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des députés, le projet, après un rapport fait le 6 avril par

torité supérieure et régulatrice peut avoir seule le droit de les casser pour faire rentrer le juge dans le cercle de ses attributions, et qu'il y aurait péril si les nombreux tribunaux répartis sur tous les points de la France pouvaient, par un jugement, atténuer les bases mêmes de la constitution. 97. Art. 18.-La loi du 6-27 mars 1791 avait institué des huissiers audienciers attachés aux juges de paix et pouvant seuls porter les citations et les jugements de leur tribunal; celle du 19 vend. an 4 avait décidé (art. 27) qu'il n'y aurait qu'un huissier par justice de paix; le décret du 13 juin 1813 (art. 28) leur attribua tous les exploits et actes du ministère d'huissier près de ces justices; enfin la loi du 28 flor. an 10 (art. 5) porte au nombre de deux celui des huissiers que pourrait avoir chaque justice de paix. Un grand nombre d'huissiers qui ne participaient pas à ces avantages se sont élevés contre ce qu'ils ont appelé un monopole, prétendant que c'est établir une inégalité entre des hommes fournissant tous le même cautionnement et entraver la liberté du choix des parties. Cet état de choses s'aggraverait encore, disaient-ils, par l'extension nouvelle accordée à la compétence des juges de paix.

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Ces réclamations ont frappé l'autre chambre, et elle a, par son art. 18, étendu aux huissiers de tout le canton le droit de faire les actes de leur ministère devant les justices de paix; mais en détruisant le privilége accordé aux audienciers, on détruisait aussi leurs obligations, et, dès lors, on a dû soumettre tous les huissiers, sans exception, à faire le service des audiences des justices de paix; une sanction pénale a été portée contre les infracteurs de cette obligation. Alors les réclamations se sont élevées en sens inverse. Les huissiers qui voulaient jouir du bénéfice sans supporter les charges se sont récriés contre ces nouvelles obligations; cent cinquante pétitions vous sont arrivées de tous les points de la France. Il fallait cependant assurer le service des juges de paix, et nous ne pouvions séparer le droit du devoir dans les concessions faites aux huissiers.

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D'un autre côté, les juges de paix ont représenté qu'on rendait leurs fonctions impossibles; que quand ils requerraient l'assistance d'un huissier, celui-ci pourrait, pour colorer son refus d'obéissance, prétexter de n'avoir pas reçu l'acte à temps, ou bien il lui parviendrait au moment où il serait occupé à des opérations de nature à ne pouvoir être interrompues sans dommage pour les tiers. L'exécution de la loi était impossible; il était impossible aussi de conserver les audienciers sans leur réserver le dédommagement dont ils avaient joui jusqu'alors. Enfin, il fallait considérer qu'il existait des huissiers audienciers auprès de toutes les autres juridictions, et qu'en les détruisant auprès des juges de paix, on dépouillait ces derniers, les moins favorisés, au profit de ceux qui avaient continué à jouir de leur privilége.

Après un examen attentif des objections et des réponses qui leur étaient faites, votre commission a pensé que l'autorité des juges de paix sur les huissiers serait ébranlée, que le service des tribunaux de paix serait compromis, si on les privait de leurs audienciers, que la discipline hiérarchique et régulière établie par les lois antérieures tournait au profit de l'ordre et de la régularité de la justice et devait être maintenue; mais, en se décidant à vous proposer le rejet de l'art. 18, elle a cru devoir vous demander, en considération de l'extension de la compétence des juges de paix, de leur concéder la faculté de porter à trois le nombre de leurs audienciers dans les départements, et à quatre à Paris.

98. Art. 19. -- Des réclamations aussi nombreuses se sont élevées sur l'art. 19. Il défendait aux huissiers d'assister comme conseil et de représenter les parties en qualité de procureurs fondés; c'était mettre en état de suspicion une classe nombreuse et honorable, la seule qui dans les campagnes ait une connaissance suffisante des lois ; c'était, à leur défaut, ouvrir les portes à ces praticiens avides et ignorants, tant redoutés de l'assemblée constituante, qui, n'ayant pas trouvés de l'emploi dans les villes, seraient venu s'établir près des justices de paix, et se créer des causes à tout prix. Votre commission a pensé qu'il suffirait de borner la prohibition aux huissiers qui auraient exploité dans la cause. Cette disposition, favorable aux huissiers-audienciers, compensera en partie pour eux ce que les besoins du service nous ont portés à leur refuser en rejetant l'article précédent.

99. L'art. 20 n'est qu'une nouvelle sanction ajoutée à celle que porte l'art. 19:

100. Art. 21.-Votre commission a pensé que la forme d'abrogation portée dans l'art. 21 avait ses dangers; que la loi ne se bornait pas à modifier les articles qui y sont cités, qu'elle touchait aussi à beaucoup d'autres dispositions législatives. Elle vous propose donc de vous contenter de ce mode d'abrogation générale employé dans un grand nombre de lois, et de déclarer que toutes les dispositions de lois antérieures à la présente loi sont abrogées.

(1) Rapport fait par M. Amilhau à la chambre des députés (séance du 6 avril 1838).

101. Messieurs..., il existe une institution qui est à la fois chargée de concilier les plus grands intérêts et de prononcer sur les plus minces contestations. Son action sur la société peut être immense; elle dépend de la csidération et de la valeur personnelle des hommes appelés à exercer

M. Amilhau (1), fut discuté les 25, 24 et 25, et adopté à la ma

cette haute magistrature. Le cercle de leur juridiction est restreint aux limites d'un canton; mais leur puissance, comme arbitres volontaires, eet de tous les temps et de tous les lieux. Pour les classes aisées existent des juridictions composées d'un personnel imposant et nombreux; mais avant d'aborder ces involutions de frais et de tribulations, à l'entrée de l'édifice, une voix paternelle vient présenter aux parties des paroles de conciliation et de paix. La classe pauvre et laborieuse n'a qu'un tribunal; mais là aussi, entraîné par son zèle, le magistrat, avant d'être juge, a voulu être médiateur. L'esprit dont il est animé, son autorité morale font la force de l'institution; tout le bien qu'il fait en silence est inconnu, et sa puissance est d'autant plus utile qu'elle s'exerce sans éclat. Loin de nous la pensée de rappeler les lois qui ont constitué les justices de paix et étendu leurs attributions: ces lois ne sont ignorées de personne. Nous essayerons encore moins de faire le parallèle de cette juridiction avec toutes les justices inférieures dont la France était sillonnée avant la loi de 1790, ou avec les grandes justices des comtés, si différentes et si puissantes en Angleterre. Il faudrait toucher à toutes les branches de notre législation civile et criminelle pour offrir des vues d'ensemble sur les fonctions si nombreuses et si diverses successivement attribuées aux juges de paix. Nous ne sommes pas peut-être à une époque où ce travail, d'aile leurs au-dessus de nos forces, pourrait être préparé sans de graves ine convénients. Le seul point sur lequel nous appelions vos méditations, la juridiction civile qui exerce une salutaire influence sur une grande masse d'intérêts. Jusqu'à quei degré est-il utile d'étendre la compétence? telle est la principale question soumise par le projet à notre examen.

