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ART. 1. bomme le jugement des petits procès et la conciliation des plus grands; à avoir placé sous sa main la tutelle des intérêts de fa

1807 a sagement décidé qu'il ne pourrait être pris d'inscription qu'à défaut de payement de l'obligation après son échéance ou son exigibilité, à moins de stipulation contraire.

L'art. 14 c. pr. civ. est ainsi conçu : « Lorsqu'une des parties déclarera vouloir s'inscrire en faux, déniera l'écriture ou déclarera ne pas la reconnaître, le juge de paix lui en donnera acte : il parafera la pièce, el renverra la cause devant les juges qui doivent en connaître. » — Sous l'empire de la législation actuelle, une demande en reconnaissance d'écriture peut-elle, dans les limites de la compétence des juges de paix, être portée devant eux, sauf à eux à ne statuer que s'il n'y a ni inscription de faux, ni déni d'écriture, ni déclaration de non-reconnaissance? majorité de votre commission ne l'a pas pensé. Elle s'est fondée sur ce que les formes de la procédure en vérification d'écriture sont spécialement déterminées, pour tous les cas, par le titre dixième du second livre du code de procédure civile, livre qui est applicable, non aux justices de paix, mais aux tribunaux de première instance.

La

37. La question étant ainsi résolue, fallait-il attribuer aux juges de paix, dans les limites de leur compétence, les demandes en reconnaissance d'écriture? La minorité de votre commission s'y est opposée. Elle a craint d'encourager des procédures frustratoires, et d'exciter à prendre un premier jugement d'avération d'écriture préalablement à un jugement de condamnation. Elle a ajouté que, s'agissant de sommes minimes, l'obtention de ces jugements préliminaires serait sans intérêt pour les parties auxquelles, d'ailleurs, les tribunaux civils sont ouverts pour les cas très-rares où elles auraient un véritable intérêt à cette procédure; on a dit enfin que le juge de paix restant obligé, si l'on maintient l'art. 14 c. pr. à se dessaisir de l'incident toutes les fois qu'il n'y aura pas reconnaissance de la part du défendeur, on rendra presque toujours necessaires deux jugements, dans deux juridictions différentes, pour arriver au seul résultat de savoir si l'écriture sera ou non tenue pour re

conrue.

La majorité de la commission a pensé qu'il n'y a point de motifs suffisants pour exclure de la juridiction des juges de paix les demandes en reconnaissance d'écriture, lorsque, par ses causes, elle rentre dans celle juridiction. C'est introduire des difficultés dans la connaissance des lois, et compliquer leur application pratique, que de les surcharger de dispositions exceptionnelles. Lorsqu'on a fixé jusqu'à une certaine somme la juridiction des juges de paix, il faut que cette juridiction soit pleine et entière, et qu'elle atteigne tous les cas. On ne doit pas craindre que les frais se multiplient, puisqu'ils sont à la charge du demandeur, et ne peuvent être répétés contre le débiteur que lorsqu'il aura dénié sa propre signature. Les objections contre la disposition demandée vont trop loin; elles portent contre la procédure même en reconnaissance d'écriture, dont l'utilité a cependant toujours été admise, et qui s'est constamment maintenue dans nos lois.

38. La commission de la chambre des députés, chargée de l'examen du projet d'organisation judiciaire, avait d'abord été jusqu'à proposer que, dans le cas où l'écriture serait déniée ou non avouée, et où la cause serait en dernier ressort, le juge de paix procédât ou fit procéder à la vérification, ainsi qu'il l'arbitrerait, sans toutefois pouvoir, en aucun cas, connaître de l'inscription de faux. Plusieurs cours royales et la cour de cassation ont fait remarquer que, même pour les faibles sommes, la vérification d'écritures ne pouvait pas être laissée à la décision du juge de paix, que ce sont des questions souvent très-difficiles à apprécier; que l'honneur des parties y est intéressé gravement ; qu'enfin ces sortes d'affaires ne peuvent être jugées hors de la présence du ministère public qui y découvre souvent des présomptions de faux. Ces motifs avaient fait impression sur la commission elle-même chargée de l'examen du précédent projet. Elle avait, dans la rédaction nouvelle que le retrait de ce projet l'a empêchée de vous soumettre, maintenu dans toute son étendue l'application de l'art. 14 c. pr. civ. Son système a été le nôtre; c'est celui que nous vous proposons d'adopter.

59. Art. 5 (2 du projet). L'art. 2 du projet désigne les objets sur lesquels les juges de paix connaissent sans appel jusqu'à la valeur de 100 fr.; et, à charge d'appel, jusqu'au taux de la compétence en dernier ressort des tribunaux de premiere instance, les art. 5 et 4 du projet désignent les objets dont ils connaissent jusqu'à 100 fr., également en dernier ressort; et, à charge d'appel, à quelque valeur que la demande puisse s'élever; l'art. 5 désigne les objets dont le juge de paix ne connait qu'en premier ressort seulement.

La compétence fixée par l'art. 5 (2 du projet) est relative: 1° Aux dépenses d'hôtellerie et pertes d'effets déposés dans les auberges et hôtels. Le projet prévoyait ces contestations entre les voyageurs et les aubergistes. Votre commission pense qu'il faut ajouter la mention spéciale des locations en garni, à l'égard desquelles se présentent les mêmes raisons de décider, et auxquelles la rédaction du projet aurait pu ne pas paraître applicable, puisque le texte de l'article ne parlait que des voyageurs; 2 Aux retards, frais de route et perte d'effets accompagnant les voyageurs, lorsque les contestations s'élèvent à ce sujet entre les voyageurs, d'une part, et les voituriers ou bateliers, d'autre part. Les constesta

--

tions prévues par cet article peuvent s'élever à des sommes considérables. Il ne faut pas que les juges de paix en connaissent, mème en premier ressort, à quelque valeur qu'elles puissent monter; car ce serait soustraire à la connaissance des cours royales des litiges souvent fort importants. Mais en n'attribuant aux juges de paix que les procès dont les tribunaux de première instance peuvent connaitre en dernier ressort, on ne prive point les parties du droit de recourir à ces tribunaux; et comme l'expérience demontre que, très-fréquemment, des jugements, même en premier ressort, ne sont pas frappés d'appel, on laisse à tous ceux qui voudront s'en tenir à la décision du juge de paix la facilité d'être jugés plus promptement et à moins de frais, dans une matière qui gagne beaucoup à être terminée sur place et avec célérité, et qui est de nature à se terminer habituellement par un arbitrage impartial.

