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établir un commerce d'actions, afin d'attirer l'argent des autres nations en Danemarc à tout événement. Et vous jugez bien que quand on s'appercevra que les étrangers voudront retirer leurs effets & les profits qu'ils pourroient faire à ce jeu, que la foi publique courra grand rifque. Souvenezvous feulement de ce qui s'eft paffé au Miffiffipi, lorfqu'on s'apperçut que l'argent fortoit du Royaume. Je fuis, &c. «

A Amfterdam le 2 Mai 1728.

A. V. C.

Cette lettre irrita fort ceux qui y étoient intéreffez, & ils engagerent la Cour à en demander fatisfaction; mais la chose étoit publique, & l'auteur ⚫ en étoit inconnu, ainfi cette affaire en refta-là. Mais comme la chofe devenoit sérieuse, & que la Compagnie avoit déjà établi un comptoir à Altena pour recevoir les foufcriptions avec cette infcription én gros caracteres dorez,

CEST ICI LA NOUVELLE MAISON DES INDES

POUR NEGOCIER A TRANQUEBAR, A LA CHINE ET AUTRES

LIEUX.

Les puiffances crurent qu'il étoit temps qu'elles déclaraffent au Roi de Danemarc ce qu'elles en penfoient; le Roi d'Angleterre, en qualité d'Electeur de Hanovre, fit répandre dans Hambourg l'avertiffement fuivant.

GEORGE II, par la grace de Dieu, &c. D'autant qu'il eft affez notoire

quelle Compagnie de commerce aux Indes on a projetté d'établir à Altena & d'en diftribuer des actions, & que, felon toutes les apparences, ce projet s'en ira en fumée, de forte que ceux qui y emploient leur argent, courent grand rifque de le perdre. Nous avons jugé à propos non-feulement de faire publier cet avertiffement, mais auffi de défendre sérieusement à tous nos fujets de nos pays d'Allemagne de faire aucun commerce de ces actions, ni d'y prendre aucune part, fous peine de payer le quadruple de la fomme fixée par cet effet, favoir moitié pour le tréfor Royal; & ceux qui n'auront pas le moyen de payer ladite fomme, feront condamnés aux travaux publics, &c.

On ne s'en tint pas-là; Sa Majefté Britannique s'unit avec leurs HautesPuiffances les Etats-Généraux des Provinces-Unies, contre l'établiffement de cette Compagnie, & le Lord Glenorchi conjointement avec Mr. d'Affendelft, Miniftre de leurs Hautes-Puiffances, présenterent au Roi de Danemarc le mémoire fuivant.

Tome XV.

Mémoires des Miniftres de la Grande-Bretagne & des Provinces-Unies contre la Compagnie d'Altena.

SA Majefté le Roi de la Grande-Bretagne, & leurs Hautes-Puiffances les

Etats-Généraux des Provinces-Unies, prévoyant le tort que la tranflation de la Compagnie des Indes Orientales de Copenhague à Altena fera au commerce de leurs fujets, & s'appercevant avec chagrin, que prefque au moment qu'ils fe donnent tant d'efforts pour empêcher le progrès de la Compagnie d'Oftende, le Roi de Danemarc, leur bon ami & allié, en érige une autre également préjudiciable à leurs fujets, ont ordonné à leurs fouffignez Miniftres, d'en faire des représentations très-humbles à Sa Majefté Danoise, efpérant de l'amitié de Sa Majefté, qu'auffi-tôt qu'elle fera informée du déplaifir que cette nouveauté leur caufe, elle rejettera le privilege accordé en dernier lieu à cette Compagnie, & la laiffera fur l'ancien pied qu'elle avoit toujours fubfiftée à Copenhague. C'eft de quoi les fouffignez Miniftres prient Votre Excellence de faire rapport au Roi, & de leur procurer une réponse favorable. Fait à Copenhague le 31 Juillet 1728.

Signé,

GLENORCHY & ASSENDelft.

Sa Majefté Danoise fit remettre, quelques jours après, une déclaration de fa part fur ce mémoire, à chacun de ces Miniftres : le contenu étoit à peu près le même, Mutatis mutandis.

SA

A Majefté le Roi de Danemarc, de Norwegue, &c. s'étant fait rapporter ce qui a été représenté dans un Mémoire du 31 du paffé, signé par Mylord Glenorchi, Envoyé Extraordinaire du Roi de la GrandeBretagne, & par Mr. d'Affendelft, Réfident de Leurs Hautes-Puiffances, au fujet du prétendu tranfport de la Compagnie des Indes Orientales de Copenhague à Altena, a ordonné de répondre au Lord Glenorchi, que comme Sa Majefté a donné au Roi de la Grande-Bretagne toutes les marques imaginables de fon amitié fincere, & du défir qu'elle a de contribuer de tout fon pouvoir au bien & à l'avantage de Sa Majefté & de fes Sujets, elle efpere auffi que Sa Majefté Britannique en agira de même à fon égard, & ne permettra pas qu'on lui impofe des loix dans une affaire qui regarde le commerce de fes Sujets, & qui fera vue par Sa Majesté Britannique, d'un tout autre ceil, lorfqu'elle apprendra par fon Envoyé, que l'intention de Sa Majesté n'a jamais été de transférer la Compagnie, dont il eft queftion, dans Altena, encore moins d'y en ériger une nouvelle femblable à celle d'Oftende : qu'Elle n'a accordé à cette Compagnie d'autres nouvelles conditions, que celles qui font fondées fur l'ancien octroi,

