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120. Une société est censée exister entre les associés et ieurs représentants tant que la liquidation n'en est pas faite.

ce que la cour royale a décidé que le fait de la société à raison de laquelle Lafon est actionné, n'étant établi par aucun acte, et étant, au contraire, formellement contesté par Lafon, celui-ci était fondé à demander son renvoi devant le tribunal de son domicile. - Parmi les nombreuses exceptions que la loi a introduites au principe qui saisit le juge du domicile du défendeur, se trouve, a-t-on dit, celle qui est relative aux demandes en matière de société. Le législateur a voulu que le tribunal du siége de la société fût seul compétent pour connaitre des contestations rées à l'occasion de cette société : or il est évident que cette disposition est surtout applicable au cas où il s'agit de savoir si la société à même existé. Le système contraire n'aurait-il pas pour résultat d'offrir un moyen trop facile d'éluder la juridiction exceptionnelle, par une simple dénégation du fait de la société, en l'absence de tout acte social? Le § 5 de l'art. 59 précité a donc dù prévoir ce cas, puisqu'il est vrai de dire que le but principal de la loi est de déjouer la mauvaise foi. D'ailleurs, ici se préScate naturellement l'application de la maxime que le juge de l'action est le juge de l'exception. On comprend facilement que, dès qu'un déclinatoire est soulevé, il doit être examiné et jugé; mais, dans l'hypothèse actuelle, comme dans toute autre, c'est le tribunal saisi de la contestation qui doit déterminer la compétence; et, pour y parvenir, il a le droit de s'éclairer par tous les moyens d'instruction qu'il croit utiles et convenables, sauf ensuite à retenir la cause ou à la renvoyer devant les juges compétents.

Violation du § 2 du même art. 59, en ce que l'arrêt attaqué a déclaré l'incompétence du tribunal d'Alais, quoique Girard, l'un des deux défendeurs, eût son domicile dans cette ville.

5 Violation du § 7 du même article, en ce que la cour royale a décidé que l'action dont il s'agissait, quoique relative à une faillite, ne devait pas être portée devant le juge du domicile du failli.

4 Violation de l'art. 425, et fausse application de l'art. 172 c. pr. civ., en ce que l'arrêt a jugé que le tribunal d'Alais n'avait pu joindre l'exception d'incompétence au fond de la cause. —L'art. 425, disait-on, modifiant en cela l'art. 172 relatif aux matières civiles, permet aux juges commerciaux de rejeter le déclinatoire et de statuer sur le fond par une méme sentence. Par une conséquence nécessaire de cette règle, un tribunal de commerce doit avoir la faculté de joindre le déclinatoire au fond dans l'instruction de la cause; d'autant mieux qu'en définitive, on ne saurait refuser à l'autorité, chargée de statuer, le pouvoir de procéder aux actes qui doivent préparer la décision principale. - Dans l'espèce, la question de compétence et celle du fond étaient liées aux mêmes moyens; ne devenait-il pas dès lors inutile de se livrer d'abord, sur l'exception, à une instruction qu'il aurait fallu recommencer ensuite sur le fond? Le tribunal d'Alais avait donc procédé régulièrement; la jonction qu'il avait prononcée, en économisant des frais frustratoires aux parties, était conforme à l'esprit de la loi; et, dès lors, l'arrêt attaqué, qui a infirmé sa décision, ne saurait échapper à la censure.

On répondait, sur le premier moyen :- faut bien se pénétrer de la portée de l'exception contenue dans le n° 5 de l'art. 59 c. pr. civ. Une première observation, c'est que le droit d assigner au lieu du siége de la société est une dérogation à la règle générale actor sequitur forum rei, dérogation qui doit, dès lors, être restreinte dans ses termes. Or ces termes, quels sont-ils ? Que « le défendeur sera assigné... en matière de société, tant qu'elle existe, devant le juge du lieu où elle est établie. » (Art. 59, § 5.)- Il résulte evidemment de ce texte que l'attribution de juridiction suppose nécessairement le fait preexistant et non contesté d'une société établie et reconnue; et cela avec d'autant plus de raison que les sociétés, même commerciales, doivent être constatées par écrit, aux termes des art. 39, 40 et 41 c. com., et même rendues publiques, d'après l'art. 42 du même code. On ne concevrait pas qu'il pût suffire d'alléguer l'existence d'une prétendue société pour ravir un citoyen à ses juges naturels. Il y a, d'ailleurs, une raison puissante d'analogie à tirer de la jurisprudence qui s'est établie sur l'art. 51 c. com., lequel attribue à des arbitres la connaissance des contestations qui s'élèvent en matière de société. Suivant cette jurisprudence, si le fait même de la société est dénié, c'est le tribunal de commerce qui prononce; c'est-à-dire, dans ce cas, le juge naturel des parties, à raison de leur qualité, comme dans les cas ordinaires et lorsque le même incident se présente, à l'egard d'un non-commerçant, ce doit être le juge du domicile du défendeur.

On objecte que le juge de l'action est aussi celui de l'exception. Mais, pour que cette maxime de droit soit applicable, il faut supposer (1 que l'exception n'est pas du domaine juridictionnel d'un autre tribunal; 2° que l'action et l'exception forment deux choses dictinctes, et ne se confondent pas comme ici où, dans la réalité, la demande des syndics, quels qu'en soient les termes, tend uniquement à faire reconnaitre l'existence d'une prétendue société, et s'identifie avec la défense invoquée par Lafon; 3o il faut supposer enfin un fait préexistant et attributif de juridiction. Ainsi, par exemple, une société a existé, l'acte en est produit, et un associé est assigné à raison de la société; mais il excipe de la dissolution de la société. On comprend que cette défense soit consiTOME XI.

Ainsi, une contestation entre associés relativement à une société dissoute, mais non liquidée, doit être portée, non au tribunal du

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dérée comme une exception à l'action principale, et soit de la compétence du tribunal du lieu où la société est établie, parce qu'il y a un fait de société préexistant, attributif de juridiction (Merlin, et arrêt Cardon du 10 déc. 1806). Ainsi encore, on pourrait aller jusqu'à comprendre, quoique telle ne soit pas notre opinion, que quand une société existe et est avérée, l'action dirigée par plusieurs des associés contre l'un d'eux, qui se défendrait en excipant de la nullité de l'acte à son égard, soit de la compétence du tribunal du lieu où la société est établie (arrêt Salvador du 9 mai 1826, no118). - Mais on ne saurait rien induire de ces conces sions, dans l'espèce, car 1° aucune société préexistante n'est reconnue, n prouvée, ni ne peut l'être, puisqu'il n'y a pas d'acte; 2° rien de plus frivole que l'allégation des syndics, lorsqu'on voit que Girard a été seul constitué en état de faillite, et que ce n'est qu'après cinq ans depuis la faillite qu'ils se sont avisés de prétendre que le sieur Lafon aurait été son associé; 3° on peut même ajouter que la prétendue société, dont ils ont rêvé l'existence, n'aurait pu être, dans tous les cas, qu'une société en participation, à raison de laquelle le sieur Lafon n'aurait pu être distrait de ses juges naturels.

