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nons, & l'autre de 22 à 24. Le détail de l'armement tant en agrès, apparaux, uftenfiles, qu'en nombre d'équipages, vivres & marchandifes dont il faut un peu de toutes les fortes, à caufe des différens pays & peuples où l'on peut aborder chemin faifant, eft inutile à faire ici.

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Suppofant que Copenhague foit le lieu de l'armement & du départ, & foit auffi pris pour le premier méridien de ce voyage; il faut 1°. que les deux frégates aillent d'abord reconnoître le nord-Cap, qui git par les 70 71 degrés nord, que de-là elles faffent le nord-eft, jufques à ce qu'elles fe foient élevées jufqu'aux 75 degrés de latitude nord, & aux 34 à 35 degrés de longitude de Copenhague; 2°. que de ce point elles portent droit dans le nord jufqu'à ce qu'elles aient les 84 ou 85 degrés de latitude nord, fi aucune terre ne s'y oppofe; 3°. que de ce fecond point elles courent droit dans l'eft jufqu'à ce qu'elles aient atteint les 155 degrés de longitude de Copenhague, qui font les 180 degrés du premier méridien pris fur l'ifle de Fer; 4°. que de ce troifieme point elles rabattent droit dans le fud & baiffent jufques par les 60 degrés de latitude nord.

Si jufques-là elles n'ont point trouvé de terres, elles continueront leur route droit dans le fud jufques par les 50 degrés de latitude nord: alors elles feront fures du paffage, fi elles arrivent selon cette route à cette latitude de 50 degrés nord fans avoir rencontré aucunes terres, parce qu'elles feront pour lors à la hauteur de la terre de Jeffo. Suppofant donc qu'elles foient arrivées à cette latitude de so degrés nord fans aucun inconvénient, il convient qu'alors la frégate de 24 canons faffe route droit dans l'eft pour aller reconnoître les terres de l'Amérique par cette latitude; ce qu'on ne dit pas fans raifon, attendu qu'il y a là un pays habité par des peuples très-doux, polis, civilifés, & habillés prefque à la Japonnoife, giffans depuis les 45 jufqu'aux 52 degrés de latitude nord, & depuis les 260 de longitude jufques aux 255 de longitude du premier méridien pris fur l'ifle de Fer. Cette grande contrée s'appelle le pays des Moëzemfecs, découvert par le Baron de Laöntan par les terres. Il dit que c'eft un pays fi riche qu'il y a vu les uftenfiles les plus ordinaires en argent; & qu'à l'eft de ce pays, celui qui le touche, eft habité par des peuples ruftres & farouches; ce qui donne lieu de penfer que cette différence de mœurs des Moëzemfecs, peut provenir de ce que leur pays pouffant affez avant dans l'oueft pour confiner aux mers du Japon, eft peut-être fréquenté par les Japonnois, & d'un commerce avantageux pour ces derniers dont la communication a rendu les Moëzemfecs fociables & doux comme ils font. Pendant que la frégate de 24 canons feroit occupée à cette Découverte, celle de 36 étant arrivée, comme on l'a dit, aux 50 degrés nord, feroit route droit dans l'oueft pour rencontrer la terre de Jeffo & y relâcher. Elle y attendroit auffi le retour de la frégate de 24 canons, dont les ordres feroient de revenir au rendez-vous de la terre de Jeffo par les so degrés de latitude, fi-tôt qu'elle auroit touché aux terres de l'Améri

que par la même latitude, & pris une connoiffance fuffifante du pays & de ce qui peut s'y faire pour le commerce.

Si par hafard la frégate de 36 canons, n'ayant pas trouvé un mouillage favorable à la côte de Jeffo, par les 50 degrés de latitude, avoit été obligée pour en trouver un, de baiffer de latitude depuis les 50 degrés julques aux 45, la frégate de 24 canons étant arrivée au rendez-vous de 50 degrés de latitude à la terre de Jeffo, & n'y trouvant pas celle de 36 canons, parcourra auffi la côte en baissant jusqu'aux 45 degrés pour la

rencontrer.

