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Si le Dépofitaire ayant vendu ou autrement aliéné la chofe déposée, la retire & la remplace, il fera tenu dans la fuite, non-feulement du dol & des fautes groffieres, mais des moindres fautes, en punition de fa premiere mauvaise foi.

Si le dépôt étant demandé, le Dépofitaire qui peut le rendre eft en demeure, fon retardement le rendra refponfable, non-feulement de fes moindres fautes, mais des cas fortuits qui pourroient arriver depuis la demande. Mais fi la chofe périt par fa nature fans autre cas fortuit, & qu'elle dût périr quand même le Dépofitaire l'auroit rendue à temps, cette perte n'étant pas un effet de fon retardement, il n'en eft pas tenu.

S'il eft convenu que le dépôt fera rendu en l'un de plufieurs lieux, le Dépofitaire aura le choix du lieu.

L'héritier du Dépofitaire eft tenu du fait du défunt, même de fon dol. Si après la mort du Dépofitaire, fon héritier ignorant le dépôt, vend la chofe dépofée qu'il croit être de la fucceffion; comme s'il arrive que le mémoire qu'avoit fait le Dépofitaire pour la confervation du dépôt étant fous un fcellé avec les autres papiers, il foit cependant néceffaire de vendre quelques effets mobiliers, & que la chofe dépofée s'y trouve mêlée, fans que rien puiffe la diftinguer, comme fi c'étoit un cheval qui fe trouvant avec d'autres dans l'écurie, eût été vendu, celui qui l'avoit dépofé, ayant peut-être même négligé de le retirer; cet événement feroit comme un cas fortuit qui déchargeroit cet héritier de la reftitution du dépôt, en rendant le prix de la vente qui en auroit été faite; le propriétaire confervant toujours fon droit de vendiquer la chofe entre les mains de celui qui en feroit faifi.

Le Dépofitaire ne peut retenir la chofe mife en dépôt par compenfation de ce que pourroit lui devoir celui qui l'a dépofée, quand ce feroit même un autre dépôt, mais chaque Dépofitaire feroit obligé de rendre le fien.

DEPOSITAIRE DE JUSTICE,

EST celui qui eft établi par justice à la garde d'un dépôt, tel qu'un

commiffaire aux biens faifis, un fequeftre, un receveur des configna&c.

tions,

DÉ POT, f. m. Une chofe quelconque confiée à quelqu'un pour la rendre lorfqu'on la lui redemandera.

L

EDépôt fuppofe un contrat écrit, ou verbal, par lequel on donne en garde à quelqu'un, qui s'en charge gratuitement, une chofe qui nous

appartient, ou à laquelle nous avons quelque intérêt, à condition qu'il nous la rendra dès que nous la lui redemanderons. L'origine de cette convention vient naturellement des befoins des hommes. Il arrive quelquefois que l'on fe trouve dans de telles circonftances, que nous ne pouvons pas garder nous-mêmes ce que nous poffédons; & alors on ne peut pourvoir à la fureté de fes biens qu'en les mettant entre les mains de quelque perfonne fidele, & qui veuille bien s'en charger.

L'origine, la nature & la fin de ce contrat font connoître quelles font les régles que l'on y doit fuivre. 1. En général, comme le Dépôt fe fait fouvent en fecret, fans écrit, & que c'eft une convention dont l'usage eft très-néceffaire, & dont la fureté dépend de la foi de celui qui s'en charge, il n'y a point auffi d'engagement qui demande plus particuliérement la fidélité, que celui du dépofitaire. 2°. Il est établi que le Dépôt doit être gratuit, , parce que c'eft un office d'amitié & d'humanité, autrement il dégénéreroit dans un contrat de louage. 3°. Le dépofitaire ne doit point se fervir du Dépôt, car il ne l'a pas reçu dans cette intention. Il n'eft pas même permis de le détacher, dépaqueter, ou tirer d'un coffre, s'il a été remis dans cet état : c'est une chofe facrée : s'il s'en fert, il se rend par-là refponfable de tous les accidens. 4°. On doit garder le Dépôt avec tout le foin dont on eft capable, & proportionnellement à la nature de la chofe. 5o. Il faut rendre le Dépôt aufli-tôt que celui qui nous l'a remis le demande ; à moins qu'on ne pût le reftituer dans ce temps-là fans caufer du préjudice, ou à lui-même, ou à d'autres. Par exemple: fi celui qui nous a remis en Dépôt des armes, nous les redemande dans un accès de frénéfie, ou fi l'on a découvert que le Dépôt eft une chofe volée ou fi celui de qui l'on a reçu en Dépôt une fomme d'argent veut s'en fervir pour faire la guerre à la patrie.

