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40. M. Carré décide dans le même sens que l'art. 59, § 2, est sans application au cas où les défendeurs ne sont pas obligés d'une manière égale et semblable; dès que l'engagement de l'un n'est qu'accessoire à celui de l'autre, le domicile de ce dernier détermine la compétence (L. de la proc., art. 59). C'est aussi ce qu'a jugé un arrêt récent (Douai, 12 juin 1844) (1).—On conçoit, toutefois, que lorsqu'il y a un obligé principal et une caution solidaire, le demandeur peut, comme s'il y avait deux obligés principaux, les assigner au domicile de la caution (Grenoble, 2 avr. 1850) (2).

Le créancier qui demande la nullité d'une constitution de dot, comme faite en fraude de ses droits par son débiteur à sa fille, peut aussi, à son choix, porter son action devant le tribunal du

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Du 6 avr. 1808.-C. C., sect. req.-MM. Henrion, pr.-Lasaudade, rap. Alix a formé opposition à cet arrêt; et, tout en rendant hommage au principe qui sert de base au renvoi ordonné, il a soutenu que le tribunal de Clamecy était seul compétent, les deux parties principales étant domiciliées dans le ressort de ce tribunal.-Deuxième arrêt. LA COUR;

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Considérant que l'action en suppression et réparation d'injures par écrit est personnelle; Que les sieurs Lacan et Alix, respectivement demandeurs et défendeurs en suppression et réparation d'injures écrites, sont domiciliés dans le ressort du tribunal de première instance de Clamecy;-Qu'encore bien que chacune desdites deux demandes ait pour objet des écrits différents, néanmoins, de l'aveu des parties et de l'avis des deux tribunaux, elles ont entre elles une telle aflinité et connexité, qu'elles ne présentent qu'un même différend; Que les faits, prétendus de part et d'autre injurieux et calomnieux, ont entre eux des rapports tels, qu'ils peuvent être appréciés les uns avec les autres ; Que les juges naturels des parties sont plus à portée d'apprécier ces faits, et qu'aucuns motifs de récusation n'ont été allégués contre eux;

Considérant que, d'après les déclarations faites, tant au bureau de paix qu'au tribunal civil de l'arrondissement de Paris, par lesdits sieurs Alix et Aubry, dont le sieur Lacan a requis acte, lesquelles déclarations ont été réitérées en cette cour, le sieur Alix, défendeur, est devenu la partie principale du sieur Lacan; Et qu'encore bien qu'aux termes de l'art. 59 c. proc., lorsqu'il y a deux défendeurs à une demande, elle puisse être portée devant le tribunal du domicile de l'un des défendeurs, au choix du demandeur, ce serait abuser de cette disposition que de se servir d'une action feinte ou secondaire, dans la seule vue de distraire la véritable et principale partie de ses juges naturels; - Ordonne, que sur les demandes respectives des parties, elles procéderont devant le tribunal civil de l'arrondissement de Clamecy, suivant les derniers errements.

Du 5 juill. 1808.-C. C., sect. req.-MM. Henrion, pr.-Lasaudade, rap.

(1) (Lemaire C. Massart.)-LA COUR; - Attendu que la demande en payement de 2,000 fr. n'a pas été formée contre Adrien Massart et conire Narcisse Massart, considérés par Lemaire comme obligés tous deux également au payement de cette somme; qu'elle a été formée contre Adrien, comme débiteur principal des 2,000 fr., et contre Narcisse assigné pour le cas seulement où la demande principale ne serait pas complétement accueillie, et où ledit Narcisse serait tenu, comme garant, d'indemniser Lemaire de tout ce que ce dernier ne toucherait pas d'Adrien; que, dès lors, ledit Adrien Massart ne pouvait, en vertu du deuxième paragraphe de l'art. 59 c. pr., sainement entendu, être distrait du tribunal d'Avesnes, par le seul motif que Narcisse, débiteur éventuel et subsidiaire, était domicilié dans l'arrondissement de Valenciennes; que, dès lors, les premiers juges se sont, avec raison, déclarés incompétents; - Met l'appellation au néant. Du 12 juin 1844.-C. de Douai.-M. Leroux de Bretagne, pr.

(2) Espèce :-(Clot C. Girard.) — La maison Girard, qui avait fait des fournitures à Clot fils, cautionné par son père, les a assignés l'un et l'autre solidairement devant le tribunal de commerce de Briançon, lieu du domicile du père. — Le fils a prétendu qu'on aurait dù l'assigner devant le tribunal d'Angers où il était domicilié; qu'on ne pouvait le forcer de plaider au domicile de sa caution; que l'art. 59 n'était pas applicable à la caution, et n'avait entendu parler que de deux obligés principaux.Le père a adhéré à ces conclusions.-Jugement qui rejette le déclinatoire. - Appel. — Arrêt.

LA COUR; - Attendu que les dispositions de l'art. 59 c. pr. sont gé

domicile des époux donataires, ou du domicile du père donateur. On prétendrait à tort que celui-ci est sans intérêt à la contestation, et n'y est point défendeur réel (Req. 1er août 1833) (3). 41. Lorsque l'un des défendeurs n'est obligé qu'éventuellement, tandis que les autres le sont principalement, il est de toute évidence qu'on ne peut assigner ceux-ci devant le juge du domicile de celui-là. On ne saurait considérer comme l'un des défendeurs, dans le sens de l'art. 59, celui qui n'a pas un intérêt actuel à la contestation, et dont la présence n'est indispensable ni pour engager le litige ni pour en déterminer la décision: il y a lieu de penser que sa mise en cause n'a eu pour objet que de distraire de leurs juges naturels les défendeurs principaux (Nancy, 28 janv. 1841, 27 fév. 1841) (4).

nérales et absolues, et attributives du droit au demandeur de choisir le tribunal du domicile de l'un des défendeurs, pour y porter sa demande; que, dans l'espèce, Clot père étant obligé de payer la dette de son fils vis-à-vis la maison Salomon, doit, en cette qualité, être considéré comme l'un des défendeurs à l'action, que la maison Salomon avait droit d'exercer contre le père et le fils; Confirme etc. 2000 Du 2 avril 1850.-C. de Grenoble, 2 ch.-MM. Vincendon, av. gén. (3) Espèce : (Rochechouart C. Séguin.) — Le contrat de mariago de la demoiselle Ouvrard avec le comte de Rochechouart porte qu'elle se constitue en dot, personnellement, un million de francs; cette somme a été immédiatement comptée au futur époux. Séguin, créancier d'Ouvrard père, pensant qu'une telle constitution de dot était faite en fraude de ses droits, a assigné, devant le tribunal de la Seine, Ouvrard père et les époux de Rochechouart, pour la voir déclarer nulle. Il a conclu, en outre, à ce que Rochechouart fùt condamné à rapporter le million qu'il avait reçu. Les époux de Rochechouart, prétendant avoir, dès 1829, renoncé à leur domicile de Paris, et l'avoir transféré à Jumilhac, ont décliné la compétence du tribunal de la Seine. Un jugement par défaut a rejeté leur déclinatoire.