Si l'on veut fe donner la peine de calculer le chemin qu'il y a à faire depuis le départ de Copenhague jufques à l'arrivée de la frégate de 36 canons à fa relâche à la terre de Jeffo, & le retour de celle de 24 canons à ladite relâche de Jeffo; on verra que deux mois font plus que fuffifans pour le tout, fur-tout avec deux frégates fines voilieres; parce qu'il eft connu de tous les navigateurs que tout navire médiocre voilier, fait mille lieues en route par mois; nonobftant les calmes & les détours que caufent les vents contraires. Il faut excepter feulement de cette regle, les cas tout-à-fait extraordinaires & qui font rares.

On peut donc dire prefque avec certitude, que deux mois font plus que fuffifans pour arriver à la relâche de la terre de Jeffo, & pour que la frégate de 24 canons y foit de retour; & on adopte d'autant plus volontiers cette opinion, qu'on ne pense pas que l'extrémité occidentale de la terre de l'Amérique qui git par les so degrés de latitude nord, foit à plus de cent lieues de la côte la plus orientale de Jeffo.

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Comme dans un premier voyage fait pour une Découverte, on ne peut guere fe propofer autre chofe que la Découverte même, de prendre langue & connoiffance de ce que l'on peut, en paffant fans s'arrêter qu'il eft queftion principalement pour un premier voyage, de revenir dans la même saison fans attendre l'autre, dès que les deux frégates réunies à la relâche de la terre de Jeffo, fe feront ravitaillées & mifes en état, elles partiroient pour revenir par la même route à Copenhague, & felon le temps qu'elles auront devant elles, elles pourront prendre connoiffance, chemin faifant, des terres les plus orientales & les plus nord de l'Afie, où peut-être trouveront-elles quelque port qui ferviroit de relâche pour un fecond voyage. Elles doivent toujours s'occuper auffi des parties de commerce qui pourroient s'y rencontrer car par-tout où il y a des hommes, il y a auffi quelque partie de commerce à y faire.

On dit donc qu'en partant de Copenhague pour cette expédition, les derniers jours de Mai, les deux frégates y feront de retour avant la fin d'Octobre de la même année.

Il ne faut pas s'imaginer que la fin d'Octobre foit une saison trop avancée pour le froid & par conféquent trop tardive pour l'arrivée. On pourroit même pouffer cela jufqu'au mois de Novembre pour l'arrivée; parce

que ceux qui ont fréquenté le nord, favent très-bien que les chaleurs y font tardives, & plus fortes dans l'arriere-faifon qu'au mois de Juillet c'est-à-dire plus en automne qu'en été, & par cette raison même les deux frégates à leur retour n'auroient que faire de s'élever en latitude jusqu'aux 85 degrés comme en allant, & pourroient au contraire fréquenter la côte feptentrionale de l'Afie dans tout le cours de leur route, s'en tenant feulement à 50 lieues de diftance, & y rabattant même quelquefois jufqu'à en prendre connoiffance dans les endroits qui poufferoient le plus au nord pour les raifons qu'on a déjà rapportées.

Par exemple il feroit bon qu'elles vinffent à atterrir par les 63 à 64 degrés nord, & par la longitude de 155 degrés du premier méridien pris fur l'ifle de Fer, qui font les 129 degrés du premier méridien pris à Copenhague. Là elles trouveroient les montagnes de Nofs, découvertes par les foins du Czar Pierre, & marquées indéfinies à cette latitude & longitude plus haute que le 64 degrés, & cela ne leur feroit en ce cas que plus favorable.

