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ciers d'une société devant le tribunal où siégeait l'établissement social, ne peut, quoiqu'il produise l'acte par lequel cette société a été dissoute à son égard, antérieurement à l'existence des titres produits par les créanciers, obtenir son renvoi devant les juges de son domicile (Req., 10 déc. 1806) (1). — V. Arbi(rage, no 184.

119. Mais, d'un autre côté, il a été statué, en sens contraire, que l'adage suivant lequel le juge de l'action est juge de "'exception suppose qu'il existe entre l'action et l'exception de telles différences que le jugement de l'une sera tout à fait distinct et indépendant du jugement de l'autre; mais que cet adage est

connu, en fait, que par l'ordon. royale du 24 déc. 1817, il a été déclaré que la société israélite en question, dont la liquidation n'a pas encore été faite, devait être considérée comme existant à l'égard de ses créanciers; que cette société était établie, non pas à Béziers, mais bien à Lille; que les contraintes dont il s'agit avaient été décernées contre Salvador-Ayon et ses neveux pour une dette à la charge de la même societé; qu'entin c'est en qualité de défendeurs et pour se soustraire au payement des sommes portées dans ces contraintes, que Salvador-Ayon et ses neveux ont proposé l'exception tirée de ce qu'ils n'avaient jamais été associés ;Que, dans ces circonstances, en décidant que ce n'était pas le tribunal de première instance de Béziers, mais bien celui du lieu où la société était établie, qui, seul investi, par l'art. 59, 5o alinéa, c. pr., du droit de statuer sur la demande, était aussi le seul qui devait prononcer sur l'exception proposée contre la même demande, l'arrêt attaqué, loin de violer ledit art. 59, en a fait une juste application; Rejette.

Du 9 mai 1826.-C. C., ch. req.-MM. Botton, pr.-Lasagni, rap.

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(1) Espèce:-(Cardon C. Godet et Delépine.)-An 10, Cardon, négoCiant à Paris, se rend associé commanditaire de Godet et Delépine.-An 12, Cardon se retire.-An 13, faillite de Godet et Delépine.-En 1806, les créanciers des faillis, qui l'étaient depuis la retraite de Cardon, assignent celui-ci devant le tribunal de Rouen, lieu de l'établissement social, pour s'y voir condamner personnellement en qualité d'associé commanditaire, au rapport de sa mise, des intérêts et profits, et en outre à des dommages-intérêts. Cardon oppose le déclinatoire fondé sur sa retraite de l'association et l'établissement de son domicile à Paris. - Jugement du tribunal de Rouen qui rejette ce déclinatoire. Appel; arrêt confirmatif de la cour de Rouen. - Pourvoi en règlement de juges de la part de Cardon. Il a prétendu que, s'agissant d'une action personnelle, il devait être assigné devant son domicile; qu'à la vérité, il y avait exception en matière de societé; mais que les associés ne peuvent être assignés au tribunal de l'établissement social qu'autant qu'il sont encore associés. Arrêt. LA COUR; Attendu que l'acte de dissolution de la société ne constitue, en faveur du sieur Cardon, qu'une exception à la demande formée contre Jui au tribunal de commerce de Rouen ; - Attendu que le juge de l'action est incontestablement juge de l'exception; - Rejette, etc. Du 10 déc. 1806.-C. C., sect. req.-MM. Muraire, 1er pr.-Henrion, rap. (2) Espèce (Girard C. Lafon.) - En 1852, les syndics de la faillite de Girard, négociant à Alais, assignèrent, devant le tribunal de commerce de cette ville, Lafon, domicilié à Cette, pour: « attendu qu'une société a existé à Alais entre Lafon et Girard pour la vente de houilles, se voir condamner solidairement au payement des dettes contractées à l'occasion de ladite société. » Ils notifièrent ensuite cette assignation à Girard et l'appelèrent en cause. Lafon déclara qu'il niait l'existence de la prétendue société, et demanda le renvoi de là cause devant le tribunal de son domicile. Mais, par jugement du 16 mars 1855, le tribunal ordonna que l'exception serait jointe au fond, et, avant dire droit sur cette exception, admit les syndics à prouver, tant par titres que par témoins, les faits par eux articulés dans le but d'établir l'existence de la société.

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Sur l'appel la cour de Nîmes, par arrêt du 6 mars 1854, déclara le tribunal d'Alais incompétent et renvoya les syndics à se pourvoir devant le tribunal du domicile du défendeur: «Attendu qu'aux termes de l'art. 55 de la charte constitutionnelle, nul ne peut être distrait de ses juges naturels; Attendu que l'art. 59, § 1, c. pr. dispose, conforinément à ce principe et à la maxime actor sequitur forum rei, qu'en matière personnelle, le défendeur sera assigné devant le tribunal de son domicile; - Attendu que, s'il y a plusieurs défendeurs, le demandeur peut, à la vérité, citer devant le tribunal du domicile de l'un d'eux, à con choix, selon le § 2 du susdit article, mais que ce paragraphe est inapplicable à la cause, puisque Lafon a été cité seul par la citation introductive d'instance, du 5 juin 1832, à laquelle, par conséquent, il elait constitué seul défendeur, comme il résulte de cette citation ellemême; et que si, plus tard, Girard a été assigné et mis en cause, cette circonstance est d'autant plus indifférente, que Girard ne pouvait avoir aucun intérêt, ayant déjà été condamné et déclaré en faillite, ou que si, comme les syndics le prétendent, il avait intérêt à voir supporter à Lafon, en sa prétendue qualité de son associé, et solidairement les condamnations déjà prononcées contre lui, ainsi que le demandaient les syndics,

sans application quand le jugement de l'exception doit, par la nature de la demande, être nécessairement le jugement de l'action elle-même ; Et que, spécialement, lorsque celui qui est assigné comme associé d'un failli en contribution aux charges de la faillite, devant le tribunal du lieu où la prétendue société avait son siége, dénie l'existence de cette société, il n'appartient pas au tribunal saisi de la demande de statuer sur le mérite de cette exception, dont l'admission ou le rejet entraînerait l'admission ou le rejet de la demande principale: c'est devant le juge du domicile du défendeur que doit être portée la question de l'existence de la société (Rej., 10 juill. 1837) (2).—V. eod., nos 185 et suiv.

il avait donc le même intérêt qu'eux, il n'était donc pas un second défendeur à leur demande;

