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arrivèrent à Marseille portant le capitaine hollandais, son équipage et les effets

sauvés.

Ce capitaine demanda le paiement de son fret à proportion du voyage avancé. On prétendit que les marchandises sauvées ayant été conduites à Marseille, le nolis lui était dû en entier, mais sous la déduction non seulement du nolis relatif aux marchandises perdues, mais encore des 15,000 liv. du fret dû aux cinq petits bâtimens espagnols.

Il répondit que le voyage avait été terminé par la perte du navire; que cependant il n'avait dû rien oublier pour fa conservation de la marchandise; qu'il avait été obligé de louer d'autres bâtimens pour la conduire au lieu de la destination; qu'il serait inique qu'ayant perdu son vaisseau, il fût surchargé d'un nolis qui absorberait le fret qui lui avait été promis; que, d'après le systême qu'on lui opposait, la loi ne serait pas égale. Le capitaine qui ne peut trouver un autre navire, est payé de son fret; pourquoi donc le capitaine qui conserve la marchandise et la conduit dans le lieu de la destination, serait-il ruiné par le fret excessif du navire subrogé? Tel n'est pas l'esprit de l'Ordonnance. Le capitaine n'est obligé de louer un autre navire qu'en qualité de facteur. Il doit alors avoir le choix, ou de demander son fret en entier, auquel cas le fret du navire subrogé est à sa charge; ou de réduire son fret à proportion du voyage avancé, auquel cas le nolis du navire subrogé est à la charge de la marchandise sauvée.

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Ces raisons étaient aussi pressantes que légales. Cependant le tribunal de notre amirauté, ébloui par les articles de l'Ordonnance ci-dessus cités, décida, par sentence du 30 juillet 1748, que les frères Mousse paieraient « les 18,000 liv. de fret, et les deux pour cent de chapeau portés par la chartepartie, sous la déduction du prorata du nolis concernant le riz perdu et submergé, et sous la déduction encore du nolis des bâtimens frétés à Majorque » pour le transport du chargement, lesquelles déductions seraient faites par » experts, et condamna le capitaine aux dépens. »

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M. Valin, art. 11, titre du fret, semble approuver cette sentence. « C'est aussi, ajoute-t-il, ce qui me confirme dans l'idée que le maître, dans le › cas de notre article, ne peut pas être forcé de prendre à fret un autre navire; autrement, nul doute que ce ne fût aux frais des marchands char

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› geurs pour l'excédant du fret convenu entre eux et le maître, à moins qu'il n'y eût en tout cas de l'excès dans la stipulation du fret du navire subrogé, › parce qu'alors le maître serait présumé avoir sacrifié les intérêts des mar54

T. I.

» chands chargeurs, sans l'aveu desquels il ne lui était pas permis d'aggraver leur condition. >

Mais il est beaucoup mieux qu'en pareil cas le capitaine soit, d'une part, obligé de louer un autre bâtiment, et que de l'autre, le surcroît de fret soit pour le compte de la marchandise et des assureurs. Telle est la décision de la déclaration de 1779, art. 9.

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Dans le cas où lesdites marchandises auraient été chargées dans un nou, veau navire, les assureurs courront les risques sur lesdites marchandises jusqu'à leur débarquement dans le lieu de leur destination, et seront en outre tenus de supporter, à la charge des assurés, les avaries des marchandises, les frais de sauvetage, de chargement, magasinage et rembarque⚫ment, ensemble les droits qui pourraient avoir été payés, et le surcroît de ▾ fret, s'il y en a. » (*)

Cet article développe très-bien le véritable esprit de l'Ordonnance.

L'idée d'admettre en avarie grosse le surcroît de fret et autres dépenses, était insoutenable; car il s'agit ici d'un vrai sauvetage, et nullement d'un fait opéré pour le salut commun; et d'ailleurs, si le navire a péri, il n'est pas possible de le faire contribuer à l'avarie. Il est donc naturel que pareil fret soit à la charge de la chose même.

La sentence de notre tribunal aurait été sans doute réformée, si le capitaine Vanstock en eût appelé.

Ce que dit M. Valin au sujet de l'excès dans la stipulation du fret du navire subrogé, concerne plutôt le fréteur que le capitaine. Celui-ci est présumé avoir agi de bonne foi et de son mieux. Si le fréteur, abusant des circonstances, a exigé une promesse excessive de nolis, on peut la faire réduire, sans que le capitaine soit au cas d'être pris à partie, à moins qu'il ne fût complice de la fraude; de quoi il faut avoir des preuves. Vid. Cleirac, art. 4 des Jugemens d'Oléron, no. 7.