Ce n'eft pas une chose inutile de prendre le plus de points de connoiffances & d'attérages que l'on peut dans une route, cela fert au contraire beaucoup pour d'autres voyages. Au refte les circonftances déterminent. L'on ne finiroit point s'il falloit fuppofer tout ce qui peut fe rencontrer : c'eft à la prudence & à l'expérience du chef & des officiers à. fuppléer à ce qu'il n'a pas été poffible de prévoir. Le pis qui pourroit arriver de tout ceci, eft que fi par quelque aventure extraordinaire on fe trouvoit au retour, avancé dans la faifon, & que l'on prévit ne pouvoir pas arriver à Copenhague avant les glaces, il n'y auroit qu'à hyverner en quelque endroit de l'Afie de la plus baffe latitude qu'on pourroit. Le golfe de l'Een & fa riviere par exemple, préfentent un afyle affez favorable pour cela, ne giffant que par les 63 à 64 degrés de latitude : il faudroit cependant toujours prendre la précaution de fe giter fous terre pour éviter les inconvéniens qui font arrivés à Barentz qui fe logea comme il put.

Si l'on vouloit que dès cette premiere tentative, les frégates ne revinffent qu'à l'autre faifon, alors il faudroit avoir pour objet de les faire hyverner à Canton dans la Chine, & en ce cas, leur donner un demi-fonds en argent pour y faire leur traite, ce qui dédommageroit des frais de l'hyvernage & du voyage.

Dans cette fuppofition, comme les deux frégates auroient beaucoup plus de temps devant elles pour leur traverfée en allant, ainfi qu'en revenant; elles pourroient s'attacher à prendre connoiffance de beaucoup plus de pasfages le long des côtes de l'Afie & de l'Amérique, que dans la premiere fuppofition; ce qui feroit fort utile pour un fecond voyage. En partant de Copenhague dans le même temps qu'on a dit, ou même 20 jours plus tard, elles n'auroient befoin de s'élever d'abord que par les 80 degrés nord, au lieu de 85 degrés; enfuite de ce point-là, courir à l'eft jufques.

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par les 95 degrés de longitude du premier méridien pris fur Copenhague & de-là faire le fud-eft pendant 50 lieues, puis le fud jufqu'à ce qu'elles euffent connoiffance de terres, puis enfin de ce point, les côtoyer en s'en éloignant à des diftances raifonnables, & s'en rapportant à la vue de fois à autre, & faifant côte auffi de temps en temps pour en prendre connoiffance. Etant enfin arrivées par les 5 degrés nord, elles feroient alors route pour aborder la terre de Jeffo, à quelque bon mouillage, où la frégate de 24 canons laiffant celle de 36, iroit à la Découverte des terres de l'Amérique, dont elle parcourroit les côtes en baiffant de latitude jufqu'aux 45 degrés ; & après bonne & due connoiffance prife de ce qui fe trouveroit dans cet espace de terres ou côtes, elle iroit rejoindre la frégate de 36 canons, & de-là elles partiroient toutes deux de conferve pour fe rendre à Canton, prenant leur route foit par l'eft, foit par l'ouest du Japon.

Quand on fuppoferoit que les retards de toutes ces Découvertes & relâches, feroient caufe que les frégates n'arriveroient à Canton, qu'en Octobre & même vers la fin, (ce qui eft bien tout ce qu'on peut fuppofer de plus) elles arriveroient encore affez à temps à la Chine pour y faire une traite favorable. Elles feroient leur départ de la Chine dans le mois d'Avril, ce qui leur donneroit le temps de revoir au retour les endroits de l'Amérique & de l'Afie qu'elles auroient découverts en allant, d'y faire peut-être quelques ventes favorables de leurs marchandises de Chine, même auffi de découvrir de nouveaux endroits dans ces deux parties du monde, & enfin de fe rendre à Copenhague dans le mois d'Août ou de Septembre.

Maintenant il faut fuppofer pour un moment qu'il n'y a point de paffage entre l'Afie & l'Amérique, & que la terre découverte par don Juan de Gafma, que nous regardons comme une des extrémités occidentales de l'Amérique, & qui git, felon certaines cartes, par les 180 degrés de longitude du premier méridien pris fur l'ifle de Fer, & par les 47 à 50 & 55 degrés de latitude nord, touche à la terre de Jeffo par quelque point, laquelle terre de Jeffo nous regardons pour un moment comme l'extrémité orientale de l'Afie.

