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que l'intérêt général des hommes rend la navigation nécessaire, au lieu que la pêche n'intéresse proprement que ceux qui s'y adonnent.

Voilà pourquoi le préteur, par un interdit, avait défendu de rien faire, ni dans la mer, ni au rivage, qui pût nuire à la navigation: Labeo ait competere interdictum ne quid in mare, inve littore, quo portus, statio, iterve navigio deterius fiat. L. 1, § 17, ff de fluminibus, ne quid in flumine publico.

L'Ordonnance de la marine, en déclarant la pêche de la mer libre et commune, prohibe tout ce qui peut nuire à la navigation.

Elle ordonne de démolir les parcs et bouchots, qui se trouvent construits sur les grèves de la mer, à deux cents brasses du passage ordinaire des vaisseaux. Art. 11, titre des parcs.

Elle défend de tendre les guideaux dans le passage ordinaire des vaisseaux, ni à deux cents brasses près. Art. 12.

Elle ordonne d'arracher les pieux établis pour tendre les guideaux qui se trouveront plantés dans le passage des vaisseaux, ou à deux cents brasses près. Art. 13.

Elle enjoint aux propriétaires des madragues de mettre sur les extrémités les plus avancées en mer des hourins, bouées ou gaviteaux. Art. 3, titre des madragues.

« Fait défense de placer aucune madrague ou bordigue dans les ports, ou > autres lieux où ils puissent nuire à la navigation. Art. 4.

Enfin, comme il est impossible de prévoir tous les cas, et de prévenir par le détail tous les inconvéniens, dans une matière où il s'agit d'allier des points souvent disparates, le législateur y a pourvu par une disposition générale.

C'est l'art. 8, titre des madragues, déjà cité. «Ne pourront, les proprié> taires ou fermiers, prétendre aucuns dépens, dommages et intérêts contre les mariniers dont les bateaux auront abordé leurs bordigues, s'ils ne justifient que l'abordage a été fait par leur faute ou malice. Ce qui est dit ici à l'égard des bateaux, doit, à plus forte raison, avoir lieu à l'égard des gros navires.

La sagesse de cette disposition est évidente. La mer est par excellence le partage des vaisseaux; elle est le lien qui rapproche les hommes les uns des autres, et qui forme de tous ensemble une même famille, dont les secours respectifs répondent aux besoins de chacun : Ipsum autem mare sic terram appetens littoribus alludit, ut una ex duabus naturis conflata videatur. Cicéron, de naturâ deorum, lib. 2, cap. 59.

Il est donc convenable que la liberté de la pêche, dont l'objet est borné,

Cable coupé.

$ 6. Récapitulation.

cède à la liberté de la navigation, dont l'objet est universel. S'il est permis de pêcher, c'est pourvu que la navigation n'en reçoive aucune entrave.

Celui qui, s'exerçant à la pêche, jette ses filets, ou établit ses madragues, doit par conséquent agir de manière à prévenir tout obstacle au cours des navires. Il répond sans difficulté du dommage qu'il leur cause.

Si les navires rompent ou emportent ses filets, il ne peut s'en prendre qu'à lui-même, parce que la mer a été faite plutôt pour y naviguer, que pour y pêcher.

Un seul cas excepté : c'est lorsque les filets ou madragues ont été rompus par la faute ou la malice des gens du vaisseau.

Au reste, si l'accident est arrivé par la faute du navire, on se borne à estimer le dommage fait aux filets ou à la madrague, sans avoir égard au poisson qui aurait été pris: Agitur ob retia, non piscium, qui ideò capti non sunt, fieri æstimationem : cùm incertum fuerit an caperentur. L. 29, § 3, ff ad leg. aquil.

Si, pour éviter un naufrage imminent, on coupe les câbles d'un autre navire, on ne répond ni de ce dommage, ni des suites, parce la nécessité à laquelle on ne s'est pas exposé par sa faute, est la plus impérieuse des lois : Labeo scribit, si cum vi ventorum navis impulsa esset in funes anchorarum alterius, et nauta funes præcidissent, si nullo alio modo, nisi præcisis funibus, explicare se potuit, nullam actionem dandam. L. 29, § 3, ff ad leg. aquil. Jugemens d'Oléron, art. 15. Ordonnance de Wisbuy, art. 27. Loccenius, liv. 3, cap. 8, no. 12. Elie Luzac, sur Wolf, § 3, tom. 1, pag. 12.