Si ce système offre des conséquences propres à favoriser la mauvaise foi, ce qu'on est loin d'admettre, en retour, on peut dire que celui du demandeur entraînerait des résultats bien autrement graves; dans un concours d'inconvénients, il faudrait, dans tous les cas, revenir à la règle.

Sur le deuxième moyen, il y a deux réponses également décisives: 1° l'art. 181 c. pr. civ. a été étendu par la jurisprudence au cas où deux parties ne sont mises en cause que pour priver l'une d'elles, et la seule qui ait intérêt réel au procès, de ses juges naturels (arrêt du 5 juill. 1808, n° 39). Or, ici, le but des syndics est d'autant plus évident, qu'ils n'avaient d'abord assigné que Lafon tout seul, et n'ont fait intervenir le failli que plus tard, pour échapper au déclinatoire; c'est ce que la cour royale a déclaré. - 2o D'un autre côté, la mise en cause du failli Girard qui est dessaisi de l'administration de ses biens, ne se comprend guère, et ce qui est plus incompréhensible encore, c'est cette mise en cause du failli par ses propres syndics dont l'intérêt s'identifie avec le sien, et qui le représentent de la manière la plus absolue. - On voit donc que, sous l'un comme sous l'autre rapport, la présence illégale et évidemment fraudu leuse du failli au procès n'a pu ravir à Lafon ses juges naturels : il n'y a pas là plusieurs défendeurs dans le sens de la loi.

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Sur le troisième moyen: - Ce moyen est mal fondé; il suffit, pour s'en convaincre, de se pénétrer du véritable sens de la disposition du § 7 de l'art. 59 c. pr. civ. Ce paragraphe, quand il attribue au tribunal du lieu de l'ouverture de la faillite la connaissance des contestations qui s'élèvent en matière de faillite, n'entend évidemment parler que des contestations qui peuvent naître entre les créanciers d'une faillite et au sujet de l'état de faillite; mais nullement des actions actives ou passives qui peuvent être intentées par des tiers contre la faillite, ou par la faillite contre des tiers, et qui sont tout à fait indépendantes de l'état de faillite. De pareilles contestations ne sont pas des contestations en matière de faillite, quoiqu'elles soient dirigées pour ou contre un failli, et, par conséquent, elles ne rentrent pas dans la dispositio exceptionnelle de l'art. 59, § 7. On ne comprendrait pas l'extensio de cette attribution exceptionnelle à des contestations étrangères à l'état de faillite, elle serait sans motifs. — Aussi les auteurs n'ont qu'une voix sur ce point (Pardessus, Cours de droit comm.; Boncenne, sur le § 7 dont il s'agit). La jurisprudence est également constante. — V. Cass., 22 mars 1821, n° 151; Paris, 29 juill. 1826, no 130-1°.

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Sur le quatrième moyen :-- En premier lieu, l'arrêt ne méconnaît pa que l'art. 425 c. pr. ne contienne, relativement aux tribunaux de com merce, une exception à la défense de jonction posée dans l'art. 172 du même code, pour les matières ordinaires; loin de là, il rend hommage à la disposition de l'art. 425, et fait seulement remarquer qu'elle ne va pas jusqu'à dispenser le juge de l'obligation de commencer par statuer sur la compétence, priùs de judice, tout en prononçant par le même jugement. En second lieu, alors même que cette proposition de l'arrêt serait basardée, et même contiendrait une erreur de droit manifeste, elle ne pourrait vicier l'arrêt fondé, d'ailleurs, sur plusieurs autres motifs qui suffisent pour le justifier pleinement. - Arrêt (après délib. en ch. du cons.).

LA COUR; Sur le premier moyen: Attendu que le tribunal de commerce d'Alais (à la juridiction duquel Lafon, domicilié à Cette, est constamment étranger) ne peut devenir compétent à l'effet de connaitre de l'action intentée contre lui, comme associé prétendu de Girard, par les syndics de la faillite de ce dernier, qu'autant qu'il deviendra constant 1° qu'il a existé une société commerciale entre Girard et Lafon; 2° que le siége de cette société a été établi à Alais; — Attendu que ces deux faits, encore incertains et simplement allégués par les syndics demandeurs, mais niés par le défendeur Lafon, sont l'unique fondement de l'action qu'ils ont dirigée contre lui, et à laquelle Lafon oppose une exception déclinatoire; 6

domicile des associés, mais au tribunal du lieu où la société était établie (Req., 16 nov. 1815).—V. Arbitrage, no 204.

121. Cet arrêt n'a statué, comme on le voit, que pour le cas d'une contestation entre associés. Un autre arrêt, de la cour de Douai, étendant le même principe, a décidé qu'une société en

Attendu que le commun adage : Le juge de l'action est juge de l'exception (en admettant qu'on puisse l'appliquer à un juge qui n'est, lui-même, qu'exceptionnel), suppose qu'il existe entre l'action et l'exception, de telles différences, que le jugement de l'une sera tout à fait distinct et indépendant du jugement de l'autre; qu'on ne peut donc, sous peine de perturbation complète dans l'ordre des juridictions, appliquer cet adage que lorsque l'exception, si elle tend à dessaisir le tribunal devant lequel l'action a été portée, étant vidée dans un sens soit affirmatif, soit négatif, il restera encore quelque chose à juger; mais qu'on ne saurait appliquer co même adage, si le jugement de l'exception devait, par la nature de la demande, être nécessairement le jugement de l'action elle-même; Qu'il en serait inévitablement ainsi, dans l'espèce, et que le tribunal de commerce d'Alais en a été tellement convaincu, qu'il a, par son jugement interlocutoire, joint l'exception d'incompétence au fond de la cause; qu'en cela, il s'est, à proprement parler, saisi du fond lui-même, ce qui constitue un empiétement inévitable, soit sur sa propre juridiction, s'il retient la cause, soit sur la juridiction d'un tribunal égal en degré, s'il lui renvoie le fond à décider, sous l'influence d'un immense préjugé résultant de la décision déjà rendue sur le déclinatoire;-Attendu, entin, que le § 1 de l'art. 59 c. pr. civ., trace une régle fondamentale, empruntée à ce principe de toutes les législations: que le juge du domicile du defendeur est le juge nécessaire du procès qu'il plait au demandeur de lui intenter, tandis que le § 5 du méme article, qui statue qu'en matière de société, tant qu'elle existe, l'action sera portée devant le juge du lieu où elle est établie, n'est, lui-même, qu'une exception au principe général; -Que, dans ce conflit entre la règle et l'exception, et dans une espèce où le domicile du défendeur est déjà constant, tandis que l'existence de la société alléguée est problématique, et ne cessera de l'ètre que par le jugement de l'action elle-même, l'arrêt attaqué, en donnant la prééminence à la règle sur l'exception, n'a violé ni pu violer aucune loi; Sur le deuxième moyen : — sition du § 2, art. 59 c. proc. civ., que de se servir d'une action secondaire, dans la seule vue de distraire un défendeur de ses juges naturels;