CONFÉRENCE,

CXXI. Il en est ici comme du changement de route et de voyage; il faut aussi que le changement de vaisseau ait lieu forcément, soit par suite d'événement de mer, soit par ordre supérieur. Il faut également que l'assuré prouve que ce changement a été nécessité par fortune de mer, etc. ( Art. 350 du Code de commerce). Cet article a suppléé à l'inexactitude

(1) On entend par surcroît de fret ce qu'on paie de plus pour le transport depuis le lieu du sinistre jusqu'à celui de la destination, relativement au premier fret stipulé.

de l'art. 26 de l'Ordonnance, en disant changemens forcés de route, de voyage ou de vaisainsi que nous l'avons fait observer par la note précédente. — (Voyez Pothier, assurances, no. 51).

scau,

Si, par quelque accident ou par la propre volonté de l'assuré, la marchandise n'est pas embarquée, ou si le navire ne part point, ou s'il y a changement de navire sans le consentement des assureurs, le contrat d'assurance est résolu et l'assureur est tenu de restituer la prime, s'il l'a reçue; il lui est seulement alloué le demi pour cent de la somme assurée, par forme d'indemnité. — (Code de commerce, art. 349; Ordonnance de 1681, art. 37, et Assurances d'Amsterdam, art. 22; voyez d'ailleurs Pothier, no. 179 ).

Mais Pothier observe, n°. 181, que ce demi pour cent étant dû pour les dommages et intérêts de l'inexécution du contrat d'assurance par le fait de l'assuré, il s'ensuit que lorsque ce n'est pas par le fait de l'assuré que le contrat d'assurance n'a pas eu son exécution, l'assuré ne doit pas le demi pour cent. Par exemple, si c'est l'incendie du vaisseau par le feu du ciel avant son départ, les assureurs ne peuvent prétendre à ce demi pour cent, car l'inexécution du contrat ne provient pas en ce cas du fait de l'assuré, mais d'une force majeure, dont l'assuré ne peut être tenu, suivant le principe, nemo præstat casus fortuitos, etc. La Cour d'appel d'Ajaccio voulait qu'on fît cette distinction. Le Code de commerce ne l'a pas admise. Il a établi une règle générale; et, comme le dit M. Estrangin, la júrisprudence, conforme à la loi, soumet les assurés à payer le demi pour cent toutes les fois que le contrat d'assurance est ristourné, soit par le fait de l'assuré, soit par toute autre (Voyez M. Estrangin sur Pothier, n°. 181, et M. Locré, sur l'art. 349 du Code

cause.

de commerce).

Mais si le changement de vaisseau, provenant du fait de l'assuré sans le concours de l'assureur, a eu lieu depuis les risques commencés, la prime est acquise à l'assureur, et s'il l'a reçue, il n'est pas tenu de la restituer. (Art. 351 du Code de commerce; Pothier, assurances, no. 71).

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Dans tous les cas, on ne peut, sans le consentement des assureurs et sans nécessité prouvée, changer de navire et faire courir les risques d'un autre vaisseau, quoique aussi bon, ou même plus gros et meilleur. Telle était la jurisprudence, fondée sur l'art. 3, titre des assurances, de l'Ordonnance; telle est encore notre jurisprudence, fondée sur l'art. 332 du Code de commerce, qui veut que la police contienne le nom et la désignation du navire, et cela quand bien même les deux navires eussent péri, parce que, comme le dit Pothier, assurances, no. 69, le contrat d'assurance est résolu de plein droit aussitôt qu'on s'est écarté de la loi du contrat.

Dans le cas de l'application de l'art. 296 du Code, où le navire n'est pas susceptible de subir un radoub, le capitaine doit chercher un autre navire pour conduire les marchandises au lieu de leur destination, comme l'auraient fait eux-mêmes les chargeurs, dont il est le mandataire salarié, parce que d'ailleurs le surcroît de fret sera pour le compte de la marchandise et des assureurs. Il faut ici, avec Emérigon, rejeter l'opinion de Valin et de Pothier. (Voyez les art. 296, 297 et 503 du Code de commerce, et la sect. 8 du tit. 8, tom, a, pag. 398 du Droit commercial maritime).

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$ 1.

Cet accident est-il présumé fatal?

Feu arrivé par cas ortuit.

Feu arrivé par la

faute du maître ou des mariniers.

SECTION XVII.

Feu.

L'ART. 26, titre des assurances, met aux risques des assureurs toutes pertes et dommages qui arrivent sur mer par le feu.

Targa, ch. 65, dit que le feu pris au navire n'est pas un accident présumé fatal, et qu'on doit l'attribuer à la faute de quelqu'un, toutes les fois qu'on ignore d'où il procède: Quandò non consti dell'origine, si attribuisce a qualche colpa.