Tout ce qui vient d'être observé dans la présente section intéresse directement ou indirectement les assureurs.

les as

1o. Lorsque le vaisseau que j'ai fait assurer a été endommagé par le heurt d'un autre vaisseau, ou par une ancre, ou par une madrague, etc., sureurs sont tenus de m'indemniser du dommage souffert, si l'accident est arrivé par cas fortuit. Pothier, no. 50.

2o. Il en est de même si l'accident est arrivé par la faute du maître d'un autre navire; auquel cas je dois céder aux assureurs mes actions contre l'auteur du dommage.

3. Si l'accident est arrivé par la faute du capitaine ou des mariniers du navire assuré, les assureurs n'en répondent point, à moins que par la police ils ne se soient rendus garans de la baraterie du patron,

4. Dans le cas où, judicio rusticorum, le dommage est partagé entre les deux navires, je crois que les assureurs répondent de la part qui compète

au navire par eux assuré. Le doute qui occasionne un pareil partage, ne suffit pas pour les décharger de l'accident, s'ils ne rapportent une preuve capable de détruire la présomption légale établie contre eux.

Si cette preuve était rapportée, dès lors tout doute s'évanouirait; le partage déterminé par l'art. 10, titre des avaries, n'aurait plus lieu, et la cause des assureurs serait décidée d'après la vérité connue; mais tant que le doute subsiste, le dommage partiel doit être remboursé par les assureurs, par cela seul que l'accident est arrivé sur mer dans le tems et les lieux des risques.

CONFÉRENCE.

CXIX. L'abordage est encore mis, par l'art. 350 du Code de commerce, au nombre des accidens de mer à la charge des assureurs. Cependant, pour que les assureurs en soient responsables, il faut qu'il soit arrivé par cas fortuit, comme dans une tempête, ou même par la faute du capitaine de l'autre navire. Les lois et la jurisprudence ont toujours mis à la charge des assureurs tout abordage qui n'a pas pour cause le fait de l'assuré ou du capitaine. Mais le rapprochement des dispositions des art. 350 et 407 semblerait avoir jeté quelques doutes dans l'esprit de plusieurs jurisconsultes.

L'art. 350 paraît avoir voulu corriger l'inexactitude de l'art. 26, titre des assurances, de l'Ordonnance, en disant abordage fortuit.

L'art. 407 distingué trois espèces d'abordages: celui qui arrive par cas fortuit, celui qui arrive par la faute de l'un des capitaines, et celui qui arrive sans qu'on puisse savoir par la faute de qui.

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Dans le premier cas, les dommages sont à la charge des assureurs; dans le second cas, ils sont à la charge du capitaine qui est en faute; dans le troisième cas, les dommages sont réparés à frais communs et par égale portion, par les navires qui l'ont fait et souffert. ( Art. 497).

Mais dans la dernière hypothèse, la portion qui incombera au navire assuré sera-t-elle à la charge des assureurs? Le doute vient de ce que l'art. 550 ne parle que de l'abordage fortuit, et que l'art. 407 ne donne la qualification de fortuit qu'au premier des cas qu'il exprime, et non à celui qui arrive sans qu'on en connaisse la cause.

Nous avons décidé l'affirmative de cette question importante dans notre Cours, tom. 4, pag. 15, et voici nos motifs : Ou l'événement est arrivé par la faute de l'un ou de l'autre capitaine, ou il est arrivé par cas fortuit. Peut-on dire ici que l'abordage a eu lieu par la faute de l'un comme de l'autre capitaine, puisqu'on n'en peut connaître la cause? On sent que la faute ne se présume point; et si la loi ne dit point qu'on imputera ici l'événement à la faute du capitaine, on ne peut donc placer le sinistre dans le cas d'exception. La loi dit, au contraire, que s'il y a doute dans les causes de l'abordage, chaque navire en supportera sa part. La loi considère donc comme les vraies causes du dommage la fortune de mer, la force majeure qui a poussé les navires l'un sur l'autre ; et dans ce cas, la portion qui incombe au navire assuré doit être à la charge des assureurs, qui, par la nature 53

T. I.

du contrat d'assurance, sont tenus de tous les accidens arrivés sur mer, quelque insolites, inconnus ou extraordinaires qu'ils soient. (Voyez d'ailleurs M. Estrangin sur Pothier, n°. 50, des assurances ).

On reviendra sur ces objets en parlant des avaries.

Du reste, les dispositions de l'Ordonnance concernant la liberté de navigation sont toujours en vigueur, et intéressent directement ou indirectement les assureurs, selon que les accidens sont arrivés par cas fortuit, force majeure, ou par la faute du capitaine, ou équipage du navire assuré.

