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dans fa plus grande étendue du feptentrion au midi; fa largeur moyenne eft d'environ 25 à 30 lieues : le Dauphiné contient environ 660 lieues quarrées.

4. A l'égard de la géographie phyfique de cette Province, nous obfervons que l'on divife le Dauphiné en haut & en bas : on appelle haut Dauphiné, la partie Orientale qui est un amas de montagnes avec quelques petites plaines on donne le nom de bas Dauphiné à la partie Ốccidentale ou aux plaines qui bordent le Rhône.

5. Dans la géographie politique, on divife le haut Dauphiné en cinq territoires, qui font, les Baronnies, le Gapençois, l'Ambrunois, le Graifivaudan, le Royanné. Le bas Dauphiné eft divifé en quatre territoires, qui font, le Viennois, le Valentinois, le Diois, le Tricaffin.

Après avoir donné une idée générale de fa géographie phyfique & de fa géographie politique, nous devons préfenter dans cet ouvrage une notice fuffifante des principales parties de chacune de ces divifions. Par exemple, dans la géographie phyfique, nous donnerons une légere notice 1°. de fes montagnes, 2o. de fes lacs, 3°. de fes rivieres, 4°. de fes plaines, 5o. de fes marais. Nous obferverons dans chaque article ce qu'il y a de plus intéreffant 1°. en minéraux, 2°. en végétaux, 3°. en animaux.

6. Nous avons déjà indiqué que la chaîne des hautes montagnes des Alpes coupe d'Orient en Occident une grande partie de cette Province. Le fommet des Alpes eft formé de rochers prefque toujours couvert de neige; le milieu de ces rochers eft ordinairement garni de pins & de fapins : le bas eft en partie cultivé en prairies, terres, &c. Sur le haut des rochers l'on ne trouve que des chamois, des bouquetins, du génipi, le perce-neige, & quelques autres plantes de cette efpece avec quantité de minéraux. En defcendant on trouve la corneille, la patte-rouge, la bortavelle, le faifan, la perdrix blanche, le lievre blanc, quelques merles blancs, le duc, le grand aigle, la marmotte, l'ours, en un mot, des arbres tels que le meleze, l'if, la fabine, le térébinthe, le fuftec, &c. Dans le bas des rochers on trouve abondamment de gras pâturages & des terres très-fertiles, quantité de gibier, de poiffon, &c. En prenant Grenoble pour centre on trouve à une lieue & demie de cette ville, fur les montagnes, toutes les plantes usuelles de la médecine, qui croiffent dans les climats tempérés.

Pour fe former une jufte idée de la minéralogie & des productions végétales du Dauphiné, nous obferverons que les mines y font fi communes, que l'on peut regarder le rocher des Alpes comme un amas de foffilles utiles. 10. L'on y trouve quantité de fontaines minérales. 2°. quantité de fables pour les verreries, &c. 30. des terres favonneufes, des argilles blanches, des ochres jaunes, des terres rouges, violettes, vertes, &c. des marnes, des craies de plufieurs efpeces, des terres à foulon, des grès de toute qualité, l'amianthe, le fpath, des marbres de toute couleur, des quartz, des cryftaux en abondance, des demi-métaux tels que le cobolt, l'anti

moine, le cinnabre naturel, &c. une quantité finguliere de mines de fer, de plomb & de cuivre l'on y exploite actuellement une mine d'argent; l'on y a perdu depuis vingt ans un filon de mine d'or & plufieurs filons d'argent, de cuivre & de plomb, parce que les habitans n'ont la liberté d'exploiter que les mines de fer; le Roi fe réserve les mines fines; ce qui eft caufe que les particuliers qui en découvrent, les cachent, pour en vendre furtivement quelques débris; enfuite les filons fe perdent. Depuis 200 ans la réserve du Roi ne lui a pas produit un fol de profit. M. Hellot de l'Académie des fciences de Paris, a donné dans fon Traité de la fonte des mines, une très-légere notice des mines du Dauphiné,"

