Page images
PDF
EPUB

tion & entretien de leurs voitures, inftrumens & outils, ils fe faifoient payer les facilités qu'ils pouvoient avoir pour eux; abus qui n'est pas encore entiérement déraciné.

La feconde confiftoit en ce que la taxe, qui fe paie partie en argent & partie en grains, leur donnoit lieu de faire payer comble par le peuple, de ne vendre que ras au profit du Roi, & de fe faire paffer un déchet dans leurs greniers d'un feizieme fur le bled, & d'un trente-deuxieme fur l'avoine; à quoi Sa Majefté Danoife a remédié en 1763, à la grande fatisfaction de fes peuples, en faisant payer en argent la totalité de l'impofition.

Dès que les receveurs ont fait leur levée d'impôt, dont ils donnent quittance à chaque contribuable, ils dreffent leur compte qui eft justifié par leurs regiftres pour la recette, & par les ordonnances de la chambre des finances pour la dépenfe. Les Baillifs examinent ce compte: il est enfuite présenté à la chambre des finances, à la tête de laquelle eft le Miniftre des finances, & qui eft compofée de deux principaux députés & des affeffeurs d'un ordre inférieur. La chambre nomme des affeffeurs pour examiner le compte. Ils dreffent leurs obfervations, on les communique au receveur qui y répond; on prend enfuite l'avis du Baillif fur le tout, & enfin on juge le compte fur le rapport d'un des membres de la chambre; à moins qu'il ne s'y trouve quelque difficulté à devoir être décidée par le Roi fur le rapport du premier député qui eft le Miniftre des finances & le comptable n'eft déchargé que fur une quittance fignée du Roi, fur le rapport du premier député.

Impofitions fur les consommations.

IL eft néceffaire de diftinguer entre le Danemarc & la Norwege.

La douane, & les droits de confommation & d'accife, font encore en régie dans le Danemarc, & peut-être au détriment des finances de Sa Majefté Danoise puifque les premiers baux qu'on a faits en Norwege, ont augmenté d'un tiers en fus; mais furement au profit du peuple qu'un régiffeur ne preffe pas ordinairement comme un fermier.

En Norwege, la fraude, la contrebande, l'infidélité des commerçans, celle des prépofés, le mauvais choix des employés, fait fouvent par brigue & par follicitation, réduifoit fort au-deffous de leur véritable valeur, les impôts mis fur l'entrée & la fortie des marchandises & denrées, fur la confomption & fur l'accife.

On s'est déterminé en 1748, à donner ces droits à ferme pour dix ans ; en 1758, on les a renouvellés pour fix ans ; & en 1764, on les a pareillement renouvellés pour fix ans.

Chaque Province ou grand bailliage a fes fermes & fes compagnies particulieres pour fes différens diftricts. Les négocians de chaque ville princi

pale fe réuniffent pour former une compagnie; ils fe font, fans y être affujettis par aucune loi, un devoir d'admettre dans leur compagnie, & à proportion de leurs facultés, tous les commerçans capables de fournir sur leur propre bien, une caution de cinq cents rixdales; en forte que fi ces fermes font avantageufes aux fermiers, chaque commerçant eft admis, pour ainfi dire, à en partager l'avantage & le profit, tandis que les frais de régie étant à la charge des fermiers, ils n'y emploient que le nombre de commis néceffaire; aucun n'y eft admis par faveur ou par autorité, & le bénéfice refte dans la Province.

Lorfque ces baux font prêts à expirer. La chambre des finances fait annoncer l'adjudication quelques mois à l'avance, par des placards envoyés aux grands-baillifs, qui font à peu près comme des Intendans des Provinces; ceux-ci les font afficher. Les habitans des principales villes de commerce, fe réuniffent & s'affocient en compagnie. Chaque compagnie doit fe préfenter au grand-baillif, & fans dire le prix auquel elle veut porter la ferme, doit fournir une caution plus que fuffifante, qu'il accepte ou refufe; & la compagnie a même la faculté d'en faire accepter une par interim à Copenhague par la chambre des finances. Les fermes s'adjugent au plus offrant & dernier enchériffeur; l'adjudicataire doit préfenter fa caution reçue, fans quoi, dans la même féance, il feroit procédé à une nouvelle adjudication à fa folle- enchere, & il feroit tenu du deficit entre fon adjudication & la nouvelle faite fur folle-enchere.

Les conditions de ces fermes confiftent,

1o. Dans le droit de lever les impôts avec le même pouvoir que le Roi y employeroit, à la charge de fe conformer au tarif & de compter à la chambre des finances.

2o. De ne faire aucuns changemens aux droits établis, de n'accorder aucune modération & de ne point favorifer l'entrée des marchandises prohibées, à peine d'amende confidérable, ou autres peines fuivant l'exigence des cas.

3o. De porter toutes les caufes concernant les douanes & l'exécution des baux, dans les tribunaux ordinaires, à la charge de l'appel au tribunal du confeil des finances.

