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à 127 mille livres, & depuis ce temps les Décimes Papales n'ont plus eu

lieu en France.

Pour revenir aux Décimes Royales, on a déja vu que les premieres levées auxquelles on donna le nom de Décime, furent faites fur tous les fujets du Roi indiftin&tement.

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Pour ce qui eft des fubventions fournies par le clergé en particulier, quelques-unes furent appellées aides, & non pas Décimes foit parce qu'elles n'étoient pas du dixieme ou plutôt parce qu'on ne donnoit alors le nom de Décimes qu'aux levées qui fe faifoient pour les guerres faintes.

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Toutes les Décimes & autres fubventions payées par les Eccléfiaftiques, foit pour les guerres faintes, foit pour les autres befoins de l'Etat, ont toujours été levées de l'autorité de nos Rois, & jufqu'au regne de Charles IX, elles fe faifoient fans attendre le confentement du Clergé. Il n'y avoit même point encore d'affemblées particulieres du clergé, telles que celles qui fe font aujourd'hui pour traiter de fes contributions; car les Conciles & les Synodes ayant pour objet les matieres de foi & de difcipline Eccléfiaftique; fi l'on y traitoit quelquefois du temporel de l'Eglife, ce n'étoit que par occafion; ou fi le clergé s'affembloit quelquefois pour délibérer fur les fubventions qui lui étoient demandées, une ou deux affemblées confommoient l'affaire ; & ces affemblées n'avoient rien de fixe, pour le temps de leur féance, ni pour la forme.

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Les premieres Décimes ayant été levées pour des croifades ou guerres faintes, les Papes, pour étendre leur pouvoir, prirent delà occafion de donner des bulles pour approuver ces fortes de levées, comme fi leur permiffion ou confentement eût été néceffaire; ils avoient auffi quelquefois pour but d'obtenir une partie de ces Décimes, ou la permiffion d'en lever quelque autre pour eux.

Nos Rois permettoient la publication de ces bulles, tant par refpe&t & par déférence pour le Saint Siége, que pour engager plus facilement les Eccléfiaftiques à leur fournir les fubventions dont ils avoient befoin; mais elles étoient toujours toutes levées de l'autorité du Roi & par fes Officiers; il y eut même dès lors plufieurs occafions où on en leva de la feule autorité du Roi fans l'intervention d'aucune bulle des Papes, & ceux-ci ont eux-mêmes reconnu folemnellement que nos Rois font en droit de faire de telles levées fur le clergé pour les befoins de l'Etat, fans la permiffion du Saint Siége; & depuis plus de deux fiecles il n'a paru en France aucune bulle des Papes pour autorifer les Décimes & autres fubventions foit ordinaires ou extraordinaires qui fe levent fur le clergé.

Quelques exemples de ce qui s'eft paffè à ce fujet fous chaque regne juftifieront de ce qu'on vient d'avancer.

Nous reprendrons la fuite des faits à Philippe-Augufte, fous lequel il y eut quatre Décimes levées en France.

La premiere fut la dixme faladine en 1188, qui fe leva comme on l'a vu ci-devant, fur toutes fortes de perfonnes.

La feconde fut l'aide qu'il accorda en 1210 à Innocent III guerre que ce Pape avoit contre Othon IV.