Le charbon de terre abonde en ce pays; les ardoises communes y font de médiocre qualité; le gips & le plâtre font communs près de Grenoble : la chaux de Montelimar a la propriété de fe modeler comme le plâtre; on en fait des voûtes, des cuves pour y renfermer la vendange; cette chaux réfifte aux injures de l'air. Les foffilles étrangers à la terre, les ftalactites, les pétrifications, y font très-communs : le rocher de Saffenage eft un amas de coquillages unis par une espece de filex, dont le fable arrondi par les eaux, compose ce que l'on appelle les pierres précieufes de Saffenage: elles ont la forme d'une petite lentille; on les met dans l'œil pour entraîner avec elle par leur poids, les pailles & autres choses qui y font entrées. Le rocher qui foutient la tour de Creft, eft auffi un amas de coquillages pétrifiés. On trouve près de Montelimar, au fommet d'une montagne, dans une couche de fable, une quantité finguliere de grandes coquilles des Indes, huîtres, &c. qui confervent encore leur nacre & leur forme.

Les montagnes couvertes de terre font prefque toutes fertiles en gibier & en bons pâturages; elles font boifées de chênes, de châtaigniers, & d'autres arbres, plufieurs font cultivées comme parmi les Chinois jufqu'au fommet, telle eft la haute montagne de la Matoifine, à deux lieues au midi de Grenoble les habitans y ont formé de petites terraffes foutenues par des murs de pierre feche. Dans les montagnes du Valbonnais, l'on y arrose les terres, elles produifent au moins quinze pour un. Quelques côteaux du Dauphiné produifent d'excellent vin, tel eft celui de Donzere, celui de St. Perez, celui de Thin, d'où l'on tire l'excellent vin blanc, & le vin rouge de l'hermitage. La plupart des autres côteaux produisent du vin médiocre qui fe confomme dans le pays.

A l'égard des lacs du Dauphiné, le plus étendu eft le lac de Paladru qui eft dans la plaine; il a environ une lieue & demie de long & demilieue de large; il abonde en poiffons communs, le plus rare eft l'omble que l'on ne peut y pêcher qu'en Avril & en Septembre. 2°. Le lac du Luz a été formé il y a environ cent ans par l'éboulement de deux rochers. 3°. L'on trouve encore trois lacs à Laffrey à deux lieues de distance de Grenoble. 4°. Les fept eaux au-deffus d'Allevard. Tous ces lacs font

très

très-élevés dans les rochers; ils abondent en perches & en truites. L'on ne parle pas du lac de Lemps, &c. parce qu'ils font peu remarquables. Les rivieres du Dauphiné font 1°. la Romanche qui fe jette dans le Drac. 2o. Le Drac qui s'unit à l'Izere. 3°. L'Izere qui fe joint au Rhône audeffus de Valence. 4°. La Drome. 5°. La Durance qui fe jette également dans le Rhone. L'Izere feule eft navigable, les autres rivieres, telles que le Drac, &c. coulent encore à travers des rochers, & dans le pays du Dauphiné l'on ne fait pas fe fervir des grandes crues pour précipiter le bois & enfuite y former des radeaux & tirer parti des magnifiques pins, fapins, &c. qui croiffent fur le roc près des rivieres.

L'on tente actuellement avec affez de fuccès de dériver les eaux de la Drome & de la Durance, pour en arrofer les terres. Il y a cent ans que l'on dériva les eaux du Rhône & l'on fit le canal de Donzere pour arrofer la plaine auprès de Pierre-Latte mais foit que les eaux du Rhône ayent dégénéré & pétrifié le terrein, foit qu'il y ait eu quelqu'autre inconvénient, ce canal, qui a plus d'une lieue & demie de long, fert à peu de chofe à l'Etat. Les plaines les plus fertiles du Dauphiné, font 1°. celle de Graifivaudan: 2°. celle de la Valoire : 3°. quelques autres petits cantons des plaines qui bordent le Rhône. Celle de Graifivaudan abonde en chanvre, maïs, hautins, fruits, froment, pommes de terre, &c. mais elle eft très-refferrée. Le Roi vient d'alberger la plaine de Champier & les broffailles de Chambaran qui ont près de fix lieues de longueur; on va les défricher & les mettre en valeur.

