Page images
PDF
EPUB

facultés, de fon état & de fes relations. A parler à la rigueur, il n'y a que l'Etre qui exifte par lui-même de toute éternité, qui ne tient l'exiftence que de fa propre nature, en qui on puiffe reconnoître une Deftination abfolue, indépendante de toute caufe. Tous les autres êtres ayant été créés, tenant l'exiftence d'une cause fupérieure, ne peuvent avoir de propriétés & de capacités actives & paffives, ne peuvent par conféquent fubir de changemens, continuer ou ceffer d'être, qu'autant que l'Étre Créateur leur a donné ce qui rend ces diverfes modifications poffibles. Cela n'empêche pas, que faifant abftraction de ces vues du Créateur, qui d'ailleurs ne nous font guere connues que par l'expérience, nous ne puiffions rechercher quelle eft la Destination d'un être, en n'examinant que fa feule nature. C'eft le but que fe propofent les métaphyficiens & les naturalistes ou phyficiens, lorfqu'ils tâchent de découvrir par l'examen de chaque être, de quoi il eft capable, les divers changemens d'états que par fa nature il peut ou doit fubir, felon les circonftances où il fe trouve placé, & enfin ce qu'il deviendra pendant toute la fuite de fon exiftence. C'est de toutes les études la plus utile: mais aifée dans fes commencemens, elle Le plonge bientôt dans une mer d'obfcurités. Les faits nous y fervent de bouffole, mais il en faut beaucoup avant que d'être en droit d'en tirer des conféquences générales. C'est par fon moyen que nous découvrons affez facilement tout ce qu'il nous importe de favoir, fur la Destination relative aux intentions du Créateur, fur nos devoirs à l'égard des êtres qui nous environnent & de nous mêmes. A l'exception des déclarations pofitives de Dieu, manifeftées par la révélation, nous n'avons point de guide plus sûr, par rapport à nos devoirs, que la connoiffance de la Deftination des chofes. Elle eft la bafe & la regle générale de toutes nos obligations. Aller contre la Deftination des chofes, c'eft contredire la volonté du Créateur, c'eft nous écarter du vrai but que nous devons fuivre, c'eft nous oppofer à notre perfection & à notre bonheur.

Il eft impoffible de connoître la Destination de toutes choses; nous ne faurions même connoitre complétement dans ce dernier fens la nôtre propre, & découvrir dans l'étude de notre nature, les divers états par lefquels nous aurons à paffer, & quel fera le terme de notre existence. Si la révélation ne nous donnoit fur ce fujet des lumieres certaines, nous n'aurions fur notre Destination que des doutes accablans. Comment prouveroit-on par la nature de l'homme, que fon exiftence fera éternelle? Il faudroit pouvoir connoître le fond de fa fubftance, son effence intime pour affirmer que l'ame exiftera toujours, parce qu'elle eft indestructible, & qu'il n'eft aucun agent qui puiffe l'anéantir mais il me fuffit de savoir que Dieu me deftine à l'immortalité, alors je fuis certain que par fa nature, mon ame eft immortelle, & c'eft tout ce que j'en demande.

DESTINÉ E, f. f.

S'IL y a des métaphyficiens qui

y a des métaphyficiens qui fe fervent de ce mot, un peu décrié, & non fans raifon chez les philofophes, il ne peut fignifier que la fuite des divers états par lefquels un être doit paffer, pendant toute la durée de fon existence, en conféquence de ce qu'il eft, des circonftances où il fe trouve placé, des relations qu'il foutient avec les êtres qui peuvent influer fur fon état. Ceux qui regardent tous les êtres, & toutes les actions des êtres comme un enchaînement prévu, déterminé & arrêté par la cause premiere, dès le moment qu'elle eut amené l'univers à l'existence, qui croient que tous les événemens fubféquens, que toutes les faces diverfes & fucceffives, qui varient les fcenes de cet univers, ne font qu'un développement du premier inftant, ne peuvent regarder la Deftinée de chaque être que comme un effet néceffaire, prévu & fixé par l'état de l'univers, dans le premier moment de fon exiftence, en forte que rien n'a pu être autrement qu'il n'eft, & qu'il ne dépend de perfonne que du Créateur du monde, de changer en rien cette Deftinée. Je crois quelquefois appercevoir quelque différence entre une telle Deftinée, & une Deftinée fatale ou la fatalité; je crois quelquefois entrevoir une poffibilité, de concilier cette Deftinée avec le fentiment intime que j'ai de ma liberté; mais bientôt je fuis forcé de convenir que rien n'eft plus léger que cette perception; c'eft une foible lueur qui, femblable au ver luifant, fixe mes yeux fur elle pendant l'obscurité, mais ne répandant point de jour autour d'elle, ne fauroit éclairer mes pas, & me laiffe incertain de la route que je dois fuivre; je reviens alors à moi, je fens que je fuis libre, que je me détermine de moi-même; ce fentiment eft tel que je ne puis me fouftraire à fon impreffion; de l'autre côté je ne vois plus rien que des écueils ou des nuages, à travers lefquels je cours rifque de me perdre.

