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Magiftratus, dit Pomponius, qui hafta præeffet, Decemviri in litibus judicandis funt conftituti. On les prenoit en fortant de la quefture, & quoiqu'ils fuffent des magiftrats fubalternes, ils avoient la prééminence fur les Centumvirs, & formoient un tribunal qui connoiffoit des causes tout-à-fait différentes. On créa auffi des Décemvirs à Rome en divers temps, pour le partage des terres : il y en avoit d'autres qu'on appelloit Decemviri facrorum, dont la fonction étoit d'examiner les livres Sybilins, de pourvoir aux jeux Apollinaires, & d'ordonner des prieres.

LA

DÉCENCE, f. f.

:

A Décence eft la conformité des actions extérieures avec les loix, les coutumes, les ufages, l'efprit, les mœurs, la religion, le point d'honneur, & les préjugés de la fociété dont on eft membre d'où l'on voit que la Décence varie d'un fiecle à un autre chez le même peuple, & d'un lieu de la terre à un autre lieu, chez différens peuples; & qu'elle eft, par conféquent, très-différente de la vertu & de l'honnêteté, dont les idées doivent être éternelles, invariables, & univerfelles. Il y a bien de l'apparence qu'on n'auroit pu dire d'une femme de Sparte qui fe feroit donnée la mort, parce que quelque malheur ou quelqu'injure lui auroit rendu la vie méprifable, ce qu'Ovide a fi bien dit de Lucrece :

Tunc quoque jam moriens, ne non procumbat honeflè,

Refpicit hæc etiam cura cadentis erat.

Qu'on penfe de la Décence tout ce qu'on voudra, il eft certain que cette derniere attention de Lucrece expirante répand fur sa vertu un caractere particulier, qu'on ne peut s'empêcher de refpecter.

Se refpecter toujours foi-même & refpecter les autres : cela dit tout. Mais ce refpect, que l'on nomme Décence, a plus particuliérement pour objet l'extérieur. Une parole, un gefte, un regard peut nous avilir. Nous ne devons jamais perdre de vue la nobleffe de notre être; nous devons craindre de nous en rendre indignes. Cette idée fuffit pour nous tenir toujours à la place qui nous eft fixée, jamais au-deffus, jamais au-deffous: l'un & l'autre font également contraires à l'ordre.

Tome XV.

Cc

DÉCENNALES, Fête que les Empereurs Romains célébroient dans la dixieme année de leur regne, & pendant laquelle ils offroient des facrifices aux Dieux, donnoient des jeux aux peuples, & lui faifoient des largeffes.

AUGUS

UGUSTE fut le premier auteur de cette coutume, & fes fucceffeurs

l'imiterent.

Pendant la même fête on faifoit des vœux pour l'Empereur & pour la durée de fon Empire. On appelloit ces vœux vota decennalia.

Depuis le temps d'Antonin-le-pieux, nous trouvons ces fêtes marquées fur les médailles; primi decennales, fecundi decennales; vota fol. decenn. ij. vota fufcept. decenn. iij. ce qui même fert de preuves pour la chronologie. Il paroît que ces vœux fe faifoient au commencement de chaque dixaine d'années, & non à la fin; car fur des médailles de Pertinax, qui à peine régna quatre mois, nous lifons, vota Decenn. & votis Decennal bus.

On prétend que ces vœux pour la profpérité des Empereurs furent fubftitués à ceux que le cenfeur faifoit dans le temps de la République pour le falut & la confervation de l'Etat. En effet ces vœux avoient pour objet, non-feulement le bien du Prince, mais encore celui de l'Empire, comme on peut le remarquer dans Dion, liv. VIII, & dans Pline le jeune, liv. X. ép, zoz.

L'intention d'Augufte en établissant les Decennalia, étoit de conserver l'empire & le fouverain pouvoir, fans offenfer ni gêner le peuple. Car durant le temps qu'on célébroit cette fête, ce Prince avoit coutume de remettre fon autorité entre les mains du peuple, qui rempli de joie, & charmé de la bonté d'Augufte, lui redonnoit à l'inftant cette même autorité dont il s'étoit dépouillé en apparence.

DÉCHIFFRER, v. a. Expliquer un chiffre, deviner le fens d'un difcours écrit en caracteres différens des caracteres ordinaires.

