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juger seule les contestations sur la validité des pouvoirs de ses députés particuliers, consentant à ce qu'il puisse être statué d'une manière uniforme, dans les trois chambres, sur les difficultés relatives aux dépu tations entières, et à ce qu'en cas de non-conformité, l'on s'en remette à l'arbitrage du roi. Le tiers-état a résolu d'attendre, pour délibérer avec une plus grande maturité et une meilleure instruction dans une circonstance si importante, la fin des conférences et la clôture de leur procès-verbal. Cette quatrième conférence laisse encore tout en suspens.

9. La cinquième conférence se réduit à l'approbation du procès-verbal des précédentes conférences, avec réserve du clergé touchant le mot communes, et avec protestation de la noblesse contre cette qualification.

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10. Les députés du tiers-état, qui persistent à s'intituler députés des communes, décident qu'ils ne peuvent plus attendre dans l'inaction le concours des classes privilégiées, sans se rendre coupables envers la nation; ils adressent aux députés du clergé et de la noblesse une dernière invitation de venir dans la salle générale assister et prendre part à la vérification des pouvoirs respectifs, déclarant en outre qu'il sera procédé à cette vérification tant en présence qu'en l'absence des députés des classes privilégiées.

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12. Les députés du clergé et de la noblesse ne se rendent pas à l'invitation que les députés du tiers leur ont adressée l'avant-veille. Ceux-ci s'établissent pour la vérification des pouvoirs tant des absents que des présents. Ce jour commence le procès-verbal de l'assemblée.

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du clergé, et vont siéger avec les députés des com

munes.

15. La chambre de la noblesse transmet au roi un arrêté par lequel elle n'adopte qu'avec des restrictions le plan que viennent de proposer les ministres, afin de concilier les différents des deux premiers ordres avec le tiers-état sur la vérification des pouvoirs en commun ( V. 6 mai ). Réponse du roi : « J'ai examiné l'ar«rêté de l'ordre de la noblesse; j'ai vu avec peine qu'il <«< persistait dans les réserves et les modifications qu'il << avait mises au plan de conciliation proposé par mes <«< commissaires. Plus de déférence de la part de l'ordre <<<< de la noblesse aurait peut-être amené la conciliation « que j'ai désirée. »

16. Le projet de conciliation des commissaires royaux, accepté par le clergé, repoussé par la noblesse, et sur lequel le tiers-état ne s'est point expliqué ( V. les 4,6), a reçu l'approbation définitive du roi. «Je désap<<< prouve, dit ce prince dans une lettre au tiers, l'ex« pression répétée de classes privilégiées que le tiers<<< état emploie pour désigner les deux premiers ordres. « Ces expressions inusitées ne sont propres qu'à en<<< tretenir un esprit de division absolument contraire à << l'avancement du bien de l'état, puisque ce bien ne « peut être effectué que par le concours des trois or<<< dres qui composent les états-généraux, soit qu'ils « délibèrent séparément, soit qu'ils le fassent en com«mun. La réserve que l'ordre de la noblesse avait <«<< mise dans son acquiescement à l'ouverture de con<«<ciliation faite de ma part ne devait pas empêcher <«<l'ordre du tiers de me donner un témoignage de dé«férence. L'exemple du clergé, suivi par celui du tiers, <<< aurait déterminé sans doute l'ordre de la noblesse à « se désister de sa modification. Je suis persuadé que

<«< plus l'ordre du tiers-état me donnera de marques <<< de confiance et d'attachement, et mieux ses démar«ches représenteront les sentiments d'un peuple que << j'aime et dont je ferai mon bonheur d'être adoré. » De tous les Français qui influent sur les destinées de l'empire, et désirent sa régénération avec ardeur et sincérité, le souverain est celui qui paraît s'y porter dans l'abnégation de ses intérêts particuliers, dans le renoncement à ses jouissances personnelles. Les chefs de la majorité du clergé, les chefs de la majorité de la noblesse, sont plus jaloux de conserver les attributs de leur prépondérance avec leurs prérogatives exclusives que de concourir aux améliorations que réclame l'avantage et même le salut de la patrie commune. Parmi les députés qui dominent l'opinion de leurs collègues du tiers-état, Mirabeau, Syeyès, quelques affidés du duc d'Orléans, conçoivent déjà le dessein d'entretenir les troubles du royaume, pour satisfaire leur ambition, leur cupidité ou leur orgueil blessé; d'autres, Bailly, Lafayette, Thouret, Barnave, Grégoire, emportés par des idées abstraites de bien public, séduits par des systèmes généraux de rénovation politique, se montrent empressés d'en faire l'application sur une nation dégradée et corrompue depuis tant de siècles par un mauvais gouvernement, comme s'il suffisait de présenter à cette nation la robe de l'innocence pour lui redonner cet état.