» Attendu que le § 5 dudit article 59 autorise bien aussi le demandeur à citer le défendeur en matière de société, tant qu'elle existe, devant le tribunal du lieu où cette société est établie, mais cette disposition exceptionnelle comme la précédente, ne doit avoir son application qu'autant que la société est établie, constante, et tant qu'elle existe; d'où il suit que, si le défendeur dénie que la prétendue société existe, et qu'elle ait jamais existé, le demandeur est tenu d'en prouver préalablement l'existence devant le juge du domicile du defendeur; Attendu qu'ici Lafon a constamment dénié d'être et d'avoir jamais été l'associé de Girard; qu'il resulte, en effet, des actes mêmes du procès, que Girard a été déclaré seul en état de faillite par le jugement du 9 sept. 1826; que c'est bien contre Girard seul qu'ont été poursuivis, à cette époque, tous les jugements de condamnation, et que, s'il est vrai que six ans après la déclaration de cette faillite, les créanciers dudit Girard soient recevables à assigner, mème à établir par témoins, une société de commerce entre leur débiteur et Lafon, il ne l'est pas moins qu'avant de pouvoir poursuivre cette sociéte devant le juge du lieu de son établissement, les demandeurs sont tenus d'obtenir contre l'individu qu'ils soutiennent avoir fait partie de cette société un jugement qui le déclare ainsi, du tribunal dans le ressort duquel le défendeur est domicilié; il résulterait du système contraire qu'en alléguant une société de commerce, on pourrait distraire tout défendeur de ses juges naturels, tant en premier qu'en dernier ressort, ce qui porterait évidemment atteinte à l'ordre constitutionnel des juridictions:

» Attendu que le tribunal a reconnu lui-même qu'il ne pouvait pas, en l'état, se déclarer compétent, puisqu'il a subordonné le jugement du déclinatoire à une enquête ordonnée sur le fond même du procès; que, par la, le tribunal a violé la maxime priùs de judice, et l'art. 172 c. pr., qui, quoique modifié sous certains rapports, par l'art. 425, ne l'est pas sous ce point de vue que la compétence doit être jugée, avant de pouvoir s'occuper du fond; Attendu que les intimés ont, à la vérité, demandé, par un appel incident, émis seulement à la barre, que la cour, en réformant la disposition du jugement qui joint le déclinatoire au fond, déclare d'ores et déjà le tribunal de commerce d'Alais compétent; mais cet appel incident de leur part serait non recevable d'après la maxime non auditur appellans de his quæ ipse facienda curavit, et le tribunal de commerce, en joignant le déclinatoire au fond et admettant les intimés à la preuve, tant par titres que par témoins, de l'existence de la société par eux alléguée, n'a fait que ce qu'ils lui avaient uniquement et formellement demandé euxmêmes; ne fût-il pas irrecevable cet appel incident, il serait toujours mal fondé, ou tout au moins insuffisant a faire déclarer la compétence du tribunal de commerce d'Alais, en l'absence reconnue en leurs mains de toutes les preuves de l'existence de la société alléguée; et quand, par les raisons ci-dessus déduites, la preuve préalable de cette prétendue société n'existant pas, n'apparaissant même pas, se trouvant même contredite par le jugement qui, depuis six ans, a déclaré la faillite de Girard, seul, en son privé nom, à la requête de ses créanciers que les intimés représentent, l'incompétence du tribunal d'Alais ne peut qu'être déclarée puisque sa compétence, d'après la charte et d'après la loi, était attachée à la preuve préalable de l'existence de la société prétendue qui, seule, autorise à distraire Lafon de ses juges naturels;

» Attendu que le § 7 de l'art. 59 précité, qui autorise à citer, en matière de faillite, le défendeur devant le juge du domicile du failli, doit être interprété en ce sens que les syndics de la faillite devant être cité! devant les juges du domicile du failli, eux-mêmes peuvent aussi, à rai son des opérations postérieures à la faillite, citer devant ce même tribe nal; mais qu'il en est autrement à raison des faits antérieurs à la faillite, qui ne rentrent ni dans le texte, ni dans l'esprit du susdit paragraphe qu'il s'agit ici de condamnations poursuivies à raison de prétendus engagements de Lafon, contractés avant la faillite de Girard; qu'on ne peut donc pas s'appuyer sur ce § 7 de l'art. 59 pour distraire Lafon de ses juges naturels par l'action reconnue pure personnelle à laquelle il est défendeur, pour laquelle il n'est justiciable que du juge de son domicile, sans que l'allégation d'une prétendue société entre Lafon et le failli ait pu, par elle-même et avant toute discussion ultérieure, dénaturer le caractère de cette action. »>

Pourvoi des syndics. — 1o Violation du § 5 de l'art. 59 c. pr. civ., en

120. Une société est censée exister entre les associés et leurs représentants tant que la liquidation n'en est pas faite.

ce que la cour royale a décidé que le fait de la société à raison de laquelle Lafon est actionné, n'étant établi par aucun acte, et étant, au contraire, formellement contesté par Lafon, celui-ci était fondé à demander son renvoi devant le tribunal de son domicile. - Parmi les nombreuses exceptions que la loi a introduites au principe qui saisit le juge du domicile du défendeur, se trouve, a-t-on dit, celle qui est relative aux demandes en matière de société. Le législateur a voulu que le tribunal du siége de la société fut seul compétent pour connaitre des contestations nées à l'occasion de cette société : or il est évident que cette disposition est surtout applicable au cas où il s'agit de savoir si la société à même existé. Le système contraire n'aurait-il pas pour résultat d'offrir un moyen trop facile d'éluder la juridiction exceptionnelle, par une simple dénégation du fait de la société, en l'absence de tout acte social? Le § 5 de l'art. 59 précité a donc dù prévoir ce cas, puisqu'il est vrai de dire que le but principal de la loi est de déjouer la mauvaise foi. D'ailleurs, ici se présente naturellement l'application de la maxime que le juge de l'action est le juge de l'exception. On comprend facilement que, dès qu'un déclinatoire est soulevé, il doit être examiné et jugé; mais, dans l'hypothèse actuelle, comme dans toute autre, c'est le tribunal saisi de la contestation qui doit déterminer la compétence; et, pour y parvenir, il a le droit de s'éclairer par tous les moyens d'instruction qu'il croit utiles et convenables, sauf ensuite à retenir la cause ou à la renvoyer devant les juges compétents.

29 Violation du § 2 du même art. 59, en ce que l'arrêt attaqué a déclaré l'incompétence du tribunal d'Alais, quoique Girard, l'un des deux défendeurs, eùt son domicile dans cette ville.

5° Violation du § 7 du même article, en ce que la cour royale a décidé que l'action dont il s'agissait, quoique relative à une faillite, ne devait pas être portée devant le juge du domicile du failli.

4° Violation de l'art. 425, et fausse application de l'art. 172 c. pr. civ., en ce que l'arrêt a jugé que le tribunal d'Alais n'avait pu joindre P'exception d'incompétence au fond de la cause. L'art. 425, disait-on, modifiant en cela l'art. 172 relatif aux matières civiles, permet aux juges commerciaux de rejeter le déclinatoire et de statuer sur le fond par une méme sentence. Par une conséquence nécessaire de cette règle, un tribunal de commerce doit avoir la faculté de joindre le déclinatoire au fond dans l'instruction de la cause; d'autant mieux qu'en définitive, on ne saurait refuser à l'autorité, chargée de statuer, le pouvoir de procéder aux actes qui doivent préparer la décision principale. Dans l'espèce, la question de compétence et celle du fond étaient liées aux mêmes moyens; ne devenait-il pas dès lors inutile de se livrer d'abord, sur l'exception, à une instruction qu'il aurait fallu recommencer ensuite sur le fond? Le tribunal d'Alais avait donc procédé régulièrement; la jonction qu'il avait prononcée, en économisant des frais frustratoires aux parties, était conforme à l'esprit de la loi; et, dès lors, l'arrêt attaqué, qui a infirmé sa décision, ne saurait échapper à la censure.