Ly a apparence que le mot Déchiffrer vient de ce que ceux qui ont cherché les premiers, du moins parmi nous, à écrire en chiffres, fe font fervis des chiffres de l'arithmétique; & de ce que ces chiffres font ordinairement employés pour cela, étant d'un côté des caracteres très-connus, & de l'autre étant très-différens des caracteres ordinaires de l'alphabet. Les Grecs, dont les chiffres arithmétiques n'étoient autre chofe que les lettres de leur alphabet, n'auroient pas pu fe fervir commodément de cette mé

thode auffi en avoient-ils d'autres, par exemple les fcytales des Lacédémoniens. Cette efpece de chiffre ne devoit pas être fort difficile à deviner: car 1°. il étoit aifé de voir, en tâtonnant un peu, quelle étoit la ligne qui devoit fe joindre par le fens à la ligne d'en bas du papier: 2o. cette feconde ligne connue, tout le refte étoit aifé à trouver; car fuppofons que cette feconde ligne, fuite immédiate de la premiere dans le fens, fût, par exemple, la cinquieme, il n'y avoit qu'à aller de-là à la neuvieme, à la treizieme, à la dix-feptieme, &c. & ainfi de fuite jufqu'au haut du papier, & on trouvoit toute la premiere ligne du rouleau : 3°. enfuite on n'avoit qu'à reprendre la feconde ligne d'en-bas, puis la fixieme, la dixieme, la quatorzieme, &c. & ainfi de fuite. Tout cela eft aifé à voir, en confidérant qu'une ligne écrite fur le rouleau, devoit être formée par des lignes partielles également diftantes les unes des autres.

Plufieurs auteurs ont écrit fur l'art de déchiffrer; nous n'entrerons point ici dans ce détail immenfe qui nous meneroit trop loin; mais pour l'utilité de nos lecteurs, nous allons donner l'Extrait raisonné d'un petit ouvrage de M. s'Gravefande fur ce fujet, qui fe trouve dans le chap. xxxv de la feconde partie de fon Introductio ad philofophiam, c'eft-à-dire de la Logique. Leyde 1737, feconde édition..

M. s'Gravelande, après avoir donné les regles générales de la méthode analytique, & de la maniere de faire ufage des hypothefes, applique avec beaucoup de clarté ces regles à l'art de déchiffrer, dans lequel elles font en effet d'un grand ufage.

La premiere regle qu'il prefcrit, eft de faire un catalogue des caracteres qui compofent le chiffre, & de marquer combien chacun eft répété de fois. Il avoue que cela n'eft pas toujours utile, mais il fuffit que cela puiffe l'être. En effet, fi par exemple chaque lettre étoit exprimée par un feul chiffre, & que le difcours fût en françois, ce catalogue ferviroit à trouver 1°. les e par le chiffre qui fe trouveroit le plus fouvent; car l'e eft la lettre la plus fréquente en françois : 2°. les voyelles par les autres chiffres les plus fréquens : 3°. les t& les q, à caufe de la fréquence des & & des qui, que, fur-tout dans un difcours un peu long: 4°. les s, à caufe de la terminaison de tous les pluriers par cette lettre; & ainfi de fuite, fuivant les proportions approchées du nombre des lettres dans le françois, trouvées par l'expérience.

Pour pouvoir déchiffrer, il faut d'abord connoître la langue; Viete, il eft vrai, a prétendu pouvoir s'en paffer; mais cela paroît bien difficile, pour ne pas dire impoffible.

Il faut que la plupart des caracteres fe trouvent plus d'une fois dans le chiffre, au moins fi l'écrit eft un peu long, & fi une même lettre eft défignée par des caracteres différens.

A

B

Exemple d'un chiffre latin: a b c d e f g h i k f:lm kg ne

d g

F

C

D

E

i hek f: bce eficlah fc g f g i ne bhf b h i̟ ce

G

H

I

K

kf: fmfpim fhiab c q i b c bicie a cg bf b c b g

L

pig b g r b k d

M

g hikf: smk hitef m.

Les barres, les lettres majufcules A, B, &c. & les ou comma qu'on voit ici, ne font pas du chiffre; M. s'Gravefande les a ajoutés pour un objet qu'on verra plus bas.

Dans ce chiffre on a,

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Ainfi il y a en tout dix-neuf caracteres, dont cinq feulement une fois. Maintenant je vois d'abord que g h i k ffe trouve en deux endroits B, M; que i kf fe trouve encore en F; enfin que he k ƒ(C), & h i k f (B,M), ont du rapport entr'eux.