est

102. L'assemblée constituante, en réglant les attributions des justices de paix, avait laissé aux pouvoirs qui devaient lui succéder le soin d'étendre la compétence. La cour de cassation, forte de son expérience, demandait cette extension en 1806, et depuis cette époque les chefs de la magistrature, les publicistes, les jurisconsultes et les conseils généraux l'ont réclamée comme étant en harmonie avec nos besoins et avec nos mœurs. Les deux chambres, saisies de cette grande question par des pétitions multipliées, par voie d'initiative de l'un de leurs membres, ou par l'examen des budgets, ont été unanimes dans cette opinion. Cette impression si profonde, si durable, si vive au moment où la pensée en a été réalisée, n'est-elle qu'une illusion de notre esprit, ou bien le temps, qui modifie toutes les résolutions humaines, a-t-il aussi ses caprices? En étudiant avec calme la modification qui s'opéra en 1836, nous sommes demeurés convaincus que, dans cette question, les préoccupations avaient dominé les principes. Aujourd'hui, l'enthousiasme et les premières susce tibilités sont effacés, et on est dans les dispositions convenables pour apprécier et pour adopter les vues sagement progressives consacrées par l'élaboration du projet de loi, au sein de cette chambre et de la chambre des pairs.

105. Ceux qui ne connaissent les justices de paix que par les idées simples du bon et vertueux Thouret sont dans une étrange erreur sur l'importance que reçut dès le principe cette utile institution. La plupart des attributions du projet actuel les plus difficiles à apprécier en droit et en fait (j'ai nommé les actions possessoires) sont écrites dans la loi de 1790. On a bien parlé à ce sujet des déceptions de l'assemblée constituante; mais les législatures successives qui ont ajouté de nouveaux témoignages d'une haute confiance aux attributions premières protestent hautement contre cette assertion. En ce moment, les tribunaux et les cours déléguent les juges de paix pour des opérations qui, au civil, disposent de la fortune au criminel, de l'honneur et de la vie des hommes, etc. Quelle magistrature a rendu plus de services avec moins d'encouragement? Quelle institution a brisé plus de passions et étouffé plus de procès ? C'est le grand honneur de nos lois modernes, que chacun obtienne sur-le-champ bonne et prompte justice; pourtant on brave encore les lenteurs inévitables des tribunaux ordinaires; mais l'homme pauvre, l'habitant des campagnes en appelle à son juge, et, seul avec son droit, il obtient sans retard, et presque sans frais, la solution qu'il réclame.

Il faut aussi faire justice de cette guerre si vive sur les personnes, qui porterait un étranger à croire que le défaut de savoir et d'intelligence est la condition ordinaire d'une magistrature qui rend depuis plus de quarante années de nombreux et importants services. Sans doute, il a pu être commis quelques erreurs dictées par les caprices du pouvoir ou par les influences politiques, mais elles frappent d'autant plus qu'elles sont peu en harmonie avec l'ensemble; le temps et l'amovibilité offrent, d'ailleurs, un sûr remède, et ce n'est pas un motif pour repousser les développements d'une institution utile et appropriée à nos besoins.

104. Après avoir contesté la capacité du juge, on se demande si les procédures et les officiers ministériels ne sont pas des garanties bonnes à conserver, et qui compensent l'augmentation de frais des juridictions élevées. Le temps n'est plus où l'on a pu croire que chaque forme était protectrice d'un droit; la fiscalité du code de 1807 a dépouillé la France de ce préjugé, et tout tend à prouver que les formes les plus simples et les moins dispendieuses sont celles qui conviennent le mieux à la bonne administration de la justice. C'est par ces motifs que nous avons éloigné des justices de paix tout ce qui tient à des difficultés d'exécution qui pou

COMPETENCE CIVILE DES TRIBUNAUX DE PAIX.ART. 1.

jorité de 199 voix contre 35.-La chambre des pairs, en ayant été

vaient la troubler et la compromettre en appelant des intermédiaires d'autant plus dangereux qu'ils n'offriraient aucune des garanties de savoir et de moralité que l'on trouve auprès des tribunaux ordinaires. Que les juges de paix se gardent bien d'oublier que leur principale attribution, c'est le devoir de concilier; rien ne doit les arrêter dans ce noble but. La loi les a armés du pouvoir d'ordonner la comparution personnelle des parties, et de briser toutes les influences qui pourraient les empêcher de remplir, dans toute son étendue, leur honorable mission.

405. Grâce aux attributions nouvelles, l'attention des hommes instruits et considérables s'est portée sur tout le bien que permettent de faire les justices de paix, et sur l'honorable patronage qui devait en résulter. Ceux dont la place est marquée dans les conseils généraux sollicitent des fonctions dont l'importance est mieux appréciée. C'est par une louable émulation qu'ils pensent que le choix du prince les désignera aux suffra-, ges de leurs concitoyens. Faut-il, à ces considérations, ajouter des conditions de capacité, convient-il d'exiger qu'on soit muni d'un diplôme ? La grande majorité de votre commission a repoussé cette prétention; elle a cru que le diplôme n'indiquait pas toujours le savoir, et que, grâce à notre code civil, le droit était devenu aujourd'hui plus familier à tous les esprits. D'ailleurs, ce qui importe avant tout, c'est de choisir l'homme le plus propre à la conciliation: celui qui aura sur son canton une influence légitime, acquise par une conduite honorable, des talents éprouvés et des services rendus au pays. L'amour du bien, un sens plein de juslesse, sont presque toujours supérieurs à cette étude sans application qui n'est souvent qu'un guide mensonger. Sans doute, à conditions égales, l'homme le plus instruit doit être préféré; mais avec l'état de certains de nos départements, il serait impossible de trouver dans quelques cantons des hommes propres à remplir le but que s'est proposé le législateur, si la condition du diplôme était écrite dans la loi. Aujourd'hui que l'éducation publique fait des progrès, on sent le prix des études élevées, et bientôt les garanties que l'on désire seront inséparables de tous les moyens d'influence que nous avons recherchés dans les justices de paix.

Vous nous pardonnerez, messieurs, d'avoir insisté sur ces diverses considérations; elles offrent le moyen de fixer une partie des questions que nous avions à résoudre. Nous allons entrer dans l'examen du projet, et vous acquerrez la conviction que nous avons été préoccupés de la pensée qu'une loi d'organisation est une loi d'expérience, et qu'il importait de ne la tenter qu'avec des données certaines et un assentiment qui lui prêtát force et autorité.