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Pourvoi des époux de Rochechouart en règlement de juges. Ils ont demandé le renvoi de la cause devant le tribunal de Nontron, tribunal do leur domicile. Ensuite, prévoyant l'objection que tirerait le défendeur de ce qu'Ouvrard père, domicilié à Paris, avait été conjointement assigné avec les demandeurs, ils ont soutenu qu'elle était sans force dans la cause; qu'en effet, les seules parties intéressées, celles qui défendaient réellement a l'action de Séguin, n'étaient autres que les époux de Rochechouart, sur lesquels portait tout le poids des condamnations demandées, tandis qu'Ouvrard père, sans intérêt matériel, n'avait à redouter aucune condamnation. Arrêt.

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LA COUR;-Considérant que la demande du sieur Séguin a été dirigéo non-seulement contre les sieur et dame de Rochechouart, mais aussi contre le sieur Ouvrard, domicilié à Paris, qui, ayant un intérêt évident à la contestation, a été assigné et pouvait être assigné devant le tribunal civil de la Seine; - Considérant que, suivant l'art. 59 c. pr., lorsqu'il y a plusieurs défendeurs, le demandeur peut, à son choix, assigner les défendeurs devant le tribunal du domicile de l'un d'eux; qu'ainsi le tribunal de la Seine a été régulièrement saisi par le sieur Séguin; Rejetto la demande en règlement de juges; ordonne que les parties continueront do procéder devant le tribunal de première instance de Paris, etc. Du 1er août 1833.-C. C., ch. req.-MM. Zangiacomi, pr.-Jaubert, rap.Nicod, av. gén., c. contr.-Scribe et Gayet, av.

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(4) 1re Espèce: (Méquignon C. Marcel.) - LA COUR; - Attendu que si l'art. 59, § 2, c. pr. permet, lorsqu'il y a plusieurs défendeurs, d'assigner devant le tribunal du domicile de l'un deux, au choix du demandeur, cette disposition ne peut recevoir d'application que lorsque tous les défendeurs sont obligés d'une manière égale, et non pas lorsque les uns sont obligés principalement et les autres éventuellement; que, dans l'espèce, la demande des syndics a pour objet : 1o de faire condamner Méquignon, Pourrat et Chalendrie à leur payer, en leur qualité, solidairement et par corps, la somme de 6,414 fr. avec intérêts, pour l'impression des deux premiers volumes et des dix premières feuilles du troisième volume de la Bible de Carrière, impression qui a eu lieu avant la déclaration de la faillite de l'abbé Marcel; 2o de faire déclarer le jugement à intervenir commun avec Delandine, et ce nonobstant la cession qui aurait été faite à ce dernier de cette somme par ledit abbé Marcel ; que ce n'est que par provision, et pour le cas seulement où Méquignon, Pourrat et Chalendrie viendraient à opposer des exceptions à la demande, suivant l'acte extrajudiciaire qu'ils ont fait signifier, que Gentil, Thouvenel et Lejeune ont été assignés, comme s'étant chargés de la continuation de l'impression de cette Bible, afin de faire accueillir les conclusions principales; Qu'ils ne sont pas défendeurs actuels et nécessaires à la demande; que leur présence n'était pas indispensable pour engager le litige; qu'elle ne l'est pas davantage pour en déterminer la décision; qu'ils n'ont été évidemment mis en cause que pour soumettre les défendeurs principaux à la juridiction du tribunal de commerce de Nancy, à laquelle Mé

42. On ne peut pas non plus, en cas de faillite, considérer comme un défendeur sérieux, le failli mis en cause par les syndics, dans une instance qu'ils ont formée contre un tiers devant le tribunal du lieu de l'ouverture de la faillite (Rej., 10 juill. 1837, aff. Girard, V. no 119). En effet, comme après la faillite toutes les actions judiciaires, actives et passives du failli, sont concentrées entre les mains des syndics, il est manifeste que ceux-ci, en mettant inutilement en cause le failli, dont ils sont les représentants légaux, n'ont d'autre but que de se procurer un prétexte abusif pour soustraire le tiers, seul véritable défendeur, à la juridiction du tribunal de son propre domicile.

43. Enfin, il faut encore induire du principe qui restreint P'application du § 2 de l'art. 59 au cas où les divers défendeurs sont obligés d'une manière égale et semblable, que le cessionnaire d'une créance n'est pas fondé à assigner de débiteur devant le tribunal du domicile du cédant, celui-ci n'étant point l'obligé direct et principal (Toulouse, 11 janv. 1839) (1).—A plus forte raison en est-il de même si la cession n'a pas été notifiée au débiteur, ou si le prétendu cessionnaire n'est que le prête-nom du cédant (même arrêt).

quignon, Pourrat, Delandine et Chalendrie, qui sont domicilés à Paris et à Besançon, sont étrangers;

Attendu que si le même art. 59, § 7, porte qu'en matière de faillite, les défendeurs seront cités devant le juge du domicile du failli, cette disposition s'applique au cas où le failli lui-même, ou les syndics de la faillite, sont défendeurs, et non à celui où ils sont demandeurs en matière purement personnelle; que si le failli ou les syndics de la faillite ont intérêt, lorsqu'ils procèdent en défendant, à plaider devant le juge du lieu où la faillite a éclaté, la partie contre laquelle ils agissent a, de son côté, un intérêt égal à rester devant son juge naturel; que l'art. 59 n'a pas dérogé, en ce qui le concerne, à l'ordre naturel des juridictions; — Attendu que c'est donc à tort que les premiers juges ne sont déclarés compétents; - Infirme.

Du 28 janv. 1841.-C. de Nancy, ch. civ.-M. Coste, pr.

