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La troifieme collection eft de Pierre de Benevent; elle parut auffi au commencement du treizieme fiecle par les ordres du Pape Innocent III, qui l'envoya aux profeffeurs & aux étudians de Bologne, & voulut qu'on en fit ufage, tant dans les écoles que dans les tribunaux : elle fut occafionnée par celle qu'avoit fait Bernard Archevêque de Compoftelle, qui pendant fon féjour à Rome avoit ramaffé & mis en ordre les conftitutions de ce Pontife: cette compilation de Bernard fut quelque temps appellée la compilation romaine; mais comme il y avoit inféré plufieurs chofes qui ne s'observoient point dans les tribunaux, les Romains obtinrent du Pape qu'on en fit une autre fous fes ordres, & Pierre de Benevent fut chargé de ce foin ainfi cette troifieme collection differe des deux précé→ dentes, en ce qu'elle eft munie du fceau de l'autorité publique. La quatrieme collection eft du même fiecle; elle parut après le quatrieme concile de Latran célébré fous Innocent III, & renferme les décrets de ce concile & les conftitutions de ce Pape, qui étoient poftérieures à la troifieme collection. On ignore l'auteur de cette quatrieme compilation, dans laquelle on a obfervé le même ordre de matieres que dans les précédentes. Antoine Auguftin nous a donné une édition de ces quatre collections, qu'il a enrichies de notes. La cinquieme eft de Tancrede de Bologne, & ne contient que les Décrétales d'Honoré III, fucceffeur immédiat d'Innocent III. Honoré, à l'exemple de fon prédéceffeur, fit recueillir toutes fes conftitutions; ainfi cette compilation a été faite par autorité publique. Nous fommes redevables de l'édition qui en parut à Toulouse en 1645, à M. Ciron, profeffeur en droit, qui y a joint des notes favantes. Ces cinq collections font aujourd'hui appellées les anciennes collections; pour les diftinguer de celles qui font partie du corps de droit canonique. Il eft utile de les confulter en ce qu'elles fervent à l'intelligence des Décrétales, qui font rapportées dans les compilations poftérieures où elles fe trouvent ordinairement tronquées, & qui par-là font très-difficiles à entendre, comme nous le ferons voir ci-deffous.

La multiplicité de ces anciennes collections, les contrariétés qu'on y rencontroit, l'obscurité de leurs commentateurs, furent autant de motifs qui firent défirer qu'on les réunit toutes en une nouvelle compilation. Grégoire IX, qui fuccéda au Pape Honoré III, chargea Raimond de Pennaford d'y travailler; il étoit fon Chapelain & fon Confeffeur, homme d'ailleurs très-favant & d'une piété fi diftinguée, qu'il mérita dans la fuite d'ê tre canonifé par Clément VIII. Raimond a fait principalement ufage des cinq collections précédentes; il y a ajouté plufieurs conftitutions qu'on y avoit omises, & celles de Grégoire IX, mais pour éviter la prolixité, il n'a point rapporté les Décrétales dans leur entier; il s'eft contenté d'inférer ce qui lui a paru néceffaire pour l'intelligence de la décifion. Il a fuivi dans la diftribution des matieres le même ordre que les anciens compilateurs; eux-mêmes avoient imité celui de Juftinien dans fon code. Tout

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l'ouvrage eft divifé en cinq livres, les livres en titres, les titres non en chapitres, mais en capitules, ainfi appellés de ce qu'ils ne contiennent que des extraits des Décrétales. Le premier livre commence par un titre fur la fainte Trinité, à l'exemple du code de Juftinien; les trois fuivans expliquent les diverfes efpeces du droit canonique, écrit & non écrit: depuis le cinquieme titre jufqu'à celui des pactes, il eft parlé des élections, dignités, ordinations, & qualités requifes dans les clercs; cette partie peut être regardée comme un traité des perfonnes depuis le titre des pactes jufqu'à la fin du fecond livre, on expose la maniere d'intenter, d'inftruire, & de terminer les procès en matiere civile Eccléfiaftique, & c'eft delà que nous avons emprunté, fuivant la remarque des favans, toute notre procédure. Le troifieme livre traite des chofes Eccléfiaftiques, telles que font les bénéfices, les dixmes, le droit de patronage : le quatrieme, des fiançailles, du mariage, & de fes divers empêchemens; dans le cinquieme, il s'agit des crimes Eccléfiaftiques, de la forme des jugemens en matiere criminelle, des peines canoniques, & des cenfures.