40. Une question qui n'est pas sans gravité s'est élevée sur cet article. Fallait-il, notamment en ce qui concerne les dépenses d'hôtellerie, attribuer juridiction au juge de paix du lieu où la défense a été faite? La minorité de votre commission l'aurait désiré. Elle a fait valoir avec force l'utilité d'une décision prompte, et de la connaissance des usages locaux. La majorité a objecté à cette proposition qu'elle ferait courir le risque do mettre souvent les voyageurs à la discrétion des hôteliers et des aubergistes; que surtout, quelle que pût être la célérité du jugement, ce serait exposer les voyageurs à des retards qui pourraient quelquefois lear être fort préjudiciables; qu'il ne faut pas s'écarter de la règle de droit qui oblige d'assigner tout défendeur à son domicile; que la législation actuelle ne présente, dans l'usage, aucun inconvénient; que la demande en remise d'effets, s'ils sont retenus par l'aubergiste, sera portée au domicile de l'aubergiste; que, s'il s'agit d'une demande formée par celui-ci en payement de dépenses, il continuera, comme par le passé, à porter son action au domicile de son débiteur.-Une considération, en quelque sorte préjudicielle, a terminé ce débat. C'est qu'il s'agit d'une loi qui détermine la compétence à raison de la matière, et non d'une loi destinée à entrer dans de nouveaux règlements de juridiction. Si le projet de loi entrait dans cette voie, il pourrait être conduit à s'occuper de beaucoup d'autres questions étrangères à son plan général et à l'examen desquelles il n'a pas été dans son esprit de s'attacher.

41. Art. 4 (5 du projet). — Cet article a pour objet le payement des loyers et fermages. De tous les objets pour lesquels l'opinion générale sollicite depuis longtemps l'extension de la compétence des juges de paix, il n'en est aucun qui ait donné lieu à des réclamations plus nombreuses, plus constantes et plus vives que le payement des petits loyers. - Les contestations auxquelles les payements des petits loyers donnent lieu sont une cause de pertes énormes pour les propriétaires et de ruine pour les débiteurs. Lorsque la gêne d'un locataire l'empêche de payer, les formalités indispensables pour l'obtention d'un jugement le surchargent d'une nouvelle dette, presque toujours plus lourde que la première, et qui, aux termes échus, ajoute les frais de justice et les termes de loyers qui s'accumulent pendant la durée du procès. Le propriétaire n'est pas exposé seulement à supporter les frais que son débiteur est hors d'état de payer, il souffre un préjudice non moins considérable par les lenteurs de la procédure. Non-seulement il ne peut pas toucher ses loyers, mais encore il ne peut pas disposer de sa proprieté, et remplacer le locataire qui ne s'acquitte pas envers lui. Il n'y a nulle exagération à dire qu'au point où les choses ch sont venues, beaucoup de propriétaires n'ont d'autre parti à prendre que de tenir quitte le locataire qui consent à se retirer sans le payer heureux encore le propriétaire lorsqu'il n'est pas obligé d'acheter cette retraite en ajoutant une indemnité à la perte de ses loyers!

Ce déplorable état de choses est notoire. Il serait superflu d'en démontrer les inconvénients, que chacun comprend et connaît.-Votre commission vous propose d'adopter sans amendement l'article du projet du gouvernement qui a pris soin de réserver aux tribunaux ordinaires toutes les questions relatives au droit de propriété, et à l'interprétation des baux, des conventions et des actes.-L'article s'étend aux fermages comme aux loyers, et comprend dans le terme générique de fermages, les baux à colons partiaires.

42. Les loyers et fermages dont l'article s'occupe sont ceux qui n'excèdent pas, à Paris, 400 fr. de loyer annuel et 200 fr. partout ailleurs. Des réclamations ont été adressées à votre commission pour introduire dans la loi d'autres distinctions. On a demandé que les villes les plus populcuses, et notamment la ville de Lyon, fussent placées sur la même ligne que Paris, ou sur une ligne intermédiaire, celle de 300 fr. de loyers, par exemple. Votre commission, après un examen attentif, s'est refusée à introduire dans la loi des classifications qui en auraient dé truit l'unité. Ce qui l'a surtout arrêtée, c'est l'impossibilité de déterminer des limites certaines.

Prendra-t-on pour base un certain chiffre de population? Mais, d'abord, ces chiffres sont variables; il arriverait nécessairement, dans un certain espace de temps, que la législation d'une ville changerait selon que sa population s'accroftrait au-dessus du chiffre fixé, ou descendrait au-dessous; et cette variabilité jetterait la confusion dans l'application de la loi. De plus, il est certain que ce n'est pas toujours dans les villes les

mille; à avoir concentré sur un magistrat placé à la portée de tous, et à chacun des points du territoire, l'universalité des

plus populeuses que les loyers sont proportionnellement les plus chers. Les tableaux officiels des recensements de population sont, tous les cinq ans, insérés dans le Bulletin des lois. Les tableaux considérés comme Beuls authentiques à partir du 1er janv. 1857, présentent, dans l'ordre suivant, les villes dont la population agglomérée s'élève au-dessus de trente mille habitants : - Lyon, Marseille, Bordeaux, Rouen, Nantes, Lille, Toulouse, Strasbourg, Metz, Saint-Etienne, Nimes, Orléans, Caen, Reims, Montpellier, Amiens.-L'expérience de chacun de nous lui apprend qu'il est des villes non comprises au nombre des seize dont les noms viennent d'être cités, dans lesquelles les loyers sont beaucoup plus élevés que dans plusieurs de celles qui les précèdent dans le tableau de population.

Si, au lieu de s'arrêter à la limite variable de la population, on prenait le parti de déterminer nominativement certaines villes dans la loi, on éviterait, sans doute, le premier inconvénient que nous avons exposé; mais on n'échapperait pas au second, et des réclamations toujours renouvelées protesteraient contre la fixation que ferait la loi. Votre commission s'est donc déterminée à n'admettre de chiffre spécial que pour Paris. Elle a considéré que, même en s'en tenant à la proposition du projet de loi, l'extension de compétence demeure encore assez considérable pour satisfaire aux légitimes intérêts des propriétaires.

43. Art. 5 ( 4 du projet ). — Votre commission a adopté cet article sans amendement. Il reproduit plusieurs des dispositions de l'art. 9, tit. 3, de la loi du 24 août 1790, en en complétant la rédaction conformément aux interprétations de la jurisprudence. Il y ajoute les conlestations sur les payements des nourrices. Il en retranche, pour les reporter à l'article suivant, les diverses actions possessoires, les entreprises sur les cours d'eau, les réparations locatives des maisons et fermes, les indemnités dues pour non-jouissance au fermier ou locataire, ou dues au propriétaire pour dégradations. Le but de cette transposition est de soumettre dans tous les cas à l'appel la décision des juges de paix, qui, d'après la loi de 1790, était rendue en dernier ressort jusqu'à concurrence de 50 livres. Il s'agit là, en effet, de litiges dont le juge de paix est très-apte à connaitre, puisqu'ils portent sur des vérifications de faits, mais qui peuvent, alors même qu'ils n'engagent que de faibles sommes, être d'un grand intérêt pour les parties.