› pour la Il y en eut une troifieme à l'occafion d'un fecond voyage d'outre-mer, pour lequel le Pape & le Roi permirent de lever fur toutes fortes de perfonnes le vingtieme de leurs biens. Baudouin, Comte de Flandres, s'étant croisé avec plufieurs Princes & Seigneurs de tous les Etats Chrétiens, au lieu d'aller à la terre fainte, s'étant par occasion arrêté à Conftantinople, prit cette ville, & fe rendit maître de l'empire d'Orient: Innocent III, pour faciliter cette expédition, fe taxa lui-même auffi-bien que les Cardinaux, & ordonna que tous les Eccléfiaftiques payeroient pendant trois ans le vingtieme de tous leurs revenus; il modéra depuis cette taxe au quarantieme, du moins pour les Eglifes de France. Honorius III, fon fucceffeur, dans une lettre par lui écrite aux Archevêques du Royaume en 1217 ou 1218, dit que pour la guerre d'outre-mer, il avoit, dès fon avénement au Pontificat, ordonné la levée d'un vingtieme fur tous les biens du Clergé de France & de tous les autres Etats de la chrétienté; que le Roi qui s'étoit croifé pour la guerre des Albigeois lui demandoit ˇle vingtieme qui devoit fe prendre fur les Eccléfiaftiques de fon Royaume, & après avoir exprimé fon embarràs, ne voulant ni éconduire le Roi ni détourner les deniers de leur destination, il applique la moitié de ce vingtieme pour la guerre d'outre-mer, & l'autre pour la guerre des Albigeois.

Enfin il paroît par les lettres de Philippe-Augufte, de l'an 1214, qu'en faveur de la croifade entreprise par Jean, Roi d'Angleterre, il y eut fous ce regne une quatrieme Décime, que le Roi avoit promis d'employer la quarantieme partie de fes revenus d'une année; que cela fe fit à la priere des croifés & de tout le Clergé; que perfonne ne devoit être exempt de cette contribution, mais que le Roi, en s'engageant d'envoyer ce fecours marqua que c'étoit abfque confuetudine, c'eft-à-dire, fans tirer à confé quence pour l'avenir.

Le regne de Louis VIII qui ne fut pas de longue durée, ne nous offre qu'un feul exemple de levée faite fur le clergé en 1226, & qui fut probablement employé à la guerre des Albigeois.

Depuis ce temps les befoins de l'État fe multipliant, les levées fur le clergé devinrent auffi plus fréquentes.

Les mémoriaux de la chambre des comptes font mention que S. Louis s'étant croisé en 1245, le Pape lui accorda, en cette confidération, premiérement les Décimes de fix années & enfuite de trois autres années.

Innocent IV dans une bulle de l'an 1252, dit qu'il avoit ci-devant accordé à ce prince pour fa délivrance deux Décimes entieres, c'eft-à-dire, qui étoient réellement du dixieme du revenu du clergé, au lieu que la plupart des Décimes étoient beaucoup moindres; le pape ajoute que ces

deux Décimes n'étoient pas encore tout-à-fait payées, & il permet d'achever de les lever en la maniere que le Royaume avifera, à condition que ceux qui avoient payé les deux Décimes ne payeroient rien fur ce nouvel ordre de levée, & que ceux qui payeroient fur ce nouvel ordre, ne payeroient rien des deux Décimes.

Urbain IV accorda, du confentement de S. Louis, à Charles d'Anjou fon frere, Comte de Provence, & depuis Roi de Naples, une autre Décime pour la guerre contre Mainfroy qui avoit ufurpé le royaume de Naples; c'eft ce que l'on voit dans deux lettres écrites par Urbain IV à S. Louis, vers l'an 1263 ou 1264, dans lesquelles le Pape prie le Roi d'avancer à fon frere l'argent qui devoit revenir de cette Décime qui ne pourroit être levée qu'avec beaucoup de temps, ce que l'état des affaires ne permettoit pas d'attendre.

Dans une autre lettre que ce même Pape écrivit encore à S. Louis à peu près vers le même temps, on voit qu'Alexandre IV fon prédéceffeur avoit, du confentement du Roi, impofé un centieme fur le clergé pour la terre-fainte; en effet le Pape prie S. Louis d'aider au plutôt d'une partie de ce centieme Godefroy de Sarcennes qui foutenoit alors prefque feul les affaires d'outre-mer.

Ainfi en moins de 20 ans, S. Louis tira du clergé treize Décimes ou Subventions.