106. En abordant la loi déjà admise par la chambre des pairs, nous devons être frappés de la différence qui existe entre le projet de 1855 et celui de 1858. Par le premier, le juge de paix avait une juridiction complète et ordinaire : c'était peu que l'extension de sa compétence pour les actions personnelles et mobilières, il était juge du fait et du droit, et juge encore de l'exécution; il prononçait en premier degré sur sa propre compétence. Il empruntait aux tribunaux de première instance ses légalisations, les reconnaissances d'écritures et les permissions de saisie, dans certains cas. Par le projet qui vous est soumis, il demeure juge d'exception; aucune des formes compliquées n'approche de son siége. Extension de la compétence actuelle, attributions nouvelles pour les loyers et les fermages, et quelques cas d'urgence où tout le litige est presque en fait: voilà ce que les articles vont vous démontrer.

107. La compétence des justices de paix dans le projet de loi se compose de deux éléments parfaitement distincts: le premier, pris dans l'importance des sommes; le second est puisé, soit dans la nature des contestations, soit dans la qualité des individus, soit dans la spécialité même des actions qu'il s'agit de former.

Le premier de ces éléments constitue le plus grand nombre des contestations: il embrasse les actions personnelles et mobilières. L'attribution ae saurait être contestée, elle est écrite dans la loi de 1790; l'extension da chiffre est seule en question. La commission de 1855 avait triplé la compétence; prenant en sérieuse considération l'opinion des cours et les forces de l'institution, nous avons cru faire suffisamment en élevant le chiffre à 100 fr. pour le dernier ressort et à 200 fr. pour le premier. Celle proposition est celle qui fut faite par la cour de cassation en 1806, et qu'elle a reproduite trente ans après.

Le dernier ressort est déjà accepté par le pays; il n'y a point d'appel des décisions des juges de paix jusqu'à la somme de 100 fr. L'intérêt même des plaideurs leur commande cette reserve, car les frais seraient supérieurs à la valeur du litige.- Quant au premier ressort, il existe un recours. Il soumet, il est vrai, aux deux degrés de juridiction: mais si Pappel est possible, il n'est pas inévitable. L'autorité du juge l'emporte souvent sur le caprice du plaideur et dissipe ses illusions. C'est d'ailleurs la règle dans les résultats généraux que le législateur a dû seulement consulter. Or le chiffre admis est en rapport avec l'augmentation du numéraire, la meilleure distribution des fortunes, l'élévation des salaires et lès habitudes de bien-être répandues dans toutes les classes; ces sortes d'actions offrent des questions simples et d'une solution facile. Tels sont les motifs qui nous ont déterminés à adopter l'art. 1 du projet.

108. Faut-il étendre le bienfait de cette juridiction aux causes c
ΤΟΜΕ ΧΙ,

itérativement saisie le 28 avril, l'adopta, sans discussion, sur

merciales qui seraient dans les limites de la compétence? Cette pensée
s'est présentée un moment à la chambre des pairs, et n'a pas été ac-
cueillie; elle a été reproduite dans des pétitions nombreuses il importo
la cupidité ou à l'exigence des
de l'examiner. On veut mettre un frein
hommes qui exploitent les petites fortunes en modifiant le titre. Ils font
choix de la juridiction, et depuis que la contrainte par corps n'existe
plus au-dessous de 200 fr., il n'y a point de motifs pour's'opposer à celle
proposition. Voilà le système : votre commission le repousse. Pour obvier
à quelques cas exceptionnels, il tend à dénaturer complétement les deux
institutions. Celle des justices de paix, en obligeant le juge à recourir à
des connaissances pratiques et usuelles, et à suivre l'esprit et les opéra-
tions du négoce; et la juridiction commerciale en la constituant tribunal
de deuxième degré chargé de prononcer sur des jugements, des nullités,
des appels et des questions d'évocation qui doivent lui demeurer étrangers;
en un mot, de deux justices spéciales et d'exception on fait deux tribu-
naux ordinaires. Dans l'application combien d'obstacles doivent se pré-
senter! Respectons l'ordre des juridictions, et rejetons une innovation
imprudente qui, à travers quelques avantages douteux, offre d'immenses
inconvénients.

109. On avait proposé d'ajouter à cette compétence, les affaires immo-
bilières d'une minime importance, et dont la valeur serait déterminée par
le chiffre de l'impôt ; mais votre résolution sur la loi relative aux tribu-
naux de première instance a rendu notre tâche facile sur ce point. Il ne
faut pas vouloir régler par approximation ce qui est indéfini de sa nature,
et limiter des intérêts qui sont variables dans leur étendue, dans leurs
rapports et dans les diverses circonstances qui modifient la propriété.
La difficulté de la solution pouvait d'ailleurs être ajoutée aux inconvé-
nients de cette mesure, et c'était, dans toutes les discussions, présenter
à la fois deux litiges: procès sur la compétence, procès sur le fond.
110. On a proposé, en outre, de donner aux juges de paix le droit de
prononcer sur les partages des petites successions purement mobilières,
ou des successions immobilières dont le chiffre est tellement minime qu'il
serait absorbé par les premiers actes de la procédure ordinaire. Les juges
de paix ont, dans la prérogative de la conciliation, dans la faculté que le
législateur a laissée aux parties d'étendre indéfiniment leur compétence,
ou de compromettre, en nommant des arbitres volontaires, tous les
moyens propres à terminer ces déplorables contestations. Ils manqueraient
à leur premier devoir, si, dans ces circonstances spéciales, ils n'usaient de
tous les moyens pour arrêter les plaideurs qui courent à une ruine certaine.
Mais si leurs efforts sont impuissants, on ne peut, sans renverser tous les
principes, leur donner compétence pour suivre les actions les plus compli
quées avec les incidents et les difficultés qui en sont la conséquence. Lors-
que la succession s'ouvre, sa valeur est indéterminée, et il faudrait com-
mencer par en faire l'appréciation. Le juge de paix devra prononcer sur les
actes de dernière volonté, et juger les questions de préciput et de réserve,
de legs et de substitutions, qui ont divisé les cours, et reçu dans la cour de
cassation elle-même des décisions contraires. En réduisant la question aux
successions mobilières, on ne change pas les difficultés. On ne peut donc
admettre ce système sans dénaturer complétement l'institution.

111. Devra-t-on soumettre à la compétence des juges de paix les reconnaissances d'écriture lorsqu'il ne s'élèvera aucune contestation? St n'est question que de l'incident qui se présente devant le juge au moment où l'action est portée devant lui, l'art. 14 c. pr. y a pourvu; s'il s'agit, au contraire, de faire du juge de paix un tribunal de première instance chargé d'authentiquer les actes et de conférer hypothèque, lorsque les parties sont d'accord, elles peuvent se présenter devant un officier public chargé de retenir leurs conventions; et dans le cas où le défendeur est absent, ou refuse de reconnaître, il serait également dangereux d'autoriser à rendre un jugement qui suppléerait à son silence. Sans nous étendre davantage sur ces motifs, puisque la loi y a pourvu, votre commission a rejeté cette proposition.