Attendu que ce serait abuser de la dispo

Que l'arrêt attaqué a jugé, en fait, par des motifs explicites et en termes exprès, que Girard n'était pas, dans la cause, un second défendeur, proposition qui ne saurait être douteuse en présence de l'art. 494 c. comm., qui, statuant qu'après l'ouverture de la faillite, nulle action civile contre le failli ne peut être intentée que contre les agents et syndics, a, par cela même, concentré dans leurs personnes, toutes les actions judiciaires, actives et passives du failli;

Sur le troisième moyen: Attendu que, s'il a existé une société entre Girard et Lafon, cette société a été nécessairement antérieure à l'événement de la faillite; Que l'action tendant à faire déclarer l'existence de cette société (action qui compéterait à Girard s'il était resté en possession de la plénitude de son état civil et commercial, et pour l'exercice de laquelle il serait incontestablement demandeur), n'est pas l'action en matière de faillite, prévue par le § 7 de l'art. 59 c. pr. civ., et qu'en le décidant ainsi, l'arrêt a sainement interprété cet article;

Sur le quatrième moyen: Attendu que l'arrêt attaqué, loin d'avoir denié, a reconnu, en termes explicites, que l'art. 172 c. pr. civ. a été modifié, quant aux tribunaux de commerce, par l'art. 425 du même code;

Que cet arrèt a, d'ailleurs, sainement décidé qu'en joignant le déciinatoire au fond, et en autorisant une preuve qui porterait sur l'un et sur l'autre, le tribunal de commerce d'Alais a enfreint la règle générale, qui veut que le jugement de la compétence soit tout à fait distinct de celui du fond; Qu'en dernière analyse, et ne s'agissant pas, devant la cour royale de Nimes, de l'appel d'un jugement qui aurait statué sur le fond, en même temps qu'il aurait rejeté un déclinatoire, cette cour n'a pu, ni faussement appliquer l'art. 172, ni violer l'art. 425 c. pr. civ.;Rejette.

Du 10 juill. 1837.-G. C., ch. civ.-MM. Portalis, 1er pr.-Quéquet, rap.-Galisset et Dalloz, av.

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(1) Espèce - ( Lavergne. ) — Société entre Antoine Lavergne et les deux frères Pierre et Louis Lavergne, pour un commerce de chaudronnerie. Chacun des associés travaillait dans son atelier particulier, Louis à Marzy, arrondissement d'Aurillac; Pierre à Lavergne, et Antoine à Langlade, arrondis. de Mauriac. Les marchandises étaient réunies dans un magasin que la société avait dans la ville de Prades. Il a été allégué qu'à certaines époques périodiques, chacun des associés s'y rendait à son tour pour y faire la vente; mais il parait qu'Antoine etait le directeur de l'établissement, et qu'il habitait Prades depuis plusieurs années.

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En 1811, décès d'Antoine à Prades. Par ce décès, Pierre et Louis s'étant trouvés en possession de tous les titres et valeurs de la société, ont été assignés par les héritiers d'Antoine, en reddition de compte, devant le tribunal de Mauriac, lieu du domicile de l'un d'eux. Pierre et

liquidation doit être actionnée par les tiers, relativement à des opérations par compte courant, au domicile social, en la personne du liquidateur, attendu, en droit, qu'une société ne cesse d'exister qu'après sa liquidation (Douai, 18 juill. 1833) (1).

122. La même jurisprudence est confirmée par un arrêt de

Louis, au lieu de se présenter, assignent les héritiers devant le tribunal de Prades, aux mêmes fins de reddition de compte; ils se fondent sur ce que ce tribunal est seul compétent pour connaitre d'une demande relative la société, puisque cette société y avait son siége. Les héritiers opposent que le tribunal de Mauriac est déjà saisi depuis six mois; qu'il faut donc attendre que ce tribunal ait statué sur sa compétence. - 29 juin 1813, le tribunal de Prades, sans avoir égard à l'exception de litispendance, ordonne que les parties se pourvoiront en règlement de juges. Pourvoi en règlement de juges des héritiers; ils reproduisent l'exception de litispendance (c. pr., 171) et soutiennent que, d'ailleurs, le siége de la société n'était point à Prades; que les associés n'y avaient qu'un magasin où ils se rendaient chacun leur tour; qu'au reste, la société serait, en tout cas, dissoute par le décès d'Antoine; qu'ainsi l'assignation avait été régulièrement donnée devant le tribunal de Mauriac. Arrêt.

LA COUR; - Attendu que, d'après l'art. 59 c. pr., c'est le tribunal du lieu où est établie une société qui doit connaître de cette matière; que cette société est censée exister entre les associés et leurs représentants, tant que la liquidation n'en est pas faite; - Attendu qu'il est constant que les frères Lavergne avaient à Prades un établissement et fabrique de chaudronnerie, en société, don: feu Antoine Lavergne était directeur; qu'il habitait Prades depuis longues années, et y était taxé au rôle des contributions foncieres, personnelles et mobilières; que là sont les registres de la société et les marchandises à partager entre les parties; - Renvoie devant le tribunal de Prades.

Du 16 nov. 1815.-C. C., sect. req.-MM. Henrion, pr.-Rousseau, rap.