Une chofe fur-tout me porte fur ce fujet, à fuivre plutôt ce que me dit le fentiment, que ce que veulent me perfuader les partifans de la Deftinée fatale; c'est que la morale femble trouver dans cette doctrine métaphyfique un ennemi qui lui enleve le motif le plus preffant & le plus efficace; qui voudra agir & qui agira avec zele, avec confiance, quand on lui dira, comme que tu faffes, il n'en fera ni plus ni moins, tu feras roujours entraîné par ta Deftinée, elle amenera pour toi ce qui doit être, & rien autre. Il m'eft bien plus doux, plus encourageant, & plus facile à comprendre, que fi j'agis avec prudence, je ne ferai pas la victime de mon étourderie; que fi la vertu conduit mes pas, je ne ferai pas exposé aux effets immédiats du crime.

Dans la politique, on a vu quelques perfonnes, mais en petit nombre, croire à une Destinée absolument fatale: mais il eft un grand nombre

de perfonnes qui croient une Deftinée réelle pour les corps politiques; ils la défignent fous le nom de Deftinée des Etats, par où ils entendent une certaine fuite de révolutions, que tous les corps politiques éprouvent, qui les fait paffer néceffairement par un état de foibleffe en commençant, état auquel fuccede un accroiffement de vigueur & de force, qui conduit à la fituation la plus floriffante, fuivie bientôt d'un affoibliffement qui les conduit à leur diffolution. Peut-être que plufieurs ont adopté cette idée moins par la vue de fa vérité, que conduits par l'éclat de la comparaifon qu'ils ont faite des corps politiques avec le corps humain, qui de l'enfance foible paffe à l'adolefcence, à l'âge mûr, à la vieilleffe & à la mort; mais une comparaifon ne doit pas tenir lieu de tenir lieu de preuve, elle n'en eft pas une. La conftitution phyfique de l'individu eft la caufe qui rend néceffaire dans chaque homme ces révolutions. Dans les Etats, corps moraux, ce ne font pas des causes phyfiques & néceffaires, qui fixent leur fort; ce font les caufes morales qui ne font pas fujettes à s'altérer par les influences de l'air & des alimens.

La religion nous offre une autre idée de la Deftinée; elle nous l'offre d'abord comme étant, par rapport au corps, une fuite des loix physiques, établies dans le monde, enfuite defquelles chaque corps fubit certains changemens. Nous naiffons, nous grandiffons, nous nous fortifions, nous dépériffons enfin & nous mourons tout comme les faifons fe fuccédent les corps gravitent, &c. C'eft-là la Deftinée de l'homme; il eft ordonné à tous les hommes de mourir une fois.

Par rapport au moral, tous font appellés à travailler à fe perfectionner: leurs foins pour arriver, & leurs progrès vers ce point de vue, eft la feule route, mais fure, pour arriver au bonheur; leur négligence à y travailler, & leurs imperfections confervées ou augmentées font une route qui les conduit néceffairement tôt ou tard à la mifere nul bonheur fans vertu, nul vice fans malheur, voilà leur Deftinée comme êtres moraux. Enfin une bonté fouverainement fage, préfidant au fort des humains, qui fouvent fe trompent fur ce qui leur convient, n'accorde pas toujours à leurs défirs, les fuccès qu'ils fouhaitent; ils travaillent, mais ils doivent attendre de la providence la réuffite de leurs efforts; s'ils ont eu des intentions droites, s'ils ont été actifs & vigilans, tôt ou tard leur vertu fera récompenfée, & il eft rare qu'elle ne foit pas dejà pour le préfent une fource de félicité.

Voilà la Deftinée que la religion nous prêche; elle eft bien plus confolante, plus aisée à comprendre, plus propre à fe faire adopter, & plus encourageante que celle du métaphyficien orgueilleux, qui fe plongeant dans les abîmes, veut voir plus loin que fes yeux ne peuvent porter,

DETROIT, f. m. Mer étroite, ou refferrée entre deux terres & qui ne laisse qu'un paffage plus ou moins large pour aller d'une mer

à l'autre.

LE Détroit le plus fréquenté eft celui de Gibraltar qui sépare l'Efpagne de l'Afrique, & joint la Méditerranée avec l'Océan Atlantique ou mer du Nord.

