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foins domeftiques abforbent tout. Les bonnes loix en font faire des meil leures, les mauvaises en amenent de pires. Sitôt que quelqu'un dit des af faires de l'Etat, que m'importe? On doit compter que l'Etat eft perdu.

L'attiédiffement de l'amour de la patrie, l'activité de l'intérêt privé, l'immensité des Etats, les conquêtes, l'abus du gouvernement, ont fait imaginer la voie des Députés du peuple dans les affemblées de la nation. C'eft ce qu'en certains pays on ofe appeller le tiers-Etat. Ainfi, l'intérêt particulier de deux ordres eft mis au premier & au second rang, l'intérêt public n'eft qu'au troiɓeme.

La fouveraineté ne peut être représentée, par la même raison qu'elle ne peut être aliénée; elle confifte effentiellement dans la volonté générale, & la volonté ne se représente point: elle eft la même, ou elle est autre; il n'y a point de milieu. Les Députés du peuple ne font donc ni ne peuvent être fes repréfentans; ils ne font que fes commiffaires; ils ne peuvent rien conclure définitivement. Toute loi que le peuple en perfonne n'a pas ratifiée eft nulle; ce n'eft point une loi. Le peuple Anglois pense être libre; il se trompe fort, il ne l'eft que durant l'élection des membres du parlement; fi-tôt qu'ils font élus, il eft efclave, il n'eft rien. Dans les courts momens de fa liberté, l'ufage qu'il en fait mérite bien qu'il la perde.

L'idée des Députés eft moderne elle nous vient du gouvernement féodal, de cet abfurde gouvernement dans lequel l'efpece humaine est dégradée, & où le nom d'homme eft en déshonneur. Dans les anciennes républiques, & même dans les monarchies, jamais le peuple n'eut de Députés; on ne connoiffoit pas ce mot là. Il eft très-fingulier qu'à Rome, où les tribuns étoient fi facrés, on n'ait pas même imaginé qu'ils puffent ufurper les fonctions du peuple; & qu'au milieu d'une fi grande multitude, ils n'ayent jamais tenté de paffer de leur chef un feul plébifcite. Qu'on juge cependant l'embarras que caufoit quelquefois la foule, par ce qui arriva du temps des Gracques, où une partie des citoyens donnoit fon fuffrage de deffus les toits.

Où le droit & la liberté font toutes chofes, les inconvéniens ne font rien. Chez ce fage peuple tout étoit mis à fa jufte mesure : il laiffoit faire à fes licteurs ce que fes tribuns n'euffent ofé faire; il ne craignoit pas que fes licteurs vouluffent le représenter.

Pour expliquer cependant comment les tribuns le repréfentoient quelquefois, il fuffit de concevoir comment le gouvernement représente le fouverain. La loi n'étant que la déclaration de la volonté générale, il eft clair que dans la puiffance légiflative le peuple ne peut être représenté; mais il peut & doit l'être dans la puiffance exécutive, qui n'eft que la force appliquée à la loi. Ceci fait voir qu'en examinant bien les chofes, on trouveroit que très-peu de nations ont des loix. Quoiqu'il en foit, il eft für que les tribuns, n'ayant aucune partie du pouvoir exécutif, ne pu

rent jamais repréfenter le peuple Romain par les droits de leurs charges, mais feulement en ufurpant fur ceux du Sénat.

Chez les Grecs, tout ce que le peuple avoit à faire il le faifoit luimême; il étoit fans ceffe affemblé fur la place. Il habitoit un climat doux, il n'étoit point avide, des efclaves faifoient fes travaux, fa grande affaire étoit fa liberté. N'ayant plus les mêmes avantages, comment conferver les mêmes droits? Vos climats plus durs vous donnent plus de befoins, fix mois de l'année la place publique n'eft pas tenable, vos langues fourdes ne peuvent fe faire entendre en plein air, vous donnez plus à votre gain qu'à votre liberté, & vous craignez bien moins l'esclavage que la mifere.

Quoi! La liberté ne se maintient qu'à l'appui de la fervitude? Peut-être les deux excès fe touchent. Tout ce qui n'eft point dans la nature, a ses inconvéniens, & la fociété civile plus que tout le refte. Il y a telles pofitions malheureuses où l'on ne peut conferver fa liberté qu'aux dépens de celle d'autrui, & où le citoyen ne peut être parfaitement libre, que l'esclave ne foit extrêmement efclave. Telle étoit la pofition de Sparte.