44. Art. 6 (5 du projet). Cet article attribue aux juges de paix la connaissance, à charge d'appel, des actions possessoires, dont il donne, à l'aide de la jurisprudence, une explication plus complète que ne l'avait fait la loi du 24 août 1790. Il contient, entre autres additions, celle des actions en bornage que la loi du 24 août 1790 n'attribuait pas aux juges de paix, puisqu'elle ne leur déférait que les déplacements de bornes commis dans l'année. Cette extension de compétence était vivement reclamée, et la division toujours croissante des propriétés en rend la nécessité de plus en plus sensible. Les frais que les bornages entraînent les ont rendus beaucoup trop rares. Il importe à l'ordre public que les limites des propriétés soient fixées. Par là on prévient des procès et des voies de fait; seulement il importait de bien constater que si des questions de propriété se trouvent engagées dans le litige, le juge de paix n'en devra pas connaître.

En

45. Votre commission vous propose d'ajouter au projet les demandes en pensions alimentaires, pourvu toutefois qu'elles soient renfermées dans certaines limites. Une proposition analogue, déjà faite par la commission de la chambre des députés sur le projet d'organisation judiciaire, avait donné lieu de part et d'autre à de graves réflexions. faveur de cette extension, on fait valoir la nécessité d'éviter les frais dans des affaires dont la nature même porte à supposer que les parties sont bors d'état d'y subvenir. On ne se décide qu'à la dernière extrémité à engager de semblables demandes. Faut-il que l'intensité même des besoins qu'éprouvent les malheureux auxquels leurs proches refusent du pain, et l'impossibilité d'avancer des frais de justice, leur ferme l'accès des tribunaux? Faut-il, par l'addition de ces frais, aggraver la position de ceux à qui des aliments sont demandés? Nos campagnes offrent trop souvent le douloureux spectacle de vieux parents chassés par des enfants ingrats, lorsque la perte de leurs forces ne leur permet plus de contribuer aux dépenses communes; ce scandale deviendra plus rare, si une comparution devant le juge de paix peut y mettre fin. Aux motifs d'humanité qui commandent de rendre aux pauvres la justice à peu de frais, et de la rendre prompte, puisque la faim n'attend pas; aux motifs d'ordre public qui veulent que les plus faibles moyens de restreindre le fléau de la mendicité ne soient pas négligés, vient se joindre l'espérance d'une meilleure justice. Le juge de paix a déjà reçu de la loi d'autres attributions qui, souvent, l'appellent dans l'intérieur des familles; rapproché des parties, il a empire sur elles, il peut faire agir la persuasion, il connait leur position, leurs besoins, leurs ressources, leur bonne ou mauvaise conduite. Il terminera sans bruit, et habituellement par des transactions, des débats que la solennité des plaidoiries devant un tribunal envenime, agrandit, et change en haines irréconciliables.

L'opinion contraire se fonde sur des considérations qui ont aussi leur puissance. La paix des familles exige que l'accès des tribunaux ne soit

pas rendu trop facile, et que la possibilité de plaider promptement, et à peu de frais, ne change pas en procès réglés tous les dissentiments qui peuvent les troubler. L'intervention des magistrats, même des juges de paix, entre les pères et les enfants, est un remède extrême, auquel il ne faut recourir que lorsque la difficulté même des procès a rendu plus sérieuse et plus sincère la tentative de tous les moyens qui peuvent les prévenir, Si la proximité du juge et des justiciables à ses avantages, ne sont-ils pas compensés par l'inconvénient de placer le juge au foyer même des dissensions et des haines qui ne sont jamais plus vives qu'entre parents plus proches? La juridiction des juges de paix est peu étendue sans doute il connaît mieux que personne la position des parties habitant son canton; mais il arrivera fréquemment que son appréciation devra s'étendre sur la situation des membres de la famille, qui ne sont pas ses justiciables habituels. Il faut, pour statuer sur de tels débats, un tribunal impartial, étranger aux préventions de localité; un tribunal qui, par son élévation, imprime le respect et conserve une autorité véritablement censoriale. Ajoutez que souvent des questions d'un examen difficile naissent des demandes en pensions alimentaires, et qu'en outre il s'agit, en ce cas, non d'accorder une somme une fois payée, mais d'assurer une pension annuelle. Votre commmission a pesé attentivement ces considérations opposées. Elle a pensé que les premières prévaudront sur les secondes, si l'on n'ouvre la juridiction des juges de paix que pour les demandes en pensions alimentaires bornées à de faibles sommes.

La commission de 1855 avait proposé d'attribuer aux juges de paix les demandes en pensions alimentaires, lorsqu'elles ne seraient point incidentes à une demande principale engagée devant une autre juridiction. Après les observations des cours, elle a ajouté comme restriction qu'il ne s'agirait que des pensions n'excédant point 300 fr. par an. Nous avons trouvé l'évaluation trop forte, nous l'avons bornée à 100 fr. par an. Comme la commission de 1855, nous avons limité la compétence au cas où les demandes seraient formées en exécution des art. 205, 206 et 207 c. civ., qui consacrent entre les descendants et ascendants l'obligation "éciproque de se fournir des aliments.

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46. Art. 7 (6 du projet).-On sait que les demandes reconventionnelles sont celles par lesquelles un défendeur, cité en justice, se rend demandeur contre celui qui l'actionne; et qu'une demande en compensation est celle par laquelle on oppose une créance à une dette, afin que, les deux parties étant déclarées réciproquement créancière et débitrice l'une de l'autre, l'extinction des deux dettes se trouve opérée.

De graves difficultés ont divisé la jurisprudence et les jurisconsultes sur plusieurs des conditions d'admissibilité de ces demandes, et sur le règlement de leur compétence. La plupart de ces difficultés sont du nombre de celles pour lesquelles les raisons plausibles ne manquent ni d'une part ni de l'autre, et qui, précisément parce que leur solution n'engage pas profondément les grands principes du droit, tiennent de bons esprits en hesitation. Le plus mauvais parti à prendre sur ces sortes de questions est de les laisser irrésolues; car leur incertitude engendre de nombreux procès. Le projet de loi a donc bien fait de trancher par ses art. 6, 7 et 8, adoptés sans changement par votre commission, plusieurs questions de compétence plus obscures qu'importantes, et qui ont été souvent controversées.

Doit-on, lorsqu'à une demande principale une demande reconventionnelle ou en compensation est opposée, régler la compétence en ayant égard au chiffre total de ces diverses demandes additionnées ensemble, ou en considérant le chiffre de chacune d'elles prise isolément? - Le projet de loi décide que l'attribution de compétence résultera de l'appréciation distincte de chacune des demandes. Si Pierre demande à Paul 200 fr., et Paul 200 fr. à Pierre, le juge de paix jugera; ce sont deux procès sur chacun desquels il est compétent. - Il jugera, par un seul jugement, et à la suite d'une même instance, parce que deux procédures multiplieraient sans nécessité les frais, et parce que, du conflit des prétentions opposées, nait la nécessité de régler entre les parties un compte dont la discussion et l'apurement s'opéreront plus convenablement par un jugement unique.