& fur le droit inconteftable qu'Elle a de négocier aux Indes, de la même. maniere que d'autres Nations le font: Que ce commerce n'a pas commencé d'aujourd'hui, & que l'on en eft en poffeffion depuis plus d'un fiecle, fans y avoir jamais été troublé, & fans que perfonne fe foit donné des mouvemens pour s'y oppofer. Qu'outre cela, on ne fauroit produfre un feul Traité conclu avec Sa Majefté ou avec fes Prédéceffeurs de glorieuse mémoire, qui foit contraire, ou qui porte défense à ce qui a toujours été accordé à cette Compagnie. Qu'ainfi ce qui eft permis à d'autres Puiffances de régler en fait de commerce, le doit être auffi à Sa Majefté, pour le bien de fes Sujets, de forte que l'on ne doute pas que Sa Majefté Britannique étant convaincue des raifons que Sa Majefté a de régler dans fes Etats le commerce de fes Sujets, & fur-tout celui de la Compagnie des Indes dont il eft queftion, fur le pied qu'il a toujours été, & de la maniere qu'on jugera la plus avantageufe pour cette Compagnie, ne quitte fans peine le fentiment contraire qu'on pourroit lui avoir fait concevoir de cette affaire, & qu'au lieu d'y apporter aucun empêchement, Elle foutiendra plutôt Sa Majefté dans fes juftes intentions, & dans les droits inconteftables qu'Elle a eu depuis plus d'un fiecle. C'eft fur quoi Mr. l'Envoyé Extraordinaire eft prié de faire toutes les représentations favorables à fa Cour, & Sa Majefté le fait au reste affurer de fa bienveillance & protection Royale. Fait à Copenhague le 17 Août 1728.

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Cette réponse donna lieu aux délibérations des Puiffances Maritimes. qui firent une affaire commune de s'opposer à l'établiffement d'Altena: ainfi pour informer la Cour de Danemarc de leurs fentimens à cet égard, le Comte de Chefterfield, Ambaffadeur Extraordinaire de la GrandeBretagne auprès de Leurs Hautes - Puiffances, & l'un des plus expérimentés dans les affaires du Cabinet, concerta avec leurs Députés le Mémoire fuivant, qu'ils remirent à Mr. Greys, Envoyé de Sa Maj. Danoife à La Haye.

Copie du Mémoire présenté conjointement par le Comte de Cheflerfield, Ambassadeur de Sa Majesté Britannique, & les Seigneurs Députés de L. H. P. au Miniftre de Danemarc à la Haye, dans une conférence tenue à la maison du dernier.

PRO MEMORIA.

COMME Sa Majefté le Roi de la Grande-Bretagne & les Seigneurs

Etats-Généraux des Provinces-Unies des Pays-Bas ont appris avec beaucoup de déplaifir, qu'en Danemarc, depuis quelque temps, quelques perfonnes

intéreffées fe font donnés de grands mouvemens pour effectuer un nouvel établissement d'une Compagnie des Indes à Altena, ce qui paroît être lo véritable but, quelque nom ou couleur qu'on puiffe donner à ce nouvel établissement, dans lequel on tâche d'engager toutes fortes de négocians, & particuliérement les Sujets de Sadite Majefté & de Leurs Hautes-Puiffances. Elles ont bien pris la réfolution de procéder fuivant toute la rigueur des loix contre ceux de leurs Sujets, qui en contravention des défenfes qui leur ont été faites par lefdites loix, & par les édits émanés dans leurs Royaumes & Etats, voudroient s'intéreffer, ou prendre part dans ce nouvel établiffement, mais en même-temps, après s'être concertés ensemble, ont cru devoir repréfenter conjointement à Sa Majefté le Roi de Danemarc, que Sa Majefté Britannique & Leurs Hautes-Puiffances ne peuvent regarder ce nouvel établiffement, fous quelque couleur ou nom qu'il fe faffe, que comme formé dans le deffein de transférer à la Compagnie Danoife des Indes, & d'enlever aux Compagnies d'Angleterre & de la République une bonne partie du commerce des Indes, & ainsi comme un deffein très-préjudiciable au commerce & à la navigation de leurs Sujets, & comme une entreprise qui pourroit devenir plus dangereufe & dommageable que n'a été l'établiffement de la Compagnie des Indes à Oftende, qui a fait tant de bruit.