Les Députés aux affemblées jouiffent de certains privileges, que nous devons établir en peu de mots. Les Etats qui ont droit de s'affembler par Députés, pour délibérer fur les affaires publiques, font fondés par cela même à exiger une entiere fureté pour leurs repréfentans, & toutes les exemptions néceffaires à la liberté de leurs fonctions. Si la perfonne des Députés n'eft pas inviolable, ceux qui les déléguent ne pourront s'affurer de leur fidélité à maintenir les droits de la nation, à défendre courageuse. ment le bien public: & comment ces représentans pourront-ils s'acquitter dignement de leurs fonctions, s'il eft permis de les inquiéter, en les traînant en justice, foit pour dettes, foit pour délits communs? Il y a ici, de la nation au Souverain, les mêmes raisons qui établiffent d'Etat à Etat les immunités des Ambassadeurs. Difons donc que les droits de la nation & la foi publique mettent ces Députés à couvert de toute violence, & même de toute pourfuite judiciaire, pendant le temps de leur miniftere. C'eft auffi ce qui s'obferve en tout pays, & particuliérement aux Dietes de l'Empire, aux Parlemens d'Angleterre, & aux cortes d'Efpagne. Henri III, Roi de France, fit tuer aux Etats de Blois le Duc & le Cardinal de Guise. La fureté des Etats fut fans doute violée par cette action; mais ces Princes étoient des factieux & des rebelles, qui portoient leurs vues audacieuses jusqu'à dépouiller leur Souverain de fa Couronne : & s'il étoit également certain que Henri ne fût plus en état de les faire arrêter & punir suivant les loix, la néceffité d'une jufte défense faifoit le droit du Roi, & fon apologie. C'est le malheur des Princes foibles & mal-habiles, qu'ils fe laiffent réduire à des extrémités d'où ils ne peuvent fortir fans violer toutes les regles. On dit que le Pape Sixte V, apprenant la mort du Duc de Guife, loua cet acte de vigueur, comme un coup-d'Etat néceffaire;

mais il entra en fureur, quand on lui dit que le Cardinal avoit été auffi tué : c'étoit pouffer bien loin d'orgueilleufes prétentions. Le Pontife convenoit que la néceffité preffante avoit autorifé Henri à violer la fureté des Etats, & toutes les formes de la juftice; prétendoit-il que ce Prince mît au hafard fa Couronne & fa vie, plutôt que de manquer de refpe&t pour la pourpre Romaine?

DERBY OU DARBY, Ville d'Angleterre,
Ville d'Angleterre, capitale d'une
Province de fon nom.

LA

A ville de Derby a le titre de Comté, que porte un lord Stanley. C'eft une grande ville, bien bâtie, bien peuplée, & agréablement située fur deux rivieres, la Darwent & le Martin-Brook, qui chacune ont plufieurs ponts. Elle renferme cinq Eglifes, un hôpital, diverses écoles & un bel hôtel, où fe tiennent les affifes de la Province. C'est une ville d'étape pour les laines, fans que fon commerce foit pourtant bien confi dérable en cette marchandise, celui qu'elle fait en grains & biere, l'emportant de beaucoup fur celui qu'elle fait en d'autres genres. L'on y trouve un grand moulin à dévuider les foies, établi l'an 1734, par le Chevalier Thomas Lombe, fur un modele qu'il avoit pris en Italie. Elle eft gouvernée par un maire & par des aldermans; elle envoie deux députés au Parlement du Royaume; & les bourgeois font exempts de payer aucun péage, soit à Londres, foit dans tout autre endroit de l'Angleterre. Ce fut aux portes de cette ville, que du temps de l'heptarchie, les Danois combattus par Ethelflede, Reine des Merciens, effuyerent une défaite totale; & ce fut jufqu'à ces mêmes portes, que l'armée des Ecoffois rebelles s'avança. l'an 1745, fans pénétrer plus loin. Long. 16. 10. lat. 52. 57.

La Province de Derby (Derbychire) eft à l'Orient de celle de Stafford, au midi de celle d'York, à l'Occident de celle de Nottingham, & au Septentrion de celle de Leicefter. Très-inégale dans fes diverfes dimensions de longueur & de largeur, l'on fe contente de dire, qu'elle a près de 130 milles de circuit, & que dans cette étendue l'on compte It villes ou bourgs tenans marché, 53 vicairies, 106 paroiffes, 21155 maifons, & au delà 100,000 habitans. Elle eft du Diocefe de Litchfield & Coventry. C'eft à peu près l'unique Province d'Angleterre où l'on trouve de hautes montagnes, celles du Peak font dans fon enceinte. Elle a pour rivieres la Trent, la Dove & la Darwent. A quelques quartiers près qui font arides & pierreux, fon fol eft riche en grains & en pâturages, Elle a des mines de plomb, de charbon & de fer, & des carrieres d'où l'on tire du marbre, de l'albâtre & des meules de moulin. Elle a des eaux fulfureufes à Buxton, que l'on estime en certains cas préférables à celles de Bath: elle a des abîmes &

des antres dans fes montagnes, dont on n'a point encore pu' vérifier la profondeur; enfin c'eft à cette Province que font particulieres les fept merveilles chantées par Hobbes. Elle fe glorifie d'avoir vu naître le Chevalier Robert Curfon, très-vaillant Capitaine du XV fiecle; Charles Blount, Comte de Devonshire, célébre par fes exploits fur mer & fur terre, fous les regnes d'Elifabeth & de Jacques I; Antoine Fitzherbert, très-grand Jurifconfulte du dernier fiecle, & Auguftin Cockaine, agréable Poëte du même temps.

