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serons le portrait de cet homme fameux, qui exerça une si grande influence sur les destinées de la nation française, dès les premiers jours de la révolution.

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4 FÉVRIER. Le roi se rend dans la salle de l'assemblée nationale, accompagné de ses ministres et sans cérémonial; il dit : « La gravité des circonstances où << se trouve la France m'attire au milieu de vous. Le re<< lâchement progressif de tous les liens de l'ordre et de <<< la subordination, la suspension ou l'inactivité de la « justice, les mécontentements qui naissent des priva<«<tions particulières, les oppositions, les haines mal<< heureuses qui sont la suite inévitable de longues dis<< sensions, la situation critique des finances et les in<«<< certitudes sur la fortune publique, enfin l'agitation « générale des esprits, tout semble se réunir pour en<< tretenir l'inquiétude des véritables amis de la prospé« rité du royaume. Un grand but se présente à vos << regards; mais il faut y atteindre sans accroissement << de troubles et sans nouvelles convulsions. C'était, je << dois le dire, d'une manière plus douce et plus tran<< quille que j'espérais vous y conduire, lorsque je formai « le dessein de vous rassembler et de réunir, pour la « félicité publique, les lumières et les volontés des <<< représentants de la nation. Nonobstant l'affaiblisse<<<ment de tous les moyens d'autorité, j'ai maintenu le <<< royaume, non pas, il s'en faut bien, dans le calme « que j'eusse désiré, mais dans un état de tranquillité <<< suffisante pour recevoir le bienfait d'une liberté sage << et bien ordonnée... J'ai conservé la paix au dehors... « Après vous avoir ainsi préservés de grandes calamités <«<< qui pouvaient si aisément traverser vos soins et vos << travaux, je crois le moment arrivé où il importe à « l'intérêt de l'état que je m'associe d'une manière

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<<< encore plus expresse et plus manifeste à l'exécution « et à la réussite de tout ce que vous avez concerté <«<< pour le bonheur de la France. Je ne puis saisir une « plus grande occasion que celle où vous présentez à << mon acceptation des décrets (V. 15 janvier) destinés « à établir dans le royaume une organisation nouvelle << qui doit avoir une influence si importante et si pro<< pice sur le bonheur de mes sujets et sur la prospé«rité de cet empire. Vous savez qu'il y a plus de dix « ans, j'avais commencé à substituer ce genre d'admi<<nistration à celui qu'une ancienne et longue habitude << avait consacré. Je favoriserai, je seconderai par tous <«<les moyens qui sont en mon pouvoir le succès de <<< cette vaste organisation dont dépend le salut de la « France... Que les vrais citoyens y réfléchissent, et << ils verront que, même avec des opinions différentes, « un intérêt commun doit les réunir aujourd'hui..... « Qu'ils s'empressent de prendre part aux différentes << subdivisions de l'administration générale, dont l'en<<< chaînement et l'ensemble doivent concourir efficace<<<<ment au rétablissement de l'ordre et de la prospérité << du royaume. Nous ne devons point nous le dissi<< muler, il y a beaucoup à faire pour arriver à ce but. « Un jour, j'aime à le croire, tous les Français indis

tinctement reconnaîtront l'avantage de l'entière sup«pression des différences d'ordre et d'état, lorsqu'il « est question de travailler en commun au bien public. « Je défendrai donc, je maintiendrai la liberté consti<< tutionnelle dont le vœu général, d'accord avec le « mien, a consacré les principes.... ; je préparerai de « bonne heure l'esprit et le cœur de mon fils à re<<< connaître toujours, malgré le langage des flat<«<teurs, qu'une sage constitution le préservera des « dangers de l'inexpérience..... En achevant votre

<< ouvrage, vous vous occuperez sûrement, avec sagesse <«<et avec candeur, de l'affermissement du pouvoir « exécutif, cette condition sans laquelle il ne saurait <«<exister aucun ordre durable au dedans, ni aucune «< considération au dehors. Nulle défiance ne peut rai<<< sonnablement vous rester..... Donnez à la nation « l'exemple de cet esprit de justice qui sert de sauve<< garde à la propriété.... Par quelle fatalité, lorsque <«<le calme commençait à renaître, de nouvelles in<< quiétudes se sont-elles répandues dans les provinces? « par quelle fatalité s'y livre-t-on à de nouveaux « excès? Il est temps d'apaiser toutes les inquiétudes. <«<< Puisse cette conjoncture, où votre monarque vient << s'unir à vous de la manière la plus franche et la plus « intime, être une époque invariable dans l'histoire « de cet empire !... Ne professons tous, je vous en <<< donne l'exemple, qu'une seule opinion, qu'un seul «< intérêt, qu'une seule volonté : l'attachement à la <«< constitution nouvelle et le désir ardent de la paix, <<< du bonheur de la France... >>

