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Enfin, le projet a été converti en loi par la sanction royale le 25 mai

déjà fort étendus dont nous donnons le texte.

dispositions spéciales et en rentrant dans les termes du décret de 1813, les huissiers se trouveront circonscrits dans chaque canton de la même ville, et par suite leur nombre sera très-restreint.

D'un autre côté, en donnant à tous les huissiers le droit d'exploiter concurremment et à la confiance publique une entière liberté, votre commission n'a entendu dépouiller le juge de paix du droit qu'ont tous les tribunaux de désigner leurs huissiers-audienciers; seulement ces huissiers n'auront pas un privilége spécial pour tous les actes de cette juridiction: il leur restera les droits d'appel des causes, et les bénéfices que la confiance du juge assure en les désignant ainsi d'avance aux choix de l'opinion publique. Par ces dispositions, le droit qu'ont actuellement les tribunaux de fixer les résidences des huissiers, et l'action disciplinaire .qu'ils exercent, demeurent intacts.

137. Un usage introduit par les juges de paix qui méritent à cet égard toute notre reconnaissance, est celui d'envoyer un avertissement prealable; on a craint qu'une disposition qui rendrait cette mesure obligatoire dans tous les cas et pour tous les magistrats, ne fit dégénérer l'avertissement en une formalité impuissante et vaine. Le préliminaire de la conciliation pour les procès portés devant les tribunaux, prouve suffisamment l'inefficacité des prescriptions de la loi. En laissant facultatif ce que l'on voudrait rendre obligatoire, on a tous les avantages de cette mesure, sans en avoir les inconvénients. Nous avons l'honneur de proposer à la chambre une disposition qui, impérative à l'égard des huissiers, laissera au juge de paix toute liberté pour, dans les cas où il jugera convenable de le faire, avertir dans la forme et selon le mode qu'il croira devoir employer: ces magistrats n'oublieront pas que la conciliation est le plus grand bienfait de leur institution; le bien opéré jusqu'à ce moment doit exciter leur émulation et leur faire concevoir de nobles espérances pour ce qu'il peuvent faire encore.

158. Il existait une disposition qui ne permettait pas aux huissiers de devenir les fondés de pouvoir des parties devant la justice de paix; un grand intérêt le voulait ainsi. Il fallait éviter même le soupçon qu'ils pussent à la fois exciter les parties à plaider pour obtenir quelques frais et attaquer la décision du juge, pour pouvoir faire des profits personnels devant une juridiction supérieure. Comment d'ailleurs supporter la pensée qu'ils plaident devant le juge sans blesser en rien ces sentiments de déférence et de discipline, si nécessaires dans cette juridiction? Comme huissiers, ils doivent obéir; comme procureurs fondés, ils voudront tracer au juge les décisions qu'il doit porter. Ce n'est pas tout le rôle de l'huissier est celui de la neutralité, son ministère est forcé; comment pourrat-il l'exercer envers la partie dont il est le procureur fondé, ou même envers son adversaire, à moins qu'après avoir cité une partie, il ne vienne plaider contre celui à la requête duquel il aura été cité, ou qu'il n'exécute celui qu'il aura défendu? En precisant qu'ils ne pourront exploiter dans les causes dans lesquelles ils seront procureurs fondés, on n'évite qu'une partie des inconvénients. On craint que les procureurs fondés ne soient des recors ou des gens sans aveu; mais le juge a dans le droit de renvoi, dans celui de comparution et dans les observations qu'il peut faire aux parties, tous les moyens d'arrêter celles qui seraient assez imprudentes pour choisir de tels mandataires. Pour complément de ces dispositions, il était utile d'armer le juge de paix d'un pouvoir disciplinaire, l'autorité du magistrat et la considération dont il a besoin exigaient que la décision fùt sans appel. Nous avons consacré ce principe.

139. Les attributions des justices de paix admises, nous avons à examiner la question de savoir si ce tribunal réclame un personnel plus nombreux. Des l'origine de l'institution, des juges électifs furent entourés d'assesseurs. Après des expériences malheureuses, ces assesseurs furent supprimés. Les nouvelles attributions des juges de paix rendent l'élection impossible, quand la charte n'aurait pas réservé au roi le droit de la nonination; et des assesseurs ne sauraient se coordonner avec une justice de conciliation; le choix si difficile pour remplir toutes les considérations d'influence et de savoir, serait à peu près impossible, si, indépendamment d'un juge et de deux suppléants, on devait choisir deux assesseurs pour chaque canton.

440. Le traitement des juges de paix est le même qui fut fixé par la loi du 8 vent. an 6. Que leurs vacations soient réunies à la perception de l'enregistrement, qu'on les supprime; ou bien qu'on leur permette de les conserver pour en disposer en faveur du plaideur malheureux, il y a quelque convenance à fixer le traitement sur d'autres bases, de manière à ce qu'il soit propre à dédommager ce magistrat d'un temps employé à des intérêts généraux sans que jamais il puisse être un motif pour exciter a cupidité des praticiens sans considération et sans talents. - C'est une question qui rentre dans l'examen du budget de l'État, et sur laquelle nous appelons l'attention spéciale de M. le garde des sceaux.

141. Il est aussi une pensée d'ordre public qui a été produite dans des pétitions multi pliées, et qui tend à demander que la résidence au cheflieu de canton, soit obligatoire pour le juge de paix ou tout au moins pour son greffier. D'après la loi en vigeur, le juge de paix est tenu de résider dans le canton. Le chef-lieu n'est pas toujours la ville la plus importante du ressort. Le juge de paix veut veiller à ses affaires domes

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tiques, à une exploitation rurale qui n'offre aucune incompatibilité avec les soins dont il est chargé comme juge: fixer une résidence spéciale dans le chef-lieu serait singulièrement réduire les facilités que l'on trouve pour faire des choix convenables. Il n'y a, d'ailleurs, aucun inconvénient, puisque l'habitation du juge de paix est connue de tout le canton, et que les portes de sa maison sont ouvertes à toute heure aux plaideurs qui viennent lui demander conciliation ou jugement. Ce qui importe, c'est que le juge de paix tienne scs audiences au chef-lieu, et la loi ui en impose l'obligation.

142. Quant aux greffiers, l'art. 5 du tit. 8 de la loi des 14 et 18 oct. 1790 les obligeait à déposer le registre annuel des minutes du juge de paix au greffe du tribunal du district; la loi du 26 frim. an 4 obligea de faire ce dépôt au secrétariat de l'administration du canton; cette administration ayant été supprimée par la loi de l'an 8, des ordres ministériels ont voulu qu'on en fit le dépôt au greffe de la mairie du chef-lieu du canton; mais aucune loi ne le prescrit, et avec l'importance qu'acquiert la justice de paix, il importe que le greffier soit toujours présent, qu'il soit prêt à délivrer les expéditions qui pourraient être réclamées : par suite, la résidence au chef-lieu est désormais pour eux une né cessité.