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On répondait, sur le premier moyen :- Il faut bien se pénétrer de la portée de l'exception contenue dans le n° 5 de l'art. 59 c. pr. civ. Une première observation, c'est que le droit d assigner au lieu du siége de la société est une dérogation à la règle générale actor sequitur forum rei, dérogation qui doit, dès lors, être restreinte dans ses termes. Or ces termes, quels sont-ils ? Que « le défendeur sera assigné... en matière de société, tant qu'elle existe, devant le juge du lieu où elle est établie. »> (Art. 59, § 5.)- Il résulte evidemment de ce texte que l'attribution de juridiction suppose nécessairement le fait preexistant et non contesté d'une société établie et reconnue; et cela avec d'autant plus de raison que les sociétés, même commerciales, doivent être constatées par écrit, aux termes des art. 39, 40 et 41 c. com., et même rendues publiques, près l'art. 42 du même code. On ne concevrait pas qu'il pût suffire d'alléguer l'existence d'une prétendue société pour ravir un citoyen à ses juges naturels. Il y a, d'ailleurs, une raison puissante d'analogie à tirer de la jurisprudence qui s'est établie sur l'art. 51 c. com., lequel attribue à des arbitres la connaissance des contestations qui s'élèvent en matière de société. Suivant cette jurisprudence. si le fait même de la société est dénié, c'est le tribunal de commerce qui prononce; c'est-à-dire, dans ce cas, le juge naturel des parties, à raison de leur qualité, comme dans les cas ordinaires et lorsque le même incident se présente, à l'egard d'un non-commerçant, ce doit être le juge du domicile du défendeur.

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On objecte que le juge de l'action est aussi celui de l'exception. Mais, pour que cette maxime de droit soit applicable, il faut supposer 1 que l'exception n'est pas du domaine juridictionnel d'un autre tri¡bunal; 2° que l'action et l'exception forment deux choses dictinctes, et ne se confondent pas comme ici où, dans la réalité, la demande des syndics, quels qu'en soient les termes, tend uniquement à faire reconnaitre l'existence d'une prétendue société, et s'identifie avec la défense invoquée par Lafon; 3° il faut supposer enfin un fait préexistant et attributif de juridiction. Ainsi, par exemple, une société a existé, l'acte en est produit, et un associé est assigné à raison de la société; mais il excipe de la dissolution de la société. On comprend que cette défense soit consi

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TOME XI.

Ainsi, une contestation entre associés relativement à une société dissoute, mais non liquidée, doit être portée, non au tribunal du

dérée comme une exception à l'action principale, et soit de la compétence du tribunal du lieu où la société est établie, parce qu'il y a un fait de société préexistant, attributif de juridiction (Merlin, et arrêt Cardon du 10 déc. 1806). Ainsi encore, on pourrait aller jusqu'à comprendre, quoique telle ne soit pas notre opinion, que quand une société existe et est avérée, l'action dirigée par plusieurs des associés contre l'un d'eux, qui se défendrait en excipant de la nullité de l'acte à son égard, soit de la compétence du tribunal du lieu où la société est établie (arrêt Salvador du 9 mai 1826, no 118). - Mais on ne saurait rien induire de ces conces sions, dans l'espèce, car 1° aucune société préexistante n'est reconnue, n prouvée, ni ne peut l'être, puisqu'il n'y a pas d'acte; 2° rien de plus frivole que l'allégation des syndics, lorsqu'on voit que Girard a été seul constitué en état de faillite, et que ce n'est qu'après cinq ans depuis la faillite qu'ils se sont avisés de prétendre que le sieur Lafon aurait été son associé; 3° on peut même ajouter que la prétendue société, dont ils ont révé l'existence, n'aurait pu être, dans tous les cas, qu'une société en participation, à raison de laquelle le sieur Lafon n'aurait pu être distrait de ses juges naturels.

Si ce système offre des conséquences propres à favoriser la mauvaise foi, ce qu'on est loin d'admettre, en retour, on peut dire que celui du demandeur entraînerait des résultats bien autrement graves; dans un concours d'inconvénients, il faudrait, dans tous les cas, revenir à la règle.

Sur le deuxième moyen, il y a deux réponses également décisives: 1° l'art. 181 c. pr. civ. a été étendu par la jurisprudence au cas où deux parties ne sont mises en cause que pour priver l'une d'elles, et la seule qui ait intérêt réel au procès, de ses juges naturels (arrêt du 5 juill. 1808, n° 59). Or, ici, le but des syndics est d'autant plus évident, qu'ils n'avaient d'abord assigné que Lafon tout seul, et n'ont fait intervenir le failli que plus tard, pour échapper au déclinatoire; c'est ce que la cour royale a déclaré. 2o D'un autre côté, la mise en cause du failli Girard qui est dessaisi de l'administration de ses biens, ne se comprend guère, et ce qui est plus incompréhensible encore, c'est cette mise en cause du failli par ses propres syndics dont l'intérêt s'identifie avec le sien, et qui le représentent de la manière la plus absolue. - On voit donc que, sous l'un comme sous l'autre rapport, la présence illégale et évidemment frauduleuse du failli au procès n'a pu ravir à Lafon ses juges naturels : il n'y a pas là plusieurs défendeurs dans le sens de la loi. Sur le troisième moyen: Ce moyen est mal fondé; il suffit, pour s'en convaincre, de se pénétrer du véritable sens de la disposition du § 7 de l'art. 59 c. pr. civ. Ce paragraphe, quand il attribue au tribunal du lieu de l'ouverture de la faillite la connaissance des contestations qui s'élèvent en matière de faillite, n'entend évidemment parler que des contestations qui peuvent naître entre les créanciers d'une faillite et au sujet de l'état de faillite; mais nullement des actions actives ou passives qui peuvent être intentées par des tiers contre la faillite, ou par la faillite contre des tiers, et qui sont tout à fait indépendantes de l'état de faillite. De pareilles contestations ne sont pas des contestations en matière de faillite, quoiqu'elles soient dirigées pour ou contre un failli, et, par conséquent, elles ne rentrent pas dans la dispositio exceptionnelle de l'art. 59, § 7. On ne comprendrait pas l'extensio de cette attribution exceptionnelle à des contestations étrangères à l'état de faillite; elle serait sans motifs. — Aussi les auteurs n'ont qu'une voix sur ce point (Pardessus, Cours de droit comm.; Boncenne, sur le § 7 dont il s'agit). La jurisprudence est également constante. — V. Cass., 22 mars 1821, no 131; Paris, 29 juill. 1826, no 130-1°. Sur le quatrième moyen En premier lieu, l'arrêt ne méconnaît pa que l'art. 425 c. pr. ne contienne, relativement aux tribunaux de com merce, une exception à la défense de jonction posée dans l'art. 172 du même code, pour les matières ordinaires; loin de là, il rend hommage à la disposition de l'art. 425, et fait seulement remarquer qu'elle ne va pas jusqu'à dispenser le juge de l'obligation de commencer par statuer sur la compétence, priùs de judice, tout en prononçant par le même jugement. En second lieu, alors même que cette proposition de l'arrêt serait hasardée, et même contiendrait une erreur de droit manifeste, elle ne pourrait vicier l'arrêt fondé, d'ailleurs, sur plusieurs autres motifs qui suffisent pour le justifier pleinement. Arrêt (après délib. en ch. du cons.).