C'eft ce que Cicéron exprime très-bien au troifieme livre des Offices, chap. 35. Neque femper depofita reddenda. Si gladium quis apud te fand mente depofuerit, repetat infaniens reddere peccatum fit, non reddere officium. Quid? Si is qui apud te pecuniam depofuerit, bellum inferat Patriæ, reddes ne depofitum? Non credo: facies enim contrà Rempublicam, que debet effe chariffima.

Latro fpolia, quæ mihi abftulit, pofuit apud Sejum infcium de malitið deponentis: verum latroni, an mihi, Sejus reftituere debeat? Si per fe dantem accipientemque intuemur, hæc eft bona fides ut commiffam rem recipiat is qui dedit: fi totius rei æquitatem, quæ ex omnibus perfonis, quæ negotio ifli continguntur, impletur, mihi reddenda funt quæ facto fceleftif fimo ademta funt. Et probo hanc effe juftitiam, quae fuum cuique ita tribuit, ut non diftrahatur ab ullius perfonæ juftiore petitione. Digeft. lib. XVI. tit. III. Depofiti, &c. Leg. I. §. 45.

Mais hors ces cas-là, c'eft une grande infamie, & un crime encore plus énorme que le larcin proprement ainfi nommé, de nier un Dépôt : fur-tour,

s'il s'agiffoit d'un Dépôt miférable : c'eft-à-dire, qui avoit été confié dans le temps de quelque malheur, comme d'un incendie, d'un naufrage, d'une fédition, &c. Auffi les loix Romaines avoient fagement établi que ceux qui refuferoient malicieusement de reftituer un tel Dépôt, feroient condamnés à rendre le double.

Prætor ait: Quod neque tumultus, neque incendii, neque ruinæ, neque naufragii caufæ depofitum fit, in fimplum; ex earum autem rerum quæ fuprà comprehenfæ funt, in ipfum in duplum.. Cum... ex tanta neceffitate deponat, crefcit perfidiæ crimen.

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En effet, rien ne mérite plus châtiment, que l'infidélité barbare & inhumaine de ceux qui ne font pas fcrupule de profiter du malheur d'un infortuné digne au contraire de compaflion. C'est même avec raison qu'on regarde ce crime comme un crime plus énorme encore que le larcin; puifque, par le dernier, on ne viole que les loix de la juftice, & les droits de la propriété, au lieu que par l'autre, on foule encore aux pieds les loix les plus facrées de l'amitié, & les plus indifpenfables devoirs de l'humanité. C'eft avec raifon que les Pifidiens puniffoient de mort ceux qui fe rendoient coupables de ce crime.

Enfin, le maître du Dépôt doit de fon côté rembourfer au propriétaire les frais qu'il a été obligé de faire pour la garde de la chofe déposée. Officium fuum nemini debet effe damnofum. L. 7. D. Teftam. quemad. aper. lib. 29. tit. 13. Voyez les difpofitions des loix Romaines là-deffus à l'article DEPOSITAIRE.

DÉ POT DES LO I X.

POUR que l'autorité publique, limitée par des loix, ne dégénere pas

en defpotifme, il faut dans la Monarchie quelque chofe qui veille à la confervation des loix, qui empêche qu'on ne les enfreigne, qu'on ne les oublie, ou qu'on ne les aboliffe par des ufages & d'autres loix contraires à la conftitution de l'Etat. Or cette chofe, que je nomme Dépôt des loix, ne peut fe trouver que dans une partie de l'Etat, également intéreffée à foutenir l'autorité publique, & les loix qui l'ont limitée, & affez éclairée d'ailleurs pour connoitre les loix, leur force, les moyens qui peuvent les tenir en vigueur & ceux qui pourroient les détruire. » Ce Dépôt, dit Mon» tefquieu, ne peut être que dans les corps politiques qui annoncent les » loix lorfqu'elles font faites, & les rappellent lorsqu'on les oublie. L'igno>>rance naturelle à la nobleffe, fon inattention, fon mépris pour le gou>> vernement civil, exigent qu'il y ait un corps qui faffe fans ceffe fortir les loix de la pouffiere où elles feroient enfevelies. Le Confeil du Prince » n'eft pas un Dépôt convenable. Il eft par nature le Dépôt de la volonté

» momentanée du Prince qui exécute, & non pas le Dépôt des loix fon»damentales. De plus le Confeil du Monarque change fans ceffe, il n'eft point permanent; il ne fauroit être nombreux; il n'a point à un affez » haut degré la confiance du peuple; il n'eft donc pas en état de l'éclai»rer dans les temps difficiles, ni de le ramener à l'obéiffance. «< Esprit des Loix Liv. II. Chap. IV.

DÉPUTATION, f. f.