112. Dans le cours des actions intentées en justice, des femmes, des mineurs ne peuvent procéder sans une autorisation dévolue en ce moment aux tribunaux de première instance. Doit-on changer cette règle qui tient à des principes d'ordre public, et déférer au juge de paix, dans des cas spéciaux, le pouvoir d'autoriser? Nous ne l'avons pas pensé. Si les que les époux sont divisés, le refus du mari est souvent le précurseur époux vivent en bonne intelligence, l'autorisation est de droit; mais lorsde débats domestiques et de séparations légales. Ce n'est plus le mince intérêt du litige qui est en question, c'est l'harmonie des familles, la conservation de la fortune des femmes et des mineurs, et dès lors le débat est trop grand pour cette juridiction.

115. C'est la demande qui doit être la véritable règle de la compétence; mais lorsqu'elle porte sur une valeur indéterminée, faut-il suivre la jurisprudence jusqu'à ce moment consacrée, et renvoyer à des tribunaux d'un ordre supérieur, quoique l'intérêt appréciable soit d'une valeur minime? Les cours ont été divisées sur cette question: selon les unes, c'est l'importance de la demande et la valeur de l'objet en litige qui doit fixer la compétence du juge. Cette valeur est toujours connue quand il c d'une somme d'argent; si c'est une chose indéterminée qui soit en 14

un dernier rapport de M. Gasparin (du 10 mai), à la majorité de

discussion, personne mieux que le demandeur n'est à même de l'évaluer, et pour prévenir tout abus on ajoute l'option donnée au défendeur de livrer la chose réclamée, ou de payer le montant de l'évaluation. Selon les autres cours, et votre commission partage cet avis, on laisse, par ce système, le demandeur maître de la compétence; en cas de défaut d'évaluation, aucune sanction pénale n'est possible. Cette facilité ne tendrait qu'à multiplier les incidents: il faut que les droits du défendeur soient garantis comme ceux du demandeur. On sait que les questions de compétence sont susceptibles d'appel, et dès lors on établirait dans tous les procès deux degrés de juridiction. Ces motifs ont déterminé à conserver la règle adoptée jusqu'à ce moment.

114. Nous arrivons à une compétence qui fixe la juridiction par la naJure même des contestations, ou par la qualité des individus. Les juges de paix prononcent sans appel jusqu'à 100 fr., et à charge d'appel jusqu'au taux de la compétence en dernier ressort des tribunaux civils, sur des actions diverses, dans les cas où la solution doit être prompte, et où de plus léger retard peut causer un préjudice irréparable. De ce nombre sont les contestations entre les hôteliers, aubergistes et logeurs, et les voyageurs ou locataires en garni. L'amélioration du système de nos routes et leur multiplicité, l'économie de temps et de prix dans les moyens de transport et les besoins sans cesse renaissants de l'industrie et de la civilisation, ont rendu la fréquence des voyages un besoin impérieux de notre époque: c'est dans ces causes surtout qu'il importe d'avoir une solution prompte et peu dispendieuse. La nécessité s'en fait sentir tellement de nos jours, que c'est presque par mesure de la police que l'on résout certaines questions. Ces contestations, toutes de fait, sont jugées sur les lieux et à l'instant même. On se pourvoira rarement contre les décisions qui seront ainsi rendues avec tous les moyens d'appréciation. Si, d'ailleurs, la solution pouvait compromettre quelques intérêts au-dessus de 100 fr., tout est réparable.

Aucune difficulté, pour ce qui est relatif aux dépenses d'hôtellerie. L'attribution, quant à la perte d'effets, avait d'abord excité quelques réclamations; mais on a fait remarquer qu'il ne s'agissait que des effets déposés dans l'auberge ou dans l'hôtel, qui accompagnent ordinairement le voyageur. Dans l'état de la jurisprudence, la responsabilité légale des aubergistes est consacrée; c'est sur la foi de leur surveillance et de la moralité de ceux qui les entourent que le dépôt a lieu. Il y a urgence; le retard dans la solution modifierait toutes les dispositions du voyageur, et pourrait porter à ses intérêts un immense préjudice.

Ces questions se reproduisent, lorsqu'il s'agit des contestations entre les voyageurs et les voituriers pour retard, frais de route et perte d'effets accompagnant le voyageur, toujours dans les mêmes limites de compéfence. L'utilité d'une décision prompte, la connaissance des usages locaux, l'obligation de seccnder ce mouvement qui porte tous les hommes à avoir entre eux des communications fréquentes et rapides, tout nous a déterminés à accepter cette disposition.

Les avaries sont sans doute comprises dans la perte d'effets; mais il était besoin de s'expliquer, de peur que l'interprétation littérale de l'article ne portat à renvoyer, sur ce point, devant les tribunaux ordinaires.

115. Devant quel juge seront portées ces demandes, aussi bien que celles de la disposition relative aux ouvriers employés momentanément par les voyageurs? On avait d'abord pensé qu'il fallait que, dans tous les cas, le juge de paix du lieu fût déclaré compétent. Il y avait intérêt à ce que la demande reçût solution à l'instant même. Mais votre commission n'a pas cru devoir déroger à l'ordre ordinaire des juridictions: elle a compris que les droits de l'hôtellier étaient garantis, puisqu'en faisant une saisie-gagerie il pouvait obliger le voyageur à intenter à l'instant son action; mais les droits du voyageur ne le sont pas, si à chaque pas de sa course il peut être distrait de son juge naturel; ces actions peuvent être intentées après le départ du voyageur pour le faire condamner sans être entendu, lorsqu'il sera livré à un voyage de long cours, ou pour le faire retourner d'une extrémité de la France à l'autre. Enfin, votre commission a été déterminée par ce grave motif, qu'il ne faut pas briser ainsi la législation, attribuer une compétence spéciale à chaque cas particulier, et laisser les hommes et les choses dans une incertitude qui n'offre que des embarras.

116. Une heureuse innovation est destinée à mettre un terme à des abus depuis longtemps signalés. Les formes nécessaires pour procurer lo payement des loyers étaient une cause de ruine pour les propriétaires réduits à abandonner leur créance pour obtenir la retraite immédiate du locataire; heureux encore lorsque ce dernier, faisant le calcul des frais que devait coûter son expulsion, n'obligeait pas le propriétaire à acheter cette faveur à un prix moins élevé. Le débiteur honnête et malheureux en était lui-même la victime: la somme des dépens venait s'ajouter au ferme du loyer qui était dû, et ne servait qu'à consommer son malheur en le dépouillant de tout le mobilier, seule ressource de sa famille. Aussi cette disposition vivement réclamée a été accueillie comme un incontestable bienfait, et les limites de la compétence ont été adoptées sans conlestation.