Telle est la disposition du droit commun: Incendium sine culpâ fieri non potest. L. 11, ff de pericul. et commod. rei vend. Plerumque incendia culpâ fiunt inhabitantium. L. 3, § 1, de offic. præf. vigil.

Cependant l'Ordonnance paraît placer l'accident du feu au rang des cas fatals.

Si les gens ou partie des gens du navire brûlé se sauvent, ils doivent faire leur consulat et exposer la cause de l'incendie.

n'être

Mais si personne ne survit, l'accident sera présumé ou fatal, ou du moins pas arrivé par la faute du maître ou des mariniers. Il peut avoir été causé par le feu du ciel, ou par la faute d'un passager; ce qui suffit pour que les assureurs en répondent.

Il n'est pas douteux que l'accident arrivé par le feu du ciel ou des ennemis ne soit à la charge des assureurs. Straccha, gl. 18. Targa, ch. 56. Scaccia, quest. 1, n°. 135.

Straccha, gl. 18, décide que les assureurs répondent du feu arrivé par la faute des mariniers; mais il parle d'après la formule d'Ancône, suivant laquelle les assureurs sont garans de la baraterie du patron.

Targa, ch. 65, tient le même langage; mais il parle d'après le Satut de Gênes, suivant lequel les assureurs sont déchargés de la seule baraterie proprement dite, et répondent de la faute des mariniers.

«

Il en serait de même à Hambourg, à Rouen, à Nantes et à Bordeaux.

Mais il n'en est pas de même à Marseille. Les assureurs sont tenus du feu, lorsque c'est par un cas fortuit, comme par le feu du ciel, ou dans un com› bat, que le feu a pris au vaisseau; mais si c'était par la négligence ou la faute

» des mariniers, les assureurs n'en seraient pas tenus, à moins que, par une clause particulière, ils ne fussent chargés de la baraterie du patron.» Pothier, n°. 53.

Dans la sect. 14, j'ai parlé du vaisseau hollandais l'Adam, que les Espagnols refusèrent de recevoir à Majorque, et auquel ils mirent feu par la crainte de la peste. Les assureurs payèrent la perte, şans élever aucune difficulté, parce que le capitaine ni son équipage n'étaient point en faute; car la suspicion de la peste est mise au rang des cas fatals. Targa, ch. 56. Casaregis, disc. 121,

n°. 12.

Il en est autrement, si la faute du capitaine y a donné lieu. En voici un exemple qu'on ne peut se rappeler sans douleur: Meminisse horret!

En 1719, le capitaine Jean-Baptiste Chataud, commandant le vaisseau le Grand Saint-Antoine, était parti de Marseille pour le Levant. Il arriva à Smyrne; de là, il fut aux Iles de l'Archipel, ensuite en Chypre, puis à Seyde. Il toucha à Tripoli de Syrie, où il reçut divers passagers turcs. Un de ces turcs mourut. Le chirurgien et trois matelots moururent aussi. Il retourna en Chypre, où il prit une patente de santé. Il toucha à Livourne, où il déclara que divers de ses gens étaient morts de fièvres pestilentielles. Le 25 mai 1720, arrivé dans la rade de Marseille, au lieu de s'arrêter à l'île de Jarre, endroit destiné à la purge des navires contaminés, il vint mouiller à l'île de Pommègue, d'où, par chaloupe, il se rendit au bureau de la santé. Il déclara que divers de ses gens étaient morts de mauvais alimens. Partie des marchandises furent débarquées aux infirmeries. Le garde mis à bord et les portefaix moururent. Alors les intendans de la santé firent passer le navire à l'île de Jarre; mais la peste s'était déjà répandue dans la ville. Il y eut ordre du ministre de brûler le navire; ce qui fut exécuté le 20 septembre d'après.

Le mal contagieux enleva la moitié des habitans de Marseille, et fit dans la province les plus tristes ravages.

Feu arrivé pour cause de peste.

Les assureurs furent attaqués. Parmi leurs moyens de défense, ils s'arrêtèrent principalement à celui tiré de l'inconduite du capitaine. Ce moyen était le seul décisif. Cependant le tribunal de l'amirauté de Marseille, par sentence du 18 décembre 1723, condamna les assureurs à payer les sommes assurées. Mais cette sentence fut réformée par arrêt rendu le 23 février 1725, au rapport de M. de Jouques.

Augeard, tom. 2, pag. 788, rapporte ce même arrêt d'une manière trèspeu satisfaisante. On ne lui avait pas fourni les éclaircissemens convenables; je les ai puisés dans les défenses respectives des parties.

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