47. L'article s'occupe d'abord des demandes reconventionnelles ou en compensation qui consistent à joindre à un procès existant un ou plusieurs autres procès entre les mêmes parties, mais avec interversion des rôles, le défendeur au premier procès se portant demandeur dans les autres. Le juge de paix ne demeurera juge nécessaire de tous ces procès que si chacun d'eux est renfermé dans les limites de sa compétence. L'article suivant trace les règles à suivre pour le cas où l'une des demandes excéderait la compétence du juge de paix.

Mais il est une espèce particulière de demandes reconventionnelles qui ne constituent pas un procès nouveau, annexé au premier procès, et qui, au contraire, ne sont autre chose que la dérivation et la conséquence de la première demande. Ce sont les réclamations de dommages-intérêts des tinés à réparer le tort causé au défendeur par l'existence de la demande principale elle-même. Cette nature de demande, évidemment accessoire a la demande principale, doit en suivre le sort et en demeurer inséparable. Le juge de paix en connaîtra, quel que puisse être le montant des dom

altributions qui constituent ce qu'on peut appeler la justice élé

mages-intérêts réclamés. Décider autrement, ce serait mettre l'ordre et le choix des juridictions à la merci du défendeur, qui serait toujours le maître de se soustraire à la compétence du juge de paix, en demandant, à titre de dommages-intérêts, une somme supérieure à cette compétence. 48. Art. 8 (7 du projet). Les principes posés dans la discussion de l'article précédent reçoivent facilement leur application aux cas où chacune des demandes principales, reconventionnelles ou en compensation, seront dans les limites de la compétence souveraine du juge de paix. Puisque la compétence est réglée par la nature de chacune de ces demandes, considérées isolément, il n'y a nulle difficulté à ce que le juge de paix statue en dernier ressort sur ces demandes réunies. C'est ce que décide le premier paragraphe.

Mais il ne faut pas oublier que si, pour le règlement de la compétence, l'appréciation de chacune de ces demandes s'opère distinctement, elles n'en sont pas moins réunies dans une seule et même instance, comme faisant partie d'un seul et même procès. Il suit de la que si une seule de ces demandes est susceptible d'appel, le procès tout entier, qui se compose de toutes les demandes réunies, pourra être porté en appel. On court peu le risque de multiplier les appels et les procès, en soumettant, dans leur ensemble, à la faculté de l'appel, des demandes connexes, dont l'une, par sa nature, est placée sous cette condition. Le sort du jugement no peut pas être scindé; on ne saurait lui donner un caractère souverain sur certains chefs, tandis que, sur d'autres chefs, il ne serait rendu qu'en premier ressort. Celui des chefs qui a pour objet la somme la plus forte, et qui donne droit à deux degrés de juridiction, doit régler le caractère général du jugement pris dans son entier. Ces dispositions sont consacrées par le second paragraphe.

49. Un cas plus difficile reste à régler. C'est celui où, dans une instance compéterment introduite devant la justice de paix, une demande excédant cette compétence sera formée reconventionnellement ou par compensation. Si l'on tient à ce qu'il soit toujours statué sur la demande principale et sur la demande reconventionnelle par un seul et même jugement, il n'y aura que deux partis à prendre: ou de laisser au juge de paix le jugement de la demande reconventionnelle qui excède sa compétence, ou de porter devant le tribunal civil toutes les demandes réunies. — Le premier de ces deux partis renverserait toutes les précautions que la loi croit devoir prendre pour restreindre dans de certaines limites la juridiction des juges de paix, desquels on étendrait indéfiniment les pouvoirs. — La seconde solution était celle à laquelle s'était arrêté l'ancien projet d'organisation judiciaire. Elle donne prise aux plus graves objections. C'est laisser le choix de la juridiction à l'entière discrétion du défendeur, qui, devenu le maître de dessaisir son juge, pourra entrainer son adversaire devant un autre tribunal.

On ne peut sortir de la difficulté qu'en disjoignant les divers chefs de demande. Il y aurait des inconvénients manifestes à une disjonction forcée qui, laissant au juge de paix la demande principale dont il est saisi, obligerait de ne porter que devant le tribunal de première instance la demande reconventionnelle Ce serait multiplier les procès, les lenteurs et les frais, sans y être conduit par aucune nécessité, et sans profit pour personne. Il a paru à votre commission que le projet donrait la meilleure solution de cette difficulté, en autorisant la disjonction facultative. Le juge de paix, saisi compétemment de l'action principale, appréciera les motifs de la demande reconventionnelle formée par le défendeur. Si cette seconde demande ne lui parait ni sérieuse, ni sincère; s'il croit que, fondée ou non, elle a surtout pour but de gagner du temps, s'il soupçonne un défendeur riche de chercher à fatiguer par des frais un demandeur pauvre, alors il opérera la disjonction des causes. Il laissera suivre son cours à la demande reconventionnelle qu'il lui est impossible de juger, puisqu'elle hors de sa juridiction; mais il retiendra le jugement de l'action principale. Que si, au contraire, il croit préférable de ne pas séparer les causes, il renverra les parties à se pourvoir, sur le tout, devant le tribunal de première instance. Cette disposition donne au juge de paix un pouvoir discrétionnaire; mais c'est là un des cas nombreux où l'arbi traire du juge est préférable à une inflexibilité uniforme de la loi appliquée à des cas dissemblables. Ce moyen nous a paru le seul d'échapper aux inconvénients inséparables de chacun des autres systèmes. Il a obtenu l'approbation de la commission.

50. Art. 9 (8 du projet) --Lorsque des demandes, sur plusieurs chefs distincts, sont formées par une même partie et réunies dans une même instance, faut il, pour déterminer la compétence, avoir égard à leur somme totale, ou considérer l'importance individuelle de chacune d'elles, prise séparément?-Sous l'empire de la législation actuelle, cette question divise jurisprudence. L'ancier projet d'organisation judiciaire réglait la compétence par l'importance de chacun des chefs de demande, pris à part. La Commission chargée d'examiner ce projet proposait de s'en rapporter à la jurisprudence et le ne rien écrire dans la loi. Le projet actuel propose de régler la compétence par la valeur totale des chefs de demande réunis.

La commission de 1855 avait pensé que le silence gardé par elle serait nterprété dans le sens le plus restrictif, et comme réglant la compétence par la somme totale des chefs de demande, et non par la valeur de cha

mentaire, rendue inséparable du maintien de l'esprit de familie

cun d'eux considéré isolément. La division qui partage la jurisprudence s'est manifestée dans les observations des cours. Un grand nombre ont interprété comme la commission le silence que garderait la loi; mais d'autres, et notamment la cour de cassation, ont pensé que ce silence consacrerait, comme une règle de jurisprudence incontestable, l'appréciation isolée de chacun des chefs de demande pris à part. Cette divergenco d'interprétation rend le silence du législateur impossible.