Dans cette fuppofition, il n'y a rien à changer au temps du départ de Copenhague, ni à la route indiquée pour s'élever jufques par les 85 degrés de latitude, & courir à l'eft jufques par les 180 de longitude du premier méridien pris fur l'ifle de Fer; parce que furement on trouvera cette terre de Gafma, & après en avoir parcouru les côtes pendant un temps toujours dans la vue de quelque commerce, on reviendra en fréquentant les côtes de la terre de Jeffo, après avoir baiffé de latitude depuis la premiere terre connue, toujours dans les mêmes vues de quelque commerce, & l'on ne fera très-affurément pas quatre mois en tout ce voyage, pour être de retour à Copenhague; & qui fait fi par hafard en foutenant par exemple la haute latitude de 85 degrés depuis le point qui a été marqué après le déTome XV.

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part de Copenhague; fi foutenant cette haute latitude jufques par les 180 degrés de longitude & même pouffant toujours au-delà en longitude, on ne feroit pas le tour du pole arctique fans obftacle & fans qu'il fe rencontre de terre, au moyen de quoi on reviendroit à Copenhague en bien moins de temps en laiffant Spitzberg à ftribord, par la même route qu'on auroit faite en partant? Cette Découverte à la vérité ne feroit pas d'une grande utilité actuelle, mais elle donneroit des lumieres fur la queftion du paffage par l'oueft, étant arrivé par les 80 ou 85 degrés nord du départ de Copenhague, & cette route feroit plus courte que par l'eft. Car il peut fort bien fe faire, que ce que nous appellons le pôle arctique, ne foit qu'une étendue de mers fans terre, qui depuis les 90 degrés s'étend en toute la circonférence, jusques par les 85 degrés, ou même les 82 degrés de latitude, fans qu'il fe rencontre de terres.

Comme nous regardons la négative du paffage comme erronée, il nous refte une chofe à dire à laquelle les frégates pourront donner leurs foins pour le découvrir dans leurs routes, fi le temps leur permet; ce feroit de voir fi ce qu'on appelle la mer d'Amour, qui baigne d'un bord les côtes du pays de Giliaki & Niathan, & d'autre bord les côtes de Jeffo, communique avec la grande mer au nord de l'Afie, & forme par ce moyen une ifle de la terre de Jeffo. Car en ce cas, au-lieu de paffer à l'eft de la terre de Jeffo pour aller à la Chine, on pourroit enfiler la mer d'Amour, laiffant la terre de Jeffo à bas-bord ou à l'eft de foi; ce qui abrégeroit le voyage & procureroit peut-être quelque Découverte de commerce utile, foit à la face ou à la côte de l'oueft de la terre de Jeffo, & fi toutes ces parties de Découvertes & d'établiffemens de relâches ne pouvoient pas se faire dans le premier voyage, elles s'acheveroient dans le fecond.

Un des points les plus effentiels pour la réuffite d'une Découverte, eft la confervation de la fanté des équipages: il eft donc d'une néceffité abfolue de ne rien épargner de tout ce qui peut contribuer à la leur conferver, & à éloigner d'eux le plus terrible fléau de la mer, qui eft le fcorbut, ainfi qu'à en garantir la communication, fuppofé que quelqu'un d'entr'eux vint à en être attaqué.

Les précautions générales à prendre à cet égard, font de choisir des hommes fains & robuftes, de bonne volonté & courageux, qui n'aient aucune atteinte antécédente de fcorbut. On doit préférer cent hommes de cette forte à 150 médiocres & de fanté équivoque.

Il faut que les capitaines & officiers les traitent humainement, les nourriffent bien; qu'ils aient foin de les faire égayer par quelque inftrument propre à les faire danfer en rond, qu'ils ne les puniffent que felon les ordonnances, & quand il n'eft pas poffible de s'en difpenfer, les regardant comme leurs enfans, & cependant leur laiffant appercevoir une fermeté raisonnable capable de tenir contre tout complot & toute cabale, que les mutins pourroient former. Car quand un équipage voit que le terme à

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