2o Espèce :- ·(Mayer C. Barbier.) — LA COUR; Attendu que si, aux termes de l'art. 59, § 2, c. pr., le demandeur peut, lorsqu'il y a plusieurs défendeurs domiciliés dans des arrondissements différents, assigner à son choix, devant le tribunal du domicile de l'un d'eux, ce n'est qu'autant qu'ils ont un intérêt réel et actuel dans la contestation, qu'il n'y sont pas appelés pour déroger à l'ordre légal des juridictions et pour priver les parties de leurs juges naturels; que, dans l'espèce, il parait certain, d'après les explications qui ont été données à l'audience, que les syndics, en disposant de 1,945 fr. sur Barbier et en endossant au profit de Charles Simonin, l'un d'eux, la traite qu'ils ont émise, ont eu pour but d'obliger ledit Barbier à venir plaider, loin des juges de son domicile, devant une juridiction qui lui est étrangère; que la justice ne peut pas sanctionner une telle fraude à la loi; que, d'ailleurs, tout ce qui tient aux pouvoirs des juridictions est d'ordre public;

Attendu que si le même art. 59, § 7, porte qu'en matière de faillite, les défendeurs seront assignés devant le tribunal du domicile du failli, cette disposition n'a pas pour effet d'attribuer exclusivement à ce tribunal la connaissance de toutes les contestations qui peuvent exister entre les syndics et des tiers; qu'elle constitue seulement à la faillite, c'est-à-dire à la masse des créanciers et aux syndics qui la représentent, un domicile légal indépendant du domicile réel de chacun d'eux et défère au tribunal qui a déclaré la faillite, le jugement de celles de ces contestations qui constituent des matières de faillite, ou, en d'autres termes, qui prennent naissance dans le fait même de la faillite, qui sont soulevées à raison de ce fait et qui en sont des conséquences nécessaires; que c'est dans co sens que l'art. 59 doit être entendu; que l'on ne peut pas considérer comme formant des matières de faillite les engagements qui sont intervenus plus ou moins longtemps avant la faillite entre celui qui depuis a failli et des tiers; que l'événement de la faillite ne peut produire aucune influence, soit sur la nature des engagements contractés par ces derniers, soit sur le caractère des poursuites à diriger contre eux, soit sur la compétence des jaridictions appelées à connaitre de ces poursuites; que les syndics qui sont chargés de l'administration des biens du failli n'ont pas, Bous ces différents rapports, plus de pouvoirs que le failli lui-même n'en avait lorsqu'il était in bonis;

Qu'en vain l'on prétend que la liquidation de la faillite doit être faite avec ensemble et d'une manière uniforme; -Que le juge-commissaire ne peut pas se transporter dans toutes les juridictions où des contestations qui la concernent sont soulevées à l'effet d'exercer la surveillance qui lui est dévolue et de faire les rapports que ces contestations rendent nécesBaires; - Que les syndics ne peuvent pas se dessaisir des papiers et livres de la faillite pour les exhiber aux juges charges de prononcer sur ces contestations; - Qu'enfin, ils ne peuvent pas être tenus de se présenter devant ces juges pour défendre les droits de la masse des créanciers;

44. Toutefois, il a été jugé qu'une action est régulièrement portée devant le tribunal du domicile de l'un des défendeurs, bien que celui-ci n'ait au fond aucun intérêt dans l'affaire, si le demandeur a eu juste sujet de croire qu'il était intéressé, et s'il est constant qu'il n'a point eu l'intention de distraire les autres parties de leurs juges naturels (Bordeaux, 22 mars 1842, de Ségur et Martin C. Pelletan).

45. Il appartient souverainement aux juges du fait de décider si l'action intentée contre l'un des codéfendeurs n'est pas sérieuse et n'a eu pour objet que de distraire les principales et véritables parties de leurs juges naturels; ainsi, par exemple, si, de trois copropriétaires, l'un a cédé ses droits à un tiers, et si les deux autres sont assignés, conjointement avec le cédant, devant le tribunal du domicile de celui-ci, par le cessionnaire, en communication des titres de la propriété commune, il appartient à la cour d'appel, saisie de l'affaire, de décider que le cédant n'a été appelé dans l'instance que pour distraire les autres défendeurs des juges de leur domicile, sans que cette décision puisse tomber sous la censure de la cour de cassation (Req., 27 avril 1837) (2).

Que ces objections ne sont pas fondées; qu'en effet, les décisions qui interviennent sur les différends étrangers au fait de la faillite peuvent bien intéresser la liquidation en tant qu'elles prononcent des condamnations au profit de la masse des créanciers, mais qu'elles n'epèrent pas par ellesmêmes cette liquidation; qu'elles renferment, il est vrai, des éléments qui sont destinés à en faire partie, mais que ces éléments n'y entrent réellement que lorsqu'il est procédé à la formation de l'ensemble de la liquidation; - Que l'assistance du juge-commissaire n'est indispensable que lorsqu'il s'agit d'opérations qui ont leur principe dans le fait même de la faillite; que toutes ces opérations sont par leur nature attribuées au tribunal du domicile du failli; que le juge-commissaire n'a donc pas à se déplacer; —Que si les syndics ne peuvent pas se dessaisir des livres ou papiers de la faillite, il leur est facile d'y suppléer par des extraits ou copies en bonne forme; - Qu'enfin ils ne sont pas tenus de se rendre en personne devant les tribunaux saisis des demandes intentées à leur requête; qu'ils peuvent se faire représenter par des avoués, agréés ou mandataires; que si l'éloignement du domicile des personnes avec lesquelles ils procèdent rend leur position plus difficile, c'est un inconvénient qui est commun à tous les demandeurs en général, et qui ne présente pas, en ce qui les regarde spécialement, un caractère de gravité assez prononcé pour que le législateur ait fait fléchir à leur égard le principe général posé dans la première partie de l'art. 59, principe qui garantit à chaque défendeur les juges de son domicile;

Attendu que la demande formée par les syndics contre Barbier n'a pas pris naissance lors de la faillite de Mayer David; qu'elle a pour objet un fait qui est antérieur à cette faillite, et qui n'a pas avec elle une relation nécessaire; que c'est donc à tort que cette demande a été portée devant le tribunal de commerce de Nancy et que ce tribunal en a retenu la connais

sance.

Du 27 fév. 1841.-C. de Nancy, ch. civ.-M. Coste, pr.

(1) Espèce :-(Carrère C. Pujol etc.)-En 1838, Pujol se disant créancier de Carrère pour une somme de 694 fr., par suite d'une cession qui lui en aurait été faite par Ebelot, de Saint-Gaudens, cite devant le tribunal de cette ville tant Ebelot que Carrère. - Carrère, domicilié à Auch décline la compétence du tribunal de Saint-Gaudens qui rejette le déclinatoire proposé. - Appel. — Arrêt.