143. Ces fonctionnaires ont demandé une augmentation de traitement. La chambre a passé à l'ordre du jour sur les pétitions qui lui ont été présentées à ce sujet; et, chose bien remarquable, en même temps que les grefliers des justices de paix demandent, en raison des attributions nouvelles, les greffiers des tribunaux de première instance se plaignent de ce que ces attributions étant transférées à une autre juridiction, leurs émoluments sont considérablement diminués, et ils demandent à leur tour une indemnité. Ce simple exposé suffit pour convaincre la chambre qu'il y a lieu de rejeter les diverses prétentions qui lui sout adressées, d'autant mieux que les greffiers des justices de paix, par l'extension du travail recevront une augmentation considérable d'émoluments.

144. Nous ne nous arrêterons pas à des pétitions des juges de paix de la banlieue, qui demandent à recevoir le même traitement que les juges de paix de Paris, ni à celles qui tendent à augmenter le montant des vacations, soit pour les juges de paix, soit pour les greffiers. Ce serait renverser toutes les idées que de se prêter à cette élévation de droits qui serait appliquée à la classe la plus pauvre et la plus malheureuse de la societé.

145. Qu'on nous permette, avant de terminer, de répondre à quelques autres demandes qui ont été formulées dans les pétitions qui nous ont été renvoyées. Nous citerons, pour mémoire, celle d'un huissier qui demande que l'on établisse un tribunal de commerce par canton, avec appel au tribunal de commerce du chef-lieu; celle de six cents propriétaires de Paris, qui demandent une loi qui abrége les formalités pour arriver à l'expulsion des locataires insolvables en accordant au visa du juge de paix le droit d'expulsion sans signification et par le ministère du commissaire de police; une autre pétition qui demande que les actes des juges de paix soient exempts du timbre; celles qui demandent que toutes les questions d'usufruit et de droits communs soient soumises à la justice de paix. A ce nombre, il faut joindre les pétitions qui veulent attribuer aux juges de paix tous les actes d'exécution et des droits plus étendus sur la compétence. - Nous avons déjà répondu à ces derniers points, et pour les autres, il suffit de les énoncer pour que la solution se présente à tous les esprits.

146. Plusieurs pétitions ont demandé, pour que la conciliation pût s'opérer avec succès, des dispositions précises sur la comparution personnelle des parties, et l'exclusion de tout ce qui tient au barreau, du droit de les représenter comme procureur fondé. Nous croyons qu'il y a quelque chose à faire sur cette question. Tout ce qu'il y a d'honorable dans les rangs du barreau se plaint de ce que, par la faute de quelques hommes, le pouvoir de concilier est devenu une chose impossible; mais il est dans la nature humaine, des choses que l'on peut modifier, mais non pas détruire et nous pensons qu'avec un droit plus positif pour autoriser le juge de paix à refuser l'accès des tribunaux aux parties qui n'auraient pas comparu en personne devant lui, on parviendra à éviter une partie des inconvénients qui ont été signalés.

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147. On demande que, lorsqu'il y a enclave, on attribue au juge de paix le droit de statuer sur les passages de nécessité : il est certain que ces cas sont fréquents, qu'ils sont le résultat de l'humeur ou du caprice qui engagent imprudemment dans une grande contestation; mais c'est ici une action immobilière qui tient à des intérêts trop grands pour pouvoir être confiée à la justice de paix.

148. Un autre magistrat a demandé qu'il y eût incompatibilité entro les fonctions de juge de paix et toute profession lucrative, et qu'on pût être nommé à vingt-cinq ans au lieu de trente. Sur ce dernier point, l'expérience et la prudence du juge, quand il est isolé, sont des conditions nécessaires; c'est grâce à ce calme que l'âge entraîne après lui, que l'on voit des juges de paix conserver la dignité du magistrat au milieu d'un auditoire tumultueux de plaideurs ignorants que le défaut d'éducation a privés du sentiment des convenances. La première question est plus délicate il y a quelque chose de vrai dans l'objection, et cependant il faut

1838. On trouvera le texte de cette loi ci-dessous : nous faisons suivre chaque article de renvois aux divers passages

Bonvenir que tous les exemples qui se présentent offrent des résultats qui tendent à la détruire: on répugne à voir le juge condamner ceux dont il accepté la confiance comme médecin, ou recevoir comme médecin un bonoraire qu'il doit refuser comme magistrat.

149. On a présenté les légalisations des signatures des notaires et des maites, comme devant rentrer dans les attributions de justice de paix. Nous ne contestons pas qu'il n'y ait économie de temps à ces dispositions, mais il y a aussi de graves dangers à multiplier le nombre de ceux qui peuvent rendre authentiques les signatures de certains fonctionnaires. Le nombre des faussaires et leur habileté, aussi bien que les dangers qui menacent l'intérêt public, ne permettent pas de multiplier le nombre des personnes qui peuvent légaliser.

-Plusieurs magistrats et jurisconsultes nous ont soumis d'utiles réflexions qui ont trouvé place dans les diverses dispositions du rapport. D'autres pétitions avaient présenté des idées inconciliables avec les règles les plus communes du droit; plusieurs même offraient des idées incohérentes; et qui auraient fatigué la chambre sans offrir aucun tribut utile à ses méditations; nous n'avons pas cru devoir en faire l'énumération.

(1) 25 mai-6 juin 1858. — Loi sur les justices de paix.

Art. 1. Les juges de paix connaissent de toutes actions purement personnelles ou mobilières, en dernier ressort, jusqu'à la valeur de 100 fr., et, à charge d'appel, jusqu'à la valeur de 200 fr..-V. Exposé des motifs et rapports, no 2, 31 s., 35, 78 s., 107 s.

2. Les juges de paix prononcent, sans appel, jusqu'à la valeur de 100 fr., et, à charge d'appel, jusqu'au taux de la compétence, en dernier ressort, des tribunaux de première instance: - Sur les contestations entre les hôteliers, aubergistes ou logeurs, et les voyageurs ou locataires en garni, pour dépense d'hôtellerie et perte ou avarie d'effets déposés dans l'auberge ou dans l'hôtel; - Entre les voyageurs et les voituriers ou bateliers, pour retards, frais de route et perte ou avarie d'effets accompagnant les voyageurs;-Entre les voyageurs et les carrossiers ou autres ouvriers, pour fournitures, salaires et réparations faites aux voitures de voyage.. V. n° 3, 39 s., 80, 114 s.