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LA COUR; -Sur le premier moyen: Attendu que le tribunal de commerce d'Alais (à la juridiction duquel Lafon, domicilié à Cette, est constamment étranger) ne peut devenir compétent à l'effet de connaitre de l'action intentée contre lui, comme associé prétendu de Girard, par les syndics de la faillite de ce dernier, qu'autant qu'il deviendra constant 1° qu'il a existé une société commerciale entre Girard et Lafon; 2o que le siége de cette société a été établi à Alais; - Attendu que ces deux faits, encore incertains et simplement allégués par les syndics demandeurs, mais niés par le défendeur Lafon, sont l'unique fondement de l'action qu'ils ont dirigée contre lui, et à laquelle Lafon oppose une exception déclinatoire; 6

domicile des associés, mais au tribunal du lieu où la société était établie (Req., 16 nov. 1815).-V. Arbitrage, no 204.

121. Cet arrêt n'a statué, comme on le voit, que pour le cas d'une contestation entre associés. Un autre arrêt, de la cour de Douai, étendant le même principe, a décidé qu'une société en

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..Attendu que le commun adage: Le juge de l'action est juge de l'exception (en admettant qu'on puisse l'appliquer à un juge qui n'est, lui-même, qu'exceptionnel), suppose qu'il existe entre l'action et l'exception, de telles différences, que le jugement de l'une sera tout à fait distinct et indépendant du jugement de l'autre; qu'on ne peut donc, sous peine de perturbation complète dans l'ordre des juridictions, appliquer cet adage que lorsque l'exception, si elle tend à dessaisir le tribunal devant lequel l'action a été portée, étant vidée dans un sens soit affirmatif, soit négatif, il restera encore quelque chose à juger; mais qu'on ne saurait appliquer cs même adage, si le jugement de l'exception devait, par la nature de la demande, être nécessairement le jugement de l'action elle-même; Qu'il en serait inévitablement ainsi, dans l'espèce, et que le tribunal de commerce d'Alais en a été tellement convaincu, qu'il a, par son jugement interlocutoire, joint l'exception d'incompétence au fond de la cause; qu'en cela, il s'est, à proprement parler, saisi du fond lui-même, ce qui constitue un empiétement inévitable, soit sur sa propre juridiction, s'il retient la cause, soit sur la juridiction d'un tribunal égal en degré, s'il lui renvoie le fond à décider, sous l'influence d'un immense préjugé résultant de la décision déjà rendue sur le déclinatoire;-Attendu, enfin, que le § 1 de l'art. 59 c. pr. civ., trace une règle fondamentale, empruntée à ce principe de toutes les législations: que le juge du domicile du défendeur est le juge nécessaire du procès qu'il plait au demandeur de lui intenter, tandis que le § 5 du même article, qui statue qu'en matière de société, tant qu'elle existe, l'action sera portée devant le juge du lieu où elle est établie, n'est, lui-même, qu'une exception au principe général; -Que, dans ce conflit entre la règle et l'exception, et dans une espèce où le domicile du défendeur est déjà constant, tandis que l'existence de la société alléguée est problématique, et ne cessera de l'être que par le jugement de l'action elle-même, l'arrêt attaqué, en donnant la prééminence à la règle sur l'exception, n'a violé ni pu violer aucune loi;

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Sur le deuxième moyen : → Attendu que ce serait abuser de la disposition du § 2, art. 59 c. proc. civ., que de se servir d'une action secondaire, dans la seule vue de distraire un défendeur de ses juges naturels; - Que l'arrêt attaqué a jugé, en fait, par des motifs explicites et en termes exprès, que Girard n'était pas, dans la cause, un second défendeur, proposition qui ne saurait être douteuse en présence de l'art. 494 c. comm., qui, statuant qu'après l'ouverture de la faillite, nulle action civile contre le failli ne peut être intentée que contre les agents et syndics, a, par cela même, concentré dans leurs personnes, toutes les actions judiciaires, actives et passives du failli;

Sur le troisième moyen: Attendu que, s'il a existé une société entre Girard et Lafon, cette société a été nécessairement antérieure à l'événement de la faillite; · Que l'action tendant à faire déclarer l'existence de cette société (action qui compéterait à Girard s'il était resté en possession de la plénitude de son état civil et commercial, et pour l'exercice de laquelle il serait incontestablement demandeur), n'est pas l'action en matière de faillite, prévue par le § 7 de l'art. 59 c. pr. civ., et qu'en le décidant ainsi, l'arrêt a sainement interprété cet article;

Sur le quatrième moyen: Attendu que l'arrêt attaqué, loin d'avoir denié, a reconnu, en termes explicites, que l'art. 172 c. pr. civ. a été modifié, quant aux tribunaux de commerce, par l'art. 423 du même code; Que cet arrêt a, d'ailleurs, sainement décidé qu'en joignant le déclinaloire au fond, et en autorisant une preuve qui porterait sur l'un et sur l'autre, le tribunal de commerce d'Alais a enfreint la règle générale, qui veut que le jugement de la compétence soit tout à fait distinct de celui du fond;-Qu'en dernière analyse, et ne s'agissant pas, devant la cour royale de Nimes, de l'appel d'un jugement qui aurait statué sur le fond, en même temps qu'il aurait rejeté un déclinatoire, cette cour n'a pu, ni faussement appliquer l'art. 172, ni violer l'art. 425 c. pr. civ.;. Rejette.

Du 10 juill. 1857.-C. C., ch. civ.-MM. Portalis, 1er pr.-Quéquet, rap.-Galisset et Dalloz, av.