LA COUR; Attendu que l'art. 59 c. pr. veut qu'en matière personnelle le défendeur soit assigné devant le tribunal de son domicile; Attendu que, par exception, le deuxième alinéa du même art. permet au demandeur, lorsqu'il y a plusieurs défendeurs, d'assigner devant le domicile de l'un d'eux; Attendu que, dans l'espèce, il n'y avait réellement qu'un seul défendeur, de là qu'il résulte des circonstances de la cause que Pujol n'était que le prête-nom d'Ebelot; d'autre part, qu'en fait, la cession, tardivement faite à Pujol, n'aurait pas été notifiée à Carrère; par où ce dernier n'avait pour créancier qu'Ebelot: — Que, d'ailleurs, en principe, la deuxième disposition de l'art. 59 ne s'applique qu'au cas où les défendeurs sont obligés d'une manière égale et semblable; ce qui ne se rencontre pas dans l'espèce, Ebelot n'étant pas l'obligé direct, nisa créance n'étant pas de sa nature indivisible, n'étant pas non plus solidaire d'où il suit que Carrère seul était débiteur principal; qu'à ce titre, son domicile déterminait la compétence du tribunal qui devait connaître de la contestation; que c'est donc incompétemment que l'action a été introduite devant le tribunal de Saint-Gaudens: - Par ces motifs, réformant le jugement, en ce qu'il aurait dû rejeter les poursuites dirigées contre Carrère, comme incompétemment introduites devant le tribunal de SaintGaudens, etc.

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Du 11 janv. 1839.-C. de Toulouse.

(2) Espèce:—(Mallez C. Verhaighe.)— 30 déc. 1813, acte notarié par

46. Il n'y a pas d'exception à la règle qui permet d'assigner | quand il n'y a pas de domicile; - Que, s'il y a plusieurs défen◄ les défendeurs au domicile de l'un d'eux, au choix du demandeur,

alors même que l'un des défendeurs est une succession non encore partagée : la demande peut être portée dans ce cas devant le juge du domicile de l'un des défendeurs autre que la succession: vainement dirait-on qu'il a été dérogé au § 2 de l'art. 59 par le 6 du même article, suivant lequel les actions formées, avant le partage, contre une succession, doivent être soumises au juge du lieu où celle-ci est ouverte: cette disposition est étrangère au cas où il y a plusieurs défendeurs en cause, et ne crée pas d'exception à la règle établie par le § 2 de l'art. 59 (Req., 1er août 1837 (1); V. aussi ci-après l'arrêt de la cour de Bordeaux, du 29 déc. 1840, aff. Ackerman, no 90).

47. Il n'y a pas non plus d'exception à la règle dont il s'agit, pour le cas où le tribunal où sont assignés les défendeurs n'est celui du domicile que de l'un d'entre eux, tandis que tous les autres sont domiciliés dans le ressort d'un autre tribunal (Req., 21 déc. 1841) (2).

48. Quand l'art. 59 veut que, s'il y a plusieurs défendeurs, l'action personnelle soit portée devant le tribunal du domicile de l'un deux, il s'occupe du cas où ils ont tous un domicile; mais si les uns avaient un domicile, les autres une simple résidence, l'action ne serait pas compétemment portée devant le juge de la résidence de l'un de ces derniers. C'est ce que la cour d'Amiens a décidé, avec raison, par l'arrêt suivant : « Considérant qu'aux termes de l'art. 59 c. pr., la demande personnelle n'est portée devant le tribunal de la résidence du défendeur que

lequel Watteau et Tranoy vendent a Desongnis, Verhaighe et Devaux, un intérêt d'un quart dans deux pompes à feu, sises à Charleroy, moyennant 75,000 fr. en obligations négociables. Quatre ans plus tard, Desongnis vend à Mallez sa part dans l'acquisition de 1813. Les titres qui établissaient la libération des obligations simultanément contractées par Desongnis, Verhaighe et Devaux, à raison de la vente, ne furent pas remis à Mallez au moment de son acquisition.-En 1855, celui-ci cite Verhaighe, Devaux et Desongnis, devant le tribunal civil de la Seine, pour s'entendre condamner à lui donner communication des titres qu'il avait intérêt de recouvrer. - Verhaighe et Devaux élèvent une exception tendant à les faire renvoyer devant le tribunal de leur domicile. 5 déc. 1855, jugement qui rejette cette exception, par le motif que Desongnis est domicilié dans le département de la Seine.-Appel.

26 juill. 1836, arrêt de la cour de Paris qui infirme en ces termes :« Considérant qu'aux termes de l'art. 59 c. pr. le défendeur doit en matière personnelle, être assigné devant le tribunal de son domicile, et, s'il y a plusieurs défendeurs, devant le tribunal du domicile de l'un d'eux;Que la demande formée par Mallez, en communication de titres et en dommages-intérêts, est purement personnelle; qu'elle est dirigée contre Devaux et Verbaighe, défendeurs principaux, que ni l'un ni l'autre ne sont domicilies dans le ressort du tribunal de la Seine; — Qu'il résulte des faits de la cause que Desongnis, qui n'est que le représentant de Mallez, n'a été appelé par celui-ci, dans l'instance, que pour soustraire la demande principale à la juridiction qui en doit connaître. - Pourvoi, pour violation de l'art. 59 c pr.-Arrêt.

LA COUR; Attendu qu'encore bien qu'aux termes de l'art. 59 c. pr., lorsqu'il y a plusieurs defendeurs à une demande, elle puisse être portée devant le tribunal du domicile de l'un des défendeurs, au choix du demandeur, au moins faut-il que celte action ne soit pas feinte et intentée dans la seule vue de distraire les principales et véritables parties de leurs juges naturels; Attendu que la reconnaissance de cette simulation appartient aux juges de la cause, Attendu que l'arrêt déclare que l'assignation donnée à Desongnis, domiché à Paris, n'a eu d'autre but que d'attirer devant les tribunaux de Paris les défendeurs éventuels, et que cette action n'était pas sérieuse; Attendu, dès lors, qu'il n'y a aucune violation de l'art. 59 c. pr.;-Rejette, etc.

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Du 27 avr. 1837.-C. C., ch. req.-MM. Zangiacomi, pr.-Bayeux, rap.Hervé, av. gén., c. conf.-Galisset, av.

(1) (Mallez C. Devaux.) — LA COUR; - Attendu que, dans la cause, l existait deux défendeurs; Que, dès lors, le demandeur a été libre d'assigner devant le tribunal de l'un d'eux, et que la cour a déclaré, en fait, que rien ne prouvait que l'ouverture de la succession du frère décédé ne fût pas le même que celui où résidait le frère assigné; — Rejette. Du 1 août 1837.-C. C., ch. req.-MM. Zangiacomi, pr.-Bayeux, rap.