C'EST

'EST l'envoi de quelques perfonnes choifies d'une compagnie ou d'un corps, vers un Prince ou une Affemblée, pour traiter en leur nom, ou pour fuivre quelqu'affaire. Voyez DÉPUTÉ, ci-après.

Les Députations font plus ou moins folemnelles, fuivant la qualité des perfonnes à qui on les fait, & les affaires qui en font l'objet.

Députation ne peut point être proprement appliqué à une feule perfonne envoyée auprès d'une autre pour exécuter quelque commiffion, mais feulement lorfqu'il s'agit d'un corps. Le Parlement en Angleterre députe un Orateur & fix Membres pour préfenter fes adreffes au Roi. Le Chapitre députe deux Chanoines pour folliciter fes affaires au Confeil.

En France l'affemblée du Clergé nomme des Députés pour complimenter le Roi. Le Parlement fait auffi par Députés fes remontrances au Souverain; & les pays d'Etats, Languedoc, Bourgogne Artois, Flandres, Bretagne, &c. font une Députation vers le Roi, à la fin de chaque

affemblée.

DÉPUTATION, Sorte d'affemblée des Etats de l'Empire, différente des Dietes.

C'EST

'EST un Congrès où les Députés ou Commiffaires des Princes & Etats de l'Empire difcutent, réglent & concluent les chofes qui leur ont été renvoyées par une diete; ce qui se fait auffi quand l'Electeur de Mayence, au nom de l'Empereur, convoque les Députés de l'Empire, à la priere des Directeurs d'un ou de plufieurs Cercles, pour donner ordre à des affaires, ou pour affoupir des conteftations auxquelles ils ne font pas eux-mêmes en état de remédier.

Cette Députation ou forme de régler les affaires, fut inftituée par les Etats à la diete d'Augfbourg en 1555. On y nomma alors pour Commiffaires perpétuels celui que l'Empereur y envoyeroit, les Députés de chaque Electeur, excepté celui du Roi de Bohême, parce qu'il ne prenoit

part

part aux affaires de l'Empire, qu'en ce qui concernoit l'élection d'un Empereur ou d'un Roi des Romains; mais les chofes ont changé à cet égard depuis l'Empereur Jofeph. On y admet auffi ceux de divers Princes, Prélats & villes Impériales. Chaque Député donne fon avis à part, foit qu'il foit de la Chambre des Electeurs, ou de celle des Princes. Que fi les fuffrages de l'une & de l'autre Chambre s'accordent avec celui du Commiffaire de l'Empereur, alors on conclut, & l'on forme un résultat qui fe nomme conftitution, comme on fait dans les dietes; mais une feule Chambre qui s'accorde avec le Commiffaire de l'Empereur, ne peut pas faire une conclufion, fi l'autre eft d'un avis contraire.

DÉPUTÉ, Celui qui eft envoyé par une Communauté quelconque. LES

ES Députés n'étant pas Miniftres publics, ne font point fous la protection du droit des gens; mais on leur doit une protection plus particuliere qu'à d'autres étrangers ou citoyens, & quelques égards en considération des Communautés dont ils portent les affaires.

Les Députés dans une fociété civile font une marque certaine de fa décadence. Sitôt que le fervice public ceffe d'être la principale affaire des citoyens, & qu'ils aiment mieux fervir de leur bourfe que de leur perfonne, l'Etat est déjà près de fa propre ruine. Faut-il marcher au combat? Ils paient des troupes & reftent chez eux; faut-il aller au confeil? Ils nomment des Députés & reftent chez eux. A force de pareffe & d'argent, ils ont enfin des foldats pour affervir la patrie & des repréfentans pour la

vendre.

C'est le tracas du commerce & des arts, c'eft l'avide intérêt du gain, c'eft la molleffe & l'amour des commodités, qui changent les fervices perfonnels en argent. On cede une partie de fon profit pour l'augmenter à fon aife. Donnez de l'argent, & bientôt vous aurez des fers. Ce mot de finance eft un mot d'efclave; il eft inconnu dans la cité. Dans un Etat vraiment libre, les citoyens font tout avec leurs bras & rien avec de l'ar gent loin de payer pour s'exempter de leurs devoirs, ils payeroient pour les remplir eux-mêmes.

Mieux l'Etat eft conftitué, plus les affaires publiques l'emportent fur les privées dans l'efprit des citoyens. Il y a même beaucoup moins d'affaires privées, parce que la fomme du bonheur commun fourniffant une portion plus confidérable à celui de chaque individu, il lui en refte moins à chercher dans les foins particuliers. Dans une cité bien conduite chacun vole aux affemblées; fous un mauvais gouvernement nul n'aime à faire un pas pour s'y rendre ; parce que nul ne prend intérêt à ce qui s'y fait; qu'on prévoit que la volonté générale n'y dominera pas; & qu'enfin les Tome XV.

Nan

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