(1) Espèce: — (Dagneau-Symonsin C. Banche.) - Jugement du tricorrespondance d'entre les parties le justifie, que les liaisons commerbunal de Dunkerque ainsi conçu: «Considérant, en fait, ainsi que la ciales d'entre le sieur Dagneau-Symonsin et la société Ursin Banche et

compagnie, établie à la Pointe-à-Pitre, ile de la Guadeloupe, ne consistent uniquement qu'en envois de marchandises de France sur vente, de la part du sieur Dagneau-Symonsin, à la société Ursin Banche et compagnie, et recouvrement de fret, en des retours de la part de ces derniers, en denrées coloniales: laquelle société existait encore le 1er juin 1850, jour de la circulaire de cette maison qui annonce sa dissolution et désigne comme liquidateur leur frère Isidor Banche, qui a repris la suite des affaires Banche et compagnie;

» Considérant que c'est, entre autres, par lettres du 21 du même mois de juin, que le sieur Isidor Banche et compagnie liquidateur, remettent an sieur Dagneau-Symonsin l'état des diverses ventes faites pour son compte, par la ci-devant société, soldant en sa faveur pour 65,276 fr. 72 c., et que, par lettre du 28 août suivant, ils font part au sieur Dagneau-Symonsin que, pour ladite société Ursin Banche et compagnie, ils. lui font passer, par son navire la Pomone, trente-trois balles coton dont ils espèrent qu'il sera satisfait; - Considérant qu'encore que le sieur Dagneau-Symonsin aurait eu à se plaindre de cet envoi de coton, auquel il dit ne s'être pas attendu, toujours est-il qu'en ne l'acceptant que sous réserve, il ne pouvait diriger, à cet égard, d'action à la charge de la société Ursin Banche et compagnie, qu'en la personne du liquidateur et devant le juge de la Pointe-a-Pitre, comme étant celui où la société était établie, et avec laquelle société il était seulement en relation; étant de regle certaine en droit, consacrée par l'art. 59 c. pr., qu'en matière de société tant qu'elle existe, l'ajournement doit avoir lieu devant le juge du lieu où elle est établie; - Considérant, à l'appui de cette règle, que l'extinction d'une société n'a lieu qu'après son entiere liquidation, qui, confiée, comme dans l'espèce, au sieur Isidor Banche, suivant qu'il est an-, noncé en la circulaire du 1er juin 1850, est en ce sens une continuation, de la société dissoute pour les actions à diriger, lesquelles actions doivent, toujours s'intenter devant le tribunal du lieu où la société a été contractée: ainsi est la jurisprudence de tous les tribunaux, et notamment d'un arrêt de la cour de Paris, du 15 fév. 1808;

» Considérant cependant que, s'agissant de faits de commerce, il est certaines exceptions dont le sieur Dagneau-Symonsin aurait pu profiter, tel est l'art. 420 du même code, mais dans quelles circonstances? Ce serait dans celle où il aurait été question de vente et de livraison, avec indication du lieu du payement: ce n'est point ici le cas, mais bien et uniquement celui d'opérations par compte courant, à l'égard desquelles s'agissant d'en demander le règlement ou le solde, cette demande ne peut se diriger que devant le domicile du défendeur; - Considérant que, bien encore que la ci-devant société Ursin Banche et compagnie, par elle-même ou son liquidateur, aurait eu tort d'expédier au sieur Dagneau-Symonsin des cotons au lieu de sucre, et qu'enfin ce dernier eût été fondé à s'en plaindre, c'est une erreur de croire que cette réclamation ne devait point être, portée devant le juge de la Pointe-à-Pitre, qui était le siége la société

la cour d'Aix, qui, toutefois, après avoir reconnu que le simple | fait d'une dissolution de société ne peut être considéré comme une renonciation vis-à-vis des tiers à la juridiction qui lui appartient, quand elle a établi un siége de liquidation qui la rend toujours existante, quant à eux, pour l'achèvement des affaires commerciales, ajoute : « qu'il ne faut pas confondre cette hypothèse avec celle par laquelle des associés se seraient séparés, sans établir de liquidateurs, auquel cas il serait juste et conforme aux principes d'actionner les divers associés devant le juge du domicile de l'un deux, cette négligence autorisant les tiers à se pourvoir contre eux d'après les règles ordinaires, sans qu'ils puissent invoquer le bénéfice d'une juridiction à laquelle ils ont renoncé » (Aix, 13 nov. 1837) (1).

123. Cette restriction est conforme à la doctrine de MM. Mal

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(1) Espèce: — (Pinton C. Beraud, etc.) — Jugement du tribunal de commerce de Marseille, qui porte : « Attendu que le mandat donné par le comte de Finto aux sieurs Pierre Beraud, Charles Reboul et compagnie, est un mandat de commission, dont l'exécution devait avoir lieu à Alexandrie, domicile de ladite maison Beraud, Reboul et compagnie, et que celle-ci ne pouvait, dès lors, d'après les principes qui régissent la matière, être actionnée à raison de cette exécution, ou du compte qui en était demandé, devant d'autres juges que ceux du domicile des défendeurs; - Attendu que, vainement le comte de Pinto se fonde sur la circonstance que la raison de commerce Pierre Beraud et Charles Reboul et compagnie est aujourd'hui dissoute, et a un liquidateur; que, si ce point est constant au procès, il est également constant que la société s'est constituée en liquidation, à Alexandrie, dans la personne dudit sieur Charles Reboul, l'un de ses membres; que ce liquidateur y réside; qu'il est dépositaire des livres et de toutes les pièces, titres et facultés dépendant de ladite société, et que c'est d'après les usages d'Alexandrie et sur Ecritures qui s'y trouvent, que le mandat doit être apprécié et jugé; Attendu que décider le contraire, ce serait renverser toutes les règles de la compétence commerciale, et exposer les maisons qui entreraient en dissolution, et établiraient légalement un liquidateur pour l'achèvement de leurs affaires commencées, à perdre le droit d'être jugées par leurs juges naturels en matière de commission; qu'il en résulterait pour elles la nécessité d'être jugées par tous tribunaux dans le ressort desquels tel des associés non liquidateur viendrait à établir son domicile, conséquence qui n'est point admissible, soit parce que la commission doit être jugée sur les lieux où elle a été accomplie soit parce que les livres, marchandises, tout se trouve là, et ne peuvent être produits à la fois devant plusieurs tribunaux différents, soit parce que le simple fait d'une dissolution de société ne peut être considéré comme une renonciation vis-à-vis des tiers à la juridiction qui lui appartenait, lorsqu'elle avait établi un siége de liquidation qui la rendait toujours existante, quant à eux, pour l'achevement des affaires commencées ;-Attendu qu'il ne faut point confondre celte hypothèse avec celle par laquelle des associés se seraient séparés, sans établir de liquidateurs, auquel cas il serait juste et conforme aux principes d'actionner les divers associés devant le juge du domicile de l'un d'eux, cette négligence autorisant les tiers à se pourvoir contre cux d'après les règles ordinaires, sans qu'ils pussent invoquer le bénéfice d'une juridiction à laquelle ils auraient par là renoncé... » Appel par Pinto. LA COUR; Adoptant les motifs, etc.; - Confirme, etc. Du 15 nov. 1857.-C. d'Aix.