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(1) Espèce: (Lavergne.) Société entre Antoine Lavergne et les deux frères Pierre et Louis Lavergne, pour un commerce de chaudronnerie. Chacun des associés travaillait dans son atelier particulier, Louis à Marzy, arrondissement d'Aurillac; Pierre à Lavergne, et Antoine à Langlade, arrondis. de Mauriac. Les marchandises étaient réunies dans un magasin que la société avait dans la ville de Prades. Il a été allégué qu'à certaines époques périodiques, chacun des associés s'y rendait à son tour pour y faire la vente; mais il parait qu'Antoine etait le directeur de l'établissement, et qu'il habitait Prades depuis plusieurs années. En 1811, décès d'Antoine à Prades. Par ce décès, Pierre et Louis s'étant trouvés en possession de tous les titres et valeurs de la société, ont été assignés par les héritiers d'Antoine, en reddition de compte, devant le tribunal de Mauriac, lieu du domicile de l'un d'eux. Pierre et

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liquidation doit être actionnée par les tiers, relativement à des opérations par compte courant, au domicile social, en la personne du liquidateur, attendu, en droit, qu'une société ne cesse d'exister qu'après sa liquidation (Douai, 18 juill. 1833) (1).

122. La même jurisprudence est confirmée par un arrêt de

Louis, au lieu de se présenter, assignent les héritiers devant le tribunal de Prades, aux mêmes fins de reddition de compte; ils se fondent sur ce que ce tribunal est seul compétent pour connaître d'une demande relative à la société, puisque cette société y avait son siége. Les héritiers opposent que le tribunal de Mauriac est déja saisi depuis six mois; qu'il faut donc attendre que ce tribunal ait statué sur sa compétence. - 29 juin 1813, le tribunal de Prades, sans avoir égard à l'exception de litispendance, ordonne que les parties se pourvoiront en règlement de juges. Pourvoi en règlement de juges des héritiers; iis reproduisent l'exception de litispendance (c. pr., 171) et soutiennent que, d'ailleurs, lo siége de la société n'était point à Prades; que les associés n'y avaient qu'un magasin où ils se rendaient chacun leur tour; qu'au reste, la société serait, en tout cas, dissoute par le décès d'Antoine; qu'ainsi l'assignation avait été régulièrement donnée devant le tribunal de Mauriac. Arrêt.

LA COUR; - Attendu que, d'après l'art. 59 c. pr., c'est le tribunal du lieu où est établie une société qui doit connaître de cette matière; que cette société est censée exister entre les associés et leurs représentants tant que la liquidation n'en est pas faite; Attendu qu'il est constant que les frères Lavergne avaient à Prades un établissement et fabrique de chaudronnerie, en société, don: feu Antoine Lavergne était directeur; qu'il habitait Prades depuis longues années, et y était taxé au rôle des contributions foncieres, personnelles et mobilières; que là sont les registres de la société et les marchandises à partager entre les parties; - Renvoie devant le tribunal de Prades.

Du 16 nov. 1815.-C. C., sect. req.-MM. Henrion, pr.-Rousseau, rap.

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(1) Espèce (Dagneau-Symonsin C. Banche.) Jugement du tribunal de Dunkerque ainsi concu: - « Considérant, en fait, ainsi que la correspondance d'entre les parties le justifie, que les liaisons commerciales d'entre le sieur Dagneau-Symonsin et la société Ursin Banche et compagnie, établie à la Pointe-à-Pitre, ile de la Guadeloupe, ne consistent uniquement qu'en envois de marchandises de France sur vente, de la part du sieur Dagneau-Symonsin, à la société Ursin Banche et compagnie, et recouvrement de fret, en des retours de la part de ces derniers, en denrées coloniales: laquelle société existait encore le 1er juin 1830, jour de la circulaire de cette maison qui annonce sa dissolution et désigne comme liquidateur leur frère Isidor Banche, qui a repris la suite des affaires Banche et compagnie;

» Considérant que c'est, entre autres, par lettres du 21 du même mois, de juin, que le sieur Isidor Banche et compagnie liquidateur, remettent an sieur Dagneau-Symonsin l'état des diverses ventes faites pour son compte, par la ci-devant société, soldant en sa faveur pour 63,276 fr. 72 c., et que, par lettre du 28 août suivant, ils font part au sieur Dagneau-Symonsin que, pour ladite société Ursin Banche et compagnie, ils lui font passer, par son navire la Pomone, trente-trois balles coton dont ils espèrent qu'il sera satisfait; Considérant qu'encore que le sieur Dagneau-Symonsin aurait eu à se plaindre de cet envoi de coton, auquel il dit ne s'être pas attendu, toujours est-il qu'en ne l'acceptant que sous réserve, il ne pouvait diriger, à cet égard, d'action à la charge de la société Ursin Banche et compagnie, qu'en la personne du liquidateur et devant le juge de la Pointe-a-Pitre, comme étant celui où la société était établie, et avec laquelle société il était seulement en relation; étant de régle certaine en droit, consacrée par l'art. 59 c. pr., qu'en matière do société tant qu'elle existe, l'ajournement doit avoir lieu devant le juge du lieu où elle est établie; - Considérant, à l'appui de cette règle, que l'extinction d'une société n'a lieu qu'après son entière liquidation, qui, confiée, comme dans l'espèce, au sieur Isidor Banche, suivant qu'il est an-, noncé en la circulaire du 1er juin 1850, est en ce sens une continuation de la société dissoute pour les actions à diriger, lesquelles actions doivent, toujours s'intenter devant le tribunal du lieu où la société a été contractée ainsi est la jurisprudence de tous les tribunaux, et notamment d'un arrêt de la cour de Paris, du 13 fév. 1808;

» Considérant cependant que, s'agissant de faits de commerce, il est certaines exceptions dont le sieur Dagneau-Symonsin aurait pu profiter, tel est l'art. 420 du même code, mais dans quelles circonstances? Ce serait dans celle où il aurait été question de vente et de livraison, avec indication du lieu du payement: ce n'est point ici le cas, mais bien et uniquement celui d'opérations par compte courant, à l'égard desquelles s'agissant d'en demander le règlement ou le solde, cette demande ne peut se diriger que devant le domicile du défendeur; Considérant que, bien encore que la ci-devant société Ursin Banche et compagnie, par elle-même ou son liquidateur, aurait eu tort d'expédier au sieur Dagneau-Symonsin des cotons au lieu de sucre, et qu'enfin ce dernier eût été fondé à s'en plaindre, c'est une erreur de croire que cette réclamation ne devait point être. portée devant le juge de la Pointe-à-Pitre, qui était le siége la société

la cour d'Aix, qui, toutefois, après avoir reconnu que le simple fait d'une dissolution de société ne peut être considéré comme une renonciation vis-à-vis des tiers à la juridiction qui lui appartient, quand elle a établi un siége de liquidation qui la rend toujours existante, quant à eux, pour l'achèvement des affaires commerciales, ajoute : « qu'il ne faut pas confondre cette hypothèse avec celle par laquelle des associés se seraient séparés,❘ sans établir de liquidateurs, auquel cas il serait juste et conforme aux principes d'actionner les divers associés devant le juge du domicile de l'un deux, cette négligence autorisant les tiers à se pourvoir contre eux d'après les règles ordinaires, sans qu'ils puissent invoquer le bénéfice d'une juridiction à laquelle ils ont renoncé» (Aix, 13 nov. 1837) (1).