3. Les juges de paix connaissent, sans appel, jusqu'à la valeur de 100 fr., et, à charge d'appel, à quelque valeur que la demande puisse s'élever: Des actions en payement de loyers ou fermages; des congés; des demandes en résiliation de baux, fondées sur le seul défaut de payement des loyers ou fermages; des expulsions de lieux et des demandes en validité de saisie-gagerie: le tout, lorsque les locations verbales ou par écrit n'excèdent pas annuellement, à Paris, 400 fr., et 200 fr. partout ailleurs. Si le prix principal du bail consiste en denrées ou prestations en nature, appréciables d'après les mercuriales, l'évaluation sera faite sur celles du jour de l'échéance, lorsqu'il s'agira du payement des fermages; dans tous les autres cas, elle aura lieu suivant les mercuriales du mois qui aura précédé la demande. Si le prix principal du bail consiste en prestations non appréciables d'après les mercuriales, ou s'il s'agit de baux à colons partiaires, le juge de paix déterminera la compétence, en prenant pour basé du revenu de la propriété le principal de la contribution foncière de l'année courante, multiplié par cinq. — V. no 4 s., 34, 41 s., 81 S., 116 s.

4. Les juges de paix connaissent, sans appel, jusqu'à la valeur de 100 fr., et, à charge d'appel, jusqu'aux taux de la compétence en dernier ressort des tribunaux de première instance:-1o des indemnités réclamées, par le locataire ou fermier, pour non-jouissance provenant du fait du propriétaire, lorsque le droit à une indemnité n'est pas contesté; 2° Des dégradations et pertes, dans les cas prévus par les art. 1752 et 1755 c. Cry. Néanmoins, le juge de paix ne connait des pertes causées par incondie ou inondation que dans les limites posées par l'art. 1 de la présente loi.-V. no 43, 84 s., 123.

5. Les juges de paix connaissent également, sans appel, jusqu'à la vaJeur de 100 fr., et, à charge d'appel, à quelque valeur que la demande puisse s'élever -1° des actions pour dommages faits aux champs, fruits et récoltes, soit par l'homme, soit par les animaux, et de celles relatives P'élagage des arbres ou haies, et au curage, soit des fossés, soit des canaux servant à l'irrigation des propriétés ou au mouvement des usines, lorsque les droits de propriété ou de servitude ne sont pas contestés; 2 Des réparations locatives des maisons ou fermes, mises, par la loi, à la charge du locataire; — 3o Des contestations relatives aux engagements respectifs des gens de travail au jour, au mois et à l'année, et de ceux qui les emploient; des maitres et des domestiques ou gens de service à gages; des maîtres et de leurs ouvriers ou apprentis, sans néanmoins qu'il soit dérogé aux lois et règlements relatifs à la juridiction des prud'hommes; 4 Des contestations relatives au payement des nourrices, sauf ce qui est prescrit par les lois et règlements d'administration publique, à l'égard des bureaux de nourrices de la ville de Paris et de toutes les autres villes; 3o Des actions civiles pour diffamation verbale et pour injures publiques eu non publiques, verbales ou par écrit, autrement que par la voie de la presso; des mêmes actions pour rixes ou voies de fait; le tout lorsque les

des exposés des motifs et rapports qui l'ont expliqué (1) 13. Cette loi, pour l'exécution de laquelle des instructions

parties ne se sont pas pourvues par la voie criminelle. — V. no 7, 43 6., 84, 124 s.

6. Les juges de paix connaissent, en outre, à charge d'appel : 1° Des entreprises commises, dans l'année, sur les cours d'eau servant à l'irrigation des propriétés et au mouvement des usines et moulins, sans préjudice des attributions de l'autorité administrative dans les cas déterminés par les lois et par les règlements; des dénonciations de nouvel œuvre, complaintes, actions en réintégrande et autres actions possessoires fondées sur des faits également commis dans l'année;-2o Des actions, en bornage et de celles relatives à la distance prescrite par la loi, les règlements particuliers et l'usage des lieux, pour les plantations d'arbres ou de baies, lorsque la propriété ou les titres qui l'établissent ne sont pas contestés;3o Des actions relatives aux constructions et travaux énoncés dans l'art. 674 c. civ., lorsque la propriété ou la mitoyenneté du mur ne sont pas contestées;-4° Des demandes en pension alimentaire n'excédant pas 150 fr. par an, et seulement lorsqu'elles seront formées en vertu des art. 205, 206 et 207 c. civ. — V. n° 7, 11, 44 s., 85, 126 s.

7. Les juges de paix connaissent de toutes les demandes reconventionnelles ou en compensation qui, par leur nature ou leur valeur, sont dans les limites de leur compétence, alors même que, dans les cas prévus par l'art. 1, ces demandes, réunies à la demande principale, s'élèveraient au-dessus de 200 fr. Ils connaissent, en outre, à quelque somme qu'elles puisseut monter, des demandes reconventionnelles en dommages-intérêts fondées exclusivement sur la demande principale elle-même.-V. n° 8, 46 s.; 86 et 128.

8. Lorsque chacune des demandes principales, reconventionnelles ou en compensation, sera dans les limites de la compétence du juge de paix, en dernier ressort, il prononcera sans qu'il y ait lieu à appel. Si l'une de ces demandes n'est susceptible d'être jugée qu'a charge d'appel, le juge de paix ne prononcera, sur toutes, qu'en premier ressort.Si la demande reconventionnelle ou en compensation, excède les limites de sa compétence, il pourra, soit retenir le jugement de la demande principale, soit renvoyer, sur le tout, les parties à se pourvoir devant le tribunal de première instance, sans préliminaire de conciliation.-V. n° 9, 46 s.; 48 s.;, 87 et 129.

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9. Lorsque plusieurs demandes, formées par la même partie, seront réunies dans une même instance, le juge de paix ne prononcera qu'en premier ressort, si leur valeur totale s'élève au-dessus de 100 fr., lors même que quelqu'une de ces demandes serait inférieure à cette somme. Il sera incompétent sur le tout, si ces demandes excèdent, par leur réunion, les limites de sa juridiction. — V. n° 54, 50, 88 et 129.

10. Dans les cas où la saisie-gagerie ne peut avoir lieu qu'en vertu de permission de justice, cette permission sera accordée par le juge de paix du lieu où la saisie devra être faite, toutes les fois que les causes rentreront dans sa compétence. S'il y a opposition de la part des tiers, pour des causes et pour des sommes qui, réunies, excéderaient cette compétence, le jugement sera déféré aux tribunaux de première instance. V. no 14 s.; 52 et 129.