A ne juger la question que par les principes généraux du droit, il paraitrait fogique de décider que chaque chef de demande constitue une demande distincte; que la nature n'en peut pas être modifiée par leur réunion fortuite dans un acte de procédure, surtout si l'on considère qu'il dépendra de la volonté du demandeur de réunir les demandes dans un seul et même procès, ou d'en faire l'objet de plusieurs procès séparés. — Nonobstant ces motifs, votre commission a pensé, avec la précédente commission de 1855, et avec le projet de loi, que la solution la plus restrictive de la compétence, celle qui ne forme qu'un seul tout des chefs de demande réunis, doit être préférée. Décider autrement, ce serait autoriser une extension démesurée de compétence, ce serait s'exposer à ce que le juge de paix, cédant trop facilement à un désir de justice transactionnelle, sacrifial quelquefois à des considérations de fait la stricte application du droit. On soumettrait au juge de paix des questions souvent difficiles sur la divisibilité des demandes, et l'on ferait naître des procès préjudiciels sur la question de savoir si ces demandes proviennent ou non de causes différentes. En règle générale, c'est la prétention du demandeur qui détermine la compétence; s'il a réuni ensemble plusieurs demandes, on doit en conclure qu'il a voulu les confondre en une seule. Il existe, d'ailleurs, dans l'art. 1345 c. civ., une frappante analogie avec le cas qui nous occupe: cet article interdit la preuve testimoniale si, dans une même instance, une partie fait plusieurs demandes qui, jointes ensemble, excéderaient 150 fr., encore bien qu'on allègue que ces créances proviennent de différentes causes, et qu'elles se sont formées en différents temps. Votre commission, en adoptant ce dernier avis, a été principalement dirigée par le désir qui l'a dominée dans tout l'examen de cette loi, de n'apporter à la compétence actuelle des juges de paix qu'une extension modérée, et par la crainte de voir éluder les dispositions contenues dans

l'art. 1.

51. Art. 10 (9 du projet). Les brevets d'invention sont régis par les lois des 7 janv. 1791 et 25 mai de la même année (*). - D'après ces lois, les actions en contrefaçon de brevets sont portées devant les juges de paix. -Les actions en nullité ou en déchéance des brevets sont laissées dans la juridiction ordinaire des tribunaux de première instance, et l'appel est porté devant les cours royales. Lorsqu'il arrive que le défendeur, inculpé de contrefaçon, critique le titre du breveté, les déchéances ou les nullités dont il excipe tombent sous la compétence des juges de paix, en vertu du principe de droit qui veut que le juge de l'action soit juge de l'exception. Une jurisprudence, d'abord controversée, mais depuis longtemps constante et invariable, a établi ces règles avec une évidence maintenant inattaquable.

cas,

Il suit de la que presque toutes les déchéances ou nullités de brevets sont portées devant les juges de paix, car l'expérience démontre que rarement on les engage par voie principale. Dans la presque universalité des on ne critique un brevet que pour repousser la poursuite du breveté. Or ces sortes d'affaires, auxquelles les progrès de l'industrie donnent une importance toujours croissante, engagent des intérêts souvent considérables, et des questions de propriété d'une solution très-difficile. Ce sont des matières qui excèdent visiblement les bornes ordinaires de la compétence des juges de paix. A ne considérer même que les actions en contrefaçon, il est incontestable qu'elles portent habituellement sur des valeurs considérables; qu'elles entraînent des expertises, des appréciations scientifiques et industrielles; qu'en un mot ce sont de grandes et difficiles affaires. Votre commission a été unanime sur la convenance d'ôter celle matière à la juridiction des justices de paix.

Une seule difficulté s'est présentée. On sait que le gouvernement s'occupe de préparer une loi nouvelle sur les brevets d'invention, et de substituer aux lois de 1791 et aux dispositions subséquentes qui les ont modifiées ou complétées, une loi en harmonie avec les besoins et les progrès de l'industrie. Cette loi devra contenir des dispositions de procédure et de compétence sur les saisies, sur les constatations de fait, sur les contrefaçons, les déchéances, les nullités, les cessions de titres. Nous nous sommes demandé s'il ne serait pas utile d'attendre cette loi générale, plutôt que de la faire précéder d'un article qui, sans aviser à toutes les mesures et précautions nécessaires, se contente de changer les juridictions.-Cello objection ne nous a pas arrêtés. L'article du projet est susceptible d'une exécution immédiate, et nous nous sommes assurés qu'il est en parfaile harmonie avec le projet de loi sur les brevets d'invention que le gouvernement a préparé. Rien n'est plus facile que de porter les actions en contrefaçon devant les tribunaux correctionnels, qui pourront, aussi bien que les juges de paix, entendre des témoins, procéder à des enquêtes, or(*) Il n'en est plus ainsi : les brevets sont régis aujourd'hui par la loi du 5-8 juill, 1844.

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ART. 1. COMPETENCE CIVILE DES TRIBUNAUX DE PAIX. ments statistiques combien la justice rendue par les juges de paix et de la pacification de tous les intérêts; » il démontre par des docu

donner des expertises. S'il est excipé de la nullité ou de la déchéance du brevet, il existe devant les tribunaux correctionnels une règle dont l'application, faite par eux tous les jours, n'occasionnera aucun embarras d'exécution. Ile surseoiront à statuer sur l'action en contrefaçon, et renverront les parties à se pourvoir devant les tribunaux civils pour faire statuer sur la validité du brevet, qui est le titre de propriété sur lequel est appuyée la demande. Les tribunaux civils, qui, dans l'état actuel de la législation, connaissent déjà des déchéances et nullités de brevets, lorsqu elles sont demandées par action principale, videront cette difficulté, prononceront sur la validité du titre. Les parties viendront ensuite faire juger, s'il y a lieu, la question de contrefaçon par les tribunaux correctionnels.

et

Toutes ces procédures sont simples et dérivent de notre droit commun. - Sans doute, il est à désirer qu'une loi nouvelle, tout en conservant les bases actuelles de la législation sur les brevets d'invention, ne tarde pas ày introduire les améliorations que l'industrie réclame depuis longtemps. Mais avant que cette loi soit votée, un certain temps peut s'écouler encore. Rien ne s'oppose à ce que, dès à présent, une meilleure attribution de juridiction ne soit ordonnée par la loi sur les justices de paix.

52. Art. 11 (10 du projet).— Cet article est une conséquence de l'art. 4, qui attribue aux juges de paix les demandes en saisie-gagerie. On sait que cette sorte de saisie est celle qui est pratiquée par le propriétaire sur les 'meubles qui garoissent les lieux loués par lui, et qui sont le gage de sa * créance. Il attribue au juge de paix du lieu où cette saisie devra être faite le droit de délivrer la permission nécessaire pour y procéder.