123. Cette restriction est conforme à la doctrine de MM. Mal

Ursin Banche et compagnie, et par suite de la liquidation; car il doit en être ici comme en matière de saisie, la chose saisie ou en litige ne fonde pas juridiction; il faut, avant de pouvoir en disposer, faire juger le litige par le juge du domicile de la partie saisie. » — Appel. Arrêt. LA COUR; Adoptant les motifs des premiers juges; - Et attendu, d'ailleurs, que l'action intentée contre l'intimé est purement personnelle, et qu'il n'est pas justifié que ce dernier ait son domicile à Dunkerque; - Ordonne que ce dont est appel sortira effet, etc. Du 18 juill. 1853.-C. de Douai.

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(1) Espèce: (Pinton C. Beraud, etc.) - Jugement du tribunal de commerce de Marseille, qui porte : « Attendu que le mandat donné par le comte de Finto aux sieurs Pierre Beraud, Charles Reboul et compagnie, est un mandat de commission, dont l'exécution devait avoir lieu à Alexandrie, domicile de ladite maison Beraud, Reboul et compagnie, et que celle-ci ne pouvait, dès lors, d'après les principes qui régissent la matière, être actionnée à raison de cette exécution, ou du compte qui en était demandé, devant d'autres juges que ceux du domicile des défendeurs ; — Attendu que, vainement le comte de Pinto se fonde sur la cirConstance que la raison de commerce Pierre Beraud et Charles Reboul et compagnie est aujourd'hui dissoute, et a un liquidateur; que, si ce point est constant au procès, il est également constant que la société s'est constituée en liquidation, à Alexandrie, dans la personne dudit sieur Charles Reboul, l'un de ses membres; que ce liquidateur y réside; qu'il est dépositaire des livres et de toutes les pièces, titres et facultés dépendant de ladite société, et que c'est d'après les usages d'Alexandrie et sur écritures qui s'y trouvent, que le mandat doit être apprécié et jugé; Attendu que décider le contraire, ce serait renverser toutes les règles de la compétence commerciale, et exposer les maisons qui entreraient en dissolution, et établiraient légalement un liquidateur pour l'achèvement de leurs affaires commencées, à perdre le droit d'ètre jugées par leurs juges naturels en matière de commission; qu'il en résulterait pour elles la nécessité d'être jugées par tous tribunaux dans le ressort desquels tel des associés non liquidateur viendrait à établir son domicile, conséquence qui n'est point admissible, soit parce que la commission doit être jugée sur les lieux où elle a été accomplie soit parce que les livres, marchandises, tout se trouve là, et ne peuvent être produits à la fois devant plusieurs tribunaux différents, soit parce que le simple fait d'une dissolution de société ne peut être considéré comme une renonciation vis-à-vis des tiers à la juridiction qui lui appartenait, lorsqu'elle avait établi un siége de liquidation qui la rendait toujours existante, quant à eux, pour l'achevement des affaires commencées ;-Attendu qu'il ne faut point confondre cette hypothèse avec celle par laquelle des associés se seraient séparés, sans établir de liquidateurs, auquel cas il serait juste et conforme aux principes d'actionner les divers associés devant le juge du domicile de l'un d'eux, cette négligence autorisant les tiers à se pourvoir contre eux d'après les règles ordinaires, sans qu'ils pussent invoquer le bénéfice d'une juridiction à laquelle ils auraient par là renoncé....... » — Appel par · Pinto. Arrét.

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- Confirme, etc.

(2) Espèce :- (Barbet C. de Girardin.) - Barbet et Euryale de Girardin avaient formé une société pour l'exploitation de la recette générale du département de l'Hérault, à laquelle Barbet avait été nommé. — En 1858, dissolution de la société. 50 novembre de la même année, acte notarié par lequel Barbet, pour mettre fin aux poursuites dont il était l'objet de la part de son coassocié, se reconnaît débiteur envers lui, et à raison de l'association, de 392,500 fr. Le 6 décembre suivant, le tribunal de commerce de la Seine ayant déclaré Barbet en état de faillite, PilletWill et plusieurs autres créanciers ont intenté une action, tant contre le failli que contre de Girardin, devant ce tribunal de commerce à l'effet de se voir condamner solidairement au payement de leurs créances et de voir annuler l'acte du 50 nov. 1838. Le tribunal de commerce s'étant délars incompétent, sur le motif qu'il s'agissait d'une société civile, une Lemande aux mêmes fins a été introduite devant le tribunal civil de la

peyre et Jourdain (Tr. des sociétés com., p. 346), qui font dater la non-existence de la société de l'acte de dissolution, à l'égard des tiers, et détruisent ainsi, à partir de la même époque, la compétence du domicile social, sauf dans le cas où il y a des liqui dateurs. Carré (Compét. civ., no 551) n'admet pas non plus d'une manière absolue que le tribunal du lieu d'une société dis soute, mais non liquidée, soft competent jusqu'à la liquidation terminée; il l'admet à l'égard des associés entre eux, non à l'égard des tiers.—Mais la cour de cassation a condamné, avec raison, ce semble, ces distinctions, en décidant d'une manière générale, par un arrêt récent, que tant qu'une société, quoique dissoute, n'a pas été liquidée, le juge compétent pour connaître des actions intentées contre elle, est celui du lieu où elle est étan blie (Req., 18 août 1840) (2). Et en effet, tant que la liqu

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Seine. Mais, au même moment, Bricogne et Tissié-Sarrus, autres créanciers, formaient de leur côté une demande analogue devant le tribunal civil de Montpellier, lieu du siége de la société.

Pourvoi de Barbet en règlement de juges. Après avoir établi que le recours était recevable aux termes de l'art. 563 c. pr., on a soutenu pour le demandeur, au fond, que le tribunal de Montpellier devait être déclaré seul compétent, comme étant celui du siége de la societé (art. 59 c. pr.). A la vérité, dit-on, l'art. 59 c. pr. n'attribue une juridiction exclusive au juge du lieu où la société est établie qu'autant que cette société existe encore, et, dans l'espèce, celle qui avait été formée entre les sieurs Barbet et de Girardin a été dissoute. Mais cette dissolution n'a pas eu pour effet de détruire l'existence de la société dans le sens de la loi. L'art. 59 est applicable tant qu'il n'est pas intervenu une liquidation définitive, car jusque-là toutes les affaires sociales ne sont pas terminées, les intérêts sont encore liés, le but de la société n'est pas atteint, but qui n'est autre que la réalisation en profits ou pertes du résultat des spéculations. L'être moral continue d'exister, non plus pour agir, mais pour rendre compte de ses actes: la société vit pour se liquider. Une fois cette opération terminée, mais alors seulement, elle sera définitivement éteinte.