Il ne fera pas néceffaire d'examiner en cette rencontre fcrupuleufement fi & jufqu'à quel point cette entreprise feroit foutenable par les droits communs & par les Traités, mais fans entrer dans cette difcuffion on ne pourra certainement point contefter qu'après que la Grande-Bretagne & la république ont eu tant de peine, & ont fait tant de dépenfes, pour obtenir la ceffation de la Compagnie d'Oftende, perfonne qui foit tant foir peu neutre, ne pourra regarder ce procédé de Sa Majefté Danoise à l'égard de ce nouvel établiffement que comme un procédé peu amiable, & entiérement contraire à la confidération que les Princes & Etats Souverains ont accoutumé d'avoir l'un pour l'autre, fur-tout quand on confidere que dans le même temps, & prefque au même moment que Sa Maj. Britannique & Leurs Hautes-Puiffances ont obtenu la fufpenfion de la Compagnie d'Oftende pour fept années, & qu'on eft à l'ouverture d'un Congrès, où entr'autres on doit principalement traiter de la ceffation entiere de la Compagnie des Indes d'Oftende, que juftement dans ce même moment Sa Majefté le Roi de Danemarc a pu fe réfoudre à tâcher de profiter de ces circonftances, & à rendre infructueux par l'établissement d'une Compagnie, ou quelque autre nom qu'on veuille lui donner, tout ce que la Grande-Bretagne & la République ont fait & obtenu jufqu'ici. «

» Certainement on avoit lieu de ne pas s'attendre à un procédé fi extraordinaire & fi peu amiable, fur-tout de la part de Sa Majefté le Roi de Danemarc, quand on réfléchit fur les importantes obligations que la Couronne de Danemarc a tant à la Grande-Bretagne, qu'auffi ci-devant à la

République, & quand on confidere de plus l'amitié & la bonne intelligence qui fubfifte entre les Puiffances, lefquelles dans les temps précédens ont produit un tout autre effet, particuliérement par rapport aux Indes dont le traité du 11 Février 1666, conclu entre Sa Majefté Danoise & L. H. P. peut faire preuve, puifqu'entr'autres Sa Majefté Danoife y avoit promis d'établir tel ordre & précaution, que dans la Compagnie d'Afrique établie à Glukstad, dont il étoit alors queftion: » Il ne feroit admis ni toléré aucune perfonne demeurante dans le reffort de la République, & qu'en cas que ce nonobftant quelque fujet ou habitant des Provinces-Unies vint » à avoir part à la fufdite Compagnie Danoife d'Afrique, que le capital » qu'il y auroit, foit directement, foit fous fon nom, ou fous le nom de » l'un ou l'autre fujet de Sa Majesté, ou autrement, feroit auffi-tôt confis» qué. • D'où il paroît que la bonne intelligence & l'amitié qui fubfiftoient alors, ont produit un tout autre effet qu'elles ne produifent préfentement dont Sa Majefté Britannique & Leurs Hautes-Puiffances croient avoir jufte raifon de fe plaindre. «

·

Puis donc que ce nouvel établiffement d'une Compagnie des Indes à Altena, fous quelque nom que ce puiffe être, feroit fi préjudiciable au commerce des Compagnies des Indes Angloife & Hollandoife, & fi contraire aux regles d'amitié & de bonne intelligence, & à la confidération que les Princes & Etats Souverains font accoutumez d'avoir réciproquement l'un pour l'autre. Sa Majefté le Roi de la Grande-Bretagne & les EtatsGénéraux ne pourront fe difpenfer d'être contraires & de s'oppofer à cet établissement par toutes les voyes & moyens légitimes qu'ils pourront employer fans donner atteinte aux décrets ou au Droit des Gens. Ils efperent que Sa Majefté le Roi de Danemarc, fuivant fa grande fageffe & équité, voudra bien réfléchir fur les inconvéniens qui en pourroient réfulter, & qui pourroient donner occafion à des méfintelligences contraires à l'amitié & aux intérêts mutuels. C'eft pourquoi Sa Majefté Britannique & Leurs Hautes Puiffances, ont cru devoir repréfenter conjointement à Sa Majesté Danoise, que cette affaire leur tient extrêmement à cœur, & qu'elles fouhaitent ardemment qu'elles ne foient pas pouffées plus loin, mais qu'on faffe ceffer ce nouvel établissement d'une Compagnie des Indes à Altena, fous quelque nom que ce puiffe être. «<

» Et comme le Lord Glenorchi, Ambaffadeur de Sa Majefté Britannique auprès de Sa Majefté le Roi de Danemarc, eft à préfent en Angleterre, d'où il doit fe rendre en peu de temps à Copenhague, de forte que pour le préfent il ne pourroit point exécuter les ordres qu'il a fur ce fujet, en même temps que le Miniftre de Leurs Hautes-Puiffances, qui y eft, pourra le faire; que pourtant il est néceffaire qu'on voie l'union des fentimens de Sa Majefté Britannique & de Leurs Hautes-Puiffances fur ce fujet, pour diffiper les bruits qu'on répand de toutes parts, comme fi Sadite Majefté & Leurs Hautes-Puiffances ne prendroient point cette affaire également à

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