Page images
PDF
EPUB

la population a fes bornes preferites, par l'étendue des fubfiftances ou des richeffes, & ce n'eft que l'accroiffement de ces dernieres, qui peut accroître la population. Par-tout où les revenus décroiffent, l'emploi des hommes & le falaire viennent à déchoir où l'emploi & le falaire manquent, il y a fuperfluité de population. Le fuperflu de la population, fait tomber les hommes en non-valeur, & les plonge dans la misere & dans le dépé

riffement.

Τουτ

Rapports des Dépenfes avec l'agriculture.

Our ce que nous avons dit jufqu'ici montre les rapports des Dépenfes avec l'agriculture: il eft donc moins queftion de les retracer maintenant, que de détailler ce qu'interceptent ces rapports. Il faut regarder comme entraves à cet égard, 1°. toute intervention du Gouvernement. L'autorité tutélaire des propriétés n'eft que protectrice & non directrice des intérêts publics & particuliers. Ces deux intérêts ne fauroient jamais faire qu'un or il eft impoffible que le Gouvernement ne fache auffi bien que moi ce qu'il me convient de faire rapporter à mon champ. 2°. La mauvaise qualité des terres : cet obftacle qui vient de la nature paroît d'abord infurmontable; mais les avances d'amélioration & de culture, la culture & le labour de l'homme corrigeront la nature de tout terrein. 3°. Le bas prix des productions. Les avances ne fe peuvent faire qu'au moyen du bon & du meilleur prix des productions, puifque les cultivateurs & les propriétaires ne fauroient tirer leurs moyens que de là: c'eft de l'argent que les terres doivent produire. 4°. L'exploitation de la culture aux dépens des biens fonds. Il faut prélever fur le produit des terres cultivées, avant d'en établir le produit net, tout l'emploi des terres vagues laiffées en dépaître, ou des prairies confommées pour l'exploitation: une bonne culture tireroit fes fourrages des terres mêmes mifes en labour, & leur affimileroit bientôt les pacages, qui fouvent fe trouvent être les terreins les plus gras, 5°. Le défaut de débouchés & les grandes Dépenfes du commerce rural. Ouvrez des chemins, faites des canaux, vous rapprochez ainfi la confommation des villes, des productions de vos campagnes : la vente des produits profitables aux campagnes, les couvre d'habitans en état de confommer. 6o. La mauvaise qualité des productions. Au défaut de débouchés les campagnes font forcées à proportionner leurs produits à la foible & ingrate confommation des pauvres habitans qui les avoifinent: & alors la culture fe proportionne à leur pauvreté. Ainfi plus de Dépenfes productives, plus d'avances, plus de produit net ou revenu; la terre retombe en défert ou ce qu'elle conferve d'habitans & de produits, n'importent, & n'appartiennent pas plus à l'Etat que les taupes qui vivent deffous, de racines ou de vers, 70. Les impofitions indirectes ou fpoliatives. Voyez-en le détail à l'article IMPÔT. 8°. Le fafte de décoration, & fur-tout le luxe; Tome XV. Kkk

v. LUXE. 9o. La furabondance de la population. Nous venons de voir 1o. que la population eft toujours furabondante, où les falaires manquent : 2°. que fi-tôt que l'aifance eft refufée au peuple, il eft forcé à épargner fur fa fubfiflance: 3°. que la confommation du grand nombre une fois déchue, toute la portion du territoire deftinée à la fubfistance du peuple, devient en nonvaleur pour les propriétaires & pour l'Etat 4°. que les revenus déchus ne fourniffant plus aux falaires, la mifere va en croiffant, & le peuple devient chaque jour plus à charge: 5°. qu'en conféquence plus la population diminue dans un Etat par la pauvreté, plus elle devient furabondante & nuifible à l'agriculture. 10°. Enfin l'oppreffion perfonnelle des habitans de la campagne. Ce qui n'a pas befoin d'explication.

Rapports des Dépenfes avec Pinduftrie.

JE payois quatre hommes à deux cents livres chacun; deux ratiffoient les

allées de mon jardin; les deux autres cultivoient un champ d'artichauts qui me rendoit huit cents livres je mets trois de ces hommes à ratiffer, & je n'en laiffe qu'un à cultiver quel changement cela fera-t-il dans ma recette, & bientôt après dans ma Dépenfe? Je me ravife, & mets trois hommes à labourer, n'en laiffant qu'un à ratiffer; voyez & calculez la différence. L'induftrie trompée, comme nous le fommes tous, par la cupidité, croit avoir intérêt à attirer toutes les Dépenfes de fon côté, & n'apperçoit pas que s'il en étoit ainfi, elle tariroit la fource des Dépenfes. Elle ne peut être alimentée que par les revenus: elle a donc le plus grand intérêt l'accroiffement des revenus, fur lefquels elle a fa portion dévolue, qui croîtra en raifon de l'augmentation de la maffe totale. Mais cette portion dépend du revenu, & celui-ci du poids de la maffe toujours croiffante s'il eft poffible, des verfemens faits fur la claffe productive.