Raimond avoit mis la derniere main à fon ouvrage, le Pape Grégoire IX, lui donna le sceau de l'autorité publique, & ordonna qu'on s'en fervît dans les tribunaux & dans les écoles, par une conftitution qu'on trouve à la tête de cette collection, & qui eft adreffée aux docteurs & aux étudians de l'univerfité de Bologne: ce n'eft pas néanmoins que cette collection ne fût défectueuse à bien des égards. On peut reprocher avec juftice à Raimond de ce que pour fe conformer aux ordres de Grégoire IX, qui lui avoit recommandé de retrancher les fuperfluités dans le recueil qu'il feroit des différentes conftitutions éparfes en divers volumes, il a fouvent regardé & retranché comme inutiles des chofes qui étoient absolument néceffaires pour arriver à l'intelligence de la Décrétale. Donnons-en un exemple. Le cap. ix. extra de confuetud. contient un refcrit d'Honoré III, adreffé au Chapitre de Paris, dont voici les paroles: Cùm confuetudinis ufufque longavi non fit levis autoritas ; & plerumque difcordiam pariant novitates: autoritate vobis præfentium inhibemus, ne abfque Epifcopi veftri confenfu immutetis Ecclefiæ veftræ conftitutiones & confuetudines approbatas, vel novas etiam inducatis: & quas forte feciftis, irritas decernentes. Le refcrit conçu en ces termes ne fignifie autre chofe, finon que le chapitre ne peut faire de nouvelles conftitutions fans le confentement de l'Evêque : ce qui étant ainfi entendu dans le fens général, eft abfolument faux. Il est arrivé delà que ce capitule a paru obfcur aux anciens canoniftes; mais il n'y auroit point eu de difficulté, s'ils avoient confulté la Décrétale entiere, telle qu'elle fe trouve dans la cinquieme compilation, cap. j. cod. tit. Dans cette Décrétale, au lieu de ces paroles, fi quas forte (conftitutiones) feciftis, irritas decernentes, dont Raimond fe fert, on lit celles-ci: irritas decernentes (novas inftitutiones) fi quas forte feciftis in ipfius Epifcopi præjudicium, poftquam eft regimen Parifienfis ecclefiæ adeptus, Cette claufe omise

par Raimond ne fait-elle pas voir évidemment qu'Honoré III n'a voulu annuller que les nouvelles conftitutions faites par le Chapitre fans le confentement de l'Evêque, au préjudice du même Evêque? & alors la décifion du Pape n'aura befoin d'aucune interprétation. On reproche encore à l'auteur de la compilation, d'avoir fouvent partagé une Décrétale en plufieurs; ce qui lui donne un autre fens, ou du moins la rend obfcure. C'est ainfi que la Décrétale du cap. 5. de foro competenti, dans la troifieme collection, eft divifée par Raimond en trois différentes parties, dont l'une fe trouve au cap. x. extra de conft., la feconde, dans le cap. iij. extra ut lite pendente nihil innovetur; & la troifieme, au cap. iv. ibid. Cette divifion eft caufe qu'on ne peut entendre le fens d'aucun de ces trois capitules, à moins qu'on ne les réuniffe ensemble, comme ils le font dans l'ancienne collection de plus en rapportant une Décrétale, il omet quelquefois la précédente ou la fuivante, qui jointe avec elle, offre un fens clair; au lieu qu'elle n'en forme point lorfqu'elle en eft féparée. Le cap. III. extra de conftit., qui eft tiré du cap. eod. in prima compilat. en est une preuve. On lit dans les deux textes ces paroles: tranflato facerdotio, neceffe eft ut legis tranflatio fiat; quia enim fimul & ab eodem & fub eadem Sponfione utraque data funt, quod de uno dicitur, neceffe eft ut de altero intelligatur. Ce paffage qui fe trouve ifolé dans Raimond eft obfcur, & on ne comprend pas en quoi confifte la tranflation de la loi mais fi on compare le même texte avec le cap. iij. & v. de la premiere collection que Raimond a omis dans la fienne, alors on aura la véritable efpece propofée par l'ancien compilateur, & le vrai fens de ces paroles, qui fignifient que les préceptes de l'ancienne loi ont été abrogés par la loi de grace; parce que le facerdoce & la loi ancienne ayant été donnés en même temps & fous la même promeffe, comme il eft dit dans notre capitule, & le facerdoce ayant été transféré, & un nouveau Pontife nous étant donné en la perfonne de Jefus-Chrift, il s'enfuit delà qu'il étoit néceffaire qu'on nous donnât auffi une nouvelle loi, & qu'elle abrogeât l'ancienne quant aux préceptes myftiques & aux cérémonies légales, dont il eft fait mention dans ces cap. iij. & v. omis par Raimond. Enfin il eft répréhenfible pour avoir altéré les Décrétales qu'il rapporte, en y faifant des additions: ce qui leur donne un fens différent de celui qu'elles ont dans leur fource primitive. Nous nous fervirons pour exemple du c. j. extra de judiciis, où Raimond ajoute cette claufe, donec fatisfactione præmiffa fuerit abfolutus, laquelle ne fe trouve ni dans le canon 87 du Code d'Afrique, d'où originairement la Décrétale eft tirée, ni dans l'ancienne Collection, & qui donne au canon un fens tout-à-fait différent. On lit dans le Canon même & dans l'ancienne Collection : nullus eidem, quod vult Deo communicet, donec caufa ejus, qualem potuerit, terminum fumat; ces paroles font affez connoître le droit qui étoit autrefois en vigueur, comme le remarque très-bien M. Cujas fur ce capitule. Dans ces temps-là on