(2) Espèce: - (Audubert et autres C. Roux.) - En 1825, Givry décède à Paris. Les consorts Rigoux, parents du défunt au huitième degré, reclament la succession. Ils nomment les sieurs Audubert et Teyssier leurs mandataires, à l'effet de faire reconnaitre leur qualité d'héritiers, et leur abandonnent à l'avance, par un traité, les deux cinquièmes de la succes

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deurs, elle doit être portée devant le tribunal du domicile de l'un d'eux; — Qu'il suit de là que, de plusieurs défendeurs, si les uns ont un domicile et les autres n'en ont pas, c'est devant le tribunal du domicile de l'un des premiers que l'action doit être intentée; Que le domicile est un fait dont les éléments sont certains et déterminés, tandis que la résidence est souvent fugitive et équivoque; - Que décider autrement serait autoriser les demandeurs à soustraire à leurs juges naturels des parties domiciliées, en comprenant dans leur demande, peut-être sans motif légitime, un individu qui, n'ayant point de domicile connu, serait supposé ne pas devoir se défendre; — Considérant qu'i' est reconnu, en fait, que Ledoux et Brunet ont un domicile certain, tandis que Dubaret n'a aucun domicile connu ; — Que, dès lors, la demande devait être portée devant le tribunal de leur domicile; - Infirme;-Déclare la demande incompétemment formée devant le tribunal de Soissons » (16 mars 1839.-C. d'Amiens, aff. Ledoux et Brunet C. Paillet).

49. Lorsqu'un tribunal est compétemment saisi d'une action, comme juge du domicile du défendeur, il peut l'être également d'une autre action connexe à la première, et formée contre un tiers, domicilié dans l'arrondissement d'un autre tribunal, bien que le demandeur n'ait pas d'action personnelle contre ce tiers. Ainsi, par exemple, dans le concours de deux ventes du même immeuble, celui des deux acquéreurs qui a formé le premier. contre le vendeur, une action en exécution du contrat devant les juges du domicile de ce dernier, peut assigner l'autre acquéreur

sion. Une fois reconnus héritiers, les consorts Rigoux vendent leurs droits sans garantie à Nusse et Villacrosse, moyennant 150,000 fr., dont les deux cinquièmes, montant à 52,000 fr., sont attribués aux mandataires. Plus tard, les consorts Rigous ont réclamé la restitution de ces 52,000 fr. Durant cette instance en restitution, pendante devant le tribunal de Tulle, les sieurs Roux, se disant les plus proches parents de Givry, ont formé, devant le tribunal de la Seine, une demande en pétition d'hérédité qu'ils ont dirigée tant contre les consorts Rigoux que contre Aububert et Teyssier, ces derniers comme détenteurs des valeurs de la succession, en leur qualité de mandataires. — La demande des sieurs Roux, qui réclamaient tous les biens de la succession, a été accueillic vis-à-vis des consorts Rigoux. Quant aux mandataires, le tribunal de la Seine a sursis à statuer jusqu'à ce que l'instance engagée devant le tribunal de Tulle fût vidée. Sur l'appel des consorts Rigoux, ils ont été déclarés béritiers de la succession pour un quart et condamnés à restituer le surplus aux sieurs Roux. L'arret ordonnait en conséquence une liquidation. Dans l'intervalle, le tribunal de Tulle et la cour de Limoges ont condamné Audubert et Teyssier à restituer les 52,000 fr. par cux touchés. Les sieurs Roux ont alors demandé, devant le tribunal de la Seine, que ces 52,000 fr. fussent consignés comme faisait partie de la succession. Mais le tribunal déclara les demandeurs non recevables, par jugement du 31 mai 1858, sur le motif que la somme dont il s'agit provenait non de la succession, mais de la cession faite par les consorts Rigoux.

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Une nouvelle action a été alors intentée par les sieurs Roux contre Audubert, Teyssier, Nuss et Villacrosse, devant le tribunal de Tulle, jugo du domicile d'Audubert seul, à l'effet de les faire condamner solidairement au payement de 160,000 fr., montant des valeurs dont les défendeurs se seraient emparés, par suite d'un concert frauduleux, dans la succession de Givry. Audubert et Teyssier ont opposé la chose jugée par le tribunal de la Seine, et Villacrosse et Nusse l'incompétence du tribunal de Tulle. Ces exceptions ayant été rejetées, en première instance et en appel, il y a eu pourvoi pour fausse application de l'art. 59, § 2, c. pr. et pour violation du § 6 du même article. - On a soutenu 1° que l'arrêt attaqué n'aurait pas dû reconnaître la compétence du tribunal de Tulle, dont Audabert seul était justiciable, tandis que ses codéfendeurs étaient tous domiciliés dans le ressort d'un autre tribunal; 2° que cet arrêt aurait dû voir dans la demande des sieurs Roux une pétition d'hérédité dont la connaissance appartenait au tribunal du lieu de l'ouverture de la successio. LA COUR Sur le deuxième moyen: - Attendu que, dès que l'arrêt attaqué décidait, avec raison, qu'il n'y avait pas autorité de chose jugée à l'égard d'Audubert, les défendeurs éventuels avaient eu le droit de l'altaquer devant le juge de son domicile et d'y appeler, en même temps, les autres parties aujourd'hui demanderesses en cassation;

Arrêt.

--

Sur le troisième moyen: Attendu que la question de pétition d'hérédité avait été jugée avec la famille Rigoux; que, par conséquent, la demande formée contre Audubert et joints ne pouvait plus être qu'une demande en restitution d'objets soustraits par des tiers étrangers à la succession, et qu'il importe peu que ces objets eussent fait partie ou non de l'hérédité; Rejette.

Du 21 dec. 1841.-C. C., ch. reg.-MM. Zangiacomi, pr.-Bayeux, rap.

devant les mêmes juges, en déclaration de jugement commun (Req., 2 fév. 1809, aff. Perrin, V. Action, no 146).

50. Et, de même, l'action formée par le fermier contre le bailleur et contre celui qui prétend détenir les biens affermes à titre decolon partiaire, pour obtenir le délaissement de ces biens, peut être introduite devant le tribunal du domicile du colon partiaire, à moins qu'il ne résulte des circonstances de la cause que celui-ci n'a été appelé dans l'instance que pour distraire le bailleur de ses juges naturels : en cas pareil, le bailleur et le colon partiaire sout l'un et l'autre défendeurs, le jugement obtenu contre l'un d'eux ne pouvant avoir de résultat pour le fermier qu'après avoir été rendu commun à l'autre (Bordeaux, 9 avril 1839) (1).

