffa dans fon lit, & régna en fa place. Celui-ci continua de ravager le Royaume d'Ifraël, & attaqua même celui de Juda, dont Joas fut obligé de racheter le pillage par de grandes fommes. Les fucceffeurs de Hazaël furent moins heureux : le Royaume de Syrie fut ravagé plufieurs fois par les Rois d'Affyrie. Damas, prife & détruite, fe releva de toutes fes difgraces, paffa fucceffivement des Affyriens aux Romains. Omar, calife & fucceffeur de Mahomet, la prit avec toute la Phénicie. Le Sultan Sélim, la prit fur les Mamelucs en 1516, & depuis ce temps elle eft reftée aux Turcs. C'eft la réfidence d'un Pacha. Il y a de très-beaux jardins, de belles fontaines, un grand nombre de manufactures & de belles mofquées. Elle eft renommée par les fabriques de foie à ramage que l'on y a inventées, & par fes fabres & fes couteaux. Les raifins y font excellens. Il y a un Archevêque Grec, fous la métropole d'Antioche, beaucoup de Chrétiens & de Juifs. C'eft la patrie de S. Jean Damafcene. Elle eft fur la riviere de Baradi, dans le terroir le plus fertile de la Syrie, à 45 lieues, Nord, de Jérufalem, 45, Sud, d'Antioche. Long. 54. 53. lat. 33.

DANEMAR C, Royaume d'Europe.

S. I.

Géographie Politique du Danemarc.

DEUX grandes Ifles, douze petites, & une péninfule, forment le Royau

me de Danemarc. Les grandes Ifles font celles de Zéland & de Funen ou Fionie. Les petites portent le nom d'Amac, Langland, Falfter, Guldeburg, Mune, ou Moéna; Arroé, Samfoé, Anhout, Leffow, Soltholm, & Bornholm. La prefqu'Ifle eft appellée Jutland. Toutes ces Ifles enfeinble, y compris le Jutland, ont une étendue de cinquante-fept mille d'Allemagne de longueur, entre cinquante-quatre degrés, quarante-cinq minutes, & cinquante-huit degrés & quinze minutes de latitude Septentrionale; la largeur eft beaucoup moindre & fort inégale. Ce Royaume eft fitué entre deux grandes mers, la mer du Nord & la mer Baltique. La nature a formé trois paffages qui conduifent d'une de ces mers à l'autre. Le premier de ces paffages eft le Petit-Belt, entre l'Ifle de Funen & de Jutland; il n'a tout au plus que deux milles de large. Le fecond eft nommé le GrandBelt, entre les Illes de Funen & de Zéland; fa largeur eft de quatre milles. Le troisieme eft le Sond, ou l'Orefund; fameux détroit qui fépare l'Ifle de Zéland d'avec la Terre-ferme de Schonen. On n'a qu'à jetter un coup d'œil fur la carte, pour voir que les contrées les plus voifines du Danemarc font d'un côté la Suede, de l'autre la Norwege, & du troifieme l'Allemagne, avec laquelle il confine par le Duché de Schlefwick, qui touche à l'extrémité du cercle de la Baffe-Saxe.

L'air de ce pays, quoique plus épais & plus froid qu'en Allemagne, n'eft cependant pas mal-fain. Beaucoup d'habitans, à la vérité, y font attaqués du fcorbut; mais cette maladie provient, felon toute apparence, de la proximité de la mer, de la quantité de poiffons falés & de viandes falées dont on s'y nourrit. Les Danois tâchent de remédier à ce mal en mangeant beaucoup de gruau & de laitages; ce qui en effet arrête les progrès de cette maladie, mais ne l'éteint pas tout-à-fait. Au refte, le Danemarc eft un pays abondant en bled & en toutes fortes de fruits de la terre. Les prairies graffes & vaftes font que les beftiaux y font en trèsgrande quantité & excellens. Les bœufs, fur-tout de Jutland, font emmenés par milliers dans l'Allemagne & en Hollande. Je crois que ce font les meilleurs qu'il y ait au monde pour le goût. On y trouve auffi beaucoup de brebis, de cochons, &c. Les haras du Danemarc font fameux par toute l'Europe, & on en tranfporte les chevaux de tous côtés. Les plus grands Seigneurs s'en fervent pour leurs attelages. Les mers qui entourent ce

Ka

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