Arrêt.

(2) Espèce :-(Barbet C. de Girardin.) - Barbet et Euryale de Girardin avaient formé une société pour l'exploitation de la recette générale du département de l'Hérault, à laquelle Barbet avait été nommé. En 1858, dissolution de la société. 30 novembre de la même année, acte notarié par lequel Barbet, pour mettre fin aux poursuites dont il était l'objet de la part de son coassocié, se reconnait débiteur envers lui, et à raison de l'association, de 392,500 fr. Le 6 decembre suivant, le tribunal de commerce de la Seine ayant déclaré Barbet en état de faillite, PilletWill et plusieurs autres créanciers ont intenté une action, tant contre le failli que contre de Girardin, devant ce tribunal de commerce à l'effet de se voir condamner solidairement au payement de leurs créances et de voir annuler l'acte du 30 nov. 1858. Le tribunal de commerce s'étant détlar incompétent, sur le motif qu'il s'agissait d'une société civile, une demande aux mêmes fins a été introduite devant le tribunal civil de la

peyre et Jourdain (Tr. des sociétés com., p. 346), qui font dater la non-existence de la société de l'acte de dissolution, à l'égard des tiers, et détruisent ainsi, à partir de la même époque, la compétence du domicile social, sauf dans le cas où il y a des liquí. dateurs. Carré (Compét. civ., no 551) n'admet pas non plus d'une manière absolue que le tribunal du lieu d'une société dis soute, mais non liquidée, soft compétent jusqu'à la liquidation terminée; il l'admet à l'égard des associés entre eux, non à l'égard des tiers.— Mais la cour de cassation a condamné, avec raison, ce semble, ces distinctions, en décidant d'une manière générale, par un arrêt récent, que tant qu'une société, quoique dissoute, n'a pas été líquidée, le juge compétent pour connaître des actions intentées contre elle, est celui du lieu où elle est étan blie (Req., 18 août 1840) (2). Et en effet, tant que la liqu

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Seine. Mais, au même moment, Bricogne et Tissié-Sarrus, autres créanciers, formaient de leur côté une demande analogue devant le tribunal civil de Montpellier, lieu du siége de la société. Pourvoi de Barbet en règlement de juges. Après avoir établi que le recours était recevable aux termes de l'art. 565 c. pr., on a soutenu pour le demandeur, au fond, que le tribunal de Montpellier devait être déclaré seul compétent, comme étant celui du siége de la societé (art. 59 c. pr.). A la vérité, dit-on, l'art. 59 c. pr. n'attribue une juridiction exclusive au juge du lieu où la société est établie qu'autant que cette société existe encore, et, dans l'espèce, celle qui avait été formée entre les sieurs Barbet et de Girardin a été dissoute. Mais cette dissolution n'a pas eu pour effet de détruire l'existence de la société dans le sens de la loi. L'art. 59 est applicable tant qu'il n'est pas intervenu une liquidation définitive, car jusque-là toutes les affaires sociales ne sont pas terminées, les intérêts sont encore liés, le but de la société n'est pas atteint, but qui n'est autre que la réalisation en profits ou pertes du résultat des spéculations. L'être moral continue d'exister, non plus pour agir, mais pour rendre compte de ses actes : la société vit pour se liquider. Une fois cette opération terminée, mais alors seulement, elle sera définitivement éteinte.

Pour de Girardin, on oppose d'abord que le pourvoi en règlement de juges n'est pas recevable, parce que les demandes formées soit à Paris, soit à Montpellier, sont différentes sous le rapport des parties et sous celui des créances qui ne sont pas les mêmes. Au fond, on répond que l'art. 59 c pr. est inapplicable, même d'après le système du demandeur, parce que, dans l'espèce, la société a été non-seulement dissoute, mais encore liquidée. On trouve la preuve de cette liquidation dans l'acte du 50 nov. 1858, par lequel Barbet s'est reconnu débiteur de son associé, commo reliquataire de valeurs sociales. La constatation de ce reliquat fait, diton, supposer nécessairement un règlement de comptes préalables, sans lequel il eût été impossible de déterminer la somme dont l'un des associés restait redevable envers l'autre. Si donc la liquidation a eu lieu, c'est le cas de rentrer dans le droit commun. Par suite, suivant la règle actor sequitur forum rei, c'est devant le tribunal de la Seine, c'est-à-dire devant le tribunal du domicile des défendeurs que l'on doit procéder sur la demande formée tant par Pillet-Will que par Bricogne et Tissié-Sarrus.

Arrêt.

LA COUR; En ce qui touche la fin de non-recevoir invoquée par Euryale de Girardin; Attendu, en droit, que, pour qu'il y ait lieu à règlement de juges, il suffit, aux termes de l'art. 363 c. pr., que le même différend soit porté devant deux tribunaux ne ressortissant pas à la même cour, et qu'il n'est pas nécessaire que les mêmes parties figurent devan ces deux tribunaux ; Et attendu, en fait, que la demande du sieut Pillet-Will, à Paris, et celle des sieurs Bricogne et Tissié-Sarrus, à Mont pellier, ont également pour objet de faire déclarer le sieur Euryale d Girardin associé du sieur Auguste Barbet, et passible, à ce titre, du payement des dettes dudit Barbet; — Qu'ainsi, le même différend est pendant devant deux tribunaux ne ressortissant pas à la même cour, et qu'il y a lieu, dès lors, à règlement de juges;

--

En ce qui touche la demande au fond; Attendu, en droit, que, tant qu'une société existe, et même tant qu'elle n'a pas été liquidée, le tribunal compétent pour connaître des actions intentées contre la société est celui du lieu où cette société est ou était établie; Mais que, dès l'instant ou la société a été liquidée par le règlement des comptes entre les associés, toute demande dont le but est de faire anéantir l'acte qui a réglé les droits des cointéressés, constitue une action personnelle qui doit être portée devant le juge du domicile du défendeur, suivant la règle, actor sequitur forum rei.