4°. Faculté aux fermiers de nommer les directeurs & autres prépofés qui font à leurs gages; fauf que le Roi fe réserve, le choix & la nomination dans chaque ferme, d'un jaugeur de vaiffeaux, d'un pefeur, d'un mefureur, & fur-tout d'un contrôleur qui eft indépendant des fermiers, & dont le devoir confifte à tenir un contrôle exact de leur recette, & d'envoyer fon registre de contrôle, chaque année, à la chambre des finances, comme les fermiers y doivent envoyer auffi leur regiftre de recette.

5°. Et enfin les fermiers doivent payer tous les trois mois, finon ils y font contraints par voie d'exécution militaire.

DANSE, 1. f.

IL L y a des tartuffes qui condamnent généralement tout exercice de Danfe. Je n'ai jamais bien conçu pourquoi l'on peut s'effaroucher fi fort de la Danfe ; comme s'il y avoit plus de mal à danfer qu'à chanter, que chacun de ces amufemens ne fût pas également une infpiration de la nature, & que ce fût un crime de s'égayer en commun par une récréation innocente & honnête. Pour moi, je penfe au contraire, que toutes les fois qu'il y a concours des deux fexes, tout divertiffement public devient innocent par cela même qu'il eft public; au lieu que l'occupation la plus louable eft fufpecte dans le tête à tête. L'homme & la fenime font destinés l'un pour l'autre, la fin de la nature eft qu'ils foient unis par le mariage. Toute fauffe religion combat la nature, la nôtre feule qui la fuit & la rectifie annonce une inftitution divine & convenable à l'homme. Elle ne doit donc point ajouter fur le mariage, aux embarras de l'ordre civil, des difficultés que l'Evangile ne prefcrit pas, & qui font contraires à l'efprit du Chriftianifme. Mais qu'on me dife où de jeunes perfonnes à marier auront occafion de prendre du goût l'une pour l'autre, & de fe voir avec plus de décence & de circonfpection, que dans une affemblée, où les yeux du public inceffamment tournés fur elles, les forcent à s'obferver avec le plus grand foin? Eh! quoi, Dieu eft-il offenfé par un exercice agréable & falutaire, convenable à la vivacité de la jeuneffe, qui confifte à fe présenter l'un à l'autre avec grace & bienféance, & auquel le fpectateur impose une gravité dont perfonne n'oferoit fortir? Peut-on imaginer un moyen plus honnête de ne tromper perfonne, au moins quant à la figure, & de fe montrer avec les agrémens & les défauts qu'on peut avoir aux gens qui ont intérêt de nous bien connoître avant de s'obliger à nous aimer? Le devoir de fe chérir réciproquement, n'emporte-t-il pas celui de fe plaire, & n'est-ce pas un foin digne de deux perfonnes vertueuses & chrétiennes qui fongent à s'unir, de préparer ainfi leurs cœurs à l'amour mutuel que Dieu leur impose?

Qu'arrive-t-il dans ces lieux où regne une éternelle contrainte, où l'on punit comme un crime la plus innocente gaieté, où les jeunes gens des deux fexes n'ofent jamais s'affembler en public, & où l'indifcrete févérité d'un pafteur ne fait prêcher au nom de Dieu qu'une gêne, fervile, la trifteffe & l'ennui? On élude une tyrannie infupportable que la nature & la raifon défavouent. Aux plaifirs permis dont on prive une jeuneffe enjouée & folâtre, elle en fubftitue de plus dangereux. Les tête à tête adroitement concertés prennent la place des affemblées publiques. A force de fe cacher comme fi l'on étoit coupable, on eft tenté de le devenir. L'innocente joie aime à s'évaporer au grand jour, mais le vice eft ami des téncbres, & jamais l'innocence & le myftere n'habiterent long-temps ensemble.

134

S. I.

DANSE SACRÉE.

LA A Danfe facrée eft de toutes les Danses la plus ancienne & la fource dans laquelle on a puifé dans la fuite toutes les autres.

On appelle Danfe facrée, celle que le peuple Juif pratiquoit dans les fêtes folemnelles établies par la loi, ou dans des occafions de réjouiffance publique, pour rendre graces à Dieu, l'honorer, & publier ses louanges.

On donne encore ce nom à toutes les Danfes que les Egyptiens, les Grecs, & les Romains avoient inftituées à l'honneur de leurs faux dieux, & qu'on exécutoit ou dans les temples, comme les Danfes des facrifices, des myfteres d'Iris, de Cérès, &c. ou dans les places publiques, comme les bachanales; ou dans les bois, comme les Danfes ruftiques, &c.

On qualifie auffi de cette maniere les Danfes qu'on pratiquoit dans les premiers temps de l'Eglife dans les fêtes folemnelles, & en un mot toutes les Danfes qui dans les différentes religions faifoient partie du culte

reçu.