n'accordoit à qui que ce foit l'abfolution d'une excommunication, qu'on n'eût inftruit juridiquement le crime dont il étoit accufé, & qu'on n'eut entiérement terminé la procédure. Mais dans les fiecles poftérieurs, l'ufage s'eft établi d'abfoudre l'excommunié qui étoit contumacé, auffi-tôt qu'il avoit fatisfait, c'eft-à-dire, donné caution de fe représenter en jugement, quoique l'affaire n'eût point été difcutée au fond; & c'eft pour concilier cet ancien canon avec la difcipline de fon temps, que Raimond en a changé les termes. Nous nous contentons de citer quelques exemples des imperfections qui fe rencontrent dans la collection de Grégoire IX; mais nous obferverons que dans les éditions récentes de cette collection, on a ajouté en caracteres italiques ce qui avoit été retranché par Raimond, & ce qu'il étoit indifpenfable de rapporter pour bien entendre l'efpece du capitule. Ces additions, qu'on a appellées depuis dans les écoles pars decifa, été faites par Antoine le Conte, François Pegna, Efpagnol, & dans l'édition Romaine: il faut avouer néanmoins qu'on ne les a pas faites dans tous les endroits néceffaires, & qu'il refte encore beaucoup de choses à désirer; d'où il réfulte que nonobftant ces fupplémens, il eft très-avantageux non-feulement de recourir aux anciennes Décrétales, mais même de remonter jufqu'aux premieres fources, puifque les anciennes collections fe trouvent fouvent elles-mêmes mutilées, & que les monumens apocryphes y font confondus avec ceux qui font authentiques : telle eft en effet la méthode dont MM. Cujas, Florent, Jean de la Cofte, & fur-tout Antoine Auguftin dans fes notes fur la premiere collection, fe font fervis avec le plus grand fuccès.