Et attendu que, s'il est établi par le jugement du tribunal de commerce de Paris, du 29 janv. 1840, qu'une société particulière et civile a existé entre Auguste Barbet et Euryale de Girardin, il résulte de l'acle passé devant notaire, le 30 nov. 1858, que cette société avait cessé d'exister; - Qu'elle avait été liquidée entre les associés, et que l'un d'eux s'était reconnu débiteur envers l'autre d'une somme déterminée; - Attendu que la demande en nullité de cet acte, soit qu'elle soit formée par l'une des parties qui l'ont souscrit, soit qu'elle soit formée nar des tiers, constitue

dation n'a pas eu lieu, on ne peut pas dire que la société n'existe plus d'aucune manière, puisqu'il reste à déterminer les droits des associés, à balancer l'actif et le passif, et qu'en un mot la société vit pour se liquider (Conf. MM. Pardessus, no 1357, et Bonnier, t. 1, p. 410).-V. Arbitrage, no 204.

124. Le liquidateur d'une société en participation est valalablement assigné pour rendre son compte de liquidation devant le tribunal de commerce du domicile de l'un des associés, bien que ce tribunal ne soit pas celui de son domicile, et qu'il ne soit pas lui-même un des associés (Paris, 22 fév. 1836) (1).

125. Lorsqu'une société est dissoute et liquidée, les actions relatives à cette société ne doivent plus être portées devant le tribunal du lieu où elle était établie, mais devant celui du domicile des parties (Rennes, 20 janv. 1814, aff, N... C. N...).

126. Il résulte aussi d'un arrêt récent de la cour suprême, que, du moment qu'une société a été liquidée par le règlement des comptes entre les intéressés, toute demande formée contre ces derniers, et dont le but serait même de faire annuler le règlement de la liquidation doit, comme toute action personnelle, être portée devant le juge du domicile des défendeurs (Req., 18 août 1840, aff. Barbet, no 123).- Toutefois cette dernière décision nous semble aller trop loin; car il y a lieu d'induire de la combinaison des art. 822 et 1872 c. civ., que, même après la liquidation opérée, les actions en rescision du partage ou en garantie des lots, sont soumises à la règle de compétence établie par l'art. 59, § 5, c. pr.-V. Arbitrage, no 214.

127. Du reste, une société doit être réputée liquidée quant à l'influence de cette liquidation sur la compétence, lorsqu'après la dissolution il est intervenu entre les associés un acte par lequel l'un d'eux s'est reconnu débiteur envers l'autre d'un reliquat de compte relatif aux valeurs sociales (même arrêt du 18 août 1840).-V. au surplus nos observations, vis Compét. commerciale et Société.

128. 3° Compétence en matière de faillite. L'art. 59 c. pr. porte que « en matière de faillite, le défendeur sera assigné devant le juge du domicile du failli. » Cette rédaction vague laisse incertaine la question de savoir si le législateur a entendu attribuer au tribunal de l'ouverture de la faillite toutes les contestations qui s'y rattachent, soit qu'elles proviennent de demandes dirigées contre la faillite et où les syndics figurent comme défendeurs, soit qu'elles dérivent d'actions où les syndics se sont eux-mêmes constitués demandeurs contre des tiers. Si l'on suppose que la disposition embrasse ces deux hypothèses, elle déroge au principe qui ne permet pas d'enlever le défendeur à ses juges naturels.

On dit, en faveur de cette opinion, que toutes les difficultés relatives à la liquidation de la faillite sont dévolues, sans distinction, au tribunal du lieu où elle s'est ouverte; que l'art. 452 c. com. paraît positif à cet égard, et que s'il était permis aux tiers, contre lesquels la faillite a des demandes à former, de se soustraire à la juridiction d'un tribunal commun, il n'y aurait

une action personnelle et rentre dans l'application des règles du droit commun qui veut que le défendeur soit assigné devant le juge de son domicile;-Attendu qu'il est constant et non contesté en fait que la domicile d'Euryale de Girardin est à Paris où il a été actionné par Pillet-Will; qu'Auguste Barbet demeure aussi à Paris; — Qu'ainsi, le tribunal de Paris est seul compétent pour connaître des demandes dont l'objet principal est l'annulation de l'acte fait entre Girardin et Barbet le 30 nov. 1838;

Rejette la fin de non-recevoir opposée par Euryale de Girardin, et statuant sur la demande en règlement de juges formée par Auguste Barbet, sans avoir égard aux procédures suivies devant le tribunal de Montpellier, lesquelles sont déclarées nulles et non avenues, ordonne que les parties continueront de procéder devant le tribunal de première instance du département de la Seine, et, en cas d'appel, devant la cour royale de Paris, etc. Du 18 août 1840.-C. C., ch. req.-MM. Lasagni, pr.-Valigny, rap. (1) Espèce: (Lignet C. Lavaux.) — Lavaux frères, négociants à Paris, et Hippolyte Lignet avaient nommé liquidateur d'une société en participation qui avait existé entre eux, François Lignet, étranger à cette société, et demeurant dans l'arrondissement de Semur. L'un des sieurs Lavaux assigna, devant le tribunal de commerce, 1° Lavaux son frère ; Hippolyte Lignet; 3° Francois Lignet, celui-ci pour rendre son compte de liquidation, et, les deux premiers en leur qualité d'associés, pour recevoir ledit compte, François Lignet oppose l'incompétence du tribunal.

plus d'ensemble et d'unité dans la liquidation; que cette liquidation serait morcelée et deviendrait aussi longue que difficile, si les actions actives et passives qui en font partie pouvaient relever de juridictions différentes. - On ajoute encore qu'en donnant à la disposition spéciale de l'art. 59 pour les faillites un sens plus restreint, elle devient oiseuse et sans objet, puisque, d'après la règle générale, il est bien certain qu'on ne peut assigner la faillite qu'au tribunal du lieu où elle est censée avoir son siége ou son domicile.

Dans le système contraire, on répond que l'art. 59 a dû parler des assignations à donner au défendeur, en matière de faillite, pour constituer à la faillite une sorte de domicile, quoique, à proprement parler, elle n'en ait aucun; que, sans cette prévoyance du législateur, on aurait pu penser qu'il était indispensable d'assigner la faillite en la personne de ses syndics et devant les juges de leur propre domicile; qu'ainsi la disposition do l'art. 59, restreinte dans ses véritables limites, n'a trait qu'aux contestations entre créanciers et autres ayants droit de la faillite; qu'elle ne saurait s'étendre aux actions exercées par la masse contre des tiers qui ne réclament rien, qui sont restés étrangers aux opérations de la faillite, et qui ne peuvent jamais être considérés que comme défendeurs.