Louis XVI avait dit précédemment qu'il approuvait l'entière suppression des différences d'ordre et d'état : n'y avait-il pas une sorte d'inconséquence à dire, dans la mémorable séance du 4 : « J'aurais bien des pertes << à compter, si je m'arrêtais à des calculs personnels... << Tout ce qui rappelle à une nation l'ancienneté et la «< continuité des services d'une race honorée est une <<< distinction que rien ne peut détruire. Ceux qui ne for<< meront plus un ordre politique dans l'état se trou<<< vent soumis à des sacrifices dont je counais toute « l'importance. » N'était-ce pas, en quelque manière, protester contre l'abolition de la noblesse, des distinctions et des titres?

Le roi sort de la salle, au fracas des applaudisse

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ments et des acclamations. L'assemblée jugeant que le moment où la constitution vient de recevoir l'acceptation la plus solennelle du monarque est le moment. de prononcer le serment civique, par lequel tout Français se lie à cette constitution, on procède aussitôt à l'appel nominal, et chaque député jure d'être fidèle à la nation, à la loi, au roi, et de maintenir de tout son pouvoir la constitution décrétée par l'assemblée nationale et acceptée par le roi. Mais que sont des vivats et des serments pour des Français? ne les prodiguerontils pas durant vingt-cinq années encore, qui seront, à l'exception de quelques rares et courts intervalles, vingt-cinq années de désordres, de licence ou de servitude? Bergasse refuse seul de prêter le serment. « J'obéis à la loi quand elle est sage, écrit-il à l'assem«blée, comme j'obéis à ma raison; je m'y soumets « quand elle ne l'est pas, comme je me soumets à la « nécessité; mais je ne jure de maintenir que ce qui « est juste, et si, par hasard, ce qui m'a paru juste << un jour m'est démontré injuste le lendemain, je le << renverse comme je l'avais maintenu. » Bergasse raisonnait mal et avançait un principe révolutionnaire : car si un citoyen, un sujet, s'attribue le droit de renverser la constitution de l'état après avoir juré de la maintenir, et s'il lui suffit pour avoir ce droit que ce qui lui a paru juste un jour lui soit démontré injuste le lendemain, ce sujet se met évidemment au-dessus des lois et de la constitution de l'état. Dans cette circonstance, la probité politique de Bergasse fut dominée par son amour-propre; le dépit de ne jouer qu'un rôle secondaire dans l'assemblée nationale l'égara au point de lui faire professer une maxime subversive de l'ordre social. Connu par ses démêlés avec Beaumarchais ( qui l'accabla de ridicule dans le procès Kornman), Ber

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gasse avait été, dans ses écrits, un des provocateurs de la révolution; mais, dès les événements du mois de juillet 1789, il se prononça fortement contre les nouveaux principes, et conserva toujours depuis le même système d'opposition. Après avoir fait, comme tous les hommes libres de 1789, hommage de sa soumission et de son admiration à Napoléon, M. Bergasse se rangea, en 1814, du côté de l'ancien régime, et professa ouvertement les doctrines du pouvoir absolu.

C'est précisément à cette époque où les opinions devraient s'adoucir, les dissentiments perdre de leur violence, que les folliculaires et les harangueurs de la démagogie redoublent leurs invectives contre l'autorité, le caractère et la famille du monarque; que, d'un autre côté, les menaces des partisans de l'ancien régime se produisent à la cour avec une plus vaine ostentation!

Le lendemain de cette séance, où la simplicité du monarque fait un contraste si remarquable avec l'odieux appareil des lits de justice, les ministres écrivent à l'assemblée pour témoigner le désir que, dans le procès-verbal, il ne soit pas fait mention de la manière dont Louis XVI s'y est rendu. Un ministre servilement adorateur de l'étiquette, une cour pleine de misérables intrigues, une assemblée hautaine conduite par une poignée de factieux, une multitude enivrée de licence, l'armée brisant le frein de la discipline, les lois répressives sans vigueur, et les magistrats avilis : voilà la, France!!!

13.-D'après un décret constitutionnel, rendu suivant le projet de l'abbé de Montesquiou, la loi ne reconnaîtra plus de vœux monastiques solennels de personnes de l'un ni l'autre sexe : en conséquence, les

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