Voyez INDUSTRIE.

Rapports des Dépenfes avec le commerce.

C'EST une vérité palpable, que pour faire profpérer tout genre de com

merce, il faut en reftreindre les frais. V. COMMERCE. Il faut auffi fe fouvenir du grand principe que nous avons détaillé dans l'article indiqué, qu'acheter c'eft vendre, & vendre c'eft acheter. Une nation ne vendra jamais qu'au niveau de ce qu'elle achetera, à moins qu'elle n'ait des mines qui s'épuifent chaque jour; ainsi quand vous taxez les denrées ou marchandifes de l'étranger, pour en diminuer la confommation chez vous, vous diminuez d'autant la confommation qu'il feroit des vôtres. Quand vous brûlez les moiffons ou les vaiffeaux de l'étranger, vous diminuez vos fubLiftances & votre mobilier : tout eft commun ici bas par les loix de la

Providence; tous les intérêts font liés. La révolte de l'injuftice & de l'aveuglement humain, confifte à vouloir les féparer & les oppofer les uns

aux autres.

Rapports des Dépenfes avec les richefes d'une nation.

Les biens font le fonds des richeffes; mais la richeffe eft une qualité fugitive, qui ne fe réunit aux biens que par l'entremise des hommes : les hommes font donc le premier principe des richeffes & ne le font que par lears befoins les befoins ne font autre chofe que des néceffités de Dépenfes ainfi les Dépenfes ont le rapport le plus direct avec les richeffes d'une nation; les Dépenfes d'une nation font la mesure certaine de ses richeffes étendez la mefure, vous étendrez le point mefuré: multipliez les Dépenfes, vous multipliez les richeffes.

Divifons les richeffes d'une nation en trois parties: 1°. richesses foncieres: 2°. richesses mobiliaires: 3o l'argent. J'appelle ici richeffes foncieres tout ce qui pourvoit aux befoins naturels richesses mobiliaires ce qui porte fur les befoins d'opinion. L'argent, on fait ce que c'eft.

Les biens qui renaiffent par notre travail font des richeffes, parce qu'ils ne s'obtiennent que par des Dépenfes avec lefquelles ces biens doivent avoir une valeur de compenfation: fans cela ce commerce primitif des hommes avec la terre cefferoit, la terre refteroit inculte. Tout ce qui a valeur de compenfation ou d'échange, eft richeffe; mais fi la valeur de cette richeffe reproduite fe bornoit à la valeur de compenfation avec la Dépense qu'a coûté la réproduction, elle ne donneroit plus la qualité de richeffe au champ qui l'a produite: La valeur vénale des biens-fonds & leur qualité de richeffe dépend donc de la valeur de la récolte qu'ils produifent on le voit bien chez les nations ruinées où les fonds de terre font pour rien or un Empire n'eft qu'un grand champ. Ainfi tout ce qui attaque la valeur vénale des productions & des Dépenfes qui la font naître, attaque la propriété, & ne laiffe aux propriétaires qu'un vain titre établi par des loix fpécieufes qui n'ont pas pourvu à la fureté effective de la propriété mobiliaire. Toutes les richeffes quelconques d'une nation font donc fugitives, puifque ce n'eft qu'une maniere d'être qui n'a d'adhérence aux biens-fonds que par des causes extérieures qui peuvent aisément être livrées à l'erreur ou à la rapine.

Les richeffes mobiliaires qui répondent aux befoins que nous appellons d'opinion, n'en ont pas moins un prix foncier, relatif à la valeur de la matiere & du travail qui font entrés dans leur compofition; mais leur prix réel eft néanmoins d'opinion, en ce que les hommes peuvent fubfifter fans cela, & que fans la convention des hommes, ces richeffes perdroient même la qualité de biens. Les richeffles mobiliaires d'une nation dépendent donc non-feulement de fa civilifation, mais encore de celle de fes

voifins. Les befoins d'opinion font fufceptibles d'une extenfion individuelle, & les befoins naturels n'en peuvent trouver que dans celle de l'espece je me fais besoin d'une maison de ville & d'une de campagne : mais je ne puis avoir befoin de dîner deux fois; il n'est pas cependant moins vrai que les befoins d'opinion font dans l'abfolue dépendance des befoins naturels il faut que j'aie diné pour me plaire à un concert : c'eft de la quotité des richeffes foncieres que dépend celle des richeffes mobiliaires. Quelques grimaces de luxe femblent démentir ce principe; mais les évaluations paffageres & mobiles n'ont lieu qu'entre un petit nombre de riches, effets & caufes de la ruine publique. Sortez dans les provinces d'une nation pauvre, les affiquets pris par le luxe dans fa capitale, n'y trouveront pas d'acheteurs une nation ne peut en un mot fe procurer un fuperflu de jouiffances que par un fuperflu de revenus. Ainfi une nation ne peut avoir de richeffes mobiliaires qu'au prorata de fes revenus : tels font les rapports des Dépenfes avec les richeffes mobiliaires d'une nation.