Les assureurs peuvent-ils exciper de la prescription de vingt-quatre heures, établie par l'art. 8, titre des prescriptions, et l'art. 436 du Code de commerce? (Voyez ci-après le chap. 19, sect. 16, conference, tom. 2).

-

Ce changement est-il présumé fatal ?

SECTION XV.

Changement de Route ou de Voyage.

L'ART. 26, titre des assurances, après avoir mis aux risques des assureurs toutes les pertes et dommages qui arrivent sur mer par tempête, naufrage, échouement et abordage, ajoute qu'ils seront également tenus des pertes et dommages qui arrivent par changement de route ou de voyage.

Mais il faut que ce changement de route ou de voyage ait été occasionné par tempête, ou par crainte des ennemis, ou autre cause nécessaire; car la règle générale qui rejette sur les assureurs les accidens arrivés sur mer, est modifiée par une autre règle qui les dispense des pertes arrivées depuis la rupture du voyage.

Vous dites que le navire est perdu. Je réponds que la perte est arrivée après la rupture du voyage assuré. Vous répliquez que le changement de route ou de voyage a été opéré pour cause nécessaire; vous redevenez demandeur en cette réplique, de laquelle vous êtes par conséquent obligé de rapporter la preuve : Actor replicationem suam probare tenetur. Corvinus, C. de probat., pag. 181. Celui qui avance un fait, doit le prouver: Ei incumbit probatio, qui dicit, non qui negat. LL. 1 et 21, ff eod.

Nota. Tout ce qui regarde la route ou le voyage assuré, est trop vaste pour en faire la matière d'une section. Je le traiterai dans le chapitre suivant.

CONFÉRENCE.

CXX. Ainsi que l'art. 26 de l'Ordonnance, l'art 550 de la loi nouvelle met à la charge des assureurs les pertes et dommages qui arrivent par changemens forcés de route, de voyage, etc. - (Voyez aussi les art. 6 et 7 des Assurances d'Anvers ).

Le mot forces, ajouté ici par le nouveau législateur, fait disparaître toutes les difficultés qui s'étaient élevées sous l'empire de l'Ordonnance, qui disait seulement changement de route. Maintenant il n'y a plus lieu à interprétation. Les assureurs ne sont tenus que des pertes et dommages arrivés par changement forcé de route, de voyage, etc., lorsque ce changement a été prouvé nécessaire par l'assuré. (Voyez Valin sur l'art. 26 précité, sur ce que l'on doit entendre par changemens forcés).

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Il y aurait encore changement forcé de route, si le capitaine était obligé de dérouter pour éviter une avanie, ou le paiement d'un péage établi contre le droit des gens.

En parlant des pays du Levant, on désigne par avanie la vexation que les Turcs font à ceux d'une autre religion que la leur, pour en tirer de l'argent. — (Mais voyez ci-après le chap. 13, sect. 14 et 15).

SECTION XVI.

Changement de Vaisseau.

$ 1.

Disposition dur

Vous avez affrété un navire pour le transport de vos marchandises. Le capitaine, sans y être forcé par la nécessité des occurrences, et sans votre con- droit romain. sentement, les charge dans un navire plus mauvais : Easque merces, nullâ, naula, necessitate coactus, in navem deteriorem, cùm id sciret te fieri nolle, transtulit; le dernier navire périt. Vous pouvez attaquer par l'action locati le capitaine avec qui vous aviez contracté, pour le faire condamner à vos dommages et intérêts. C'est la disposition de la loi 10, § 1, ff ad leg. rhod.

Cette loi ajoute que vous ne pouvez vous plaindre de rien, si l'un et l'autre navire ont péri dans la mème navigation: Imò contrà, si modò eâ navigatione utraque navis periit.

Les docteurs ont beaucoup argumenté sur cette loi, ainsi qu'on le verra bientôt.

L'Ordonnance, en l'art. 26, titre des assurances, met aux risques des assureurs le changement de vaisseau; mais cette décision est modifiée articles.

par d'autres

Si le changement de vaisseau est fait sans le consentement des assureurs, avant le risque commencé, l'assurance sera caduque, et la prime restituée. C'est la décision du Guidon de la mer, ch. 9, art. 4, et de notre Ordonnance, art. 27, titre des assurances. Roccus, not. 9.

Si le changement de navire est fait pendant le cours du voyage, sans nécessité, et sans le consentement des assurcurs, ils seront déchargés des risques,

$ 2.

Disposition de l'Ordonnance.

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