11. L'exécution provisoire des jugements sera ordonnée dans tous les cas où il y a titre authentique, promesse reconnue ou condamnation précédente dont il n'y a point eu appel. Dans tous les autres cas, le juge pourra ordonner l'exécution provisoire, nonobstant appel, sans caution, lorsqu'il s'agira de pension alimentaire, ou lorsque la somme n'excédera pas 300 fr., et avec caution, au-dessus de celle somme.- La caution sera reçue par le juge de paix. V. nos 56, 91 et 150.

12. S'il y a péril en la demeure, l'exécution provisoire pourra être ordonnée, sur la minute du jugement, avec ou sans caution, conformément aux dispositions de l'article précédent. V. n° 57, 92 et 151,

15. L'appel des jugements des juges de paix ne sera recevable ni ayant les trois jours qui suivront celui de la prononciation des jugements, à moins qu'il n'y ait lieu à exécution provisoire, ni après les trente jours qui suivront la signification à l'égard des personnes domiciliées dans le canton. Les personnes domiciliées hors du canton auront, pour inter jeter appel, outre le délai de trente jours, le délai réglé par les art. 73 et 1055 c. pr. civ.- V. no 17, 58 s.; 95 et 133.,

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14. No sera pas recevable l'appel des jugements mal à propos qualifiés en premier ressort, ou qui, étant en dernier ressort, n'auraient point été qualifiés, Seront sujets à l'appel les jugements qualifiés en dernier res sort, s'ils ont statué, soit sur des questions de compétence, soit sur des matières dont le juge de paix ne pouvait connaitre qu'en premier ressort. Néanmoins, si le juge de paix s'est déclaré compétent, l'appel no pourra être interjeté qu'après le jugement définitif. V. no 61, 94, 154. 15. Les jugements rendus par les juges de paix ne pourront élre alla qués, par la voie du recours en cassation, que pour excès de pouvoir. V. 62, 95 s, 154.

16. Tous les huissiers d'un même canton auront le droit de donner toutes les citations et de faire tous les actes devant la justice de paix. Dans les villes où il y a plusieurs justices de paix, les huissiers exploitent concurremment dans le ressort de la juridiction assignée à leur dence,

ont été données aux procureurs généraux par une circulaire ministérielle, du 6 juin 1838 (1), ne s'est pas bornée à poser les règles de

Tous les huissiers du même canton seront tenus de faire le service des audiences et d'assister le juge de paix toutes les fois qu'ils en seront requis; les juges de paix choisiront leurs huissiers audienciers.-V. nos 18, 63 s., 96, 136.

17. Dans toutes les causes, excepté celles où il y aurait péril en la demeure et celles dans lesquelles le défendeur serait domicilié hors du canton ou des cantons de la même ville, le juge de paix pourra interdire, aux Suissiers de sa résidence, de donner aucune citation en justice, sans ju'au préalable il ait appelé, sans frais, les parties devant lui.-V. n° 15, 33, 65, 90, 137.

18. Dans les causes portées devant la justice de paix, aucun huissier e pourra ni assister comme conseil ni représenter les parties en qualité Se procureur fondé, à peine d'une amende de 25 à 50 fr., qui sera proJoncée, sans appel, par le juge de paix. Ces dispositions ne seront pas applicables aux huissiers qui se trouveront dans l'un des cas prévus par l'art. 86 c. pr. civ. - V. no 65, 97, 158.

19. En cas d'infraction aux dispositions des art. 16, 17 et 18, le juge de paix pourra défendre, aux huissiers du canton, de citer, devant lui, pendant un délai de quinze jours à trois mois, sans appel et sans préjudice de Paction disciplinaire des tribunaux et des dommages-intérêts des parties, s'il y a lieu. — V. no 64 s., 98.

20. Les actions concernant les brevets d'invention seront portées, s'il s'agit de nullité ou de déchéance des brevets, devant les tribunaux civils de première instance, s'il s'agit de contrefaçon, devant les tribunaux correctionnels. V. no 12, 51, 89, 135.

21. Toutes les dispositions des lois antérieures, contraires à la présente loi, sont abrogées. — V. no 68, 100.

22. Les dispositions de la présente loi ne s'appliqueront pas aux demandes introduites avant sa promulgation.

(1) 6 juin 1858. Circulaire de M. Barthe, ministre de la justice et des cultes, aux procureurs-généraux, contenant des instructions pour l'exécution de la loi relative aux justices de paix.

Monsieur le procureur général, l'exécution de la loi sur les justices de paix, récemment promulguee, exige une surveillance particulière. J'appelle sur ce point toute votre sollicitude. Les attributions nouvellement conférées aux juges de paix témoignent de la confiance qui a été accordée à ces magistrats. En se pénétrant du sens de la loi, ils devront apporter un soin scrupuleux à exercer leur compétence entière, sans la dépasser. Dans la décision des contestations plus nombreuses et plus importantes qui leur seront soumises, il faut que, toujours consciencieux, ils s'éclairent par un examen plus attentif encore, s'il se peut, des droits des parfies. De bons jugements préviendront des appels fréquents. Des réformations multipliées, si elles avaient lieu, ne manqueraient pas d'altérer le crédit moral du magistrat. Les bons effets de la loi dépendent de la saine intelligence de ses dispositions et de l'application qui en sera faite. L'expérience prononcera bientôt sur le mérite des innovations que cette loi renferme. C'est aux juges de paix à faire en sorte que celle experience réponde aux vœux des justiciables et à l'espérance du législateur.- Je ne crois pas devoir exposer ici le sens des divers articles de la loi qui remplacent les art. 9 et 10, tit. 5, L. 24 août 1790. Outre que ces dispositions sont claires par elles-mêmes, c'est au droit commun, c'est à la jurisprudence qui s'établira que devra être empruntée la solution des difficultés qui pourront se présenter.-Mais la nouvelle loi renferme quelques dispositions relatives à la discipline et au ministère des huissiers. La haute surveillance des officiers ministériels étant attribuée au chef de la justice, j'ai cru qu'il était utile d'entrer dans quelques explications au sujet des art. 16, 17, 18 et 19.