Le projet défère aux tribunaux de première instance le jugement des opVotre commission a pensé que cette dispositions formées par les tiers. position pourrait souvent rendre illusoire l'attribution des saisies-gageries aux juges de paix. La moindre revendication, pour l'objet de la plus mince valeur, le rendrait incompétent. Ce n'est pas que la connaissance des oppositions puisse être indéfiniment laissée au juge de paix. Il ne s'agit plus, en effet, entre l'opposant et le saisissant, d'une question de loyer; il s'agit tantôt de propriété, tantôt de privilége: l'opposition peut se rattacher à des créances considérables, à des appréciations de titres, à de graves difficultés de droit. Il se peut aussi que les opposants soient nombreux : c'est contre eux tous que le propriétaire est obligé de lutter; c'est la réunion de ces oppositions qui constitue, relativement à lui, la quotité du litige. Afin de se conformer à ces principes, et de ne pas porter devant les tribunaux de première instance des débats trop peu importants, votre commission vous propose de laisser cette juridiction au juge de paix, si la réunion des oppositions formées n'excède pas sa compétence, en faisant un tout de leurs sommes et de leurs causes.

53. Art. 12 (ajouté par la commission). — Cet article contient l'innovation la plus grave apportée par la commission au projet du gouvernement. L'amour des juges de paix pour la justice et leur zèle pour la conciliation a introduit très-généralement un excellent usage. Beaucoup font préceder toute citation devant eux d'une invitation de comparaître amiablement. Le nombre des procès prévenus par ce procédé d'une justice paternelle est considérable. C'est un véritable préliminaire de conciliation appliqué aux affaires dont les juges de paix ont à connaître.

Des difficultés se sont parfois élevées relativement à la dépense que ces avertissements occasionnent. Souvent cette dépense est presque nulle: mais il faut tout au moins écrire les lettres et les faire parvenir. Le tarif n'alloue rien pour les déboursés introduits par un usage qui n'existait pas lorsque le tarif a été rédigé. — Dans l'usage actuel, le coût des lettres et du port demeure sans remboursement. Quelquefois les juges de paix et les greffiers se concertent pour en supporter ensemble la charge; plus babituellement les juges de paix l'imposent à leurs huissiers audienciers qui, ayant seuls le droit de donner des citations devant la justice de paix, et dépendant du choix que le juge fait d'eux, sont facilement amenés, par condescendance pour lui et en vue de l'avantage qu'ils retirent de leur droit exclusif de citation, à supporter les très-modiques frais de ces averissements. - Le projet de loi, dans un article subséquent (19 de la commission, 15 du projet), enlève aux huissiers ce droit exclusif de citation, pour le laisser concurremment à tous les huissiers du canton ou de la ville. Cette innovation ne laissera plus les juges de paix maîtres de la condition qu'ils imposaient à leurs buissiers de supporter les frais des avertissements amiables. Il ne faut cependant pas que l'usage de ces avertissements disparaisse. C'est une des plus efficaces et des plus utiles mesures ue l'expérience des juges de paix et leur bon esprit ait pu leur suggérer. Puisque ces actes sont reconnus utiles, il faut en autoriser le juste payeTrient et leur donner place dans le tarif. Il est nécessaire d'ailleurs que, Coute faible et tout utile que soit cette dépense, elle ne donne lieu ni des perceptions illégales, ni à une sorte d'abonnement ou de remise entre - Votre commission les juges et les officiers ministériels, mesures irrégulières même lorsqu'elles ne sont prises que dans les plus louables intentions. propose de donner ces avertissements sans timbre, et d'en fixer le coût à c., y compris les frais de port.

54. Ce point réglé, une question grave s'élève. Ces avertissements seLa minorité de votre commission a out its facultatifs ou obligatoires?

vivement insisté pour qu'ils demeurent purement facultatifs. Leur princi-
pal mérite, a-t-on dit, est dans leur caractère spontané et paternel: les
parties mettent à observer une formalité que la bonne volonté du juge de
paix lui suggère, un empressement et un scrupule qui disparaîtraient s'il
s'agissait d'une formalité de procédure prescrite par la loi. Pourquoi,
lorsque l'on tend à tout simplifier devant les juges de paix, surcharger
leur procédure par l'addition d'une formalité nouvelle? Ce sera un préli-
minaire forcé de conciliation. Dans bien des cas, la nécessité d'un aver-
tissement préalable occasionnera d'inévitables lenteurs; beaucoup de ci-
tations ont besoin d'être données du jour au lendemain; il peut y avoir un
prescription à arrêter, une voie de fait à empêcher. S'il faut préalablemen
donner un avertissement ou obtenir une permission du juge, beaucoup de
périr. La majorité de votre commission a re-
droits seront exposés
gardé ces craintes comme exagérées. Les cas où un bref délai sera préju
diciable seront très-rares, et les cas où les avertissements seront utiles s
présenteront tous les jours. Personne ne conteste l'utilité des avertisse-
ments; lorsqu'un usage que l'on reconnait bon s'est introduit de lui-même,
et sans que la loi l'ait commandé, c'est au législateur à recueillir l'ensei-
gnement que les faits lui donnent. Les bonnes lois sont celles qui sont
ainsi écrites sous la dictée de l'expérience. L'usage des avertissements est
fort répandu, mais il n'est pas universel. C'est à la loi à lui donner le ca-
ractère qui en assurera dans tous les cas l'exécution.
55. Art. 15 (ajouté par la commission). Cet article est une suite du
Il contient deux dispositions: l'une prononce une amende
précédent.
contre l'huissier qui aurait donné une citation sans avertissement préa-
lable; l'autre décide que le défaut d'avertissement n'emportera pas nullité.

1

On a objecté contre la disposition pénale envers l'huissier que ce sera le placer quelquefois entre la crainte d'une infraction et d'une peine, et le risque de compromettre gravement les intérêts d'une partie qui aura besoin qu'une citation, en matière urgente, soit délivrée sans le moindre délai. Contre la disposition qui décide que le défaut d'avertissement n'annule pas l'exploit, on objecte que c'est douter soi-même de l'accomplissement d'une condition de procédure que de ne pas y attacher une nullité, dès que la formalité de l'avertissement est jugée si nécessaire, il faut la rendre sérieuse et intéresser les parties à son exécution. A ces diverses objections, il a été répondu que la nécessité de l'avertissement préalable est un devoir imposé à l'officier ministériel et non aux parties; c'est donc l'huissier qui doit être puni, s'il néglige d'obéir à la loi. Annuler la citation, ce serait punir la partie et exposer le sort de son action ou même celui de son droit. Une amende légère est le meilleur moyen d'atteindre ce but.