Enfin, il existe un dernier système, professé par M. Troplong, et qui consiste à s'attacher strictement à ces mots de l'art 59 c. pr., § 7, en matière de faillite, et à dire que l'on n'est pas en matière de faillite, lorsque la faillite ne joue aucun rôle dans les moyens de la cause, quand elle n'a sur les obligations des parties aucune influence directe ou indirecte, quand elle laisse les choses comme elles étaient auparavant. On n'est pas en matière de faillite par cela seul que c'est une faillite qui est demanderesse: le caractère du demandeur n'influe pas sur le caractère de l'action. Il n'importe que le jugement à intervenir intéresse la liquidation de la faillite, si la question qu'il doit juger est étrangère aux matières de faillite, si ce n'est pas la faillite qui l'a fait naître.

On le voit donc, d'après le premier de ces systèmes, toute action qui intéresse la liquidation de la faillite doit, par cela seul, être soumise au tribunal du domicile du failli, sans qu'il y ait à distinguer entre les actions intentées par la faillite ou contre elle, ni entre celles qui sont nées de la faillite, ou dont l'origine est indépendante de cet événement; la compétence du juge du failli se justifie uniquement par l'influence que la demande peut avoir sur les opérations de la faillite. Dans la seconde opinion, au contraire, l'art. 59 c. pr., n'ayant eu pour but unique que de constituer à l'être moral de la faillite un domicile certain, auquel les syndics pussent être assignés par les tiers, il résulte de là cette double conséquence: 1° que le tribunal du domicile du failli n'a de compétence que pour les actions formées par les tiers contre la faillite, et non pour celles intentées par la faillite contre les tiers; 2o que la compétence établie par l'art. 59, § 7, est sans application, alors même que la faillite est défenderesse, s'il s'agit d'une action que des dispositions législatives

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Appel. On dit que François Lignet n'est pas commerçant, et qu'er liquidant une société commerciale il n'a pas fait un acte de commerce; qu'ainsi, il n'a pu être cité devant les juges consulaires; qu'en admettant même la compétence du tribunal de commerce, quant à la matière, le jugement devrait encore être réformé pour cause d'incompétence, quant à la personne. En effet, dit-on, il est certain que Francois Lignet n'a pas abjuré son domicile, et il importe peu qu'un des MM. Lavaux, assigné pour être présent à la reddition du compte, soit domicilié à Paris. L'action principale, l'action unique, qui est celle en reddition de compte, n'en a pas moins été dirigée contre l'appelant seul. Ce dernier, qui est complé tement étranger à la société, n'a qu'une obligation à remplir, c'est de rendre compte du mandat qui lui a été donné, et ce compte ne peut lui être demandé que devant le tribunal de son domicile, car il est seul actionné.-Arrêt.

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permettent d'attribuer à un tribunal autre que celui du défendeur, comme cela arriverait dans le cas où l'action serait réelle cu rentrerait dans les termes de l'art. 420 c. pr. Suivant cette opinion, l'art. 59 laisse la faillite soumise aux règles ordinaires de compétence, après l'avoir seulement investie d'un domicile fise, pour l'application de ces règles, dans le cas où la compétence dépend, d'après le droit commun, du domicile de la partie assignée. Dans le troisième système, qui semble le plus accrédité, la compétence attribuée par l'art. 59 au tribunal du domicile du failli s'étend aux actions dirigées par la faillite contre les tiers, comme à celles intentées par les tiers contre la faillite; mais elle ne s'applique pas à toute action intéressant la liquidation de la faillite; elle est limitée aux actions qui naissent du fait même de la faillite.

129. Chacune des opinions que nous venons d'indiquer aété, comme on va le voir, plus ou moins explicitement consacrée par des décisions judiciaires.

(1) (Mollon C. Moussaud.) LA COUR; Attendu que, si, d'après les dispositions du § 1 de l'art. 59 c. pr. civ., le défendeur doit être assigné devant le tribunal de son domicile, ou, à défaut de domicile, devant celui de sa résidence, la généralité de ce principe n'est pas tellement absolue qu'elle ne reçoive des modifications, notamment en matière de faillite, et lorsque les agents ou syndics agissent dans l'intérêt de la masse des créanciers; Que, dans l'espèce, ce n'était pas du failli Moussaud que les syndics avaient reçu pouvoir d'agir, puisqu'il était sans autorité et sans capacité pour cela; Que c'est de la masse des créanciers qu'ils représentent, et dont ils ont reçu mission de protéger les intérêts, par un mandat spécial de la loi; - Que, dès lors, en assignant Mollon devant le tribunal de Bourbon-Vendée, les syndics ont réguliè-rement agi, et ainsi que le prescrivait le § 7 de l'art. 59 précité; - Que ce tribunal, en se déclarant compétent, a rendu son jugement dans le cercle légal de ses attributions;—Adoptant les motifs des premiers juges; Confirme.

Du 22 août 1838.-C. de Poitiers, 2 ch.-M. Leydet pr.

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(2) 1re Espèce:-(Aertz C. N...) - Par acte du 22 fév. 1813, Aertz cède à N... un marché qu'il avait fait, en 1812, avec le ministre de la marine pour fourniture d'étoffes de laine destinées à la marine.-N... fait faillite, et, le 5 août 1813, les syndics assignent Aertz devant le tribunal de Hasselt, domicile du failli, pour qu'il ait à rendre compte de ses opérations commerciales avec N... Aertz soutient que le tribunal de Hasselt est incompétent. Jugement du 21 août 1815, qui rejette son déclinatoire. Aertz appelle de ce jugement. Il prétend que le tribunal d'Anvers était seul compétent pour prononcer sur la demande dirigée contre lui, tant parce que dans son contrat avec N... il avait été fait élection de domicile à Anvers, que parce que la promesse y avait été faite, les marchandises livrées, et qu'enfin les payements devaient y être réalisés (art. 420 c. pr.).-Les syndics, en reconnaissant tous ces faits, se bornaient à répondre que la disposition de l'art. 59, en matière de faillite, faisait exception, dans l'espèce, aux autres règles sur la compétence. Ils ajoutaient qu'en déposant son compte à Hasselt, Aertz avait reconnu la compétence de ce tribunal et devait être déclaré non recevable dans son appel.- Arrêt.

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Ainsi, d'une part, il a été jugé, conformément au premier de ces systèmes, que le tribunal du domicile du failli est compétent pour connaître soit de l'action formée par les syndics contre un débiteur de la faillite domicilié dans le ressort d'un autre tribunal (Poitiers, 22 août 1838) (1);—Soit d'une demande en reddition de compte exercée contre un tiers qui a fait des opérations commerciales avec ou pour le failli (Liége, 16 déc. 1814; Bourges, 20 juill. 1830) (2); — Soit de la demande en dommages-intérêts résultant du détournement par un tiers des meubles du faill (Paris, 10 fév. 1831) (3).