D'où je conclus qu'il eft probable que ce font là des fins de mots, ce que j'indique par les ou comma.

Dans le latin il eft ordinaire de trouver des mots où des quatre dernieres lettres les feules antépénultiemes different, lefquelles en ce cas font ordinairement des voyelles, comme dans amant, legunt, docent, &c. donc i, e font probablement des voyelles.

Puifque fm f (voyez G) eft le commencement d'un mot: donc mouf eft voyelle; car un mot n'a jamais trois confonnes de fuite, dont deux foient la même : & il eft probable que c'eft f, parce que ƒ fe trouve quatorze fois, & m feulement cinq: donc m eft confonne.

De-là allant à K ou gbfbcbg, on voit que puifque f eft voyelle, b fera confonne dans b fb, par les mêmes raifons que ci-deffus : donc c fera voyelle à caufe de b c b.

Dans Lou gb gr b, b eft confonne; r fera confonne, parce qu'il n'y a qu'une r dans tout l'écrit: donc g eft voyelle.

Dans D ou fc g fg, il y auroit donc un mot ou une partie de mot de cinq voyelles; mais cela ne fe peut pas, il n'y a point de mot en latin de cette efpece: donc on s'eft trompé en prenant f, c, g, pour voyelles donc ce n'eft pas f, mais m qui eft voyelle & fconfonne: donc b eft voyelle, voyez K. Dans cet endroit K, on a la voyelle b trois fois, féparée feulement par une lettre or on trouve dans le latin des mots analogues à cela, edere, legere, emere, amara fi tibi, &c. & comme c'est la

voyelle e qui eft le plus fréquemment dans ce cas, j'en conclus que b eft e probablement, & que c eft probablement r.

er e

J'écris donc I, qibcbieie, & je fais que i, e, font des voyelles, comme on l'a trouvé déjà : or cela ne peut être ici, à moins qu'ils ne représentent en même-temps les confonnes jou v. En mettant y, on trouve revivi: donc i eft v; donc v eft i.

wer

were vi vi

J'écris enfuite ia b c qib cbieie ac, & je lis uterque revivit, les lettres manquantes étant faciles à fuppléer. Donc a eft t, & 9 est 9.

uriu

Enfuite dans E F, ou hfb hiceikf, je lis aifément efuriunt: donc h eft f, k eft n, & ƒ eft t. Mais on a vu ci-deffus que a eft t; lequel eft le plus probable? La probabilité eft pour f; car f fe trouve plus fouvent que a, & t eft très-fréquent dans le latin: donc il faudra chercher de nouveau a & q, qu'on a cru trouver ci-deffus.

On a vu que m eft voyelle, & on a déjà trouvé e, i, u; donc m est a ou o, donc dans G, H on a

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Il est aifé de voir que c'eft le premier qu'il faut choisir, & qu'on doit écrire tot quot funt: donc m eft o, & p eft q. De plus, à l'endroit où nous avions lu mal à propos uterque revivit, on aura tot quot fu er uere vivi; & on voit que le mot tronqué eft fuperfuere; donc a eft p, & q eft t.

Les premieres lettres du chiffre donneront donc per it funt; d'où l'on voit qu'il faut lire perdita funt: donc d eft d, & g eft a.

On aura par ce moyen prefque toutes les lettres du chiffre; il fera facile de fuppléer celles qui manquent, de corriger même les fautes qui fe font gliffées en quelques endroits du chiffre, & l'on lira, perdita funt bona; Mindarus interiit; urbs ftrati humi eft; efuriunt tot quot fuperfuere vivi; præterea quæ agenda funt confulito.

Dans les lettres de Wallis, tome III. de fes ouvrages, on trouve des chiffres expliqués, mais fans que la méthode y foit jointe : celle que nous donnons ici, pourra fervir dans plufieurs cas; mais il y a toujours bien des chiffres qui fe refuferont à quelque méthode que ce puiffe être. V. CHIFFRE.

On peut rapporter à l'art de déchiffrer, la découverte des Notes de Tyron, par M. l'abbé Carpentier; & celle des caracteres Palmyréniens, récemment faite par M. l'abbé Barthelemy de l'Académie des belles-lettres.

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