1. Vous reconnaitrez que la première de ces dispositions déroge à l'art. 28 du décret du 14 juin 1815. L'accroissement de la compétence des juges de paix doit produire ce résultat que plus d'assignations seront données devant cette juridiction. C'est en considération de ce nouvel état de choses, que tous les huissiers dont la résidence est fixéo dans le même canton, acquièrent le droit d'exploiter auprès de la justice de paix, droit qui n'appartenait qu'aux seuls audienciers.-La loi a dù dire comment cette règle s'appliquerait aux villes divisées en plusieurs justices de paix. Quoique les tribunaux de première instance puissent, en exécution de l'art. 19 du même décret, distribuer les huissiers par quartiers, il est d'usage qu'ils n'ont pas recours à cette mesure, parce que l'intérêt de ces officiers ministériels sulit pour les déterminer à fixer leur demeure là où elle doit être le plus à la portée des justiciables. Une telle distribution entraînerait, d'ailleurs, l'inconvénient, si elle devait être prise en considération dans l'exécution de la loi nouvelle, de créer les défauts de qualités et de donner lieu à des moyens de nullité qu'il est essentiel de prévenir. Ainsi, tous les huissiers qui résident dans les villes auront le droit d'y exploiter concurremment auprès des divers juges de paix. Telle serait, au reste, la conséquence de l'absence seule des règlements suivant lesquels ces officiers seraient répartis par quartiers. Dans ces résidences, les jugee de paix trouveront auprès du procureur du roi, du tribunal d'arron

la compétence judiciaire des tribunaux de paix. Après avoir consa cré à cet objet ses dix premiers articles, dont l'examen ya faire la

dissement, et souvent même auprès des magistrats supérieurs, tout l'appui que les circonstances peuvent rendre nécessaire, afin que leur autorité soit toujours respectée et que le nombre des huissiers qui auront droit d'instrumenter devant eux, ne trompe jamais leurs intentions conciliatrices. Le même art. 16 réserve au juge de paix le pouvoir de choisir des huissiers audienciers. Si ces huissiers perdent le privilégo exclusif qui leur appartenait, la confiance du juge les désignera toujours, d'une manière spéciale, à la confiance du public, et la signification des jugements par défaut leur appartiendra, en exécution de l'art. 20 c. pr. Ces avantages continueront probablement à assurer au magistrat l'assis tance habituelle et nécessaire d'un ou plusieurs de ces officiers ministé riels.

2. Beaucoup de juges de paix ont introduit, dans leurs cantons, l'usage des avertissements antérieurs aux citations en justice. Je ne vois que de l'avantage à ce que cet usage soit maintenu là où il existe, et à ce qu'il soit introduit dans les cantons où il n'a pas encore été établi. C'est ain de laisser à cet égard aux juges de paix tout le mérite de l'initiative, et de leur permettre d'apprécier les circonstances dans lesquelles la remise de ces avis serait utile ou superflue, que la loi n'en fait pas une obligation générale. Il était toutefois indispensable de leur conférer le pouvoir de défendre aux huissiers qu'aucune assignation ne fût donnée sans ce préalable, et telle est la disposition de l'art. 17. Lorsqu'une pareille défense aura été faite, deux exceptions seulement dispenseront de l'observer la loi a dù encore les expliquer; c'est d'abord l'éloignement du domicile du défendeur, afin de lui épargner les dépenses du déplacement; ce sont ensuite les cas d'urgence. Tantôt le magistrat lui-même en sera juge, si l'huissier a eu le temps de le consulter; tantôt, si ce temps lui a manqué, sa justification sera dans les faits mêmes qui caractériseront l'urgence, ce sera à lui de bien les apprécier et de n'engager qu'avec discernement sa responsabilité.

3. L'art. 18 est relatif à la comparution devant le magistrat; il est dans l'esprit de l'institution des juges de paix que les parties se présentent autant que possible elles-mêmes. Les lois de l'assemblée constituante voulaient mème que les plaideurs ne fussent ni représentés ni assistés par des personnes attachés à l'ordre judiciaire. Le code de procédure a prononcé, il est vrai, par son art. 9, l'abrogation de cette exclusion, souvent aussi gênante que mal fondée. Et la loi nouvelle ne s'exprime qu'a l'égard des huissiers dont le ministère consiste à servir d'intermédiaire aux deux parties, ce qui ne permet pas qu'ils se constituent les défenseurs de l'une d'elles; il est néanmoins bien essentiel de remarquer que si le procureur fondé qu'elles ont choisi ne paraît pas digne de la mission qui lui a été confiée, le juge conserve toujours le droit d'écarter cette entremise alors inutile ou contraire à ceux qui réclament justice devant lui, le droit commun veut qu'il puisse recourir à tous les moyens légaux pour éclairer sa décision. La comparution personnelle des parties constitue l'un de ces moyens, l'efficacité en est fréquemment décisive, soit pour discerner plus surement la vérité, soit afin d'arriver à une conciliation. Il ne tiendra donc qu'au juge d'ordonner, s'il le croit convenable, cette comparution pour le jour qu'il indiquera, comme il peut prescrire la même mesure lorsqu'il n'est appelé à connaitre de l'affaire en qualité de conciliateur, puisque l'art. 55 c. pr. n'autorise la présence d'un fondé de pouvoir qu'en cas d'empêchement de la partie. C'est encore au magistrat qu'il appartient de décider s'il y a réellement empêchement, si l'excuse est justifiée, si la partie eile-même ne doit pas sur son ordre venir exposer ses raisons.

4. La sanction des art. 16, 17 et 18 se trouve dans l'art. 19. Elle est de deux natures: l'interdiction de donner des assignations devant le juge de paix, et l'exercice ordinaire du pouvoir disciplinaire. Sous ce dernier rapport, la loi se réfère de plem droit, et sans qu'il ait été nécessaire de le déclarer, aux art. 102 et 105 du décret du 30 mars 1808.