51. En matière réelle immobilière, le tribunal compétent est celui du lieu de la situation de l'immeuble dont on revendique la possession ou la propriété, ou qu'on soutient être libre ou grevé de charges réelles qui seraient l'objet de l'action (c. pr. 59; Projet de la cour de cassation, art. 54; Carré, t. 1, p. 490). - Cependant et même en matière réelle, le défendeur doit être cité en conciliation devant le juge de paix de son domicile (c. pr. 50). Si plusieurs immeubles situés en différents arrondissements sont l'objet d'une seule action revendicatoire, elie est exercée, savoir: 1° s'ils font partie d'une seule et même exploitation, devant le tribunal du chef-lieu de l'exploitation; 2o à défaut de

(1) Espèce :-(De Béraud C. Ronaud.) -De Béraud consent à Rouaud le bail à ferme du domaine de Vilotret. Delas-Duguay, se pretendant colon partiaire de ce domaine, s'oppose à l'entrée en possession de Rouaud. Demande en délaissement des immeubles affermés, dirigée tant contre de Béraud que contre Delas-Duguay. Mais préalablement Rouaud les cite en conciliation devant le juge de paix de la Réole, canton du domicile de Delas-Duguay. Les défendeurs comparaissent en personne ou par fondé de pouvoir. A défaut de conciliation, Rouaud cite de Béraud et Delas devant le tribunal de la Réole. De Béraud soutient que le bail dont excipe Rouaud a elé résilié; que plus tard celui-ci s'est présenté en qualité de fermier chez d'autres propriétaires; qu'au surplus étant domicilié dans l'arrondissement de Nérac, le tribunal de la Réole est incompetent. Rouaud répond que, dans la cause, Delas comme de Béraud sont ses adversaires; qu'en effet, le jugement qu'il obtiendrait contre de Béraud ne lai servirait de rien, s'il n'était rendu commun à Delas; que, par conséquent, Delas et de Béraud sont tous deux défendeurs, et qu'aux termes de l'art. 59, § 2, c. pr., la demande peut être valablement introduite devant le tribunal du domicile de l'un ou de l'autre défendeur. — 23 janv. 1859, jugement qui rejette l'exception d'incompétence, et ordonne aux parties de plaider au fond. Appel. - Arrêt.

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LA COUR;-Attendu que l'exception d'incompétence proposée par l'appelant doit être appréciée indépendamment du fond sur lequel la cour n'a pas en ce moment à statuer; Attendu, sur cette exception, que l'action formée par Rouaud tant contre Louis de Béraud que contre Delas-Duguay, avait pour cause un bail à ferme, consenti au demandeur par Louis de Béraud, du domaine de Vilotret, exploité par Delas, en qualité de colon partiaire; — Que cette action tendante à ce que le bailleur et le colon partiaire fussent condamnés à délaisser au preneur la jouissance de l'immeuble, était personnelle; - Qu'il s'agissait, quant à de Béraud, de l'execution d'une convention synallagmatique; Attendu que si, aux termes de l'art. 59 c. pr., le défendeur doit, en matière personnelle, être assigné devant le tribunal de son domicile, ce même article ajoute que, lorsqu'il y a plusieurs défendeurs, l'assignation sera donnée devant le tribunal du domicile de l'un d'eux, au choix du demandeur; - Qu'il résuite de cette dernière disposition que de Béraud, quoique domicilié dans Farrondissement de Nérac, a eté valablement assigné devant le tribunal civil de la Réole, qui est celui du domicile de Delas-Duguay, à moins qu'il ne fût établi que ce dernier n'aurait été appelé dans l'instance que pour distraire de Béraud de ses juges naturels; Que les questions de cette nature se réduisent à une appréciation de circonstances;

Attendu qu'il est constant, en fait, qne Delas s'était personnellement opposé à la prise de possession du domaine de Vilotret par Rouaud; Que Rouaud avait dès lors intérêt à le faire figurer dans l'instance introduite contre le propriétaire de cet immeuble; -Que cet intérêt était d'autant plus évident, que le jugement obtenu contre l'un des défendeurs seale, ent n'aurait pu être ramené à exécution contre l'autre ;-Qu'ainsi, le tribunal de la Réole, en se déclarant compétent et en ordonnant qu'il serait plaidé au fond, a fait à l'espèce une juste application de l'art. 59 précité; - Attendu, sur l'exception prise de ce que Louis de Béraud aurait été cité en conciliation devant le juge de paix du canton de la Réole, qui n'était pas celui de son domicile;-Que cette exception, proposée dans les écrits signifiés, ne fut pas renouvelée lors des conclusions prises à l'audience, ainsi que cela résulte des qualités du jugement dont est appel; — Qu'elle n'était pas d'ailleurs proposable devant un tribunal dont sa déclinait la juridiction pour cause d'incompétence; — Met au néant

chef-lieu, ou si les biens sont absolument distincts, devant le tribunal du lieu où se trouve la partie des biens qui présente le plus grand revenu, d'après la matrice du rôle (arg. des art. 2210 c..civ., 628 et 676 c. pr., et 1 de la loi du 15 nov. 1808; Carré, 1. 509).

52. Il est évident que, lorsque, sur l'action en payement des arrérages d'une rente, formée contre un particulier à titre de tiers détenteur d'un immeuble hypothéqué au service de cette rente, le défendeur attribue l'affectation de son immeuble à une erreur de fait, la contestation porte sur une matière réelle immobilière, et conséquemment est de la compétence du juge de la situation du bien litigieux (Bruxelles, 50 janv. 1815) (2).

Toutefois, il a été jugé qu'une demande ayant pour objet 1° d'obtenir payement de diverses annuités de rentes, et 2o de faire reconnaître que tel bien désigné est sujet à l'hypothèque pour sûreté de ces rentes,, constitue, non une action réelle, mais une action personnelle, et doit, en conséquence, être soumise au juge du domicile du défendeur (Bruxelles, 8 avril 1840) (5). Mais cette décision ne nous paraît pas contredire la précédente, attendu que la demande dont il s'agit était formée contre le débiteur personnel de la rente; et que, d'autre part, elle tendait non pas, ce semble, à faire reconnaître l'existence d'une hypothèque sur tel immeuble, mais plutôt à faire condamner le

l'appel que Louis de Béraud a interjeté.

Du 9 avril 1859.-C. de Bordeaux, 1re ch.-M. Gerbeaud, pr. (2) Espèce: — (Degoer C. Chapelle.) — Le 6 mars 1812, la dame Degoer, domiciliée à Liége, fut assignée devant le tribunal de Huy, comme possesseur d'un immeuble grevé d'une rente et situé dans le ressort de ce tribunal. Chapelle, demandeur, concluait à ce que la dame Degoer fût condamnée à lui payer 1,173 fr., pour arrérages de cette rente échus jusqu'au 1er avr. 1811. La défenderesse excipa de l'incompétence du tribunal de Huy, et prétendit que c'était par erreur qu'un immeuble lui appartenant avait été désigné parmi ceux affectés à la sûreté du payement de la rente. - Jugement du tribunal de Huy, qui se déclare compétent. Appel par la dame Degoer. — Arrêt.