Mais, entre tous les ennemis de la chose publique où ceux qui l'envisagent sous de faux rapports, il n'en est pas de plus dangereux que les courtisans de Versailles, avec leurs subordonnés ou leurs complices à Paris harceler, fatiguer par d'innombrables difficultés de détails, semer les intrigues, disposer de petits piéges, voilà leur talent particulier et leur

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soin de chaque jour; l'étiquette de la cour devient pour eux un moyen hostile dont ils aimeront à faire usage. Croira-t-on que le cérémonial des audiences faisait l'une des graves difficultés agitées dans le conseil du roi? Le garde des sceaux Barentin, voulant prouver aux membres du tiers-état combien on leur rendait d'égards, retraçait les anciennes coutumes, et leur rappelait que, de temps immémorial l'usage du tiers-état était de présenter ses doléances le genou ployé, faisant valoir les gracieuses concessions accordées relativement à ce cérémonial antique et solennel. Ce principal agent dans l'ordre politique et dans l'ordre judiciaire insistait sur l'importance d'une différence très marquée dans la réception que doit faire la majesté royale aux commissaires des trois ordres; on affectait chez lui certaines distinctions, d'ouvrir les deux côtés de la porte au clergé, celui de la droite aux nobles, celui de la gauche à messieurs du tiers. Quelle distance du garde des sceaux Barentin au chancelier L'Hôpital? Le 2 mai, les députés des trois ordres ayant été présentés au roi, la noblesse et le clergé furent reçus dans le cabinet; le tiers état ne fut admis que dans un avant-salon. On remarqua la phrase suivante dans le sermon d'apparat prêché le 4 mai par l'évêque ́de Nanci, du nom de Lafare: «Sire, recevez les <<< hommages du clergé, les respects de la noblesse, <<< et les très humbles supplications du tiers-état. » Par de semblables distinctions, on irritait l'orgueil des membres du tiers, en humiliant avec une affectation puérile ceux qu'on regardait comme d'obscurs plébéiens, et, sans faire attention à leur qualité de représentants de la presque-totalité de la nation, on enflammait des ressentiments dont la plupart,

enfin, devenaient légitimes, par cela même qu'on se plaisait à les exciter.

A voir la conduite de la cour dans ces pressantes conjonctures, on ne saurait douter qu'elle ne veuille rendre les états-généraux de 1789 illusoires, comme le furent ceux de, 1614; qu'elle n'ait le dessein de leur laisser consumer leur temps, user leurs forces dans de longs débats parlementaires, pour les dissoudre ensuite par un coup d'autorité (V. 24 août 1788). C'est ainsi qu'on s'est conduit à l'égard des parlements. La cour est assez peu clairvoyante pour ne pas discerner la différence qui se trouve entre l'importance de ces cours et celle d'une assemblée des élus de la nation, après une aussi vive fermentation politique et un aussi rapide développement de l'esprit public. Si la cour parvient à disperser les états, elle démontrera par les faits euxmêmes que ces réunions solennelles ne peuvent jamais amener que de fâcheux résultats. Mais, dès 1787 déjà, et quand le parlement de Paris en eut appelé aux états-généraux, de tels projets n'étaient plus possibles; la masse entière de la nation était ébranlée par l'impulsion qu'elle venait de recevoir; la nation réclamait d'une voix unanime les états-généraux; la résistance à ses désirs eût rendu le choc plus terrible, et précipité la catastrophe que la cour voulait prévenir.

16-17.-Jusqu'à ce jour, les séances des trois chambres ont été absorbées dans les débats préliminaires qui, vu la nature des objets en litige et l'opiniâtreté des contendants, semblent interminables. Les membres du tiers-état, après avoir vérifié les pouvoirs de toutes les députations, malgré l'absence des membres

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