ont

Grégoire IX, en confirmant le nouveau recueil de Décrétales, défendit par la même conftitution qu'on ofât en entreprendre un autre fans la permifGion expreffe du faint Siege, & il n'en parut point jufqu'à Boniface VIII; ainfi pendant l'efpace de plus de 70 ans, le corps de droit canonique ne renferma que le décret de Gratien & les Décrétales de Grégoire IX. Cependant après la publication des Décrétales, Grégoire IX, & les Papes les fucceffeurs donnérent en différentes occafions de nouveaux refcrits; mais leur authenticité n'étoit reconnue ni dans les écoles, ni dans les tribunaux: c'eft pourquoi Boniface VIII, la quatrieme année de fon Pontificat la fin du XIIIe fiecle, fit publier fous fon nom une nouvelle compilation; elle fut l'ouvrage de Guillaume de Mandagotto, Archevêque d'Embrun, de Berenger Fredoni, Evêque de Beziers, & de Richard de Senis Vice-Chancelier de l'Eglife Romaine, tous trois élevés depuis au Cardinalat. Cette collection contient les dernieres épîtres de Grégoire IX, celles des Papes qui lui ont fuccédé; les décrets des deux Conciles généraux de Lyon, dont l'un s'eft tenu en l'an 1245, fous Innocent IV, & l'autre en l'an 1274, fous Grégoire X, & enfin les conftitutions de Boniface VIII. On appelle cette collection le Sexte, parce que Boniface voulut qu'on la joignit au livre des Décrétales, pour lui fervir de fupplément. Elle eft

divifée en cinq livres, fous-divifés en titres & en capitules, & les matieres y font diftribuées dans le même ordre que dans celle de Grégoire IX. Au commencement du XIVe fiecle, Clément V, qui tint le Saint Siege à Avignon, fit faire une nouvelle compilation des Décrétales, compofée en partie des canons du Concile de Vienne, auquel il préfida, & en partie de fes propres conftitutions; mais furpris par la mort, il n'eut pas le temps de la publier, & ce fut par les ordres de fon fucceffeur Jean XXII, qu'efle vit le jour en 1317. Cette collection eft appellée clémentines, du nom de fon auteur, & parce qu'elle ne renferme que des conftitutions de ce Souverain Pontife: elle eft également divifée en cinq livres, qui font auffi fous-divifés en titres & en capitules, ou clémentines. Outre cette collection le même Pape Jean XXII, qui fiégea pareillement à Avignon, donna différentes conftitutions pendant l'efpace de dix-huit ans que dura fon Pontificat, dont vingt ont été recueillies & publiées par un auteur anonyme, & c'eft ce qu'on appelle les extravagantes de Jean XXII. Cette collection eft divifée en quatorze titres, fans aucune diftinction de livres, à cause de fon peu d'étendue. Enfin l'an 1484 il parut un nouveau recueil qui porté le nom d'extravagantes communes, parce qu'il eft compofé des conftitutions de vingt-cinq Papes, depuis le Pape Urbain IV, (fi l'inscription du cap. 2. de fimonid eft vraie,) jufqu'au Pape Sixte IV, lefquels ont occupé le Saint Siege pendant plus de deux cents vingt ans, c'eft-à-dire, depuis l'année 1262 jufqu'à l'année 1483. Ce recueil eft divifé en cinq livres; mais attendu qu'on n'y trouve aucune Décrétale qui regarde le mariage, on dit que le quatrieme livre manque. Ces deux dernieres collections font l'ouvrage d'auteurs anonymes, & n'ont été confirmées par aucune bulle, ni envoyées aux univerfités ; c'eft par cette raifon qu'on les a appellées extravagantes, comme qui diroit vagantes extra corpus juris canonici, & elles ont retenu ce nom, quoique par la fuite elles y ayent été inférées. Ainfi le corps du droit canonique renferme aujourd'hui fix collections, favoir, le décret de Gratien, les Décrétales de Grégoire IX, le fexte de Boniface VIII, les clémentines, les extravagantes de Jean XXII, & les extravagantes communes. Nous avons vu dans l'article DECRET de quelle autorité eft le recueil de Gratien nous allons examiner ici quelle eft celle des diverfes

collections des Décrétales.

Nous avons dit, en parlant du décret de Gratien, qu'il n'a par lui-même aucune autorité, ce qui doit s'étendre aux extravagantes de Jean XXII & aux extravagantes communes, qui font deux ouvrages anonymes & deftitués de toute autorité publique. Il n'en eft pas de même des Décrétales de Grégoire IX, du fexte & des clémentines, compofées & publiées par ordre des fouverains Pontifes; ainfi dans les pays d'obédience, où le Pape réunit l'autorité temporelle à la fpirituelle, il n'eft point douteux que les Décrétales des fouverains Pontifes, & les recueils qu'ils en ont fait faire n'aient force de loi; mais dans les autres pays libres, même catholiques,

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