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LA COUR; — Attendu que la partie appelante ne nie point d'avoir une possession quelconque des hypothèques chargées de la rente réclamée par P'intimé, mais qu'elle prétend que cette possession ne peut lui porter aucun préjudice, parce qu'elle serait uniquement le résultat d'une erreur de fait qui ne doit pas lui être imputée; - Attendu que cette prétention ou exception, proposée par ladite partie appelante, constitue une contestation qui ne peut être terminée que par le tribunal de la situation des immeubles possédés; d'où il suit que le tribunal de Huy est compétent, dans l'espèce, pour connaitre du fond de la cause et pour apprécier tous les moyens allégués à cette audience pour établir l'exception d'incompétence. Du 30 janv. 1815.-C. de Bruxelles.-MM. Falisse et Raikem, av. (3) Espèce: (Le bureau de bienf. de Hal C. Vanderborght.) — Le bureau de bienfaisance de Hal fait assigner devant le tribunal civil de Mons la demoiselle Vanderborght en payement de diverses annuités de rentes et en reconnaissance d'hypothèque sur certains immeubles désignés pour sûreté desdites rentes. Il soutenait que des biens acquis en 1797 par l'auteur de la défenderesse, de l'abbaye de Cambron, et formant le trente-septième lot de la vente, étaient et demeuraient hypothéqués pour sûreté des rentes mentionnées audit acte de vente, comme charges de l'acquéreur. La demoiselle Vanderborght soutint qu'il n'était nullement justifié que ces créances fussent dues ni personnellement, ni bypothécairement; que la demande dont s'agit était l'exercice du jus ad rem; que l'action tendante à la reconnaissance d'une prétendue créance pour valoir titre nouvel était évidemment personnelle; que partant n'étant pas domiciliée dans l'arrondissement du tribunal de Mons, celui-ci ne pouvait en connaître. Ce déclinatoire fut admis par jugement du 22 nov. 1853. — Appel. Arrêt.

LA COUR; Attendu que l'exploit introductif d'instance et les conclugions du bureau de bienfaisance, appelant, tendaient devant le premier juge à obtenir de l'intimée, 1° payement de diverses annuités de rentes; 2° reconnaissance d'hypothèque sur certains immeubles désignés pour sûrelé et garantie desdites rentes; que ces demandes ne constituaient pas l'exercice d'un droit réel d'hypothèque; qu'au contraire, ayant en vue une double prestation personnelle, et s'adressant exclusivement à la personnalité prétendúment débitrice ou obligée, elles étaient l'institution d'une action toute personnelle; que vainement on prétend faire résulter la réalité de l'action de ce que celle-ci avait pour objet une bypothèque ; qu'en effet ce n'était pas l'hypothèque ou le jus in re qui était en question, mais la position d'un fait personnel consistant en la confirmation d'un prétendu acte d'hypothécation, qui n'avait conféré que le jus ad rem.; — Par ces motifs, met l'appel au néant, etc.

Du 8 avr. 1840.-C. de Bruxelles, 3a ch.-MM. Bosquet et Orts fils, ave

débiteur à désigner un immeuble sur lequel le créancier pût | prendre inscription, en vertu d'une stipulation d'hypothèque faite sans désignation spéciale. Si tel était, en effet, le double objet de la demande sur laquelle a statué l'arrêt ci-dessus, il est éviCent qu'elle était personnelle, comme l'a jugé cet arrêt.

53. L'action en expropriation forcée n'est pas essentiellement réelle, puisqu'elle est accordée même à celui qui n'a pas le jus in re, mais seulement le jus ad rem; néanmoins, lors même qu'elle est exercée par un créancier non hypothécaire, elle est assimilée aux actions réelles, et se poursuit devant le juge de la situation de l'immeuble qu'on veut exproprier (c. civ. 2210).

54. Lorsque celui qui, ayant saisi sur son débiteur un immeuble dont il prétend que le propriétaire apparent n'est que le prête-nom de ce débiteur, veut, avant qu'il soit procédé à l'adjudication, faire préalablement juger que l'immeuble appartient en réalité à la partie saisie et non au propriétaire apparent, le tribunal compétent pour statuer sur cette question est celui du lieu de la situation de l'immeuble et non celui du domicile du propriétaire apparent (Paris, 7 janv. 1830, aff. Seguin C. Ouvrard.)

55. La radiation d'une inscription hypothécaire est assimilée à une action réelle, et doit être demandée au tribunal dans le ressort duquel l'inscription a été prise (sauf l'exception prévue par l'art. 2159 c. civ.), du moins lorsque cette demande est fondée sur une irrégularité ou vice de forme propre à ladite inscription. Mais cette règle cesserait d'être applicable, si la radiation était requise comme conséquence de la nullité du titre en vertu duquel elle a eu lieu; dans ce cas, la demande en radiation n'étant que l'accessoire de la demande principale en nullité du titre dont il s'agit, laquelle est personnelle, doit être portée, avec celle-ci, devant le juge du domicile du défendeur (Req., 5 déc. 1820) (1). — Les règles de compétence établies dans l'art. 2159 c. civ. doivent être suivies, par parité de motifs, dans le cas où il s'agit de la demande en réduction d'une inscription excessive (c. civ. 2161).-V. au surplus nos observations v Hypothèque.

56. L'action mixte, ainsi qu'on l'a déjà dit, peut être indifféremment portée devant le juge du domicile du défendeur ou devant celui de la situation des biens (c. pr. 59). Telle serait, par exemple, la demande formée contre un héritier, tant en celle qualité que comme détenteur de biens hypothéqués à la créance du demandeur (Cass., 10 déc. 1806, aff. Ranchon, vo Action, n° 139). Telle serait encore l'action intentée par l'acquéreur d'un immeuble, à fin d'exécution du contrat de vente, contre le vendeur qui a aliéné le même immeuble à un tiers: le juge du domicile du vendeur et celui de la situation de l'immeuble ont également compétence pour en connaître (Req., 2 fév. 1809, aff. Perrin, vo Action, no 146)

57. Les actions mixtes dout il s'agit ici sont celles qui sont tout à la fois personnelles et réelles immobilières. On sait