Le Détroit de Magellan qui fut découvert en 1520 par Magellan, fut quelque temps fréquenté par ceux qui vouloient paffer de la mer du Nord à celle du Sud mais en 1616, on découvrit le Détroit de le Maire, & on abandonna celui de Magellan, tant à caufe de fa longueur, qui eft plus que double de celle du Détroit de Gibraltar, que parce que la navigation y eft dangereuse, à caufe des vagues des deux mers qui s'y rencontrent & s'entrechoquent,

Le Détroit qui eft à l'entrée de la mer Baltique, fe nomme le Sund. Il ne faut pas le confondre avec le Détroit de la Sonde, qui fépare les ifles de Sumatra & de Java. Varenius croit que les golfes & les Détroits ont été formés, pour la plupart, par l'irruption de la mer dans les terres. Une des preuves qu'il en apporte, c'eft qu'on ne trouve prefque point d'ifles dans le milieu des grandes mers, & jamais beaucoup d'ifles voisines les unes des autres. Voyez l'Hiftoire Naturelle de Mr. de Buffon, tom. I. On y remarque que la direction de la plupart des Détroits eft d'orient en occident, ce qu'on attribue à un mouvement ou effort général de la mer dans ce fens,

Le Détroit qui fépare la France d'avec l'Angleterre, s'appelle le pas de Calais. Voyez fur la jonction de l'Angleterre à la France, & fur le pas de Calais, la differtation de Mr. Defmarets, qui a remporté le prix de l'académie d'Amiens en 1752.

Il faut remarquer en particulier à l'égard des Détroits, que quand ils fervent à la communication de deux mers, dont la navigation eft commune à toutes les nations, ou à plufieurs, celle qui poffede le Détroit ne peut y refuser paffage aux autres, pourvu que ce paffage foit innocent & fans danger pour elle. En le refufant, fans jufte raison, elle priveroit ces nations d'un avantage, qui leur eft accordé par la nature, & encore un coup, le droit d'un tel paffage eft un refte de la communion_primitive. Seulement le foin de fa propre fureté autorife le maître du Détroit, à ufer de certaines précautions, à exiger des formalités, établies d'ordinaire par la coutume des nations. Il eft encore fondé à lever un droit modique fur les vaiffeaux qui paffent, foit pour l'incommodité qu'ils lui causent en l'obligeant d'être fur fes gardes, foir pour la fureté qu'il leur procure en les protégeant contre leurs ennemis, en éloignant les pirates, & en se char

geant d'entretenir des fanaux, des balises & autres choses néceffaires au falut des navigateurs. C'eft ainfi que le Roi de Danemarc exige un péage au Détroit du Sund. Pareils droits doivent être fondés fur les mêmes raifons & foumis aux mêmes regles que les péages établis fur terre, ou sur une riviere.

On fait en droit politique trois grandes queftions fur les Détroits & les golfes, qu'il importe de réfoudre.

On demande 1o. a qui appartiennent légitimement les Détroits & les golfes. La réponse eft unanime. Ils appartiennent à celui qui s'eft le premier établi fur les côtes du Détroit, qui y domine de deffus terre, & qui en conferve la propriété, foit par la navigation, foit par des flottes. En effet le premier occupant s'approprie par cela feul & fans fuppofer aucune convention, tout ce qui n'eft à perfonne. Ainfi la prife de poffeffion eft en ce cas, aujourd'hui auffi-bien qu'autrefois, la feule maniere d'acquérir originairement la propriété d'une chose.

On demande, en fecond lieu, fi un Souverain, maître d'un Détroit peut avec justice impofer des péages, des tributs, fur les vaiffeaux étrangers qui paffent par ce bras de mer. Ce péage paroît très-jufte, parce que s'il eft permis à un Prince de tirer du revenu de fes terres, il lui doit être également permis de tirer du revenu de fes eaux. Perfonne ne peut s'en plaindre, puifqu'il ouvre un paffage qui rend la navigation commode, le commerce floriffant, & qui fait le profit des nations qui viennent se pourvoir par ce paffage du Détroit, de diverfes chofes qui leur font

néceffaires.

Enfin l'on demande fi le Souverain, maître du Détroit, pourroit également impofer des droits de péage à un autre Prince, dont les terres confineroient à la côte fupérieure & inférieure de ce Détroit. L'on répond qu'il le peut également, parce que la position d'un tiers ne, fauroit rien diminuer des droits du Souverain, premier poffeffeur du Détroit. Dès qu'une fois quelqu'un s'eft établi le premier fur un des côtés du Détroit, & qu'il a pris poffeffion de tout le Détroit; celui qui vient enfuite habiter de l'autre côté, n'eft maître que de fes ports & de fes rivages; de forte que le premier occupant eft fondé à exiger le péage des vaiffeaux de l'autre, tout de même que fi ce dernier étoit en deçà ou en delà du Détroit, à moins qu'il ne l'en ait difpenfé par quelque convention. En vain le dernier Prince établi fur le Détroit répliqueroit, pour refufer le droit de paffage au premier, que ce feroit fe rendre tributaire de l'autre Souverain, ou reconnoître fa Souveraineté fur les mers dont le Détroit eft la clef : on lui répondroit qu'il n'eft pas réellement par-là plus tributaire du Souverain, maître du Détroit, qu'un Seigneur qui voyage dans les pays étrangers, & qui paye le péage d'une riviere, eft tributaire du maître de la riviere; on lui attribue par ce paiement, la fouveraineté fur tout ce qui eft au-delà de cette riviere.

« PreviousContinue »