En général, l'on ne cultive pas la moitié du terrein du Dauphiné, foit parce qu'il eft occupé par des rochers, foit parce que les plaines font féches & fablonneufes, foit enfin parce que les droits feigneuriaux y font exorbitans ou multipliés, fous des noms de pulverage, jouclage, vintain, affouage, & mille dénominations de cette efpece. On peut en partie appliquer au Dauphiné les remarques que nous avons inférées dans l'arti

cle CENS..

Les marais les plus confidérables du Dauphiné font ceux de Bourgoin & de Brangues; depuis long-temps on fe propofe de les deffécher; ce fera un grand bien pour le pays, fi leur terrein étant defféché eft de nature argilleufe.

A la fin du fiecle dernier on trouva 572,318 habitans; en 1764 l'on en comptoit 634,641, outre ce nombre l'on compte dans la Principauté d'Orange qui eft unie actuellement au Dauphiné 11,425 habitans, ce qui fait en tout 645,566 habitans fuivant les calculs de l'intendance.

Nous devons joindre à cette idée phyfique une notice fur le caractere des Dauphinois. En général, ceux qui habitent les montagnes. du haut Dauphiné font très-laborieux, très-économes & très-rufés, parce que la plupart des hommes font, dans le Royaume de France, d'Espagne, &c. le métier de mercier, colporteur, pendant les fix mois que leurs terres font Tome XV.

V

couvertes de neige. Les habitans des plaines ont communément du bon fens & même de l'efprit: mais ils aiment la liberté, le repos, la fociété & la bonne chere; ils ne font ordinairement de grands progrès dans les arts & dans les fciences que lorfqu'ils s'établiffent hors de la Province.

Il eft peu de villes du Dauphiné où l'on ne découvre plufieurs monumens des anciens Romains. L'on a déterré, dans la ville de Vienne & dans le bourg de Thin, des colonnes militaires, &c. A quatre lieues à l'orient de Grenoble au-deffus du village du Touvet, on trouve, fur la face d'un roc escarpé & très-élevé, cette infcription finguliere,

HIC FINES OLLORU M.

Nous nous étendrons peu fur la géographie politique du Dauphiné; nous observerons feulement que fes villes principales font Grenoble, Vienne, Romans, St. Marcelin, Valence, Montelimart, Die, Creft, St. Paul-troischâteaux, le Buis, Gap, Embrun, Briançon & Montdauphin. Le Dauphiné étoit autrefois un pays d'Etats: mais ils ont été fufpendus, en 1628, par un édit qui a établi fix élections. Cette Province eft une des trente généralités du Royaume. La Principauté d'Orange en fait partie; elle a été unie au Dauphiné, par édit du mois de Décembre 1714, regiftré au Parlement de Grenoble le 14 Février 1715, tant pour le gouvernement militaire que pour le reffort de la jurifdiction & le recouvrement des impofitions. Il y a en tout dans le Dauphiné 1213 paroiffes annexes ou fuccurfales, & 1015 communautés : le nom de paroiffe eft ufité pour le fpirituel, & celui de communauté eft employé pour défigner l'adminiftration économique. Le Dauphiné fait partie des fix Provinces Eccléfiaftiques qui font Aix, Arles, Embrun, Befançon, Lyon & Vienne. Dans le Dauphiné il y a un gouvernement pour les militaires. Le Parlement, la Cour des Aides, la Chambre des Comptes, le Bureau des Finances & l'Intendance font fixés à Grenoble qui eft la capitale de cette Province. Vienne & Embrun font Archevêchés. Il y a cinq Evêchés qui font Grenoble, Valence, Die, Gap, & St. Paultrois-châteaux. L'Evêque de Grenoble a confervé le titre de Prince. L'on compte en Dauphiné dix Collégiales, dix Abbayes d'hommes, trois chefs d'ordre qui font l'Abbé de St. Antoine, le Prieur de la grande Chartreuse & l'Abbé de St. Ruf, feptante-cinq couvens d'hommes, cinq prieurés de filles; fept commanderies de Malte, huit féminaires, quatre colleges rentés, douze hôpitaux généraux, dix maladreries, deux univerfités, favoir celle de Valence & celle d'Orange: mais on fe propofe pour le bien public de les réunir à Grenoble, fous les yeux du Parlement.