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(1) (Mouron C. Tioulet.)- LA COUR; Attendu que la demande de Tioulet de Bois-Charente et sa femme, portée devant le tribunal civil de Cognac, par requète et exploit des 20 et 22 nov. 1819, tendait à la nullité du titre sur lequel reposait l'inscription hypothécaire de Dumas et Aubert, du 20 juill. 1818; que cette demande n'était appuyée sur aucune irrégularité ou vice de forme propre à ladite inser ption; que sa radiation, requise cumulativement, ne pouvait, en conséquence, résulter que de la nullité préalablement prononcée du titre de créance, qui, en étant l'objet nécessaire et principal, constituait véritablement la demande dont la radiation de l'inscription n'était qu'une conséquence nécessaire:

Attendu que cette demande principale était personnelle et devait, aux termes de l'art. 59 c. pr., être portée devant les juges du tribunal des défendeurs; que les art. 2156, 2159, 2160 c. civ. n'ont aucunement dérogé aux règles du droit commun en matière de compétence des actions principales, étrangères au mérite des inscriptions hypothécaires; - Sans avoir égard au jugement du tribunal de Cognac, déclare que les parties procéderont devant le tribunal de la Seine (lieu du domicile des défendeurs). Du 5 déc. 1820.-C. C., sect. req.-MM. Henrion, pr.-Borel de Bretizel, rap.-Joubert, av. gén.-Loiseau, Chauveau-Lagarde et Nicod, av.

(2) Espèce :-(Lonchampt C. Bleuart et c.)-Pilté était décédé à Bourges, laissant une veuve commune en biens et deux filles, les dames Pilté et Bleuart, ses seules héritières, chacune pour moitié. De sa succession et de la communauté qui avait existé entre époux, dépendait la terre du Sollier, situé dans le département du Cher. Il avait été procédé entre la veuve et ses enfants à la liquidation des communauté et succession dont il s'agit,

que, dans le droit romain, la qualification de mixte était donnée aux trois actions divisoires: familiæ erciscundæ, communi dividundo, finium regundorum (Inst., De action., § 20). — Il n'y a pas un très-grand intérêt pratique à examiner si les actions en partage doivent pareillement, dans notre droit, être réputées mixtes; car la question de savoir devant quel juge elles doivent être portées n'est point subordonnée, du moins dans la plupart des cas, à la détermination de leur caractère; elle est résolue par les dispositions spéciales de l'art. 59 c. pr., qui règlent la compétence en matière de succession et en matière de société. La fixation du caractère de l'action en partage ne paraît denc avoir de l'intérêt que pour le cas assez rare où il s'agirait du partage d'une société n'ayant pas de siége fixe ou du partage d'un bien possédé par indivis sans qu'il y eût société.-Carré propose, pour ce cas particulier, une règle de compétence qui paraît fort simple. Suivant ce jurisconsulte, t. 1, p. 527, l'action en partage d'objets communs s'intente devant le juge du domicile du défendeur, s'il ne s'agit que de meubles, devant celui de la situation, s'il ne s'agit que d'immeubles, et devant l'un ou l'autre, si elle tend à la fois au partage de meubles et d'immeubles indivis. Toutefois, cette opinion, en ce qui concerne l'action en partage relative à des immeubles seulement, n'est généralement pas admise. La plupart des auteurs considèrent l'action communi dividundo comme ayant conservé le caractère d'action mixte, qui lui était reconnu par l'ancienne jurisprudence, rien n'attestant l'intention du législateur moderne d'innover sur ce point; en conséquence, ils lui appliquent la règle de compétence établie pour toutes les actions mixtes.-V. MM. Boncenne, t. 1, p. 72, et Bonnier, Élém. d'organ. jud. et de procéd. civ., t. 1, p. 405.

un

Et la cour d'appel de Paris a statué en ce sens : elle a jugé que le créancier qui, conformément à l'art. 2205 c. civ., provoque la licitation des biens appartenant par indivis à son débiteur et à des tiers, à l'effet d'arriver à l'expropriation de la part de son débiteur, n'exerce pas en cela une poursuite de saisie immobilière; sa demande, au contraire, n'est qu'une mesure préalable, moyen pour arriver à la saisie, et qui, dès lors, ne saurait être confondue avec cette voie d'exécution elle même, dont elle demeure distincte et séparée : cette demande ne doit donc pas nécessairement être portée devant le tribunal de la situation des | biens; elle constitue une action en partage, action mixte, qui, à ce titre, peut être soumise au juge du domicile du défendeur. Ainsi, et plus spécialement, lorsqu'un héritier a hypothéqué, au profit d'un de ses créanciers personnels, un immeuble héréditaire dont il reste propriétaire par indivis avec ses cohéritiers, après partage de la succession, le créancier, forcé de demander la licitation de cet immeuble pour arriver à une saisie réelle, peut procéder, à son choix, soit devant le tribunal de la situation, soi devant celui du domicile du défendeur (Paris, 22 nov. 1838) (2).

et l'acte de partage avait attribué l'usufruit du domaine du Sollier à la veuve, et la nue propriété aux enfants chacun pour moitié, mais indivisé

ment.

15 fév. 1852, la dame Pilté fille et son mari empruntent à Lonchampt 20,000 fr., et lui hypothèquent leur part dans la nue propriété dont il vient d'être parlé.-A défaut de remboursement, à l'échéance, Lonchampt assigne, devant le tribunal de la Seine, les époux Pilté, ses débiteurs, et les époux Bleuart leurs cohéritiers, ces derniers domiciliés à Paris, pour procéder, dans les termes de l'art. 2203 c. civ., à la licitation de la terre du Sollier.

Les époux Bleuart déclinent la compétence du tribunal de la Seine. — 14 juill. 1838, jugement qui repousse leur déclinatoire en ces termes :« Attendu que, pour justifier leur déclinatoire, les sieur et dame Bleuart prétendent, 1° que l'action du demandeur n'est autre chose qu'une poursuite de saisie immobilière; 2° qu'elle doit être considérée comme une action en partage; 5° qu'elle est réelle et non mixte; que, dès lors, sous l'un ou l'autre de ces rapports, elle aurait dû être portée soit devant le juge de la situation, soit devant celui de l'ouverture de la succession; - Attendu, quant au premier moyen, que le créancier qui, pour satisfaire aux prescriptions de l'art. 2205 c. civ., provoque la licitation, ne procède pas encore à une saisie; que la demande, au contraire, n'est qu'une mesure préalable, un moyen pour arriver à la saisie, et qui, dès lors, ne saurait être confondue avec cette voie d'exécution elle-même, dont elle demeure distincte et séparée ; — Attendu, quant au deuxième moyen, qu'il résulte des énonciations contenues au contrat qui constitue le demandeur créancier, qu'il y a eu entre les héritiers liquidation et partage de la succession

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