Quant à la première sanction, la durée de l'interdiction ne peut être moindre de quinze jours, ni se prolonger au delà de trois mois. Le juge de paix statue, à cet égard, sans appel. Plus cette dérogation à la loi générale, qui veut que les décisions disciplinaires ne soient pas définitives sans mon approbation est grave, plus les juges de paix comprendront qu'il ne faut en user qu'avec une juste réserve; mais aussi ce droit a besoin d'exister avec une étendue nécessaire pour qu'il ait une efficacité réelle. Lorsqu'une ville est divisée en plusieurs justices de paix, l'interdiction ne pouvant être appliquée à toutes les juridictions de cette nature qui sont établies dans la même résidence, la peine qui aura été prononcée produira toujours l'effet moral qui est attaché à de telles décisions. Si la répression ne paraissait pas suffisante, ce serait le cas alors de recourir au pouvoir plus rigoureux qui est réservé, c'està-dire l'action en discipline, telle qu'elle est réglée par le droit commun. Ces instructions me paraissent devoir suffire, dans ce moment, pour assurer l'exécution de la loi sur les juges de paix. Je vous invite à m'informer avec soin des difficultés que pourrait présenter cette exécution, soit quant aux choses, soit quant aux personnes, et à me faire part des mesures que vous croirez propres à les faire disuaraitre.

matière du présent traité, elle établit diverses autres dispositions, dont nous n'avons point à nous occuper ici, si ce n'est pour en signaler le but et pour indiquer les parties de cet ouvrage où l'on en trouvera le commentaire. Ainsi, elle détermine les cas où le juge de paix peut ordonner l'exécution provisoire de ses jugements (art. 11 et 12); - Elle indique ceux de ces jugements qui sont sujets à appel, et le délai dans lequel l'appel doit être interjeté (art. 13 et 14); - Elle désigne la cause unique qui Duisse donner ouverture à cassation contre ces mêmes jugements (art. 15); — Elle établit quelques règles concernant les droits et devoirs des huissiers (art. 16 à 19); — Elle enlève aux juges de paix la connaissance des actions en contrefaçon en matière de brevet d'invention (art. 20). · - Ces dispositions diverses sont expliquées aux mots Appel, Brevet d'invention, Cassation, Huissier, Jugement.

Enfin, la loi de 1838 se termine par les deux articles suivants, qui n'exigent aucune explication: « Toutes les dispositions des lois antérieures contraires à la présente loi sont abrogées (art. 21). - Les dispositions de la présente loi ne s'appliqueront pas aux demandes introduites avant sa promulgation» (art. 22).

14. Avant d'entrer en matière, il convient de faire observer que les attributions du juge de paix en matière civile sont essentiellement distinctes, et doivent demeurer nettement séparées de ses attributions de police. Il excéderait ses pouvoirs si, siégeant comme juge civil, il faisait aucun des actes qui ne lui sont dévolus qu'en sa qualité de juge de police. Ainsi le juge de paix qui s'est transporté sur les lieux contentieux pour la décision d'un procès civil, ne peut s'y déclarer tribunal de police, et, sans autre instruction, y prononcer une peine contre l'une des parties pour un délit dont la preuve est résultée du procès (Cass., 9 therm. an 9, aff. Moreau, V. Instr. crim.). Il ne peut, étant saisi comme juge civil d'une action intentée à raison d'un délit, prononcer une amende, surtout sans observer les règles qui lui sont prescrites dans l'exercice de sa juridiction de police (Req., 12 pluv. an 10) (1). — Il ne peut, par le même jugement, statuer d'abord comme juge de paix sur une question préjudicielle de possession agitée incidemment à la poursuite d'un délit de simple police, et ensuite, comme juge de police, prononcer des condamnations contre le prévenu de ce délit (Cass., 2 therm. an 11, aff. Bernardet,V. Quest. préjud.).—Il ne peut, lorsqu'il est saisi d'une demande tendant au rétablissement d'un chemin réclamé à titre de servitude, convertir d'office cette demande en une action en réparation d'une entreprise faite sur la voie publique, et statuer comme juge de police (Cass., 25 avril 1806, aff. Delescbelle, V. no 28). Enfin il ne peut, jugeant civilement, connaître, même du consentement des parties, de l'opposition à un jugement de police municipale, sous prétexte que l'opposant avait été induit en erreur, par un commandement, sur la nature du jugement et la qualité en laquelle le tribunal l'avait rendu, lorsque d'ailleurs ce jugement lui avait été signifié et que le déclinatoire avait été proposé devant le juge de paix (Cass., 5 oct. 1812) (2). (1) Espèce (Garrier et Leblond.) Le 19 germ. an 9, Leblond et Garrier se présentent volontairement à l'audience civile du juge de paix, et lui soumettent le jugement d'une action en dommages-intérêts que Leblond entendait exercer contre Garrier, comme civilement responsable d'injures et voies de fait commises par ses trois enfants sur la personne de l'enfant de Leblond. - Le juge de paix, jugeant en matière civile, condamne Garrier père à 36 fr. de dommages-intérêts. Mais immédiatement après cette condamnation, l'adjoint, organe du ministère public, requiert une amende de trois journées de travail, et cette amende est prononcée, sans autre forme de procès, contre Garrier, qui n'était même, comme on l'a vu, que civilement responsable.

Pourvoi, de la part du procureur général, en cassation de ce jugement dans l'intérêt de la loi, pour excès de pouvoir et violation des règles de compétence. « Tout, disait-il, est monstrueux dans le jugement dénoncé.

Qui est-ce qui condamne à une amende de 3 fr. 75 cent.? C'est un tribunal de paix, c'est-à-dire un tribunal purement civil, et qui, à ce titre, n'a aucune autorité pour infliger même des peines de simple police. A la demande de qui porte-t-il cette condamnation? Sur les conclusions d'une partie publique qui n'a aucune fonction à remplir dans un tribunal de paix. Comment la porte-t-il? Sans observer aucune des formalités auxquelles il eût été astreint s'il eût jugé comme tribunal de police; sans lecture préalable du procès-verbal du 18 germ. an 9; sans audition des témoins qui avaient déposé dans l'enquête du lendemain; sans citation ni dálenses des trois enfants de Louis Garrier, seuls et véritables prévenus;

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15. La loi des 16-24 août 1790 portait, art. 9, tit. 3: « Le juge de paix connaîtra de toutes les causes purement personnelles et mobilières, sans appel, jusqu'à la valeur de 50 livres, et, à charge d'appel, jusqu'à la valeur de 100 livres. » Cette disposition a été modifiée en ces termes par l'art. 1 de la loi du 23 mai 1838, sur les justices de paix : « Les juges de paix connaissent de toutes actions purement personnelles ou mobilières, en dernier ressort, jusqu'à la valeur de 100 fr., et, à charge d'appel, jusqu'à la valeur de 200 fr. »