Le commerce du Dauphiné eft borné à la vente de quelques grains vins, chanvre, bois. Il y a peu de manufactures, les plus confidérables font en fer, en toile. Celles des cartes & des cuirs ont diminué de la moitié depuis la marque des cuirs & des cartes; mais celles en foie ont doublé de produit.

Dans le Dauphiné la taille eft réelle pour le bonheur du peuple; la juf tice fe dirige par les principes fixes du droit Romain, hormis dans les matieres féodales: mais on attend de la bonté du Roi qu'il rétablira l'ordre, en permettant le rachat de tous les droits feigneuriaux, & celui de l'aumône des dixmes. Le Briançonnois eft libre de ces deux efpeces de gangrenes politiques.

HISTOIRE abrégée de la donation du Dauphiné, avec la Chronologie des Princes qui ont porté le nom de Dauphin.

SUIVANT les traités faits en 1343, & 1344, entre Philippe de Valois & le Dauphin Humbert, celui des enfans de France qui étoit appellé à la fucceffion de Humbert, n'y pouvoit prétendre qu'après fa mort, encore n'étoit-ce que fous des conditions dont l'événement étoit incertain; mais le deffein d'entrer en religion, qu'il forma en 1349, rendit inutiles toutes ces clauses. Voulant renoncer au monde & ne fongeant plus à conferver la jouiffance de fes Etats, fon fucceffeur devoit en être mis dès-lors en poffeffion, & y être reconnu pour Souverain. Le Roi n'eut pas plutôt appris la difpofition où il fe trouvoit, & les efpérances qu'il donnoit d'une prochaine abdication, qu'il lui envoya des députés pour le confirmer de plus en plus dans cette réfolution, par de nouvelles offres; ceuxci s'étant rendus à Tournon, y eurent avec Humbert des conférences fecretes, dont on ne fut le résultat que fur la fin du même mois; ce fut alors feulement qu'il déclara le parti qu'il avoit pris & dans lequel il perfifta, malgré les efforts qu'on fit pour l'en détourner. La négociation fut continuée pendant tout le mois de Mars; & l'acte de tranfport reçut la derniere main; il fut figné par le Dauphin & par les Commiffaires du Roi, & du Duc de Normandie. On s'y attacha à fuivre absolument les difpofitions contenues dans les traités précédens, fur-tout à l'égard de la perfonne du fucceffeur. Le choix tomba fur Charles, fils aîné du Duc de Normandie, pour être revêtu dès-lors des droits de la fouveraineté fans referves & fans conditions, fi l'on en excepte la rémiffion des fonds en terres & en argent, qui devoit être faite au Dauphin par le même acte. Il manquoit encore une formalité à ce traité pour être dans toute fa perfection; l'entrevue des parties paroiffoit néceffaire pour donner ellesmêmes un confentement authentique, à tout ce qui avoit été promis en leur nom. On convint d'un rendez-vous à Lyon, au mois de Juillet fuivant, où le Duc de Normandie & Charles fon fils aîné devoient se trouver avec le Dauphin. Ce dernier s'y rendit quelques jours auparavant. Dans une affemblée folemnelle qui s'y tint le 16 de Juillet, à laquelle affiftoit le Duc de Normandie avec plufieurs autres Seigneurs, Humbert fit une ceffion pure & fimple de fes Etats, à Charles fils aîné de ce Duc. Il l'en mit en poffeffion par la tradition du fceptre, de l'anneau, de la banniere

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