Sous Philippe III, dit le-Hardi, fon fils & fon fucceffeur, il y en eut deux différentes.

L'une fut celle qu'il obtint de Grégoire X au Concile de Lyon en 1274: elle étoit destinée pour la terre-fainte, & fut accordée pour fix années: l'exécution en fut donnée au Cardinal Simon, alors Légat en France qui fut depuis le Pape Martin IV.

L'autre lui fut accordée en 1283 dans une célébre affemblée d'Etats tenus à Paris, où le Roi accepta pour fon fils le Royaume d'Arragon, & prit la croix des mains du Cardinal Cholet, Légat du Pape.

Les longues guerres que Philippe-le-Bel eut à foutenir tant contre Pierre d'Arragon que contre les Flamands, l'Angleterre, & l'Empire, l'obligerent de lever plufieurs Décimes, tant fur le Clergé que fur fes autres fujets. On en compte au moins 21 dans le cours de fon regne, qui fut d'environ 28 années.

On voit dans l'hiftoire de Verdun. que Martin IV accorda à ce Prince une Décime fur toutes les Eglifes du Diocese de Verdun, & de plufieurs autres de l'Allemagne ; & qu'Honorius IV en accorda la quatrieme partie à l'Empereur Rodolphe.

Nicolas IV en accorda une autre à Philippe-le-Bel en 1289 pour la guerre d'Arragon, & fuivant le mémorial Crux, le Roi prêta au Pape le quart des deniers de cette Décime qui n'avoit été accordée qu'à condition que le Pape en auroit 200,000 livres.

Le même mémorial fait mention d'une autre Décime de quatre ans qui fut accordée au Roi pour les affaires d'Arragon & de Valence.

Ce même Prince, pour fubvenir, tant aux frais de la guerre contre les Anglois, qu'aux autres néceffités de l'Etat, fit en 1295 une impofition d'abord du centieme, & enfuite du cinquantieme fur tous les biens du Royaume, tant du clergé du Royaume que fur les autres fujets : ces impofitions ne fe percevoient pas feulement à proportion du revenu, mais du fond des biens-meubles & immeubles, de forte que le centieme du fond revenoit à peu près à la Décime ou dixieme du revenu, & le cinquantieme à une double Décime.

Boniface VIII voulut de fa part lever auffi pour lui une Décime, mais Philippe s'y oppofa, comme on l'a déjà obfervé en parlant des Décimes papales le reffentiment que le Pape en conçut contre Philippe-le-Bel, fit qu'il chercha à le traverfer dans la levée du centieme & du cinquantieme, du moins par rapport au Clergé; ce fut dans cette vue qu'il donna en 1296 la fameufe Bulle Clericis laïcos, par laquelle il défendoit aux Eccléfiaftiques de payer aucun fubfide aux Princes fans l'autorité du faint Siege, à peine d'excommunication dont l'abfolution feroit réfervée au Pape feul. Cette Bulle fit agiter pour la premiere fois fi les biens de l'Eglife étoient tenus de contribuer aux charges de l'Etat. Edouard, Roi d'Angleterre, irrité de ce que le clergé refufoit de lui accorder un fubfide dans la crainte de l'excommunication portée par la Bulle Clericis laicos, fit faifir tous les biens eccléfiaftiques qui fe trouvoient fur les fiefs laïcs : la Bulle n'excita pas moins de murmures en France.