La loi nouvelle, comme on le voit, agrandit le cercle de la compétence des juges de paix. Une extension plus considérable avait été proposée par le projet de loi présenté à la chambre des députés en 1835. Ce projet autorisait, avec raison peut-être, les juges de paix à connaître des actions personnelles et mobilières jusqu'à la valeur de 150 fr. en dernier ressort, et, à la charge d'appel, jusqu'à la valeur de 300 fr. On faisait observer, pour justifier cette extension de compétence, que la limite, soit du premier, soit du dernier ressort, ne peut pas être la même aujourd'hui qu'en 1790, soit à cause de la diminution de la valeur du numéraire, soit à cause de l'augmentation de la fortune mobilière de la France. «< On pourrait craindre, il est vrai, disait M. Persil, ministre de la justice, de confier à un seul homme la décision d'intérêts qui, élevés jusqu'à 300 fr., sont d'une haute importance pour la classe pauvre de la société; mais, d'une part, l'expérience montre qu'il y a moins à redouter qu'on ne pense de l'exercice de la justice par un seul homme. La responsabilité qu'il assume sur lui seul garantit plus d'attention, plus de zèle, et donne, par cela même, plus de probabilités à la justice. D'un autre côté, les inconvénients, s'il en existe, sont compensés par la rapidité avec laquelle se terminent les affaires, et par le rare avantage de pouvoir aborder son juge sans se ruiner en frais. Aujourd'hui un procès de la minime quantité de 101 fr. à 300 fr., porté, d'après nos lois, devant les tribunaux de première instance, dure plusieurs mois, et absorbeen faux frais, pour le demandeur, l'objet de son action, et double, pour le défendeur, en frais de toute nature, la somme qu'il est condamné à payer; enfin, ce qui répond à tout, le juge de paix doit juger en dernier ressort jusqu'à concurrence de 150 fr., par la même raison qui a porté nos lois à admettre la preuve testimoniale jusqu'à concurrence de cette somme. Au-dessus de 150 fr., il n'est pas juge souverain; la décision qu'il rendrait pourrait être attaquée par voie d'appel devant les tribunaux de première instance » (Exposé des motifs. Mon. 24 janv. 1855).

Malgré ces considérations, à nos yeux très-puissantes, le gouvernement, cédant aux objections présentées par plusieurs cours d'appel, qui considéraient les intérêts représentés par le chiffre du projet comme trop élevés pour être remis, souvent sans appel sans résumé de l'affaire de la part du commissaire du gouvernement; sans insertion de la loi pénale; en un mot, sans se conformer en rien à l'art. 162 c. des dél. et des pein., dont la moindre inobservation emporte nullite.Pour quelle cause prononce-t-il la condamnation? Pour de simples injures verbales, tandis qu'il existait un procès-verbal qui constatait des blessures, genre de délit beaucoup plus grave, et dont il ne pouvait être pris connaissance que par le directeur du jury. Enfin, contre qui la prononce-t-il? Ce n'est pas contre les prévenus, c'est contre leur père; en sorte que le délit reste impuni pour ses auteurs, et ne reçoit de punition que dans la personne d'un individu qui n'est pas même inculpé.»-Arrêt. LA COUR; - Adoptant les motifs exprimés dans le réquisitoire du commissaire du gouvernement; Casse et annule, pour incompétence et excès de pouvoir, etc.

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Du 12 pluv. an 10.-C. C., sect. req.-MM. Muraire, pr.-Minier, rap (2) (Durand-Morembault C. Pinonce.) - LA COUR; Vu l'art. 17, tit. 2, de la loi du 16 août 1790;-Attendu que, s'agissant de prononcer sur l'opposition à un jugement émané d'un tribunal de police, il n'a pu y être statué par un tribunal civil jugeant civilement; Qu'une pareille incompétence, étant absolue et à raison de la matière, a pu être proposéo en tout état de cause et n'a pu être couverte, même par le consentement des parties; - Qu'en jugeant le contraire, le tribunal de Nevers a interverti l'ordre des juridictions et violé l'art. 17 du tit. 2 de la loi du 16 août 1790; Casse, etc.

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16. On ne saurait prendre à la lettre la disposition de la loi qui attribue aux juges de paix toutes actions purement personnelles n'excédant pas 200 fr. Il ne suffit pas qu'une action soit personnelle pour qu'elle rentre dans la compétence du juge de paix, il faut encore qu'elle soit mobilière. Il est unanimement reconnu que les demandes immobilières sont hors du domaine de ce magistrat, à l'exception toutefois des actions possessoires. V. n° 255.

17. Mais le juge de paix a caractère pour connaître de toute action mobilière n'excédant pas 200 fr., quand même elle ne serait pas personnelle. Il s'était élevé sur ce point, sous la loi de 1790, des doutes résultant de ce que cette loi déférait aux juges de paix << toutes les causes purement personnelles et mobilières, jusqu'à la valeur de 100 livres, » expressions dont on pouvait induire qu'une action devait avoir à la fois le double caractère d'action personnelle et d'action mobilière pour rentrer dans les attributions des tribunaux de paix. On n'ignore pas, en effet, qu'une action mobilière n'est pas pour cela nécessairement personnelle, quand d'ailleurs le défendeur n'est poursuivi qu'à raison de la détention de l'objet réclamé, sans qu'il soit intervenu de sa part aucun engagement personnel. Par exemple, la revendication d'un meuble perdu ou volé, autorisée par les art. 2279 et 2280 c. civ. contre le tiers détenteur qui a acheté cet objet, est une action réelle, quoique mobilière; car ce tiers détenteur n'est tenu qu'en raison de la chose; de même, cette revendication exercée contre le voleur présente les caractères d'une action mixte. - Nous n'avons pas hésité à décider, même sous la loi de 1790, qu'une action mobilière, quoique réelle ou mixte, était de la compétence du juge de paix, quand elle n'excédait pas la valeur de 100 livres.-« Pour peu qu'on interroge la raison, disions-nous, on voit que le législateur n'a pu avoir aucun motif de refuser au juge de paix la connaissance des actions purement mobilières réelles ou mixtes, dont la valeur n'est pas supérieure à celle des actions personnelles dont il lui attribue le jugement, et que, dans la rédaction de l'art. 9, tit. 3 de la loi du 24 août 1790, on s'est servi par erreur de la conjonction et à la place de la disjonctive ou. C'est ce que confirme l'art. 2 c. pr., portant