Pour de Girardin, on oppose d'abord que le pourvoi en règlement de juges n'est pas recevable, parce que les demandes formées soit à Paris, soit à Montpellier, sont différentes sous le rapport des parties et sous celui des créances qui ne sont pas les mêmes. Au fond, on répond que l'art. 59 c pr. est inapplicable, même d'après le système du demandeur, parce que, dans l'espèce, la société a été non-seulement dissoute, mais encore liquidée. On trouve la preuve de cette liquidation dans l'acte du 30 nov. 1858, par lequel Barbet s'est reconnu débiteur de son associé, commo reliquataire de valeurs sociales. La constatation de ce reliquat fait, diton, supposer nécessairement un règlement de comptes préalables, sans Jequel il eût été impossible de déterminer la somme dont l'un des associés restait redevable envers l'autre. Si donc la liquidation a eu lieu, c'est le cas de rentrer dans le droit commun. Par suite, suivant la règle actor sequitur forum rei, c'est devant le tribunal de la Seine, c'est-à-dire devant le tribunal du domicile des défendeurs que l'on doit procéder sur la demande formée tant par Pillet-Will que par Bricogne et Tissié-Sarrus.

- Arrêt.

LA COUR; En ce qui touche la fin de non-recevoir invoquée par Euryale de Girardin; Attendu, en droit, que, pour qu'il y ait lieu à règlement de juges, il suffit, aux termes de l'art. 565 c. pr., que le même différend soit porté devant deux tribunaux ne ressortissant pas à la même cour, et qu'il n'est pas nécessaire que les mêmes parties figurent devan ces deux tribunaux; Et attendu, en fait, que la demande du sieut Pillet-Will, à Paris, et celle des sieurs Bricogne et Tissié-Sarrus, à Mont pellier, ont également pour objet de faire déclarer le sieur Euryale d Girardin associé du sieur Auguste Barbet, et passible, à ce titre, du payement des dettes dudit Barbet; - Qu'ainsi, le même différend est pendant devant deux tribunaux ne ressortissant pas à la même cour, et qu'il y a lieu, dès lors, à règlement de juges;

En ce qui touche la demande au fond; Attendu, en droit, que, tant qu'une société existe, et même tant qu'elle n'a pas été liquidée, le tribunal compétent pour connaître des actions intentées contre la société est celui du lieu où cette société est ou était établic; Mais que, dès l'instant où la société a été liquidée par le règlement des comptes entre les associés, toute demande dont le but est de faire anéantir l'acte qui a réglé les droits des cointéressés, constitue une action personnelle qui doit être portée devant le juge du domicile du défendeur, suivant la règle, actor sequitur forum rei.

Et attendu que, s'il est établi par le jugement du tribunal de commerce de Paris, du 29 janv. 1840, qu'une société particulière et civile a existé entre Auguste Barbet et Euryale de Girardin, il résulte de l'acte passé devant notaire, le 30 nov. 1858, que cette société avait cessé d'exister; - Qu'elle avait été liquidée entre les associés, et que l'un d'eux s'était reconnu débiteur envers l'autre d'une somme déterminée; - Attendu que la demande en nullité de cet acte, soit qu'elle soit formée par l'une des parties qui l'ont souscrit, soit qu'elle soit formée par des tiers, constitue

ciers d'une société devant le tribunal où siégeait l'établissement social, ne peut, quoiqu'il produise l'acte par lequel cette société a été dissoute à son égard, antérieurement à l'existence des titres produits par les créanciers, obtenir son renvoi devant les juges de son domicile (Req., 10 déc. 1806) (1).—— V. Arbiirage, no 184.

119. Mais, d'un autre côté, il a été statué, en sens contraire, que l'adage suivant lequel le juge de l'action est juge de "'exception suppose qu'il existe entre l'action et l'exception de telles différences que le jugement de l'une sera tout à fait distinct et indépendant du jugement de l'autre; mais que cet adage est

connu, en fait, que par l'ordon. royale du 24 déc. 1817, il a été déclaré que la société israélite en question, dont la liquidation n'a pas encore été faite, devait être considérée comme existant à l'égard de ses créanciers; que cette société était établie, non pas à Béziers, mais bien à Lille; que les contraintes dont il s'agit avaient été décernées contre Salvador-Ayon et ses neveux pour une dette à la charge de la même societé; qu'enfin c'est en qualité de défendeurs et pour se soustraire au payement des sommes portées dans ces contraintes, que Salvador-Ayon et ses neveux ont proposé l'exception tirée de ce qu'ils n'avaient jamais été associés ;Que, dans ces circonstances, en décidant que ce n'était pas le tribunal de première instance de Béziers, mais bien celui du lieu où la société était établie, qui, seul investi, par l'art. 59, 5 alinéa, c. pr., du droit de statuer sur la demande, était aussi le seul qui devait prononcer sur l'exception proposée contre la même demande, l'arrêt attaqué, loin de violer ledit art. 59, en a fait une juste application; - Rejette.

Du 9 mai 1826.-C. C., ch. req.-MM. Botton, pr.-Lasagni, rap.

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(1) Espèce:-(Cardon C. Godet et Delépine.)-An 10, Cardon, négoCiant à Paris, se rend associé commanditaire de Godet et Delépine.—An 12, Cardon se retire.-An 15, faillite de Godet et Delépine.-En 1806, les créanciers des faillis, qui l'étaient depuis la retraite de Cardon, assignent celui-ci devant le tribunal de Rouen, lieu de l'établissement social, pour s'y voir condamner personnellement en qualité d'associé commanditaire, au rapport de sa mise, des intérêts et profits, et en outre à des dommages-intérêts. - Cardon oppose le déclinatoire fondé sur sa retraite de l'association et l'établissement de son domicile à Paris. - Jugement du tribunal de Rouen qui rejette ce déclinatoire. - Appel; arrêt confirmatif de la cour de Rouen. - Pourvoi en règlement de juges de la part de Cardon. Il a prétendu que, s'agissant d'une action personnelle, il devait être assigné devant son domicile; qu'à la vérité, il y avait exception en matière de societé; mais que les associés ne peuvent être assignés au tribunal de l'établissement social qu'autant qu'il sont encore associés. Arrêt. LA COUR; Attendu que l'acte de dissolution de la société ne constitue, en faveur du sieur Cardon, qu'une exception à la demande formée contre Jui au tribunal de commerce de Rouen ; Attendu que le juge de l'action Rejette, etc.

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est incontestablement juge de l'exception; Da 10 déc. 1806.-C. C., sect. req.-MM. Muraire, 1er pr.-Henrion, rap. (2) Espèce: - (Girard C. Lafon.) En 1852, les syndics de la faillite de Girard, négociant à Alais, assignèrent, devant le tribunal de commerce de cette ville, Lafon, domicilié à Cette, pour: « attendu qu'une société a existé à Alais entre Lafon et Girard pour la vente de houilles, se voir condamner solidairement au payement des dettes contractées à l'occasion de ladite société. » — Ils notifièrent ensuite cette assignation à Girard et l'appelèrent en cause. - Lafon déclara qu'il niait l'existence de la prétendue société, et demanda le renvoi de là cause devant le tribunal de son domicile. Mais, par jugement du 16 mars 1855, le tribunal ordonna que l'exception serait jointe au fond, et, avant dire droit sur cette exception, admit les syndics à prouver, tant par titres que par témoins, les faits par eux articulés dans le but d'établir l'existence de la

société.