En effet, pour Paris, aucune difficulté sérieuse; l'influence des lumières

100 voix contre 3. Nous avons cru devoir nous abstenir de

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et de la civilisation exerce son action sur tous les pouvoirs et sur toutes les classes de citoyens; mais dans les départements on ne retrouve pas les mêmes garanties: aussi en fixant à 400 fr. la compétence des loyers pour Paris, nous avons réduit cette semme à 200 fr. pour le reste de la France. Ici se présente l'intérêt de l'agriculture pour les fermages, celui du commerce pour les loyers, l'intérêt immense de l'industrie pour les usines; des motifs de célérité, d'économie de frais, se lient à ces grandes considérations.

117. Le juge de paix ne prononce sans appel que jusqu'à 100 fr., et c'est là une barrière qui permet un recours utile. Il est à remarquer que les contestations relatives aux loyers appartiendront principalement aux juges de paix des villes qui connaissent les usages et règles de cette ma tière; et les questions sur les fermages, plus souvent de fait que de droit seront dévolues aux juges de paix des cantons ruraux qui sont sur le lies du litige, et ont sur ces matières des lumières pratiques dont beaucoup de personnes éclairées dans les villes se trouvent dépourvues. La compé tence ainsi expliquée n'offre aucun inconvénient. Il ne faut pas s préoccuper de l'idée que le payement de plusieurs termes de loyers accumulés pourra trop élever la compétence et faire dévier des habitudes de cette juridiction. Ce ne sont que des cas d'exception dans lesquels même la barrière fixée pour le dernier ressort offre toutes les garanties, et le défendeur ne devra imputer qu'à lui-même une extension qu'il aura rendue nécessaire autrement, plus le débiteur serait en demeure, et plus il obtiendrait de priviléges et de délais, plus il exposerait le demandeur à des frais considérables presque toujours sans répétition.

118. Les questions de résiliations de baux ne sont que des questions de fait, lorsqu'on les fonde uniquement sur le défaut de payement de loyers, et la solution en appartient naturellement au juge le mieux placé pour les apprécier, mais elles deviennent des questions de droit qui offrent de grandes difficultés, lorsqu'il s'agit de prononcer sur l'interprétation ou la validité des conventions. Une solution imprudente peut compromettre dés intérêts engagés, tels, par exemple, que la position d'un commerce et le sort d'une industrie: dès lors, il convient de ne pas les laisser dans les attributions du juge de paix. Aussi, nous avons restreint sa compétence au cas où la contestation ne porte que sur le fait du paye ment, et n'offre, par conséquent, dans sa solution aucune difficulté. Nous demeurons, d'ailleurs, dans les termes du droit commun; notre disposition n'impose au juge de paix aucune obligation de prononcer la résiliation dans le cas où il croirait devoir adopter un autre tempé

rament.

119. La validité des saisies-gageries étant une conséquence de l'action en payement des loyers, elles seront presque toujours portées simultanément devant le juge, et il y sera prononcé par une seule et même décision. Cette mesure a pour but d'empêcher la soustraction du mobilier, qui est le gage du propriétaire : elle évite les luttes et les voies de fait. Nous avons écarté tout ce qui pouvait la compliquer, en éloignant les demandes en revendication, et les oppositions qui seraient formées par des tiers.On s'est préoccupé de ce que des valeurs considérables pouvaient être saisies; mais il faut remarquer que cette saisie-gagerie n'est autorisée que dans les limites de la compétence, qu'elle ne s'applique qu'aux petits locataires qui n'ont pas à leur usage un mobilier d'une grande valeur, et qu'elle n'offre pas pour sujet de litige une somme d'une grande impor

tance.

120. Nous avons compris, dans nos dispositions, les baux à colon partiaire usités dans une grande partie de la France. La série de dispositions qui leur sont relatives, et celles qui s'appliquent aux prestations en nature, appréciables ou non appréciables, est due à la première commission de 1833, et n'a donné lieu à aucune observation. On a adopté le principal de la contribution, multiplié par cinq, comme base moyenne; et ici la disposition n'ayant pas pour objet de porter devant le juge de paix une question de propriété immobilière, mais seulement une appré ciation de droits sur les revenus, n'a offert aucun inconvénient.

121. Les baux à cheptel ne sont pas compris dans nos dispositions; leurs conditions sont trop variables, et l'introduction des races d'un grand prix pourrait donner lieu à de sérieuses difficultés, soit pour la valeur soit pour l'interpretation des conventions.

122. Nous n'avons pas besoin de justifier la détermination qui a fait adopter, pour Paris, un chiffre différent de celui des départements; mais on a demandé que d'autres villes fussent placées sous l'empire de la même exception. Ici, messieurs, c'eût été une nouvelle atteinte aux principes d'uniformité, si désirables en matière de législation, qui n'était pas compensée par des avantages véritables. Si l'on s'arrête à des proportions, il faudra descendre à des subdivisions en raison de la population, de l'importance, de la richesse des villes qui seraient classées en catégories, et on ne parviendrait pas à éviter les objections sur les inégalités qui protesteraient contre la fixation déterminée par la loi. C'est donc avec raison que les chambres ont toujours écarté une semblable prétention.

123. L'art. 4 a été admis sans opposition; les indemnités pour nonjouissance étaient déjà dans la loi de 1790, et les Jégradations et les pertes occasionnées par la négligence dueur et des sous-locataires

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124. L'art. 5 reproduit plusieurs des dispositions de l'art. 9, tit. 3, de la loi du 24 août 1790, auxquelles on a ajouté les demandes relatives au payement des nourrices. Deux de ces attributions ont seules été l'objet de uelques observations: on s'est demandé si les contestations entre les ommis et ceux qui les emploient devaient être déférées à la compétence des juges de paix. Ce système tenait à cette préoccupation qui confondait dans la classe des domestiques ou gens de service, les secrétaires, les précepteurs, les bibliothécaires et les commis; mais il n'y a rien de comparable dans ces situations et dans celles qui tiennent au service proprement dit. Les commis reçoivent, presque toujours, un traitement qui excède la compétence des juges de paix; ces procès se compliquent souvent de redditions de comples et de prétentions à une part dans les bénéfices. C'est le peu d'intérêt d'une affaire ou l'impossibilité de certains justiciables de parer aux frais qui ont déterminé à fixer la juridiction; on ne retrouve ici aucun de ces motifs, et, par suite, il n'y a pas lieu d'adopter la proposition.