LE

DÉS ESPOIR, f. m.

E Defefpoir eft une inquiétude accablante de l'ame, caufée par la per fuafion où l'on eft, qu'on ne peut obtenir un bien après lequel on foupire, ou éviter un mal qu'on abhorre

Cette trifte paffion qui nous trouble & qui nous fait perdre toute efpérance, agit différemment dans l'efprit des hommes : quelquefois elle produit l'indolence & le repos; la nature accablée fuccombe fous la viofence de la douleur : quelquefois en fe privant des feules reffources qui lui reftoient pour remedes, elle fe fache contr'elle-même, & exige de foi la peine de fon malheur, fi l'on peut parler ainfi; alors, comme dit Char ron, cette paffion nous rend femblables aux petits enfans, qui par dépit de ce qu'on leur ôte un de leurs jouets, jettent les autres dans le feu. Quelquefois, au contraire, le Défefpoir produit les actions les plus hardies, redouble le courage, & fait fortir des plus grands périls.

Una falus vidis, nullam fperare falutem.

C'eft une des plus puiffantes armes d'un ennemi, qu'il ne faut jamais luf laiffer. L'hiftoire ancienne & moderne en fourniffent plufieurs preuves. Mais fi l'on y prend garde, ces mêmes actions du Défelpoir font fouvent fondées fur un nouvel efpoir qui porte à tenter toutes chofes extrêmes, parce qu'on a perdu l'efpérance des autres. Les confolations ordinaires font trop foibles dans un Défefpoir caufé par des malheurs affreux; elles font excellentes dans des accidens paffagers & réparables.

L

DÉS HÉRENCE, f. f.

Du droit de Déshérence & biens vacans.

Il y a bien des Seigneurs fans terres, mais il n'y a point de terres fans Seigneurs, dit M. le Bret, parce que fitôt que l'un abandonne, l'autre faifit; & s'il n'y a point d'héritier, le fifc prend la place: c'eft ce qui s'appelle Déshérence, c'eft-à-dire, le droit que le Roi a de fucréder à un défunt laïque ou eccléfiaftique, qui n'a point d'héritier légitime ou testa

mentaire.

Ce droit a été introduit parmi les François à l'exemple des Romains. Du temps de la République, les deniers provenans de la vente des biens des, fucceffions vacantes étoient portés à l'épargne publique; mais dans la fuite les Empereurs les appliquerent à leur profit, ut vacans & caducum patrimonium.

Les Rois d'Espagne, de Portugal, de Pologne, & tous les autres Sou verains jouiffent de ce droit dans leurs Etats; & fuivant l'opinion de plufieurs Jurifconfultes célébres, il n'eft pas douteux que le Monarque François, n'ait ce privilege dans toute fa fouveraineté. Cependant les Officiers, préposés à la manutention de fes droits, ont été fi négligens à conferver celui-ci, que ce Prince n'en jouit que dans les terres de fon domaine, & dans les lieux où les coutumes le difent en termes exprès mais par-tout ailleurs les Seigneurs hauts-jufticiers l'ont ufurpé, comme ils ont fait à l'égard de plufieurs autres droits.

Sous les Empereurs Romains, il y avoit différens degrés limités, audelà defquels le fifc déclaroit l'hérédité vacante & la recueilloit à fon profit mais en France, les Rois ne fe mettent jamais en poffeffion d'aucune, tant que les parens du défunt peuvent juftifier leur ligne, que l'on peut faire remonter inclufivement jufqu'au dixieme degré des deux côtés, qui en ce cas fe fuccedent l'un l'autre; & même, quand les deux lignes manquent, le mari fuccede à fa femme comme la femme à fon mari, en quoi l'on fe conforme à la difpofition de la loi, unde vir & uxor; mais il faut que tous deux foient nés François, fans quoi le Roi exclut le furvivant. Il y a quelques coutumes de ce Royaume, dans lesquelles la Déshérence eft appellée ligne éteinte, ou ligne faillie.

Les autres biens vacans autrement que par Déshérence devroient pareillement appartenir au Roi fi l'on avoit fu maintenir fes droits : mais l'usage a prévalu, & les haut-jufticiers s'en mettent en poffeffion après certaines formalités, le Roi n'en jouiffant que dans les terres de fon domaine.

A l'égard des immeubles qui font fans maîtres, tels que les terres vaines & vagues, & les héritages abandonnés, les Empereurs Romains en dif

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