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130. D'un autre côté, il a été jugé, dans le sens de la seconde opinion: 1o que la demande à fin de compte introduite par les syndics contre un tiers, doit être portée devant le juge du domicile de ce tiers (Paris, 29 juill. 1826) (4); 2° Que, pareillement, c'est devant le tribunal de son domicile que le débiteur d'un failli doit être assigné en payement (Bruxelles, 9 déc. 1830, aff. Velleman, V. Compét. com.; Nancy, 28 janv. 1841, aff. LA COUR; Considérant, qu'à la vérité, le défendeur, en matière personnelle, doit être assigné devant le tribunal de son domicile; mais que la loi elle-même a établi une exception en matière de faillite, dont les affaires doivent être portées devant le juge du domicile du failli; — Qu'il s'agit ici de régler des comptes de marchandises vendues par les appelants pour le failli, et d'objets qu'il veut opposer en compensation des sommes par lui reçues, et que la vérification des créances ne peut être faite qu'en présence du juge-commissaire, qui est nécessairement pris parmi les membres de ce tribunal; Dit bien jugé. Du 20 juill. 1830.-C. de Bourges.-M. Sallé, pr.

-

(3) Espèce: (Besnard C. Grare.) Besnard, cultivateur domicilié en province, ayant détourné divers objets appartenant à un failli, est assigné en dommages-intérêts devant le tribunal de commerce de Paris, saisi des opérations de la faillite.- Besnard demande son renvoi devant ses juges naturels. - Jugement qui « vu l'art. 59 c. pr. c., et attendu qu'il s'agit d'un débat intéressant la faillite,» rejette l'exception proposée. Sur l'appel, Besnard soutient, sans succès, que l'art. 458 c. comm., a implicitement modifié, par sa disposition finale, l'art. 59 c. pr., en disant que « le juge commissaire fera, au tribunal de commerce, le rapport de toutes les contestations que la faillite pourra faire naître, et qui seront de la compétence de ce tribunal. » Or, on ne saurait considérer comme rentrant dans les limites de cette compétence, une action civile en dommages-intérêts exercée contre un individu étranger aux opérations de la faillite. Arrêt.

LA COUR;

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Adoptant les motifs des premiers juges, confirme. Du 10 fév. 1831.-C. de Paris, 3 ch.-M. Lepoitevin, pr.

(4) Espèce : (Randon C. Michel.) Société, à Paris, entre Randon et Cavalier la dame Michel, du Havre, était chargée de leurs expéditions; un compte était à faire entre eux et cette dame, quand ils ont fait faillite. Les syndics de la faillite Randon, se prétendant créanciers de la dame Michel pour 158,000 fr., l'ont assignée devant le tribunal de commerce de la Seine. Celle-ci, qui soutenait, au contraire, qu'elle était créancière, s'est bornée à opposer l'incompétence du tribunal. —16 janv. 1826, jugement qui, attendu qu'il y a compte à faire entre Randon et la dame Michel; que, pour raison de ce compte, Randon n'a qu'une action personnelle contre cette dame; qu'il ne pouvait luimême porter cette action que devant les juges du domicile de la damo Michel; que les syndics étant à ses droits, doivent se soumettre à la même juridiction à laquelle il eût été soumis lui-même, et que l'état de faillite ne peut porter aucun changement à cet égard; que l'art. 59 c. pr., en statuant que les actions en matière de faillite doivent être portées devant le tribunal saisi de la faillite, ne peut s'entendre que des actions dirigées pour raison de la faillite, ou de celles où les syndics sont défendeurs; que le chef de demande, par lequel les syndics requièrent que la dame Michel soit tenue de présenter et affirmer cette créance, n'est évidemment introduit que pour détourner cette dernière de ses juges naturels, parce que les syndics ne peuvent requérir son affirmation, alors qu'ils prétendent, au contraire, qu'elle est débitrice de sommes considé

LA COUR ; - Vu l'art. 59 c. pr., statuant qu'en matière de faillite, le défendeur doit être assigné devant le juge du domicile du failli;-Attendu que la discussion agitée entre parties est le résultat d'opérations commerciales; qu'elle tend à obtenir une reddition et l'apurement d'un compte établi sur une spéculation de marchandises entre négociants;-Attendu que l'appelant se prétend créancier de N... à titre d'un contrat avenu entre parties le 20 janv. 1813, portant cession d'un marché pour fournitures d'objets nécessaires à la marine; que ce titre ne peut être apprécié que par le tribunal qui doit en déterminer le résultat dans l'intérêt universel, et qu'aux termes de la loi, le tribunal compétent pour le faire est le tribunal du domicile du failli; - Considérant, quant à la fin de nonrecevoir, que l'appelant n'a produit son compte qu'avec les réserves propres à lui conserver tous ses droits; Sans avoir égard à la fin de nonrecevoir, met l'appellation au néant, Du 16 déc. 1814.-C. de Liége. 2e Espèce (Brinay C. Berton.) rables. Brinay, commissionnaire à Orléans, chargé par le sieur Berton, de Bourges, de la vente de divers chargements de laines, fut, après la faillite de celui-ci, assigné par les syndics, en reddition de comptes, devant le tribunal de commerce de Bourges. Brinay soutient ne pouvoir être assigné que devant le tribunal de son domicile. Jugement portant: « qu'aux termes du § 7 de l'art. 59 c. pr., en matière de faillite, le défendeur doit être assigné devant le tribuDal du domicile du failli; qu'en outre, d'après l'art. 458 c. com., le jugecommissaire est tenu de faire au tribunal le rapport de toutes les contestations que la faillite pourra faire naître; d'où résulte la nécessité d'assigner devant le tribunal où se trouve le juge-commissaire, c'est-à-dire, devant le tribunal de la faillite. » - Appel par Brinay. — Arrêt.

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Appel par les syndics; ils soutiennent que le n° 7 de l'art. 59 c. pr., qui veut que toutes les actions en matière de faillite soient portées devant le juge du domicile du failli, » contient une exception au no 1er, qui pose le principe que le défendeur doit être assigné à son domicile; qu'on a voulu centraliser les opérations de la faillite, que cela résulte encore de l'art. 458 c. com., d'après lequel le jnge-commissaire est chargé de faire le rapport au tribunal de toutes les contestations que la faillite pourra faire naître. Arrêt.

LA COUR ;- Adoptant les motifs des premiers juges, etc.;—Met l'appel au néant.

Du 29 juill. 1826.-C. de Paris, -M. Lepoitevin, f. f. de pr.

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