Après le paffage de la mer Rouge, Moyfe & fa four raffemblerent deux grands chœurs de mufique, l'un compofé d'hommes, l'autre de femmes, qui chanterent & danferent un ballet folemnel d'actions de graces. » Alors » Marie la prophéteffe fœur d'Aaron, prit un tambour en main, & toutes » les femmes fortirent après elle avec des tambours & des flutes, devant » lefquelles elle entonnoit, difant : chantous à l'Eternel, car il s'eft hau»tement élevé, il a jetté dans la mer le cheval & fon cavalier, a

Ces inftrumens de mufique raffemblés fur le champ, ces chœurs arrangés avec tant de promptitude, la facilité avec laquelle les chants & la Danse furent exécutés, fuppofent une habitude de ces deux exercices fort antérieure au moment de l'exécution, & prouvent affez l'antiquité reculée de leur origine.

Les Juifs inftituerent depuis plufieurs fêtes folemnelles, dont la Danse faifoit une partie principale. Les filles de Silo danfoient dans les champs fuivant l'ufage, quand les jeunes gens de la tribu de Benjamain, à qui on les avoit refufées pour époufes, les enleverent de force fur l'avis des vieillards d'Ifraël, Lib. Jud. cap. ult.

Lorfque la nation fainte célébroit quelque événement heureux, où le bras de Dieu s'étoit manifefté d'une maniere éclatante, les Lévites exécutoient des Danses folemnelles qui étoient compofées par le facerdoce. C'est dans une de ces circonftances que le faint Roi David fe joignit aux Miniftres des autels, & qu'il danfa en préfence de tout le peuple Juif, en accompagnant l'arche depuis la maifon d'Obededom jusqu'à la ville de Bethléem.

Cette marche se fit avec fept corps de danfeurs, au fon des harpes & de tous les autres inftrumens de mufique en ufage chez les Juifs. On en trouve la figure & la defcription dans le premier tome des Commentaires de la bible du P. Calmet.

Dans prefque tous les pfeaumes on trouve des traces de la Danfe facrée des Juifs. Les interpretes de l'Ecriture font fur ce point d'un avis unanime. Exiftimo, dit l'un des plus célébres, in utroque pfalmo nomine chori intelligi poffe cum certo inftrumento homines ad fonum ipfius tripudiantes, & plus bas de tripudio feu de multitudine faltantium & concinentium minimè dubito. Lorin, in pfalm. cxljx. v. 3.

On voit d'ailleurs dans les defcriptions qui nous reftent des trois temples de Jérufalem, de Garifim, ou de Samarie, & d'Alexandrie, bâti par le Grand-Prêtre Onias, qu'une des parties de ces temples étoit formée en espece de théâtre, auquel les Juifs donnoient le nom de chœur. Cette partie étoit occupée par le chant & la Danfe, qu'on y exécutoit avec la plus grande pompe dans toutes les fêtes folemnelles.

La Danfe facrée telle qu'on vient de l'expliquer, & qu'on la trouve établie chez le peuple Hébreu dans les temps les plus reculés, paffa fans doute avec les notions imparfaites de la divinité chez tous les autres peuples de la terre. Ainfi elle devint parmi les Egyptiens, & fucceffivement chez les Grecs & les Romains, la partie la plus considérable du culte de leurs faux dieux.

Celle que les Prêtres d'Egypte inventerent pour exprimer les mouvemens divers des aftres, fut la plus magnifique des Egyptiens. Et celle qu'on inventa en l'honneur du bœuf Apis fut la plus folemnelle.

C'est à l'imitation de cette derniere, que le peuple de Dieu imagina dans le défert la Danfe facrilege autour du veau d'or. S. Grégoire dit que plus cette Danfe a été nombreuse, pompeufe, & folemnelle, plus elle a été abominable devant Dieu, parce qu'elle étoit une imitation des Danfes impies des idolâtres.

Il eft aifé de fe convaincre par ce trait d'hiftoire de l'antiquité des fuperftitions Égyptiennes, puifqu'elles fubfiftoient long-temps avant la fortie du peuple Juif de l'Egypte. Les Prêtres d'Ofiris avoient d'abord pris des Prêtres du vrai Dieu une partie de leurs cérémonies, qu'ils avoient ensuite déguifées & corrompues. Le peuple de Dieu à fon tour entraîné par le penchant de l'imitation fi naturel à l'homme, fe rappella après fa fortie de l'Egypte les cérémonies du peuple qu'il venoit de quitter, & il les imita. Les Grecs dûrent aux Egyptiens prefque toutes leurs premieres notions. Dans le temps qu'ils étoient encore plongés dans la plus ftupide ignorance, Orphée qui avoit parcouru l'Egypte & qui s'étoit fait initier aux myfteres des Prêtres d'Ifis, porta, à fon retour, dans fa patrie leurs connoiffances & leurs erreurs. Auffi le fyftême des Grecs fur la religion n'étoitil qu'une copie de toutes les chimeres des Prêtres d'Egypte.

« PreviousContinue »