Enfin en 1297, à la priere des Prélats, le Pape en donna une autre datée du dernier Juillet en explication de la précédente, par laquelle après en avoir rappellé la teneur, il déclare que cette conftitution ne s'étend point aux dons, prêts & autres chofes volontaires que les Eccléfiaftiques peuvent donner au Roi, pourvu que ce foit fans aucune contrainte ni exaction; il excepte auffi les droits féodaux, cenfuels, & autres qui peuvent avoir été retenus dans la ceffion des biens eccléfiaftiques, ou autres fervices dûs, tant de droit que de coutume, au Roi ou à fes fucceffeurs, pour la défense générale ou particuliere du Royaume, fe trouvant dans une néceffité preffante la précédente Bulle ne s'étend point à ce cas de néceft; même que le Roi & fes fucceffeurs peuvent demander aux Prélats, & autres perfonnes eccléfiaftiques & recevoir d'eux pour la défenfe du Royaume, un fubfide ou contribution, & que les Prélats & autres perfonnes eccléfiaftiques feront tenus de le donner au Roi & à fes fucceffeurs, foit par forme de quotité ou autrement, même fans confulter le faint Siége, & nonobftant toute exemption ou autre privilege tel qu'il puiffe être. Si le Roi & fes fucceffeurs reçoivent quelque chofe au-delà de ce qui fera néceffaire, il en charge leur confcience. Enfin il déclare que par cette Bulle ni par la précédente, il n'a point eu intention de faire aucune di

minution, changement, ni dérogation aux droits, libertés, franchises, ou coutumes, qui au temps de la premiere Bulle, ou même avant, appartenoient au Roi & au Royaume, aux Ducs, Comtes, Barons, Nobles & autres Seigneurs, ni d'impofer aucunes nouvelles fervitudes ni foumissions, mais de conserver en leur entier ces mêmes droits, libertés, franchises &

coutumes.

Les derniers termes de cette bulle méritent d'autant plus d'attention, que Boniface VIII y reconnoît formellement que l'ufage dans lequel eft le Roi de demander au clergé des fubventions, n'eft point un privilege, mais un droit attaché à la couronne, dont il peut ufer fans confulter le Pape; droit dont nos rois ne fe font jamais dépouillés comme ont pu faire quelques autres Souverains, qui fe font foumis au décret du concile de Latran tenu fous le Pape Innocent III.

Ainfi nos Rois n'ont pas befoin de s'aider de cette feconde bulle de Boniface VIII, ni d'une troifieme qu'il donna l'année fuivante, par la quelle il étendit encore l'exception, au cas où les fubventions feroient levées pour la rançon du Roi, de la Reine, ou de leurs enfans; étant incontestable que nos Rois, par le droit de leur couronne & fuivant les principes du droit naturel, font fondés à lever, comme ils ont toujours fait, fur le clergé de même que fur leurs autres fujets, des fubventions, foit ordinaires ou extraordinaires, toutes les fois que les befoins de l'Etat le demandent.

Après la reconnoiffance authentique faite par Boniface VIII, que le Roi pouvoit fans fon confentement lever des fubfides fur le clergé de France, il lui accorda dans la même année des Décimes, qui continuerent jufqu'en 1300 ou environ.

Benoît XI, fucceffeur de Boniface VIII, accorda encore à Philippele-Bel trois années de Décimes favoir depuis Noel 1304, jufqu'à Noel 1307.

Clément V ajouta d'abord deux années à cette conceffion, ce qui fit cinq années, & par une bulle du 6 Février 1309, il lui accorda encore une année de Décimes.

Indépendamment de ces différentes Décimes accordées par les Papes à Philippe-le-Bel, il en leva encore une autre en 1303 pour la guerre de Flandres; c'étoit alors le fort des démêlés du Roi avec Boniface VIII; auffi cette Décime fut-elle levée de l'autorité feute du Roi fans le confentement du Pape : il avoit écrit des lettres circulaires à tous les Evêques & Archevêques de fon Royaume, pour qu'ils euffent à fe rendre à fon armée de Flandres, & par d'autres lettres du 3 Octobre de la même année, il ordonna que tous archevêques, évêques, abbés, chapitres, coucolleges, & tous autres gens d'Eglife, religieux & feculiers, exempts, ducs, comtes, barons, dames, demoiselles, & autres nobles du Royaume, de quelque état & condition qu'ils fuffent, feroient tenus de lui faire

vens,

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