L'argent ne peut être regardé que comme une richeffe qui s'acquiert par d'autres richeffes perfonne ne reçoit de l'argent qu'en échange de quelqu'autre chose; l'argent n'eft utile qu'autant qu'il rend richeffe pour richeffe l'argent ne peut donc enrichir une nation puifqu'il coûte autant qu'il vaut, & qu'il ne rend que ce qu'il vaut il n'y a dans tout cela qu'échange & point de production, point de richeffe renaissante, point de profit ayez toujours de quoi vendre, vous aurez toujours de l'argent.

Quelqu'abondante que fût la richeffe pécuniaire en Europe, nous n'en ferions pas plus riches en argent fi nous n'avions pas des productions à vendre, ou fi une police déréglée faifoit tomber nos productions en nonvaleur. Si vous avez beaucoup de productions à bon prix, & un commerce libre, vous aurez auffi une grande quantité d'argent pour les befoins de l'Etat, & pour acheter des richeffes plus profitables & plus fatisfaifantes que l'argent mais on s'en tient à vouloir acquérir l'argent, fans songer que l'argent est une marchandise étrangere qu'il faut acheter : que fi l'on tient fes denrées à bas prix, on achete par échange l'argent fort cher, tandis qu'on vend à fort bon marché fon argent à l'étranger dans les achats qu'on fait chez lui.

L'argent n'eft pas recherché comme métal or comme numéraire il n'y en a jamais dans un Etat que ce qui eft en circulation: la circulation eft toujours au niveau des Dépenfes, puifqu'il n'y a qu'elles qui les mettent en mouvement. Les Dépenfes circulaires ne peuvent être qu'au niveau des revenus, puifqu'il n'y a que l'emploi des revenus qui foit Dépenfes circulantes: il n'y a donc jamais d'argent dans un Etat qu'autant qu'il y a de revenus le refte qui féjourne dans des caves ou des coffres forts, n'en fortira que pour être prêté à ufure, comme on le feroit à fon pire ennemi, & on le trouvera chez fon pire ennemi,

L'argent eft donc marchandife; or les menues & fauffes fpéculations de préférence d'une forte de marchandise fur l'autre, ne font pas dignes de gouverneurs quelconques : leur objet doit être de protéger par-tout l'ordre naturel, & de veiller à ce que rien ne s'oppofe à fa marche préordonnée & prefcrite par les loix mêmes du mouvement par elles, les Dépenfes de confommation s'arrangent de maniere qu'elles montent toujours au niveau des productions: le travail s'accroît en proportion : la réproduction, fruit du travail, furpaffe le taux des Dépenfes précédentes, & crée ainfi de nouvelles Dépenfes qui vont exciter une plus forte réproduction, donner de plus grands revenus, & étendent ainfi vraiment un Empire, non en fuperficie déferte, mais en profondeur, puiffance & folidité.

DÉ POPULATION, f. f. L'action de dépeupler un pays, ou la diminution de fes habitans.

LA terre contient-elle aujourd'hui réellement moins d'habitans que dans les anciens temps? & fi elle s'eft dépeuplée, quelles font les caufes de cette Dépopulation? Voilà deux queftions bien importantes pour l'huma→ nité. Tâchons de les réfoudre. La premiere étant une queftion de fait nous ne faurions la décider fans le fecours de l'hiftoire. Elle fera donc notre guide. Mais pour éviter de faire un traité à la place d'un article, nous bornerons nos recherches à la population ancienne des peuples qui habitent les côtes de la Méditerranée. Commençons par l'Egypte fi renommée dans l'hiftoire ancienne.

con

L'Angleterre, fuivant la revue du globe par M. Templeman, tient 49,450 milles en quarré, dont il en faut 60 au degré, & l'Egypte 140,700 ainfi l'étendue de l'Egypte eft à celle de l'Angleterre, comme 2, 84 à 1. On calcule que l'Angleterre contient 8 millions d'habitans. Si l'Egypte étoit peuplée à proportion, elle en devoit contenir environ 22,700,000; mais, fuivant les anciens hiftoriens, il paroit qu'elle étoit bien plus confidérable; en effet, fuivant le calcul du favant Halley, tiré des faits rapportés par Diodore, Herodote, &c.; l'Egypte dans fes beaux jours comptoit près de 40 millions d'habitans, & elle étoit deux ou trois fois auffi peuplée que l'Angleterre.

[ocr errors]

La Palestine étoit un pays d'une très-petite étendue. Suivant Templeman, elle ne fait pas la fixieme partie de l'Angleterre, & doit certainement avoir été un très-petit pays cependant nous trouvons dans les livres facrés, Chronique XXI. v. 6. que les combattans, à l'exclufion des deux tribus de Levi & de Benjamin, étoient au nombre de 1,570,000. Et fi nous prenons la proportion de ces deux tribus aux dix autres, par leur

« PreviousContinue »