125. Le dernier paragraphe du même article a été l'objet de graves observations; déjà les injures, les rixes et voies de fait étaient, quant à l'action civile, de la compétence du juge de paix. Le projet ajoute l'injøre écrite et la diffamation verbale: la diffamation non publique est punie comme injure si elle a ce caractère; si elle ne l'a pas, elle demeure impunie; nos lois n'ont pas dû la prévoir, pour ne pas briser toutes les relations sociales. Ici on entre dans une voie qui convient parfaitement à nos mœurs; on tente une grande épreuve en cherchant à civiliser les procès correctionnels ; nous n'hésitons pas à penser qu'elle sera utile. Devant le juge de paix ces sortes de discussions exciteront moins les passions; il y aura moins de publicité, moins de scandale, et par suite la décision n'engendrera pas des baines implacables, et qui ont produit de fâcheux ré sultats. Toutes les fois que la diffamation aura un caractère de gravité et d'importance qui mériteront une répression sévère, on peut s'en reposer sur l'impression de l'homme outragé ; il aura recours à la voie criminelle; si, au contraire, elle be tient qu'à des causes de la nature de celles qui encombrent les tribunaux ordinaires, c'est un bien d'avoir renvoyé à la Justice de paix. Les tribunaux correctionnels deviendront désormais plus sévéres, parce qu'on ne leur présentera que des causes dignes de leur

examen.

L'injure par écrit est aussi soumise à cette même juridiction; on a pensé qu'il fallait éviter de la confondre avec celle qui se produit par la voie de l'impression; le sens de la loi semblait fixé: l'extension qui lui aurait été donnée n'avait jamais été dans l'ordre des dispositions antérieures; la proposition tendant à l'expliquer n'a offert aucun inconvénient. On a également retranché du paragraphe le terme d'expressions outrageantes, parce qu'elles sont comprises, par l'art. 15 de la loi de 1819, dans la définifion de l'injure. L'article, ainsi amendé, a été adopté par votre commis

sion.

126. Nous avons approuvé complétement les dispositions relatives aux actions possessoires, qui sont comprises sous une meilleure définition, les actions en bornage et celles relatives aux constructions et travaux énoncés en l'art. 674 c. civ. Quant aux actions en bornage, qui seules avaient été l'objet d'une critique en 4835, avec la division toujours croissante des propriétés, il importe à l'ordre public que les limites en soient fixées : c'est un moyen d'empêcher les usurpations et d'arrêter les procés. Au reste, c'est lorsque le fond du droit n'est pas en litige que le juge est autorisé à prononcer, et sa décision n'est jamais qu'en premier ressort.

127. Sur l'art. 6, on a dû s'arrêter à ce qui concerne les pensions alimentaires. Sur des réclamations nombreuses, votre commission de 1855 n'avait pas hésité à vous proposer cette innovation; elle avait attribué aux juges de paix la connaissance de toutes les actions en pension alimentaire au premier degré, sans fixer aucune limite à cette compétence. Cette disposition fut attaquée par des considérations fondées sur ce que la paix des familles exige que l'accès des tribunaux ne soit pas rendu trop facile à tous les mouvements d'humeur ou de caprice qui s'élèvent dans leur sein. Ces questions sont d'examen difficile, délicat, et qui a besoin délre apprécié par un pouvoir élevé. Le projet du gouvernement et le vote de la chambre des pairs ont modifié cette opinion; votre juste sollicitude pour le repos des familles vous portera à penser qu'en restreignant à de ages limites la compétence en cette matière, il convient d'évoquer au triSunal de paix et de conciliation tout ce qui tient aux débats domestiques;

ne se décide qu'à la dernière extrémité à engager de semblables dehandes. Faut-il que de vieux parents, chassés par des enfants ingrats, brsque la perte de leurs forces ne leur permet plus de contribuer aux lessources communes, soient condamnés à recourir à la charité publique, parce que les tribunaux sont trop éloignés et les frais trop considérables pour que justice leur soit rendue? N'est-ce pas une honte pour nos lois que leur impuissance dans de semblables cas?.... Le seul juge naturel et possible, c'est le juge de paix. Sous le point de vue pécuniaire, c'est la Juridiction la moins dispendieuse; sous le point de vue moral, c'est la justice domestique paternelle, celle qui a le moins de retentissement, et

J

pairs, prononcé par M. Barthe, le 8 mai 1837, soit le second

évite le plus de scandales; c'est en pareil cas qu'une procédure est plus affligeante encore que dispendieuse. Le juge de paix a la connaissance des personnes, de leur fortune; il a presque toujours sur elle une influence immédiate et directe. Ses conseils et ses exhortations obtiendront un heureux résultat. En faisant un appel à la piété filiale, à la reconnaissance un moment oubliéuse, il saura réveiller la voix de la nature et les plus nobles sentiments du cœur... Devant lui, dans l'intérieur de son cabinet,' les parties comparaîtront sur un simple avis, les récriminations seront moins amères, les refus moins obstinés, les transactions plus faciles; mais il faut s'arrêter dans les possibilités humaines. Si votre loi est bonne pour le vieillard pauvre et infirme délaissé par sa famille, et qui n'a ni la force, ni les moyens d'aller au loin réclamer l'autorité du juge, elle pourrait être imprudente lorsque les pensions alimentaires sont trop élevées. Alors les discussions solennelles et l'éclat des débats précurseurs de déplorables ruptures, sont une affligeante nécessité. L'orgueil et les grands intérêts ne fléchissent pas devant l'autorité d'un seul homme. Il serait à désirer que ces causes n'eussent pas été soustraites, par le législateur, de 1807, à l'essai de la conciliation; on aurait pu commettre le président du tribunal, espérant que son langage aurait plus d'autorité; mais c'est un autre ordre d'idées dont l'examen ne nous est point soumis,

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Votre commission a adopté le chiffre de 130 fr. comme règle de compétence du juge de paix; c'est le minimum de la pension d'admission dans un hospice le juge de paix pourra d'ailleurs concilier cette mesure entre les divers coobligés à fournir la pension, il déterminera le lieu fixé pour Ia retraite; en un mot, toutes les combinaisons permises par les lois et dictées par l'humanité, pourront se négocier en sa présence et par ses soins il faut ajouter qu'à la limite posée par le chiffre, vient se joindre la précision dans la nature des demandes soumises à la justice de paix; ce sont celles qui ont lieu dans des cas spéciaux où l'obligation naturelle a précédé l'obligation civile..

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128. Après avoir épuisé les attributions, nous avons donné aux juges de paix la connaissance des demandes reconventionnelles; ces demandes sont celles que le défendeur introduit incidemment à l'action principale: elles ont pour objet d'éteindre ou de réduire la valeur du titre que l'on oppose; quelquefois même, sans admettre la prétention des demandeurs, d'oble nir satisfaction pour un intérêt particulier. Merlin et Henrion de Pansey ont été divisés sur ces grandes questions. La cour de cassation et les cours royales ont été également en opposition... mais cette même cour de cassation n'ayant plus à appliquer la loi existante, mais à produire ses idees sur une loi nouvelle, a complétement approuvé cette disposition qui, en réglant la compétence, ne considère que le chiffre isolé que présente chacune des parties; il y a intérêt à éviter la multiplicité, des procès, à empêcher surtout les exécutions inutiles qui pourraient être faites par une partie plus préoccupée de son droit que de celuj de son adversaire. Cette disposition a été complétement approuvée par votre commission, et la chambre l'a déjà sanctionnée dans la loi relative aux tribunaax de première instance.