56. Art. 14 (11 du projet). — L'art. 17 c. pr. civ. est ainsi conçu: « Les jugements des justices de paix, jusqu'à concurrence de 500 fr., seront exécutoires par provision, nonobstant l'appel, et sans qu'il soit besoin de fournir caution. Les juges de paix pourront, dans les autres cas, ordonner l'exécution provisoire de leurs jugements, mais à la charge de donner caution. » — Fallait-il, en étendant la compétence des justices. de paix, laisser dans leur état actuel les dispositions relatives à l'exécution de leurs jugements, ou bien fallait-il modifier la faculté actuelle d'exécution provisoire, soit en la rendant plus étendue, soit en la restreignant?

Donner en

L'ancien projet d'organisation judiciaire avait étendu l'exécution provisoire. Le projet actuel propose de rester dans les bornes du code de procédure civile. La commission de 1855 et celle dont j'ai l'honneur d'être l'organe, ont cru devoir apporter à l'exécution provisoire des limites plus étroites que celles du code de procédure civile. principe l'exécution provisoire à tous les jugements des justices de paix; ne subordonner, jusqu'à 500 fr., cette exécution à aucune condition; la faire dépendre, au-dessus de 300 fr., de la seule condition d'une prestaOn voit que, jusqu'à contion de caution: tel était le projet primitif. currence de 500 fr., le projet demeurait dans les termes du code de procé dure civile; il n'en differait que parce qu'il prononçait de plein droit, au-dessus de 300 fr., l'exécution provisoire, tandis que le code laissait alors au juge de paix la faculté de refuser ou d'accorder cette exécution. -Votre commission, reprenant la disposition proposée par la commission de 1855, a cru prudent de compenser les extensions proposées à la compétence des juges de paix, par une réserve plus grande dans l'exécution de leurs jugements. Elle s'en est rapportée au juge de paix lui-même du soin d'apprécier s'il doit ou non accorder, même au-dessous de 300 fr., l'exécution provisoire. L'une des considérations qui l'ont déterminée à restreindre l'exécution provisoire est l'abréviation apportée au délai d'appel, que le projet réduit de trois mois à un mois.

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57. Art. 15 (12 du projet). La règle consacrée par cet article se L'exécution provisoire peut être ordonnée sur la Elle aura lieu avec justifie d'elle-même. minute du jugement, s'il y a péril en la demeure. ou sans caution, conformément aux distinctions établies par le précédent article.

Cet article a pour objet de remplacer 58. Art. 16 (13 du projet). l'art. 16 c. pr. civ., ainsi conçu: « L'appel des jugements de la justice de paix ne sera pas recevable après les trois mois, à dater du jour de la signification faite par huissier de la justice de paix ou tel autre commis

TOME XI.

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est active et paternelle, et combien sont peu nombreuses celles de

par le juge. >> On s'accorde généralement à reconnaître que le délai de trois mois est trop long. — Le projet le réduit à trente jours de la signification. Il l'augmente, pour les personnes domiciliées hors du canton, d'un jour par trois myriamètres de distance; innovation introduite afin qu'aucun inconvénient ne résulte de l'abréviation du délai.

59. L'art. 449 c. pr. civ. défend d'interjeter, avant l'expiration de la huitaine qui suit le jugement, appel des jugements des tribunaux de première instance non exécutoires par provision. Le motif de cette disposition est de ne pas ouvrir aux parties la faculté d'appel immédiatement après le jugement, lorsque l'impression du mécontentement excité en elles par la perte de leur procès agit le plus vivement sur elles, et les détourne d'une sage résignation. Votre commission a pensé qu'une disposition ana logue serait fort utile pour prévenir des appels téméraires des jugements des justices de paix. Elle vous propose d'interdire les appels pendant trois jours. Le délai d'appel étant borné à un mois, l'interdiction de huitaine contenue dans l'art. 449 c. pr. civ. serait un terme trop étendu, et restreindrait trop le temps accordé pour interjeter appel.

60. L'article voulait que les jugements fussent toujours signifiés par des huissiers commis par le juge. C'était se mettre en contradiction avec l'esprit de l'art. 15, qui supprime le droit exclusif de certains buissiers seulement auprès des justices de paix. Il faut ajouter que s'il y a de l'avantage à ce qu'un huissier, bien connu du juge, soit commis par lui, on ne doit pas perdre de vue que la juridiction du juge de paix s'étend sur un canton seulement; qu'il y aura fréquemment des significations à faire à des personnes domiciliées hors du canton; que les huissiers des cantons étrangers sont inconnus du juge de paix; ce magistrat, si c'est lui qui les désigne, sera exposé à le faire au hasard; si le droit de désignation est transféré à l'un des magistrats de la résidence de l'huissier à commettre, on multiplie sans nécessité les formalités préalables et les recours aux juges. Les jugements par défaut continueront, conformé ment au droit commun, à être signifiés par des huissiers commis.

61. Art. 17 (14 du projet). L'art. 14 du projet contient des dispositions relatives à l'appel et au recours en cassation. - Votre commission a cru devoir séparer ces dispositions en deux articles distincts. L'art. 17 ne s'occupe que de l'appel, et l'art. 18 du recours en cassation. La question de savoir si un jugement est susceptible d'appel dépend, non de la qualification qui lui a été donnée, mais de sa nature. L'erreur de qualification ne peut ni le soumettre ni le soustraire à l'appel. - Cette règle est déjà consacrée par nos lois de procédure. - L'article déclare en méme temps que les questions de compétence seront toujours susceptibles d'appel. Cette disposition est en accord avec l'art. 454 c. pr. civ., ainsi conçu: «Lorsqu'il s'agira d'incompétence, l'appel sera recevable, encore que le jugement ait été qualifié en dernier ressort. » - Par une sage innovation, que l'on pourrait avec grande utilité rendre plus générale, l'article ne permet, si le juge de paix s'est déclaré compétent, d'interjeter appel qu'après le jugement définitif. C'est interdire à la chicane un des moyens dilatoires auxquels elle a le plus habituellement recours.

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62. Art. 18 (14 du projet). La voie du recours en cassation doitelle être ouverte contre les jugements des justices de paix? — D'après la législation actuelle, ce recours est ouvert en cas d'incompétence et d'excès de pouvoirs? L'expérience enseigne que les pourvois sont très-rares. D'après les comptes statistiques de la justice civile, les quatre années 1831, 1832, 1855 et 1834 n'ont donné que trois pourvois. Durant la même période de quatre années, la chambre des requêtes a admis cinq pourvois, la chambre civile a cassé quatre jugements.