Sur l'appel la cour de Nîmes, par arrêt du 6 mars 1854, déclara le tribunal d'Alais incompétent et renvoya les syndics à se pourvoir devant le tribunal du domicile du défendeur: - - «Attendu qu'aux termes de l'art. 53 de la charte constitutionnelle, nul ne peut etre distrait de ses juges naturels; Attendu que l'art. 59, § 1, c. pr. dispose, conforinément à ce principe et à la maxime actor sequitur forum rei, qu'en matière personnelle, le défendeur sera assigné devant le tribunal de son domicile; - Attendu que, s'il y a plusieurs défendeurs, le demandeur peut, à la vérité, citer devant le tribunal du domicile de l'un d'eux, a con choix, selon le § 2 du susdit article, mais que ce paragraphe est inapplicable à la cause, puisque Lafon a été cité seul par la citation introductive d'instance, du 5 juin 1852, à laquelle, par conséquent, il etait constitué seul défendeur, comme il résulte de cette citation ellemême; et que si, plus tard, Girard a été assigné et mis en cause, cette circonstance est d'autant plus indifférente, que Girard ne pouvait avoir aucun intérêt, ayant déjà été condamné et déclaré en faillite, ou que si, comme les syndics le prétendent, il avait intérêt à voir supporter à Lafon, en sa prétendue qualité de son associé, et solidairement les condamnations déjà prononcées contre lui, ainsi que le demandaient les syndics,

sans application quand le jugement de l'exception doit, par la nature de la demande, être nécessairement le jugement de l'action elle-même ; Et que, spécialement, lorsque celui qui est assigné comme associé d'un failli en contribution aux charges de la faillite, devant le tribunal du lieu où la prétendue société avait son siége, dénie l'existence de cette société, il n'appartient pas au tribunal saisi de la demande de statuer sur le mérite de cette exception, dont l'admission ou le rejet entraînerait l'admission ou le rejet de la demande principale: c'est devant le juge du domicile du défendeur que doit être portée la question de l'existence de la société (Rej., 10 juill. 1837) (2).—V. eod., nos 185 et suiv.

il avait donc le même intérêt qu'eux, il n'était donc pas un second défendeur à leur demande;

» Attendu que le § 5 dudit article 59 autorise bien aussi le demandeur à citer le défendeur en matière de société, tant qu'elle existe, devant le tribunal du lieu où cette société est établie, mais cette disposition exceptionnelle comme la précédente, ne doit avoir son application qu'autant que la société est établie, constante, et tant qu'elle existe; d'où il suit que, si le défendeur dénie que la prétendue société existe, et qu'elle ait jamais existé, le demandeur est tenu d'en prouver préalablement l'existence devant le juge du domicile du défendeur; - Attendu qu'ici Lafon a constamment dénié d'être et d'avoir jamais été l'associé de Girard; qu'il resulte, en effet, des actes mêmes du procès, que Girard a été déclaré seul en état de faillite par le jugement du 9 sept. 1826; que c'est bien contre Girard seul qu'ont été poursuivis, à cette époque, tous les jugements de condamnation, et que, s'il est vrai que six ans après la déclaration de cette faillite, les créanciers dudit Girard soient recevables à assigner, même à établir par témoins, une société de commerce entre leur débiteur et Lafon, il ne l'est pas moins qu'avant de pouvoir poursuivre cette societe devant le juge du lieu de son établissement, les demandeurs sont tenus d'obtenir contre l'individu qu'ils soutiennent avoir fait partie de cette société un jugement qui le déclare ainsi, du tribunal dans le ressort duquel le défendeur est domicilié; il résulterait du système contraire qu'en alléguant une société de commerce, on pourrait distraire tout défendeur de ses juges naturels, tant en premier qu'en dernier ressort, ce qui porterait évidemment atteinte à l'ordre constitutionnel des juridictions;

» Attendu que le tribunal a reconnu lui-même qu'il ne pouvait pas, en l'état, se déclarer compétent, puisqu'il a subordonné le jugement du déclinatoire à une enquête ordonnée sur le fond même du procès; que, par là, le tribunal a violé la maxime priùs de judice, et l'art. 172 c. pr., qui, quoique modifié sons certains rapports, par l'art. 425, ne l'est pas sous ce point de vue que la compétence doit être jugée, avant de pouvoir s'occuper du fond; - Attendu que les intimés ont, à la vérité, demandé, par un appel incident, émis seulement à la barre, que la cour, en réformant la disposition du jugement qui joint le déclinatoire au fond, déclare d'ores et déjà le tribunal de commerce d'Alais compétent; mais cet appel incident de leur part serait non recevable d'après la maxime non auditur appellans de his quæ ipse facienda curavit, et le tribunal de commerce, en joignant le déclinatoire au fond et admettant les intimés à la preuve, tant par titres que par témoins, de l'existence de la société par eux alléguée, n'a fait que ce qu'ils lui avaient uniquement et formellement demandé euxmêmes; ne fut-il pas irrecevable cet appel incident, il serait toujours mal fondé, ou tout au moins insuffisant à faire déclarer la compétence du tribunal de commerce d'Alais, en l'absence reconnue en leurs mains de toutes les preuves de l'existence de la société alléguée; et quand, par les raisons ci-dessus déduites, la preuve préalable de cette prétendue société n'existant pas, n'apparaissant même pas, se trouvant même contredite par le jugement qui, depuis six ans, a déclaré la faillite de Girard, seul, en son privé nom, à la requête de ses créanciers que les intimés représentent, l'incompétence du tribunal d'Alais ne peut qu'être déclarée, puisque sa compétence, d'après la charte et d'après la loi, était attachée à la preuve préalable de l'existence de la société prétendue qui, seule, autorise à distraire Lafon de ses juges naturels;

» Attendu que le § 7 de l'art. 59 précité, qui autorise à citer, en matière de faillite, le défendeur devant le juge du domicile du failli, doit être interprété en ce sens que les syndics de la faillite devant être cité devant les juges du domicile du failli, eux-mêmes peuvent aussi, à rai son des opérations postérieures à la faillite, citer devant ce même tribu nal; mais qu'il en est autrement à raison des faits antérieurs à la faillite, qui ne rentrent ni dans le texte, ni dans l'esprit du susdit paragraphe qu'il s'agit ici de condamnations poursuivies à raison de prétendus engagements de Lafon, contractés avant la faillite de Girard; qu'on ne peut donc pas s'appuyer sur ce § 7 de l'art. 59 pour distraire Lafon de ses juges naturels par l'action reconnue pure personnelle à laquelle il est défendeur, pour laquelle il n'est justiciable que du juge de son domicile, sans que l'allégation d'une prétendue société entre Lafon et le failli ait pu, par elle-même et avant toute discussion ultérieure, dénaturer le caractère de cette action. >>

Pourvoi des syndics. - 1o Violation du § 5 de l'art. 59 c. pr. civ., en

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