129. Les dispositions de l'art. 8-offrent l'exemple d'une compétence facultative qui n'a pas échappé à notre examen. Les compétences sont de droit rigoureux, mais il ne faut pas abuser du principe; notre législation eu fournit des preuves, dans la faculté d'évoquer devant les cours, des causes qui n'ont pas subi sur certaines parties le premier degré de juridiction; ici, on a voulu éviter les abus de demandes reconventionnelles, qui n'auraient pour but que d'éluder la décision; pour le salaire des ouvriers, le payement des nourrices, la remise des effets d'un voyageur, s'il suffisait d'une exception dont le chiffre serait élevé, pour empêcher le jugement de la demande principale, ce serait une véritable, calamité. D'un autre côté, dans le cas où la question est douteuse, où le défendeur est de bonne foi, il ne faut pas laisser au demandeur la faculté de se livrer à des exécutions prématurées. La cause est portée entièré devant les tribunaux civils, sans aucune sorte de préjudice.

L'art. 9 reproduit l'état actuel de la législation; l'art. 10 règle ce qui est relatif à la saisie-gagerie, conformément aux principes que nous avons déjà exposés.

130. On a souvent signalé le danger des rigueurs de Rexécution provisoire l'art. 17 c. pr. l'ordonne sans cautions jusqu'à la somme de 300 fr.; mais l'extensión d'attribution donnée à cette juridiction porta la commission de 1855 et celle de 1837 à modifier ce principe, età rendre facultatif ce qui était obligatoire. Les cours présentèrent sur ce point des opinions opposées; le gouvernement a pensé, avec la chambre des pairs, qu'il fallait se préoccuper plus vivement des résultats, en évitant ces exécutions de plein droit qui livrent à la discrétion d'uue partie ou d'un huissier, un pouvoir que l'on craint d'accorder au juge. Cette question a été vivement débattue au sein de votre commission; la minorité a soutena les dispositions de l'article; elle s'est fondée principalement sur ce qu'ur jugement exécuté provisoirement est par cela même exécuté définitivement et sur la crainte de donner en réalité à la justice de paix une extension beaucoup plus forte que celle que comporte l'institution.

La majorité de votre commission a pensé que les intérêts qui se pro duisent devant le juge de paix sont de nature à ne pas être laisség

rapport de M. Gasparin, parce qu'ils nous ont paru ne rien

souffrance. On ne doit déclarer l'appel suspensif que lorsque le préjudice résultant de l'exécution est irréparable. Autrement, c'est enlever le bienfait d'une justice sagement expéditive; il paraîtrait assez extraordinaire qu'au moment où l'on propose l'extension de la compétence des juges de paix, on la restreigne en supprimant une disposition qui, depuis 1807, n'a offert aucun inconvénient. Le système contraire tendrait à provoquer des appels indiscrets, et toujours fort coûteux, dans le but unique d'obtenir un délai. Par ces motifs, votre commission a proposé le retour à l'art. 17 c. pr. civ., avec une légère modification relative à la manière dont la caution sera reçue.

131. La disposition de l'art. 12 applique à la justice de paix ce qui a été introduit à l'occasion des ordonnances de référé. Les contestations humaines présentent une multiplicité d'espèces insaisissables, qui ne peuvent entrer dans aucune des définitions du législateur, et pour lesquelles le référé est le seul moyen d'empêcher un préjudice immense, et souvent irréparable. Nous n'avons eu aucune objection à présenter en ce qui concerne la disposition de l'exécution sur minute, applicable à la justice de paix.

152. D'après la législation en vigueur, les tribunaux ordinaires de pleine juridiction ont seuls droit de connaître de l'exécution de leurs jugements. Les juges de paix comme les tribunaux de commerce, juges spéciaux, épuisent leur juridiction en prononçant sur le fond du droit. En 1855, le projet et la commission avaient pensé que ce n'était pas une juridiction complète que celle qui ne connaissait pas de l'exécution de ses décisions. Dans ce système l'action réclame le droit, le jugement le consacre, l'exécution seule le consomme. Il fut l'objet d'une grande diversité d'opinions: quelques cours soutenaient que le bienfait de la juridiction, prompte et sans frais, devenait illusoire, si, sur l'exécution, on devait éprouver les lenteurs et les dépens que la justice ordinaire entraîne à sa suite; mais le plus grand nombre s'éleva contre ce système. On trouva un grave inconvénient à charger les justices de paix de tous les détails que la procédure entraîne apres elle; c'était dénaturer l'institution, lui imposer un fardeau au-dessus de ses forces, et attirer à son tribunal des agents d'affaires sans responsabilité, qui deviendraient le fléau des plaideurs et le désespoir du juge. Comment, d'ailleurs, mettre en action ce nouveau système sans l'intervention d'officiers ministériels responsables, et dont les études offrissent des garanties spéciales pour des formes compliquées ? - Votre commission a pensé, comme le projet de loi, qu'il y avait quelque inconvénient à donner aux juges de paix la connaissance de l'exécution de leurs jugements. Il y a peut-être quelque exagération dans les deux opinions; mais il résulte des observations des cours que rien n'est préparé pour une semblable innovation; on ue rompt pas aussi facilement les babitudes prises, et les dangers signalés ont suffi pour que votre commission repoussât le système qui avait été adopté en 1835.

133. Le délai pour les appels avait toujours paru trop long, en raison de la nature des contestations sur lesquelles il y avait à prononcer. Le pauvre a des intérêts qui ne sauraient demeurer longtemps en suspens;

cela il y a perturbation. Cette disposition, qui réduit à trente jours le délai de l'appel, a été admise sans difficulté.

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134. L'art. 77 de la loi du 27 vent. an 8 doune ouverture en cassation re les jugements en dernier ressort des juges de paix, mais seulent dans le cas d'incompétence et d'excès de pouvoir. Nous avons mainle principe en ce qui concerne l'excès de pouvoir, et nous avons é aux tribunaux de première instance les questions de compétence qui etaient dans les attributions de la cour de cassation.- Nous savons les distinctions et les subtilités qui ont eté présentées sur l'étroite limite qui sépare la compétence de l'excès de pouvoir: les plus grands jurisconsultes ont été divisés d'opinion sur ces questions, et si l'on ne s'arrètait qu'aux frais énormes qu'entraîne un pourvoi, aux lenteurs inévitables qui en font un présent dangereux, peut-être vaudrait-ilmieux condamner les plaideurs à subir l'erreur du juge que de les autoriser à s'en plaindre. Cependant une grande pensée d'ordre public a dù faire maintenir le principe. Les excès par lesquels le juge sort, non-seulement des limites de sa compétence, mais de celles mêmes du pouvoir judiciaire auquel il appartient, lorsqu'au lieu de juger des contestations individuelles, il usurpe les pouvoirs de l'administration, ceux du législateur, et que des empiétements peuvent ainsi se produire sur tous les points de la France et atténuer les bases mêmes de la constitution, il importe qu'une autorité supérieure et régulatrice puisse avoir seule le droit de casser les décisions et de faire rentrer le juge dans le cercle de ses attributions. Quant à l'incompétence, on n'a fait qu'appliquer aux justices de paix les dispositions de l'art. 454 c. pr. civ., déjà en vigueur pour les tribunaux euxmêmes.