La connaissance des cas d'incompétence est attribuée au juge d'appel par l'article précédent; elle cesse d'être dévolue à la cour de cassation. Devait-il en être de même pour les excès de pouvoirs? Fallait-il les transporter, comme les cas d'incompétence, aux tribunaux de première instance, jugeant comme tribunaux d'appel des jugements de justices de paix? Cet avis, qui avait été celui de la commission de 1835, dars sa rédaction inédite, a été soutenu par la minorité de votre commission. Il faut, a-t-on dit, éviter aux parties des frais considérables pour des intérêts qui ne le sont pas. La procedure si longue, si dispendieuse devant la cour de cassation, n'existera qu'au profit des riches. Puisque déjà ces motifs ont semblé assez puissants relativement aux questions de compétence, pourquoi ne pas les adopter également lorsqu'il s'agit d'excès de pouvoirs? La distinction entre l'excès de pouvoir et l'incompétence est très-difficile; elle divise les meilleurs esprits et les jurisconsultes les plus expérimentés. Attribuer les compétences et les excès de pouvoirs à deux juridictions différentes, c'est introduire dans la pratique des difficultés qui demeureront souvent inextricables. La majorité de la commission a répondu que les moyens de réprimer les excès de pouvoirs doivent toujours exister dans la loi; que c'est à la cour de cassation, gardienne suprême de l'ordre des juridictions, que ce droit doit appartenir. Lorsqu'on déclare qu'il y a eu excès de pouvoirs, on prononce non-seulement sur le jugement, mais presque sur le juge lui-même. C'est là un droit de censure qui s'exercera très-rarement, mais qui doit pouvoir s'exercer quelquefois, et qui ne serait nulle part aussi bien placé que dans la cour de cassation.

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Quant à la difficulté de distinguer l'excès de pouvoir de l'incompétence,

leurs décisions qu'ont eu à réformer les juridictions supérieures;

on aurait tort de s'en préoccuper. Elle ne se présentera que pour les jugements en dernier ressort, car les jugements en premier ressort sont tou jours susceptibles d'appel pour toute espèce de grief, même pour les jugements en dernier ressort, il est fort rare que le juge qui a statué, en exci dant ses pouvoirs, n'ait pas en même temps statué incompétemment. Les tribunaux d'appel étant, en vertu de l'article précédent, saisis de tous les cas d'incompétence, auront presque toujours, par cette voie, à connaître du fond des procès, et pourront ainsi réformer le jugement qu'ils désapprouveront. La connaissance des excès de pouvoirs étant dévolué à la cour de cassation, on sera guidé devant cette juridiction suprême et unique par une jurisprudence souveraine et uniforme, éminemment propre à fixer le droit et à dissiper les incertitudes.

Votre commission a donc reconnu, avec le projet de loi, que nul jugement ne peut, s'il est entaché d'excès de pouvoir, être placé à l'abri de tonte censure. S'il est en dernier ressort, le seul moyen de ne pas lui faire perdre ce caractère est de le déférer à la cour de cassation. Il cesserail d'être en dernier ressort si toute autre juridiction supérieure avait à en connaître. Quant aux jugements en premier ressort, ils ne sont pas, d'après les règles du droit commun, susceptibles de recours en cassation, sauf toutefois les pourvois dans l'intérêt de la loi, qui n'ont lieu que sur le réquisitoire du procureur général, en vertu d'ordre exprès du gouvernement. Si la partie qui se plaint du jugement a négligé de se pourvoir par appel, elle ne peut s'en prendre qu'à elle seule du préjudice qu'elle éprouve. Le recours en cassation contre un jugement de justice de paix est un remède extrême qui ne doit être conservé que quand il est indispensable. Il l'est contre les jugements en dernier ressort; mais lorsqu'il s'agit d'un jugement en premier ressort, ce recours se trouve naturellement remplacé par le droit d'appel.

63. Art. 19 (15 du projet). Dans l'état actuel de la législation, les juges de paix désignent ceux des huissiers de leur canton qui sont chargés du service de leurs audiences. Ces huissiers ont seuls le droit de donner des citations par-devant eux. Des réclamations nombreuses ont protesté contre ce privilége, quí, entre des officiers ministériels, pourvus du même titre, astreints au même cautionnement, à la même discipline, crée une différence de position destinée à assurer à l'un d'eux, au détriment des autres, de notables avantages. On a fait remarquer que si le maintien de ce monopole était consacré. il deviendrait, sous l'empire de la loi proposée, beaucoup plus préjudiciable aux huissiers que dans l'état actuel, puisque la nouvelle loi augmentera notablement, avec la compétence des justices de paix, le nombre des citations à donner. Ces motifs sont combattus par de graves considérations d'un autre ordre. — Les juges de paix ont besoin d'avoir sur leurs huissiers une grande autorité. Les avantages que le choix de ce magistrat procure aux huissiers de la justice de paix sont une garantie de leur bon service, et les place dans des dispositions d'obéissance et de bonne discipline qui tournent au profit de la justice et des justiciables. Ces considérations sont fortes et vraies, mais elles ne sauraient prévaloir sur celles qui s'opposent à la conservation d'un monopole. Seulement, elles conduisent à fortifier le pouvoir disciplinaire placé dans la main du juge de paix, afin qu'il retrouve une partie de l'autorité dont il cessera d'être le maître en perdant le droit de désignation.

64. Tous les huissiers seront tenus de faire le service des audiences et d'assister le juge de paix toutes les fois qu'ils en seront requis. En cas d'infraction, le juge de paix pourra leur défendre d'exercer devant sa juridiction pendant un délai de quinze jours à trois mois. Il ne s'agit pas là d'une suspension absolue. L'institution donnée aux huissiers par les ordonnances royales qui les nomment, les place, non comme huissiers de canton, mais comme huissiers d'arrondissement. Le droit de fixer leur résidence appartient au tribunal d'arrondissement duquel ils relèvent, La suspension du caractère d'huissier ne peut pas appartenir au juge de paix, dont la juridiction ne s'étend pas sur l'arrondissement tout entier.

L'interdiction est prononcée sans appel par le juge de paix. Il ne faut pas que son autorité soit exposée dans les luttes qui seraient portées devant le tribunal entre les huissiers et lui. S'il y avait abus de pouvoir de la part du juge de paix, l'autorité supérieure, éclairée par le tribunal et par le ministère public, interviendrait, et ne tolérerait jamais que les juges de paix, magistrats révocables, fissent de la portion de puissance publique déposée entre leurs mains un instrument de vexations privées. L'article fait en outre réserve des dommages et intérêts des parties. Quant à celle de l'action disciplinaire du ministère public, votre commission vous propose de la transporter dans un article spécial qui s'appliquera également à l'article suivant.

65. Art. 20 (16 du projet). — Parmi les objections élevées contre lo projet de loi, et plus encore contre la partie de l'ancien projet relative aux justices de paix, l'une des plus fortes est celle qui signale le mal que peuvent faire aux habitants des campagnes les conseils intéressés des praticiens, dont les calculs de chicane travailleront incessamment à neutraliser les effets conciliants de la juridiction paternelle du juge de paix.Il serait difficile de prendre contre ce fléau des dispositions préventivi complétement efficaces, sans porter la plus grave atteinte à la liberté de

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