(1) Espèce: (Laprade C. Delsol.) Laprade cite devant le juge de paix de Salers la demoiselle Delsol, comme héritière tenant et jouissant les biens de feu son père, en payement de 45 fr. dus par celui-ci.-Le 17 juin 1824, jugement de condamnation.-Appel de la demoiselle Delsol, sur le fondement qu'ayant été citée en qualité d'héritière et comme détenant les biens de la succession, il s'agissait d'une action mixte qui était de la compétence des tribunaux ordinaires.-Le 30 août 1825, jugement qui prononce l'incompétence par les motifs suivants; -«Attendu que, d'après l'art. 9, titre 3, de la loi du 24 août 1790, et les art. 2 et 3 c. pr., les juges de paix ne peuvent connaître que des actions purement personnelles et mobilières; que, n'ayant qu'une autorité d'exception, ils ne peuvent statuer que sur les contestations dont la connaissance leur est formellement attribuée par une loi; - Attendu que l'action poursuivie par Laprade ne peut être considérée comme purement personnelle, 1° parce qu'en qualité d'héritière de son père, la demoiselle Delsol ne serait tenue au payement de la dette dont il s'agit que personnellement pour sa part et portion, eu égard au nombre des enfants de Pierre Delsol (c. civ. 875); 2 parce que la demoiselle Delsol ayant été assignée pour le payement de la totalité de la dette en sa qualité d'héritière tenant les biens de son père, et condamnée comme telle, ce n'est évidemment que dans la cause de la détention des biens qu'a pu être puisée l'action tendante à faire payer à la demoiselle Delsol la partie de la dette concernant #c2 cohéritiers, d'où il suit qu'il faut reconnaître une action mixte dans ¡ demande; Attendu que la compétence se détermine par la demande et non par le droit réel du demandeur; Que, s'agissant d'une action mixte, le juge de paix de Salers était incompétent ratione materiæ. »

Pourvoi de Laprade pour violation et fausse interprétation de l'art. 9 de la loi du 24 août 1790 et de l'art: 2 c. pr.-L'action dont il s'agit était, dit-il, purement personnelle, puisqu'elle ne devait s'exercer sur aucun bien. D'ailleurs, on ne conteste pas que l'action contre le père de la demoiselle Delsol fût personnelle. A-t-elle changé par sa mort? Non sans doute; or, dès qu'elle est personnelle et de 45 fr. seulement, elle doit être portée devant le juge de paix. — Arrêt.

TONE XI.

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que la citation doit être donnée devant le juge de paix du domicile du défendeur en matière purement personnelle ou mobilière. Tenons donc que le juge de paix connaît de toute action mobilière (réelle ou mixte), jusqu'à 50 fr. en dernier ressort, et jusqu'à 100 fr. à la charge d'appel. » Ce système cependant n'avait pas obtenu l'assentiment de la cour suprême, qui a décidé, en sens contraire, qu'une action mobilière mixte, telle que celle en payement d'une faible somme, dirigée contre un cohéritier, en qualité de détenteur des biens de la succession, excédait absolument la compétence du juge de paix (Req., 24 août 1826) (1). La loi de 1838 a rectifié celle de 1790, et substitué le mot ou au mot et; aussi n'est-il plus douteux qu'il suffit aujourd'hui qu'une action soit mobiliére, pour qu'il appartienne au juge de paix d'en connaître.

18. En n'attribuant aux juges de paix que les causes purement personnelles, etc., la loi, suivant Carré (de la Compét. civ., t. 2, p. 282), entend leur dénier le pouvoir de statuer sur la demande d'une somme n'excédant pas le taux de leur compétence, dans le cas où il y aurait contestation sur le titre en vertu duque la demande est formée. Mais nous ne saurions admettre cette opinion la contestation sur le titre ne fait pas perdre à l'action son caractère personnel ou mobilier. Le procès ne sortirait du cercle des attributions du juge de paix qu'autant que le titre contesté serait d'une valeur de plus de 200 fr.

19. Bien plus, le juge de paix ne laisse pas d'être compétent pour connaître d'une action personnelle et mobilière de moins de 200 fr., bien que le défendeur oppose une exception dont l'appréciation est subordonnée à l'interprétation des clauses d'un contrat de vente d'immeubles c'est le cas d'appliquer la règle que le juge de l'action est aussi le juge de l'exception. Spécialement, lorsqu'un individu, d'abord propriétaire, puis fermier d'un immeuble, se trouvant poursuivi par le bailleur en payement de 90 fr. pour réparation de coupes de bois, oppose que ces coupes ont été faites avant qu'il fût dessaisi de la propriété de l'immeuble, et que le demandeur n'est pas fondé à s'en plaindre, vu la clause de son titre d'acquisition, en vertu de laquelle il a dû prendre l'immeuble dans l'état où il se trouvait lors de l'adjudication, sans répétition quelconque d'indemnité, le juge de paix, compétent pour connaître de l'action en dommages-intérêts du bailleur, l'est également pour statuer sur l'exception qui y est opposée, c'est-à-dire pour apprécier la clause de l'adjudication immobilière dont il s'agit (Cass., 11 avril 1836) (2).

LA COUR; Attendu que l'action poursuivie par le sieur d'Olivier Laprade contre la demoiselle Delsol ne peut être considérée comme une action purement personnelle, parce qu'en qualité d'héritière de son père, ladite demoiselle Delsol ne peut être tenue au payement de la somme dont il s'agit que pour sa part et portion, eu égard au nombre des enfants de Pierre Delsol, son père, comme le prescrit l'art. 873 c. civ.;- Attendu que, s'agissant d'une action mixte, le juge de paix était incompétent ratione materiæ; Rejette.

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Du 24 août 1826.-C. C., ch. req.-MM. Botton, pr.-Ménerville, rap.

(2) Espèce :- -(Millot C. Bolle.) · Un jugement ordonne la licitation du domaine des Hallais, dépendant de la succession de Bolle. Un article du cabier des charges porte que « l'acquéreur prendra la propriété en l'état où il la trouvera au jour de l'adjudication, sans garantie de l'étendue superficielle ni répétition quelconque d'indemnité pour quelque cause que ce soit. » — 5 avril 1830, adjudication du domaine au profit de Millot. Celui-ci, le même jour, consent verbalement à François Bolle, l'un des vendeurs, un bail d'une maison dépendant du domaine vendu. - A l'expiration du bail, et lors de son déménagement, François Bolle emmène plusieurs voitures de bois façonnés. Millot, prétendant que ces bois proviennent de coupes indûment faites sur le domaine des Hallais, cite Bolle devant le juge de paix en payement de 90 fr., à titre de réparation du préjudice ainsi souffert. Bolle reconnaît qu'au mois de mars 1830, c'est-à-dire à une époque antérieure à l'adjudication, il a abattu sur le domaine des Hallais un arbre sapin et enlevé du bois façonné; mais il prétend n'avoir fait en cela qu'user de son droit de copropriétaire, en vertu de la clause précitée du cahier des charges. Sentence du juge de paix qui condamne Bolle à payer à Millot 54 fr.

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Appel de Bolle qui soutient que le juge de paix était incompétent pour interpréter la clause du cahier des charges. 16 mars 1833, jugement du tribunal de Baume ainsi conçu: « Considérant que Bolle, en prétendant avoir eu le droit de couper les arbres dont s'agit, et en se fondant à cet égard sur le cahier des charges, a élevé une question préjudicielle,

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