135. Avant de nous occuper des huissiers, nous devons parler de ce qui est relatif aux brevets d'invention; la législation en vigueur donne au juge de paix la connaissance des contestations sur les brevets quand il y a trouble aux droits de l'inventeur; on a considéré cela comme une sorte d'action possessoire. Mais dans une matière aussi difficile, lorsque la décision peut compromettre les plus grands intérêts de l'industrie, avec l'essor et la rapidité qui entraînent aujourd'hui tous les esprits vers cette

ajouter d'important à ceux des autres travaux préparatoires

branche de la richesse publique, lorsque de la capitale les inventions sont descendues dans les provinces, où on est moins familier avec ces sortes de matières, il y aurait de l'imprudence à confier à un seul magistrat la solution de ces graves intérêts. Les dispositions du projet nous ont paru sages, et nous les avons adoptées.

156. Nous arrivons à ce qui concerne les officiers ministériels, et sur cette question nous devons avouer que les intérêts se sont produits de toutes parts, et que les observations et les pétitions ne nous ont pas manqué. Il en est parti de tous les points de la France, et les réclamations ont été d'autant plus vives que, jusqu'à ce moment, les dispositions admises par la première commission et par la chambre des députés leur avaient été favorables. Nous avons été peu touchés, messieurs, de ce qui tient à l'intérêt privé des huissiers. La justice n'est, en France, ni un patrimoine ni un privilége: elle se rend dans un intérêt d'ordre public, auquel sont étrangers les avantages plus ou moins grands que peuvent en retirer ceux qui sont chargés de préparer ou d'exécuter ses décisions. Vous le savez, la loi du 27 mars 1791 avait institué les buissiersaudienciers des justices de paix, comme seuls compétents pour les citations et les significations des actes de ce tribunal. L'art. 27 de la loi du 19 vend. an décida qu'il n'y aurait qu'un huissier par justice de paix. La loi de floréal an 10 étendit ce nombre à deux; la loi de 1807 et le décret du 15 juin 1813 leur attribuaient tous les exploits et actes du ministère des huissiers près les justices de paix. Votre commission de 1855 rétablit la libre concurrence; c'est dans cet état que la chambre des pairs a maintenu le système qui avait été en vigueur jusqu'à ce moment. Votre commission a été partagée sur cette question. La minorité a pensé que l'intérêt des justiciables exigeait que les huissiers fussent dans la dépendance des juges de paix; par ce moyen, ce magistral était maître de régler ses audiences sans perturbations: il pouvait empêcher de donner des citations et de faire des frais au gré du caprice ou de l'imprudence des plaideurs. En détruisant ce qu'on nomme le privilége, on rendrait les buissiers plus libres dans leurs obligations; le service des juges de paix ne serait plus assuré, et ces magistrals eux-mêmes ont craint qu'on ne rendit leurs fonctions impossibles: enfin, on fait valoir l'intérêt de ceux qui jouissent actuellement de ce monopole, et qui, par une loi nouvelle, se trouveraient privés de ce qu'on nomme des droits acquis: on ajoute que sur 8,590 buissiers, 2,855 sont déjà attachés aux justices de paix; qu'en portant ce nombre au double, ce serait 2,724 qui demeureraient en dehors de cette répartition: on insiste surtout sur la nécessité de laisser au juge une autorite sur son huissier; il est de la dignité du magistrat d'avoir un huissier toujours prêt à exécuter ses ordres; le juge de paix est rassuré et l'huissier fait mieux quand il est l'objet de son choix. La majorité de votre commission a pensé qu'avant le projet de loi, il avait pu être question de savoir si le privilége devait continuer, mais depuis que les attributions ont été multipliées, il est impossible de soutenir une pareille prétention. L'intérêt des justiciables, et celui de la justice que l'on doit consulter avant tout, exigent que les plaideurs puissent placer librement leur confiance: sans doute ce cercle doit être restreint dans l'intérêt public, mais non pas au point que l'on soit forcé de se servir de celui dont on suspecte l'intelligence ou la loyauté. Il implique que le ministère des huissiers soit forcé, et qu'on n'ait pas le droit de choisir. Tout changement d'attributions dans la compétence conduirait à ce résultat, que les huissiers-audienciers près la justice de paix deviendraient les maîtres de toutes les causes dans les deux juridictions, leur travail aurait triplé, et les autres huissiers seraient dans l'impossibilité de vivre. Tous les huissiers sont égaux; ils méritent tous, aux yeux de la loi, une égale confiance; ils sont investis du même titre, fournissent le même cautionnement, doivent avoir les mêmes pouvoirs. N'y a-t-il pas quelque chose d'exorbitant dans cette prétention, qu'un huissier puisse agir dans la juridiction la plus élevée, c'est-à-dire dans celle où les intérêts sont plus considérables, les frais plus largement rétribués, et la corruption plus à craindre, et que l'on soit envers lui en état de défiance, lorsqu'il s'agit des intérêts les plus minimes et d'une justice presque sans frais. Que les huissiers soient libres de pratiquer les actes d'exécution les plus importants, de faire des actes d'offres d'une valeur indéterminée, de citer devant les tribunaux et les cours, et qu'on leur imprime une sorte de flétrissure et d'interdiction pour citer devant les justices de paix! Il ne faut pas que les justiciables soient exposés à avoir un huissier différent pour chaque juridiction.

On parle de la bonne tenue des audiences, de l'économie dans les frais; mais qui ne sait l'empire qu'exerce la présence continuelle du même homme devant un magistrat? La justice y perd toujours quelque chose de sa dignité, et quant aux frais, le privilége entraîne toujours des abus. Le travail bien réparti, la société est toujours mieux organisée; quelques charges se vendront un peu moins, et ce ne sera pas un grand malheur. On n'a pas à craindre le défaut d'autorité du juge sur les huissiers, ni que les audiences de la justice de paix soient désertes. En fait, dans les campagnes, dans les cantons ruraux, il y a deux à trois huissiers au plus; dans les villes, la présence du ministère public, l'autorité des tribunaux maintiennent les buissiers dans l'ordre de leurs devoirs. Par des

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